Attention, la chasse est ouverte ! Si vous aviez loupé l’info,
Sagan a pris sa retraite. Hormis en cas d’exploit improbable de
Van Aert, le Tour des Flandres va donc s’offrir à un coureur inédit aujourd’hui et les prétendants sont évidemment nombreux. Les deux principaux absents sont
Pidcock et
Romain, qui se focalisent cette année sur les Ardennaises. Le parcours, lui, ne propose « que » 232 kms mais les rendez-vous emblématiques du Monument sont bien là avec comme juge de paix l’enchainement Vieux Quaremont – Paterberg peu de temps après le Koppenberg. La météo est enfin idéale pour les spectateurs toujours très nombreux sur les bords de route. Toutes les conditions sont donc réunies pour que l’échappée soit prisée. Après une grosse lutte,
Piñas,
Le Huitouze,
Bertulezi,
Groves,
Govekar et le néo-pro
De Brul, déjà à l’avant sur l’E3, la composent. En somme, de bons coureurs qui sont contrôlés avec sérieux par les DSM de
Benoot, les BikeExchange de
Pritchett et
Stewart, les Uno-X de
Klaris et
Fredheim, les Ineos de
Slootmaeckers et les Quick-Step de
Biermans et
Fill. L’avance des hommes de tête culmine rapidement à 6 minutes, puis sans qu’on comprenne pourquoi les équipes qui roulent mettent un énorme coup de vis pour revenir à une minute. C’est surtout une énorme… erreur qui donne des idées à de nombreux coureurs. Le saut de puce n’est plus si grand à faire, alors
Meeus part en contre à 140 kms de l’arrivée. Pendant que le peloton a besoin de souffler, d’autres coureurs se dévoilent.
Van Moer,
Malgioglio,
Van Hende et ni plus ni moins que le vainqueur de Gent-Wevelgem,
Stewart, se lancent aussi en chasse. Resté en carafe à une quarantaine de secondes de l’échappée,
Meeus hésite sur la marche à suivre dans cette longue portion plate qui précède le premier mont du parcours. Un peu le cul entre deux chaises, il se fait finalement rattraper, et malheureusement déposer, par les contre-attaquants dans le premier passage du Vieux Quaremont. Dans le peloton aussi, les attaques continuent.
Jacquemin et deux Arkéa,
Doucet et
Turner, reviennent sur
Meeus. Dans la bosse suivante, le belge est encore décroché tandis que
Svrcek,
Dobek,
Sabatier,
Andía et
Madouas accélèrent à leur tour ! Les équipes qui roulaient en tête de peloton sont complètement débordées. Les Alpecin viennent prêter main forte aux Ineos, aux Uno-X et aux Quick-Step pour réduire cet écart déjà remonté à 2’30’’ par rapport au premier groupe. Les Rabobank, eux, sont loin de ces débats et loin d’être acteurs de la course. Alors que
Meeus pète de tous les groupes qui le rattrapent, ses équipiers payent leur mauvais placement au pied du Vieux Quaremont. Ils doivent déjà s’employer pour remonter le peloton, ce qui n’est pas une mince affaire sur ces routes étroites et tournicotantes des Flandres. Dans l’Eikenberg à 107 kms du but, les Uno-X s’agacent de rouler. L’équipe norvégienne envoie
Waerenskjold dans un nouveau contre, accompagné d’
Edmondson, d’
Askey et de
Michotte. À 95 kms d’Oudenaarde, cette phase de course folle s’achève par un regroupement général à l’avant. Ils sont donc 22 coureurs costauds, voire prétendants à la victoire, en tête de course, possédant 1’30’’ de marge sur le peloton.
Dans les monts suivants, l’écart se réduit légèrement, mais moins vite que le contingent du peloton qui fond drastiquement.
Skidan est décroché, lui qui découvrait le Ronde, comme
Barta et les deux pépites de Q36.5,
Kiernan et
Christen. À l’avant, les relais tournent bien et de nombreux équipiers peuvent travailler. Les Groupama sont par exemple trois, les Bora ont leurs deux meilleures cartes devant,
Andía joue son va-tout, et tous assument leurs responsabilités. En tête de peloton, on voit bizarrement
Stannard déjà rouler pour Alpecin. Mais au pied du Vieux Quaremont 40 kms plus loin, le débours du peloton est toujours de 1’20’’. Les Rabobank l’abordent cette fois aux avant-postes, juste devant les Uno-X et les Quick-Step en second rideau. Mais tout ce beau monde est débordé par l’armada Ineos, qui place ses 7 de ses 8 représentants en tête de paquet malgré l’absence de
Pidcock ! Les anglais font exploser
Lührs,
Bissegger et
Geldhof, qui n’y arrive décidément pas sur le Tour des Flandres. Chaque année, le belge n’est même pas un acteur de la dernière heure… Pourtant, le peloton perd des secondes sur l’échappée dans ce mont. Sur le sommet, une énorme accélération de
Tarling et
Paris met
Zingle et
Slootmaeckers sur orbite. Les deux leaders des Ineos tentent de faire la jonction en solitaire. Ils sont impressionnants. Au sommet du Paterberg, le groupe de tête a perdu plusieurs des échappés matinaux mais il compte toujours 17 membres. À une minute, on retrouve
Zingle et
Slootmaeckers. Puis à 1’45’’, un peloton réduit à seulement 27 unités ! Les Uno-X sont les principaux perdants. Loin de la densité démontrée depuis le début de la campagne, il n’y a plus que
Klaris qui accompagne encore les favoris, sans compter
Waerenskjold à l’avant.
