L'ambiance n'est jamais la même lorsque le Giro se présente pour une étape capitale. L'ambiance est plus sérieuse,
Nibali a perdu son sourire de la veille, aujourd'hui pas de place à la rigolade, le Giro pourrait bien basculer cet après-midi. Au départ il n'y a bien que
Arnaud Démare et
Michael Matthews pour plaisanter, tous les deux confient aux médias qu'ils sont bien heureux de ne pas jouer la classement général sur des journées comme celles-ci.
Grand soleil, bonnes températures comme hier mais cette étape sera spéciale. 13ème volet de ce Giro, le Classement Général est déjà décanté mais le suspense est encore largement présent. S'il y a bien un jour qui pourrait prendre le titre de première étape de montagne c'est celle-ci, à côté de l'Alpe di Neggia, le Passo della Calla et le Colle del Lys ne sont que des vulgaires faux-plats. 2 difficultés aujourd'hui : l'Alpe di Neggia pour la première fois sur les routes du Giro, un mur de 13km à 10% de moyenne et le Passo Cuvignone présent 2 fois sur le Giro 2015 et rien depuis. Cette étape italo-suisse est le premier rendez-vous alpestre qu'il ne faudra surtout pas manquer.
Départ plus solennel qu'à l'accoutumé
Nibali a déclaré être confiant hier soir mais selon des sources proches il a peur de
Bernal qu'il considère comme son principal adversaire.
Première sortie du rond-point et le peloton s'agite, Vegni vient de donner le départ de cette 13ème étape. Le moins que l'on puisse dire c'est que le peloton en garde sous la pédale, après 10km on connait déjà l'identité des échappées du jour :
Matthews,
Hirt,
Anacona,
Sütterlin,
König,
Kuznetsov,
Hamilton,
Ciccone,
Démare,
King,
Lambrecht,
Zaccanti,
Canola,
Doubey,
Vliegen,
Degand. Une belle liste de coureurs et surtout des pions déjà visibles chez la Movistar, la Bora ou la Trek. Une belle bataille pour le maillot Cyclamen et de grimpeur en perspective. D'ailleurs on arrive vite à la première explication du jour : le sprint intermédiaire de Maggiora :
Démare plus puissant passe devant
Matthews. L'ambiance est bonne chez ceux qui ont déjà perdu à l'avant, ça blague entre
Démare et
Matthews, le français confie aux motos qu'il n'y a pas de petit gain.
5 minutes d'avance, c'est le maximum autorisé pour l'échappée aujourd'hui et c'est au kilomètre 96 qu'il est atteint, à partir de là la Sky et la Bahrain se mettent à vraiment travailler, le peloton roule très vite. On aimerait pourtant que la course ralentisse puisque depuis plusieurs kilomètres on longe la merveille du Lac Majeur, qui avec ce soleil doit faire des envieux parmi le peloton. Sûrement le cas pour
Formolo victime d'une crevaison dans Macagno, à 20km du pied de l'Alpe di Neggia. Un aléas plutôt rare sur ce Giro mais sans conséquence aussi, l'italien rentre dans les voitures et part chercher sa place dans le peloton.
Kilomètre 121, la pression monte, l'échappée traverse la douane avec un peu plus de deux minutes d'avantage sur le peloton et les hélicoptères se focalisent déjà sur la prochaine difficulté. Il reste 10km pour souffler, s'économiser avant d'entrer dans une des difficultés les plus terribles de ce Giro. A l'avant plus de relais de
Démare et
Matthews les deux discutent à l'arrière et c'est désormais
Sütterlin qui jette ses dernières forces pour permettre à
Anacona de commencer l'Alpe avec le plus gros avantage possible.
Entrée dans Vira, pied de l'Alpe,
Sütterlin au sprint s'écarte juste avant l'équerre droite, on passe sous un pont, et là la route s'élève d'un seul coup, un virage à 5% puis on grimpe aux 9% qu'on ne lâchera plus. D'un seul coup
Démare,
Matthews,
Sütterlin,
Vliegen et
Canola disparaissent. Ce sont les grimpeurs qui prennent la main et les moins bons d'entre eux se font discret, c'est le cas de
Kuznetsov, le classicman russe souffre déjà en queue de groupe, l'ascension risque d'être longue pour lui.
