Léon: très juste rappel sur le pangermanisme (même si je lui préfère le terme de nationalisme allemand qui me semble plus correct car plus vaste).
D'un côté on a bien entendu un pangermanisme expansionniste et revanchard qui est au coeur-même de l'idéologie nazie. Une telle idéologie avait bien entendu un fort ancrage au sein de la population. L'honneur de l'Allemagne était en question, et c'est pour quoi il fallait qu'elle retrouve son rôle de grande puissance. Et pour cela, cela passait par réunir tous les Allemands dans un seul et même pays.
Mais ce blabla ne pouvait fonctionner que s'il y avait en face une conscience nationale allemande chez tous les Allemands non présents en Allemagne. Les Allemands d'Autriche, d'Italie, de Roumanie, de Tchéquie,.... tous étaient des Allemands. Leur sentiment national était un sentiment d'appartenance à la nation allemande. Là où l'Autriche-Hongrie fonctionnait bon gré mal gré, la fin de l'Empire a créé des minorités allemands un peu partout et un Etat autrichien réduit drastiquement. Si l'Autriche-Hongrie était leur pays, vivre dans un pays comme la Tchécoslovaquie revenait pour certains à vivre dans un pays étranger.
Et le vrai problème là-dedans c'est que globalement les Allemands ont précisément été dépossédés de leur choix. Comme tu le dis, vanter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes tout en l'interdisant aux Allemands, difficile de commencer plus mal niveau sérénité.
L'Autriche à la chute de l'Empire s'est déclarée partie intégrante de la République allemande, choix rejeté par les vainqueurs de la Guerre qui ont interdit à l'Autriche de rejoindre l'Allemagne. Le Trentin et le Tyrol du Sud sont annexés d'emblée à l'Italie. Les Sudètes voient leur libre choix être également rejeté.
Les populations de ces pays-là n'étaient pas fondamentalement pangermanistes (au sens de vouloir que tous les Allemands soient dans un pays) ni même nationalistes au sein du nationalisme agressif et expansionniste qu'on connaît, ils étaient nationalistes au sens où ils voulaient que leur sentiment national soit simplement pris en compte et respecté, de la même manière qu'il avait été promis aux autres.
Nulle surprise de voir les Autrichiens applaudir l'Anschluss quelques années plus tard. Quelque soit leur sympathie ou rejet forcené d'Hitler, ils voyaient enfin une situation naturelle être corrigée et leur souhait national être validé. Le nationalisme autrichien était alors un nationalisme allemand*, l'idée de nation autrichienne ne représentait alors rien ou presque, au contraire l'idée de nation allemande restait centrale.
Pareil pour les Sudètes. Ignorer des nationalistes modérés, les humilier, cela revenait à alimenter le pire par la suite, à savoir le pangermanisme agressif mais efficace d'un type comme Hitler. A ce titre, Versailles, Saint-Germain en Laye et l'ensemble des décisions des vainqueurs ont une grande part de responsabilité.
*Ce nationalisme allemand bien que désormais très marginal existe encore en Autriche. De nombreuses branches de l'extrême-droite s'en réclament encore, notamment diverses sociétés secrètes d'extrême-droite qui ensuite irriguent le FPÖ. Compliqué de savoir l'état actuel de ces mouvances mais elles n'ont pas disparu.
A noter aussi que l'idée d'une nation autrichienne est donc très tardive et que le sentiment national autrichien ne s'est imposé que tard (et en grande partie par volonté de se démarquer de l'Allemagne nazie. Comme quoi le roman national n'est certainement pas une spécificité française
)