Avant la deuxième journée de repos, les 14e et 15e étapes font craindre le pire aux non-grimpeurs. Sur 230 kms entre Lienz et Merano, pas moins de 4 ascensions de première catégorie sont à escalader. C’est évidemment une bonne opportunité pour
Tolhoek de conforter son maillot bleu. Il attaque dès le baisser du drapeau, mais il a la désagréable surprise de voir
Haig et
Julius lui sauter dans la roue. Les trois hommes insistent pendant que la bagarre fait rage derrière.
Moscon, 7e du général, cherche en effet à s’échapper ! Il sent peut-être qu’il ne pourra pas passer la montagne avec les favoris du général et veut anticiper, mais les Bianchi ne sont évidemment pas d’accord. Après une quinzaine de kms de lutte,
Moscon obtient finalement gain de cause. Lui,
Kämna et
Vakoc rejoignent
Tolhoek,
Haig et
Julius pour former une belle échappée de grimpeurs. Au passage de la frontière italienne, ils comptent 6’30’’ de marge et
Moscon est virtuel maillot rose. Il reste cependant 176 kms à couvrir et les Bianchi embrayent, comme
Haig en tête de course. Dès le second col,
Moscon est distancé, puis il est repris à 110 kms de l’arrivée.
Haig fait quant à lui le plein aux 2e et 3e sommets. Il n’a en revanche aucun espoir pour le dernier col car les équipiers du maillot rose ont ramené le peloton, réduit à moins de 60 coureurs, à deux minutes au pied des 15 kms à 7,5% du Monte Giovo.
Roox et
Gaviria se sont magnifiquement accrochés aux grimpeurs en vue du sprint intermédiaire. Le colombien y reprend un point au porteur du maillot cyclamen. Quelques kms plus loin,
Haig se débarrasse de ses compagnons pour un baroud d’honneur aussi beau qu’inutile. Dans le peloton, ce sont les Jumbo qui haussent le rythme.
Moscon est directement lâché. Puis
Hindley est la première victime de marque à mi-ascension. Le jeune
Langeveld prend le relais de
Kelderman, et c’est au tour de
Pierre Latour d’être distancé. Alors qu’il reste 49 coureurs dans le groupe ; le français déçoit. Puis à 5 kms du sommet,
Foss baisse la tête. Le norvégien était 10e ce matin, ce qui donne des ailes au 11e. À 3500 mètres du sommet,
Acedo attaque !
Sept coureurs sautent dans sa roue dont
Marks, 3e du général,
Yates (6e) et
Mohoric (8e), décidément impressionnant.
Sriubas a visiblement récupéré de sa chute car il est aussi offensif, comme les plus inattendus
Gorbunov et
Tesfatsion, vainqueur hier.
Taranu n’a pas bougé ; il compte sur le travail de
Formolo, comme
Ravasi sur celui de
Hirt. Les deux équipiers de luxe réduisent le groupe maillot rose et font deux nouvelles victimes de marque :
Pinot et
Poggetti. À 1500 mètres du sommet et après une magnifique résistance,
Haig est repris par le groupe
Acedo, lui-même rejoint par le groupe maillot rose. Comme la veille, le basque poursuit tout de même son effort jusqu’au sommet pour enterrer ses rivaux distancés. Il fait du même coup craquer
Mohoric, trop ambitieux sur son attaque. À 38 kms de l’arrivée, ils ne sont plus que 12 à basculer dans la descente :
Acedo,
Taranu,
Leetz,
Marks,
Ravasi,
Yates,
Sriubas,
Bernal,
Stacini,
Hirt, et les surprises
Fortunato et
Tesfatsion.
Acedo embraye dans les premiers lacets, puis demande un soutien que personne ne veut lui donner. Le basque fait donc la descente, redemande de l’aide dans la vallée, qui ne vient toujours pas ! Les trois premiers du général sont peut-être focalisés sur la lutte pour le podium, d’autres n’ont pas d’intérêt pour le général, et personne ne semble vouloir enterrer les coureurs distancés. Y compris
Ravasi qui possède pourtant un équipier avec
Hirt. Grâce à ses talents de descendeur,
Mohoric s’est pourtant rapproché à 30’’ avec
Poggetti. Le rythme se relance alors à l’initiative de…
Fortunato ! L’équipier de
Poggetti n’avait déjà pas attendu son leader dans le col, et le voilà qui attaque au moment où il s’apprêtait à faire la jonction !