Le peloton aussi attaque l'ascension sous la houlette des Sky, directement le Gruppetto se forme avec évidemment
Mareczko en chef de file.
La pente est déjà rude pour beaucoup de coureurs, voilà 2km que l'on grimpe et déjà l'échappée ne compte plus que 6 hommes :
Ciccone,
Hirt,
Anacona,
Lambrecht,
Zaccanti et
King. C'est déjà fini pour ceux qui sont distancés.
Même constat dans le peloton, ils ne sont qu'une soixantaine à suivre le rythme qui semble pourtant tranquille, preuve en est, l'échappée a réussi à augmenter son écart à 2 minutes 30 secondes. Après 3km d'ascension c'est
King qui est distancé. L’américain est visiblement en surrégime depuis le début du Giro et accsuse le coup désormais. On est qu'à mi-pente et la Bahrain prend la main du peloton :
Tratnik se met en tête et change le rythme, l'écart avec la tête baisse, le nombre de coureurs dans le peloton aussi.
Le sommet c'est chacun son rythme, à deux kilomètres du sommet l'échappée vole en éclat,
Hirt part d'abord avec un relais en compagnie de
Ciccone, puis l'italien explose dans sa roue et le tchèque finira seul l'ascension avec pour seul adversaire
Anacona, lui aussi parti seul et qui traine à une trentaine de mètres du tchèque. Les autres sont à l'arrêt. Dans le peloton aussi ça bouge, une fois
Pernsteiner en tête ça recule, puis quand
Padun passe en tête il ne reste plus grand monde. Au sommet
Hirt passe en tête,
Anacona quelques secondes plus loin et déjà une trentaine de secondes plus tard le peloton, du moins une vingtaine d'hommes avec les favoris mais manquent
Schachmann,
Henao et
Kangert parmi les 15 premiers.
Heureusement pour les favoris distancés on ne fait pas vraiment la descente chez la Bahrain, ça permet à
Jan Hirt, bien seul chez les bleus de reprendre un grand avantage et de recevoir l'appui du colombien
Anacona revenu un peu après le sommet. En prenant quelques risques dans cette descente assez technique le duo arrivera en bas avec un avantage d'une minute sur le peloton d'une trentaine de coureurs reformé. C'est déjà bien assez pour repasser à Luino en tête prendre les premiers points. La seconde de bonification restante ira à
Bernal, la Sky a toujours faim de gains marginaux.
Cette partie de la course est plus calme, en bord de lac forcément on se relâche mais les caméras sont déjà braquées sur le Passo Cuvignone, pas trop le temps de se reposer malheureusement.
Jan Hirt s'étire, il sait que s'il veut jouer la victoire il faudra faire une montée impressionnante. On entre dans Porto Valtriavaga et la route devient déjà plus pentue mais c'est encore une jolie deux voies, on rentre dans Castello, déjà au pas, un virage à gauche vers l'inconnu, la route se dégrade, un peu plus haut un virage à droite et enfin la réponse, on entre dans le Passo Cuvignone ! Les braquets changent,
Hirt et
Anacona quittent leur grand plateau. Le problème ici c'est que la route est pentue, étroite et en mauvais état. La Bahrain semble au fait de la largeur,
Padun a jeté ses dernières forces pour propulser
Caruso et
Nibali en tête, directement ceux qui étaient revenus dans la descente disparaissent de nouveau :
Hermans ne fera certainement pas parti des 25 premiers ce soir. A l'avant on semble avoir trouvé le duo idéal, les deux sont au rythme et ne perdent pas beaucoup de temps, jusqu'au relais de
David De La Cruz,
Bernal doit être très confiant aujourd'hui. Le groupe vole en éclat une première fois, une quinzaine d'hommes restent là, puis c'est au tour de
Tao Geoghegan Hart de passer et là on compte les morts : 13-12-11-10-9... L'effectif du groupe maillot rose baisse rapidement. L'anglais se repose, se retourne et y va de plus belle, lorsqu'il s'écarte ils ne sont plus que 6 dans le groupe, il reste 5km d'ascension et l'échappée est juste devant.