Dans le Koppenberg,
Madouas imprime en personne le rythme de l’échappée. Derrière,
Zingle virevolte. En faisant l’effort pour ramener
Slootmaeckers, il décroche en fait son leader belge de sa roue ! Pas loin de rentrer, le français est malheureusement victime des pavés glissants du Koppenberg. Incapable de repartir sur ces pentes extrêmes, il termine de grimper à pied et se fait reprendre par le groupe des favoris, laissant
Slootmaeckers dans une chasse-patate solitaire inconfortable. Les équipes non-représentées à l’avant continuent de se relayer et de perdre des équipiers. Dans le Steenbeekdries,
Brand, qui découvrait lui aussi cette course, est victime d’une crevaison alors qu’il prenait ses premiers relais de la journée. À seulement deux représentants Rabobank dans le groupe de chasse à 41 kms de la ligne,
Maas et
Sheffield se laissent reculer en second rideau. Cela commence à sentir le roussi car l’avance du groupe de tête passe la barre des deux minutes ! Si les équipes du Benelux courent à contretemps, la Groupama-FDJ joue en revanche sur du velours. En effet l’équipe française possède trois représentants dans le groupe de 16 devant avec
Askey,
Madouas et
Le Huitouze, dernier rescapé de l’échappée matinale. Et dans le groupe de chasse,
Van Aert et
van der Poel font de la patinette. Dans le Kruisberg,
Pedersen accélère franchement avec son leader
Benoot,
Del Valle et
Biermans. Ils reprennent
Slootmaeckers qui était toujours intercalé sans pouvoir vraiment poursuivre leur effort.
Maas ramène finalement le reste du groupe, faisant au passage sauter
J.Geldhof, un
Stannard qui avait beaucoup travaillé et le dernier représentant Uno-X,
Klaris. Premier accroc pour Groupama :
van der Poel est quant à lui éliminé sur crevaison. Ce qui fait qu’au sommet, il y a désormais autant de coureurs à l’avant que dans le groupe de chasse : 14 partout ! Et toujours 1’40’’ qui ne parviennent pas à être bouchées. À l’avant,
Madouas (GFC),
Askey (GFC),
Le Huitouze (GFC),
Svrcek (BOH),
Jacquemin (BOH),
Stewart (BEX),
Van Moer (LTI),
Andía (MOV),
Waerenskjold (UXL),
Dobek (DSM),
Sabatier (DAT),
Malgioglio (FAB),
Doucet (ARK) et
Michotte (EFE) y croient plus que jamais. Direction le Vieux Quaremont !
On pouvait s’attendre à un feu d’artifice, mais c’est finalement un statut quo dans l’échappée qui continue de rester unie et au complet. Derrière,
Jan Maas et
Geniets se sacrifient depuis désormais plusieurs kms, malgré la présence de
Stewart à l’avant pour les BikeExchange.
Del Valle,
Benoot,
Fill et
Slootmaeckers font l’effort au pied. Ce quatuor creuse un petit trou mais bute à 1’10’’ de l’échappée. Comme dans le Kruisberg, ils ne parviennent pas à poursuivre leur effort jusqu’au somme.
Galiev prend le relai pour BikeExchange, ramenant les autres favoris en vue de la bascule. Décidément très costaud aujourd’hui malgré sa chasse-patate inutile,
Slootmaeckers en remet finalement une couche stratosphérique dans les derniers hectomètres du Vieux Quaremont.
Sheffield se dévoile enfin et tente de suivre le belge, ce qui se solde par un échec cuisant. L’américain voit l’écart grandir dans la transition vers le Paterberg et se fait même reprendre par neuf autres coureurs menés par l’étonnant
Gautherat pour Décathlon ! Au pied de l’ultime mur de cette édition, le groupe des 14 possède 45’’ de marge sur
Slootmaeckers et 1’06’’ sur dix hommes :
Benoot (DSM),
Del Valle (ADC),
Sheffield (RAB),
Pritchett (BEX),
Van Aert (GFC),
Biermans (QSF),
Fill (QSF),
Moscon (FAB),
Louvel (DAT) et
Gautherat (DAT). Dans le Paterberg, ça attaque enfin ! Alors qu’on se demandait si
Madouas ne travaillait pas pour
Askey depuis tout ce temps, l’anglais étant plus économe de ses efforts, c’est bien le breton qui décroche tout le monde au plus fort de la pente !