Tesfatsion saute dans sa roue, espérant qu’on laisse filer ces deux coureurs désintéressés du général. De fait,
Acedo est toujours seul à rouler. Le basque s’agace et décide d’attaquer à son tour, pour voir. Le scénario était prévisible ; lui est en revanche marqué à la culotte. Il reprend tout de même le duo, et tente une deuxième fois sa chance dans le final sans réussite. Résigné,
Acedo se résout à rouler jusqu’au bout en vue du général. Après 40 kms à prendre le vent, il ne peut évidemment pas rivaliser lors du sprint pour l’étape. Et à ce petit jeu,
Sriubas décroche sa deuxième victoire juste devant
Taranu ! Le moldave conforte lui son maillot rose grâce aux bonifications. Il faut ensuite attendre 52’’ pour voir
Mohoric franchir la ligne, 1’26’’ pour
Poggetti qui se maintient 6e du général, 1’53’’ pour un
Hindley qui a bien géré son effort après avoir été décroché à 45 kms de l’arrivée, 3’34’’ pour un
Pinot attendu par
Valter dans la descente, et 5’30’’ pour
Latour et
Foss.
Moscon, lui, perd plus de 20 minutes. Au général,
Acedo (7e),
Sriubas (9e) et
Hindley (10e) font leur entrée dans le top 10.
Cl. étapes 14 :Le 15e jour, l’étape est plus courte de 50 kms mais les cols sont mythiques. La veille,
Moscon a donné la recette du suicide, alors
Mohoric et
Hindley ont hâte de l’essayer. Les 8e et 10e du général se lancent à l’assaut du Stelvio sous l’œil amusé des Bianchi. Cette fois, les équipiers du maillot rose ne s’opposent pas à cette échappée qui comprend aussi
Latour,
Haig,
Julius,
Kämna,
Tesfatsion et
Covilli, l’ancien maillot rose. Ils s’économisent sur ces 70 kms de vallée montante où les 16 hommes de tête portent leur avance à 5 minutes. Au fil des 25 kms du Stelvio, la sélection se fait naturellement à l’avant comme à l’arrière. À 5 kms du sommet,
Mohoric devient virtuel maillot rose, mais il faiblit dans les derniers lacets. C’est finalement
Estebanez, déjà en vue sur l’arrivée au sommet de la 4e étape, qui franchit en tête la Cima Coppi. Il précède d’une minute un quatuor formé de
Kämna,
Haig,
Julius et
Tesfatsion. À deux minutes, on retrouve
Mohoric,
Latour,
Hindley,
Covilli et
Fedeli, et le peloton déjà réduit à 47 coureurs est à 5’30’’. Dans la descente,
Estebanez insiste mais les quatre hommes à sa poursuite se relaient bien. Y compris
Tesfatsion, pourtant équipier de l’homme de tête mais qui imprime lui-même l’ultime gros relais pour rentrer. Après les Eolo qui se roulent dessus hier, les Drone Hopper aujourd’hui… L’ambiance semble bonne dans les contis italiennes ! Les écarts se réduisent dans la vallée menant au Mortirolo. Au pied du deuxième mythe du jour, le quintet de tête compte 45’’ d’avance sur le quintet
Mohoric et 2’40’’ sur le peloton. Les Bianchi imposent toujours le rythme, aidé par les Lampre. Malgré les pourcentages impressionnants, la première moitié du col ne fait pourtant pas de dégât.
Ferrier hausse alors le rythme, au train. C’est dans les 3 derniers kms que les différences se font. À l’avant, les Drone Hopper sont en feu car
Tesfatsion et
Estebanez distancent tous leurs compagnons. En tête de peloton,
Stacini attaque, suivi par
Acedo ! Le duo italo-basque prend rapidement 40’’ d’avance.
Dans le duo, il y a clairement un leader et un suiveur. Les places au général ne sont pas respectées car c’est
Stacini, hors du top 10, qui parait le plus à l’aise et assure l’intégralité du travail. À leur poursuite, le peloton explose.
Pinot est une encore incapable de suivre, et cette fois il n’est même pas attendu par
Valter.
Poggetti craque aussi, en même temps que
Marks : c’est le 3e du général qui est distancé ! Un lacet plus haut,
Acedo doit laisser filer
Stacini. Il a manqué 1200 mètres à l’espagnol, qui s’est mis dans le rouge. Il est repris par le groupe maillot rose mené par
Sriubas. Puis il lui manque encore 300 mètres, car le retour de boomerang ne s’arrête pas là.
Acedo a voulu se lancer dans une grande offensive, mais il se retrouve distancé par les favoris à 50 kms de l’arrivée. 250 mètres plus loin, soit à 50 mètres du sommet, nouveau coup de théâtre :
Taranu perd quelques mètres ! Le maillot rose qui paraissait si serein depuis deux semaines est tout à coup mis en difficulté par le rythme linéaire de
Sriubas !