Bernal,
Quintana,
Nibali,
Mas,
Zakarin et
Formolo. On aperçoit la silhouette de
Mollema et
Soler se débattant dans les pentes un peu plus loin en regardant leur bourreau
Geoghegan Hart.
Caruso et
Latour sont encore plus loin avec
O'Connor,
Oomen et
Kangert notamment. En revanche plus de nouvelles de
Schachmann qui s'est écarté dès le pied.
Pas le temps de faire plus d'énumération, les klaxons résonnent dans la forêt. A l'avant
Zakarin vient de placer un démarrage violent, personne n'a pu ou voulu le rejoindre, surtout pas les deux échappées qui ont semblé au ralenti face au russe. Plus de stratégie à l'arrière, tout le monde doit rouler, on le comprend 1km après son attaque, le russe creuse très vite, il avale chaque épingle en tournant les jambes toujours plus vite, maillot ouvert, on le pense en surchauffe mais son regard en dit long : à chaque courbe passée il a la prochaine en horizon. Après un dernier effort d'
Anacona on se met à tourner équitablement, sauf
Formolo qui semble en souffrance et s'accroche déjà à chaque passage de relais. A 3km du sommet le russe compte 30 secondes d'avance, écart pris en 2km sur un groupe qui collabore, impressionnant. Le reste de l'ascension est du même accabie, au sommet l'écart est grimpé à 1 minute 30, le Giro est en train de basculer en faveur du russe en une ascension. Derrière
Nibali s'est défait de
Formolo qui finira son ascension avec
Soler,
Mollema et
Hirt un peu plus loin. En s'attardant un peu au sommet on notera uassi la belle fin d'ascension de
Ben O'Connor et
Henao qui finiront l'étape à 2, mais ça c'est déjà à plus de 3 minutes de la tête de course.
Mais ne vendons pas la peau du Giro, le russe de la Katusha s'élance seul dans la descente du Cuvignone, son pire cauchemar, mains en haut
Zakarin effraie chaque téléspectateurs, autant que le maître
Nibali, qui en plus de prendre tous les risques pour son maillot rose en offre à ses poursuivants qui doivent le suivre, sans soucis pour les deux colombiens, mais pour
Mas c'est plus difficile, ça fait 2km qu'on descend et l'espagnol a déjà pris plus de risques que dans l'ensemble de sa carrière.
Soudain l'inévitable arrive,
Zakarin tire trout droit dans un virage et fonce dans un mur, heureusement rien pour lui et son vélo mais il a perdu toute sa maigre confiance, la fin de la descente est un calvaire pour lui et impensable, en bas, lorsqu'il tourne à droite à Cittiglio on aperçoit déjà
Nibali en arrière plan avec tous ses compagnons, dont
Mas qui s'est accroché.
Zakarin a perdu en une descente ce qu'il avait gagné en montée.
Pas le choix, il attend le groupe avec un regard dépité et indique à
Nibali qu'il faut se relayer, ce que tout le monde fait, peut-être moins
Mas mais ces 5 là sont en train de gagner le Giro. En arrivant à Laveno-Mombello ils trouvent enfin le temps pour se regarder, le groupe
Formolo est déjà relégué à plus d'une minute.
Nibali mène,
Quintana attaque mais tout le monde arrive pour le sprint sur cette belle ligne droite. Et quoi de plus beau que
Zakarin trouvant l'ouverture face à
Mas ? L'Espagnol avait gardé des forces sur ses relais mais cette étape était destiné au Tatar, il lève le bras sans réelle joie, il gagne cette étape mais aurait pu gagner bien plus aujourd'hui.
Le Giro a basculé aujourd'hui, ils ne sont plus que 8 à moins de 4 minutes de
Vincenzo Nibali. Qui dit montagne dis hors-délais, c'est fini pour
Mareczko et
Blythe.
Résultats :