Waerenskjold et
Malgioglio sont les seuls décramponnés alors que
Slootmaeckers continue d’être le plus impressionnant : le belge revient sur le groupe de tête ! Les désormais 12 coureurs en chasse de
Madouas pointent à 21’’ du français. Derrière,
Van Aert,
Moscon et
Gautherat ont craqué. Les favoris restants, toujours moins nombreux que le groupe de devant, butent à 32’’ de la contre-attaque et 53’’ de
Madouas. Reste à couvrir les 12 kms tout plat pour rallier Oudenaarde.
Peut-être émoussés, peut-être désorganisés par le retour de
Slootmaeckers ou la présence des deux FDJ qui protègent la fugue de
Madouas, le premier contre perd désormais du temps. Derrière au contraire,
Pritchett,
Del Valle,
Benoot et
Sheffield se donnent sans compter. Vraiment miraculeusement si l’on se rappelle de la situation il y a 15 bornes, le groupe des favoris fait la jonction. Ils sont donc 21 (oui, 21 !) à chasser à 30’’ de
Madouas. De façon un peu étonnante alors qu’il était sûrement le meilleur sprinter du groupe et qu’il ne roulait plus depuis un moment,
Stewart choisit ce moment pour se remettre à la planche. On compte visiblement sur
Pritchett côté BikeExchange, qui a le don de chaque fois surprendre par ses stratégies. Surtout que l’ancien vainqueur de l’E3 et de Gent-Wevelgem est fort : l’anglais fait péter les plus faibles du groupe au train, y compris de gros rouleurs comme
Van Moer,
Del Valle et
Biermans, qui subissent le contrecoup de leur effort pour revenir. À 6 kms de la ligne, ils ne sont plus que 14… revenus à seulement 5’’ de
Madouas. Le breton se retourne, insiste pourtant, et maintient ses poursuivants là, à soixante mètres derrière lui. La tension est à son comble car
Stewart ne parvient pas à boucher ces ultimes secondes ! Il en vient même à demander à son leader de l’aider en sentant l’écart repartir à la hausse ! Il est de 13’’ quand
Pritchett attaque carrément à 3800 mètres de la ligne. Dans sa roue :
Slootmaeckers,
Benoot,
Sheffield et
Louvel. Ou plutôt, presque dans sa roue. Ce quatuor s’est fait légèrement surprendre et personne ne veut boucher ces derniers mètres pour les autres. Derrière, on joue battu. C’est particulièrement décevant pour
Svrcek, pour qui
Jacquemin avait travaillé toute la journée, et particulièrement idiot pour
Andía, qui avait fait beaucoup plus que sa part du boulot malgré son isolement. Sous la banderole des deux kms,
Pritchett est revenu à 5’’ de
Madouas et ses poursuivants sont encore 7’’ derrière. En roulant à fond,
Madouas continue de faire jeu égal avec le quatuor qui en garde un tout petit peu en vue du sprint. Mais
Pritchett écrase lui aussi les pédales et fait la jonction à 500 mètres de la flamme rouge ! Si le duo se regarde, leurs poursuivants ont encore une chance. L’australien l’a bien compris et contre de suite le pauvre
Madouas qui ne se lève même pas de sa selle. Derrière,
Louvel est celui qui en a le moins fait toute la journée, se contentant de suivre les favoris sans placer d’attaque, profitant de ses équipiers à l’avant. C’est désormais lui le plus frais, qui lance le sprint sous la flamme rouge. Les deux belges se rassoient, au contraire de
Sheffield qui revient à hauteur du français. L’américain parvient même à le déborder et à sauter
Madouas sur la ligne ! Après la journée complètement à contretemps des Rabobank, cette deuxième place de dauphin après l’an dernier sort de nulle part ! Mais le grand bonhomme du jour est bien
Campbell Pritchett. Tantôt impressionnant, souvent irrégulier au cours de sa carrière, il devient aujourd’hui le premier australien à remporter le Tour des Flandres ! En bon spécialiste,
Madouas signe quant à lui son quatrième « top 5 » consécutif et même son premier podium en ayant résisté à
Louvel. Mais les regrets seront sûrement immenses tant il a pu croire au meilleur des dénouements. Comme sur les Strade Bianche, son raid solitaire aurait mérité meilleure récompense que la médaille de bronze. Cinquième,
Benoot n’y arrive toujours pas non plus. Le revenant
Jacquemin règle le sprint du peloton devant
Stewart, laissant peut-être encore plus de regrets sur le choix de son leader à Bora. Enfin le français
Sabatier clôture le top 10, symbole d’une grosse densité d’Ag2r qu’on n’attendait clairement pas en l’absence de
Romain. À noter, une fois n’est pas coutume, que la France est la nation la plus représentée dans le top 20 devant la Belgique.