Taranu doit se restaurer avant de prendre des risques dans la descente, mais on ne l’attend évidemment pas. En bas,
Stacini a rejoint le duo Drone Hopper en tête de course. Sept coureurs se trouvent à une trentaine de secondes :
Leetz,
Ravasi,
Yates,
Foss,
Sriubas,
Bernal et une surprise,
Ventana, encore un Drone Hopper !
Taranu est isolé à 25’’, puis le groupe
Acedo passe à 1’ du moldave. Celui-ci, réduit à 6 coureurs, est mené par
Tolhoek et compte aussi
Kruijswijk, pour une fois à son aise. Un quintet mené par
Poggetti,
Marks et son équipier
Jungels, est encore 30’’ plus loin.
Taranu insiste pour rentrer dans le long faux-plat vers Aprica. Seconde après seconde, il perd pourtant du temps à 1 contre 7, puis 1 contre 10 lorsque le regroupement s’effectue en tête de course. Derrière,
Tolhoek ne s’est pas mis dans le rouge et se montre plus efficace. À 25 kms du but,
Taranu est repris par le groupe Jumbo. La bonne nouvelle est qu’il retrouve du soutien, la mauvaise est qu’il compte désormais 1’30’’ de retard sur
Leetz, son adversaire direct !
À 17 kms, le groupe de tête se désorganise soudainement sur une attaque de
Simon Yates. Oubliant l’objectif principal de distancer le maillot rose, plus personne ne veut rouler. Même les trois Drone Hopper ne veulent pas valoriser leur journée de gloire. Derrière,
Tolhoek s’est écarté et
Acedo collabore désormais avec
Taranu. L’écart se réduit enfin sans que leur allure n’augmente vraiment. Pour preuve,
Simon Yates, lui, s’envole en tête de course. Au passage de la cloche, il compte 2 minutes d’avance sur ses poursuivants qui s’observent toujours.
Acedo a mené les trois derniers kms de chasse pour ramener son groupe à 12’’. Revenus là, le groupe
Leetz se relance enfin… sur une attaque de
Tesfatsion ! Sentant le piège,
Acedo se fait la peau pour rentrer pile au passage sur la ligne.
Taranu est à 20 mètres, mais lui est incapable d’accélérer (
2e photo ci-dessous). Puis à 30 mètres, puis à 50 mètres, puis à 100 mètres… Le coup de bambou est terrible alors qu’il pensait être rentré juste avant la descente ! Le jump qu’a réussi à faire
Acedo n’est d’ailleurs pas bien vu par ses nouveaux compagnons, qui lui demandent aussitôt de rouler. Ils ont visiblement déjà oublié leur partie de surplace ridicule, et le relais de 50 kms assuré par le leader des Jumbo la veille…
Acedo refuse malgré la pression, et heureusement pour l’organisation du groupe, l’ultime montée du Valco di Santa Cristina est bientôt là. Tout à coup,
Yates bute sur ces 6700 mètres à 9,4%.
Sriubas imprime un gros rythme au train, et derrière
Taranu est en perdition. À 4 kms du sommet, la moto annonce 2 minutes d’écart. La bascule est faite,
Leetz est virtuel maillot rose ! Mais l’actuel maillot blanc ne s’en satisfait pas. À 3 kms du sommet, il se dresse sur ses pédales.
Sriubas,
Ravasi et
Stacini sont les seuls à le suivre dans un premier temps, puis les deux italiens doivent se rassoir.
Yates est aussi déposé. Déchainé,
Leetz continue d’écraser les pédales au point de lâcher
Sriubas à 1 km du sommet ! L’allemand fend la foule, assure la courte descente, puis donne tout jusqu’à la ligne d’Aprica. Il ne lève pas les bras mais ne vous y trompez pas : il vient de renverser le Giro !
Sriubas et
Stacini sont les seuls sous la minute vingt.
Yates et
Ravasi effectuent malgré tout une bonne opération en vue du podium.
Acedo limite la casse après son
in and out du Mortirolo : 8e à 1’45’’. Puis on attend
Taranu. Longtemps. Revenu de l’arrière, ce qui n’est pas bon signe,
Formolo tracte son leader déchu jusqu’au bout. Il coupe la ligne 4’17’’ après
Leetz, qui prend donc le leadership pour 2’38’’ !
Marks et
Poggetti sont à 5’34’’. Ils reculent dans le top 10 que
Stacini et
Bernal intègrent au détriment des suicidaires
Mohoric et
Hindley. Enfin, notons qu’une vingtaine de coureurs terminent hors-délais sur ces deux étapes folles. Parmi eux, de nombreux sprinters mais également trois UAE, qui s’ajoutent à l’abandon en première semaine de
Masnada.
Leetz va donc devoir défendre son maillot rose toute cette dernière semaine avec seulement trois équipiers… Le Giro n’est pas fini !