Quelques considérations politiques (politiciennes diraient certains, mais il n'empêche qu'elles influeront nécessairement sur les événements à venir):
- au sein d'Ensemble, si j'ai un peu la flemme de regarder dans le détail les étiquettes au sein des députés Renaissance, on peut au moins déjà noter le bon résultat pour Horizons et pour le Modem, qui comparativement à Renaissance s'en sortent très bien. C'est une victoire pour Bayrou et pour Philippe, Bayrou parce qu'il se replace en figure incontournable de la majorité, et Philippe car la situation actuelle n'est pas pour lui déplaire, lui qui vise 2027.
Si Bayrou a quand même bien vieilli (enfin bien mal vieilli
), il y a au moins un avantage à voir le bloc Modem occuper une place majeure: on peut espérer qu'ils mettront la question de la proportionnelle sur la table. Pour Bayrou, c'est censé être le combat d'une vie. J'ose espérer qu'on puisse au moins compter sur lui pour faire bouger les choses sur la question institutionnelle.
Concernant Philippe, la situation n'est pas mauvaise du tout. Il a sa petite équipe de fidèle, le centre névralgique d'Ensemble a bougé vers la droite et on est dans une situation de blocage potentiel du fait des "extrêmes irresponsables". Toute la logique de la séquence présidentielle-législatives avec les trois blocs avec un rejet des deux blocs "extrêmes" correspond parfaitement et à son position idéologique et à son électorat. Si l'on ajoute à cela le fait qu'une fois de plus les LR vont être écartelés, se perdre dans leurs contradictions et donc être neutralisés, Philippe peut tabler sur une situation chaotique pour émerger comme le seul "sauveur" du camp "modéré et raisonnable". Il peut jouer la figure raisonnable, qui à la fois recomposerait la droite classique et incarnerait aussi la succession macroniste, en plus de sauver la France.
Philippe ne doit pas être triste du tout de la situation actuelle. Macron est impuissant, ce sera le bordel, il y a un futur politique net pour l'espace politique qu'il veut incarner,... tout lui va.
Dans cette logique de son avenir personnel mais aussi par conviction sincère que seule une ligne de droite centriste est valable, tout rapprochement éventuel vers la gauche par la macronie sera saboté, à l'inverse une posture de confrontation et de dénigrement sera préférée. Ce qui ne veut pas pour autant que tout rapprochement vers la droite se passera sans problème. Philippe devra concilier apparence publique positive (pour ne pas heurter ni l'électorat ni les élus) et petits calculs internes pour renforcer sa position (et saboter ses concurrents), ce qui veut dire qu'il veillera à maintenir les LR comme force inutile (i.e. jamais Philippe ne favorisera un accord de gouvernement avec les LR par exemple - parce que ça donnerait trop d'importance aux LR par rapport à lui-, à l'inverse des rapprochements ponctuels - par nécessité politique - sont bien plus avantageux pour lui) et à contenir ses concurrents évidents (Darmanin et Le Maire), donc il ne faut pas que ceux-ci puissent "réussir" (que ce soit au sein de la majorité ou au niveau de l'action gouvernementale).
Ces mêmes concurrents auront eux aussi leur agenda, qui comme Philippe conduit à 2027 et passe par se mettre la droite centriste derrière eux, avec la petite différence que là où Philippe voudra incarner la continuité dans la différence, Darmanin et le Maire tableront plus sur la carte de la succession dans la fidélité, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Quoi qu'il en soit, irrémédiablement les intérêts de tout ce beau monde entrera en contradiction. La "majorité" présidentielle sera forcément un beau bordel car outre les différences majeures existantes (sur tous les plans), le fait que les regards se porteront inévitablement d'abord et avant tout sur l'après-Macron n'invitent pas à l'optimisme: un des premiers risques d'incapacité de la nouvelle Assemblée n'est pas juste une question de fragmentation de l'Assemblée, c'est aussi et surtout une question de fragmentation de la "majorité".
- sur la question de l'avenir de la NUPES, celle-ci a un problème majeur quant à son unité, c'est que la prochaine élection est les élections européennes, soit précisément la ligne de fracture majeure de la NUPES. Ce qui veut dire que la NUPES a devant elle même pas 2 ans avant de se retrouver face à une échéance où les différentes composantes de la NUPES auront à s'affronter.
2 ans, c'est court, très court. Ce qui ne laisse donc pas 40 opportunités niveau calendrier pour la NUPES. Tactiquement ils sont un peu coincés. Forcer une dissolution directe serait s'afficher comme le responsable de la paralysie, le risque de sanction serait fort. Mais à l'inverse, trop attendre veut dire ouvrir un risque de divisions mortel au sein de la NUPES. Le corollaire de tout ça est que cyniquement Macron, lui, a plutôt intérêt à attendre avant de provoquer un retour aux urnes. S'il y a un moment politiquement intéressant pour dissoudre, c'est au moment des européennes.
Juste à partir du point de vue du raisonnement par rapport aux petits intérêts perso, je ne vois donc pas une Assemblée très fonctionnelle