Ce Tour de Suisse ne proposant qu’une seule véritable étape de montagne, les grimpeurs ne sont pas légion dans la startlist. Au contraire, les puncheurs ont de quoi se gaver sur la moitié des étapes. Quant aux sprinters, le terrain leur est à peine moins défavorable qu’au Dauphiné et la plupart ont préféré se dérouiller les jambes sur des épreuves continentales.
Le prologue, vallonné autour de Lugano, accouche d’une hiérarchie inattendue. Les allemands
Schachmann et
Leetz se départagent aux centièmes, à l’avantage de celui qui avait éclaboussé le Giro 2020 et qu’on n’avait plus revu à son avantage depuis.
Mäder (4e),
Carthy (9e),
Acedo (10e) et le tenant du titre
Power (7e) prennent place dans le top 10, au contraire d’un
Kelderman très décevant. La deuxième étape est l’une des rares pouvant sourire aux sprinters, mais les Aqua Blue Sports ne l’entendent pas de cette oreille. Les équipiers de
Simon Yates font exploser la course à plus de cent kms de l’arrivée, dans le seul col du jour, pour ne laisser qu’une quarantaine de coureurs dans le peloton dont seulement
Sagan,
Hathaway et
Vassano chez les sprinters. Exténués, les deux derniers cités ne pourront d’ailleurs pas peser dans le final. Après le gros travail des anglais, on s’attend à une attaque de
Simon Yates. Celle-ci ne viendra jamais, au contraire de celle de
Skidan. L’ukrainien effectue dix kms en tête mais il est repris et contré sous la banderole des 5 kms par
Alaphilippe et
Romain. Le jeune puncheur d’Ag2r parvient à s’offrir sa première victoire World Tour en solitaire, qu’il accompagne du maillot de leader. Le lendemain, les deux français accompagnent
Horta,
Skidan et
Power dans les dix derniers kms. L’australien parvient cependant à leur fausser compagnie pour faire à son tour coup double, 35’’ devant le groupe
Romain et 1’15’’ devant
Yates,
Eg et
Leetz, les meilleurs des grimpeurs.
Après une étape très usante, le peloton est clairsemé pour la seule arrivée massive de la semaine. Après une offensive bien sentie aux 4 kms,
Schachmann n’est d’ailleurs repris que sous la flamme rouge par
Hofland, qui tente de lancer
Hathaway. Le gallois est toutefois débordé par
Joachim ; il n’a toujours pas gagné en World Tour cette année… Le cinquième jour, les puncheurs s’en donnent encore une fois à cœur joie, et en particulier
Skidan,
Horta et
Power. Ce trio parvient à reprendre
Lancaster, dernier rescapé de l’échappée, dans le dernier km.
Skidan remporte l’étape tandis que
Power conforte son maillot jaune. L’australien fait figure de favori pour conserver son titre car
Leetz, 5e, est rejeté à 1’51’’,
Acedo (8e) à 3’33’’ et les autres grimpeurs sont à plus de 4 minutes. Ce qui ressemblait à un avantage se transforme en fait en piège lors de la seule étape de montagne, débutée par deux cols. En 2014,
les Rabobank y avaient d’ailleurs mis un boxon monstre dont se rappellent sûrement beaucoup de grimpeurs largués au général. Seulement 36 coureurs composent le premier groupe au premier sommet, la faute à bon nombre d’offensives que les leaders n’ont pas voulu laisser partir. 4e du général,
Alaphilippe ne reviendra jamais à l’avant. À mi-ascension du deuxième col,
Sundberg,
Chernetskiy,
Mollema et
Berthet parviennent enfin à profiter d’un moment de flottement pour prendre le large. Le suédois, 13e à 5’25’’, et
Mollema, 16e à 6’12’’, sont les deux menaces pour un maillot jaune qui ne peut que compter sur
Bongiorno dans ce peloton réduit à 26 coureurs.
Seeldraeyers travaille aussi pour
Horta. Mais à 2 contre 4 pendant cent kms, le peloton perd du terrain et le suédois est leader virtuel au pied de l’Albulapass. Alors que
Mollema est le premier à craquer devant,
Acedo déclenche les hostilités derrière. Il sait qu’il faut tenter de loin pour mettre les puncheurs en difficulté. Il est toutefois contré par
Leetz, puis par
Eg et
Yates, le danois revenant même sur l’allemand au sommet. Après 10 kms de descente rapide,
Sundberg triomphe pour près d’une minute devant
Leetz,
Eg et
Chernetskiy.
Yates est à 1’32’’, un étonnant
Cras à 2’13’’, et
Acedo et
Taranu à 3’46’’.
Power, 11e à 4’52’’, doit rendre son maillot jaune à
Leetz pour plus de deux minutes !
Sundberg monte sur la troisième marche du podium grâce à son échappée victorieuse.
Les deux dernières étapes en ligne auraient pu s’offrir aux baroudeurs, mais les puncheurs veulent visiblement se venger de ce général perdu en jouant les bouquets. Sur la septième étape,
Acedo tente sa chance mais
Horta et
Skidan sont encore une fois les plus costauds. Si
Power et
Yates parviennent à les rejoindre après le sommet, l’ukrainien s’isole dans le final pour s’imposer avec 36’’ d’avance sur le trio et 1’29’’ sur le reste des favoris. Le lendemain, le peloton est complètement éclaté en groupe de deux-trois coureurs après la dernière bosse. 16 d’entre eux parviennent à se regrouper sans revenir sur les deux hommes forts du jour,
Power et
Skidan. L’australien donne tout pour se rapprocher de
Leetz au général, ce dont profite
Skidan pour signer sa troisième victoire de la semaine. 13 secondes seulement sont grappillées, plus les bonifications, mais elles permettent tout de même à
Power de revenir à moins d’une minute au général et à
Skidan de monter sur le podium provisoire. Leurs espoirs ne dureront pas. Décidément aérien cette semaine,
Leetz reprend quasiment l’australien sur les 26 kms du chrono final, signant même le troisième temps du jour ! Il s’impose donc largement au général, 2’38’’ devant
Power et 3’31’’ devant
Sundberg, repassé troisième ! Après
Brkic en Californie, un autre jeune signe de très belle manière sa première victoire (et même top 10 !) sur une course par étape World Tour. Pour l’étape,
Dumoulin (4e) et
Kelderman (9e) n’ont une nouvelle fois pas pesé dans la balance. À moins d’un mois du Tour, leurs contre-performances récentes et la blessure de
Durbridge ouvrent-elles la porte à d’autres rouleurs ?
Hepburn signe en particulier une victoire de prestige devant
Mullen, très régulier cette année.