Antoine Toufri n’avait pourtant pas ses origines dans le marais poitevin. Né dans l’industrielle New York, il n’avait été que le dernier bagage que ses parents avaient emmené dans leur valise à peine fermée, fuyant la fin des années folles, et le début de la furieuse envolée vers les gratte-ciel. Il avait conservé ce petit accent étranger qui lui donnait l’air « cool » au milieu des filles de paysan, mais Antoine avait bien vite fini par perdre son charmant sourire après les années de guerre, préférant arborer le « tic » et le « tac » de sa prothèse en bois.
Bercé dans la sueur, le sang, et l’odeur des billets, c’était tout naturellement qu’il avait voulu entrer dans le monde des affaires, mais malgré un bagout certain et un esprit rapide, le milieu l’avait rapidement dégoûté, entre chacals affamés et faux-semblants. Ainsi, le Toufri expérimenté était-il revenu à ses premiers amours avec ce magasin de vélo, à feuilleter les journaux pour apprendre le résultat des courses. Pendant ces années de disette, dans la pénombre de son comptoir, Antoine avait subi des moqueries également. Mais quand on lui demandait s’il était le vainqueur du Tour de son patelin, il préférait éviter la question. Non pas parce qu’il ne pensait être capable de remporter que le Tour de sa maison, mais parce qu’il savait qu’il pouvait également battre les clampins des hameaux voisins…le truc à ne pas dire en face de ces bœufs.
Engoncé dans sa petite résidence de 60m², Antoine avait finit par prendre sa retraite, mais les tentacules mégalopolitains, brillants jours et nuits, étaient revenu le saisir, mais de sa propre décision cette fois-ci. Moqué par la société moderne pour sa patte d’acier folle, il avait décidé d’en faire sa force et sa satyre, comme son dernier projet, revanchard : O’Tocar. « L’impression d’entendre le dernier agent immobilier à avoir voulu me forcer à quitter ma maison » comme le disait si bien le vieil homme. Avec l’argent accumulé depuis des années, il avait monté une compagnie de car pour les cyclistes, pour les fans de cyclisme et pour aller voir les cyclistes. Le truc idéal pour aller voir le critérium du coin aussi. Comme quoi, avait pensé Antoine Toufri, en voyant son commerce se développer, la vie pouvait être aussi longue et tordue qu’une file d’autocar sur une route de montagne. Ne lui restait maintenant que la dernière étape de son projet, montrer qu’on pouvait monter une équipe solide avec un boiteux à sa tête, et que même les handicapés pouvait réussir. Un projet fou, mais à sa connaissance, Toufri n’avait pas reçu d’éclat d’obus dans le cerveau. Ah, oui…ne lui manque que des coureurs pour remplir l’O’Tocar !
Type de récit : Carrière, Narratif, Récit participatif
Jeu utilisé : PCM 2018
DB utilisée : World DB 2018
Sponsor : O'Tocar (maillot fantaisiste créé par Alexsar)