Isaac Charpentier
Manager de l'équipe
C'est à cause de raisons économiques. Les récents problèmes de Huawei sur le marché américain ont fait peur à Red Bull qui ne voulait pas voir ses ventes baisser aux Etats-Unis. Du coup, ils ont mis fin à notre partenariat. Quand ils me l'ont annoncé, je dois vous avouer avoir eu peur mais finalement, FunPlus s'est rapidement proposé.
Combien de temps vont-ils rester avec vous?
Nous ne savons pas. Nous avons signé ensemble un contrat qui se doit d'être renouvelé chaque année en fonction des désirs de chaque partie. C'est un côté stressant pour nous mais c'est aussi un moyen de se dire que nous pouvons à tout moment signer avec un autre sponsor si on se propose à nous. Mais pour le moment, Andy Zhong, le directeur de FunPlus, nous a directement dit qu'il y avait peu de chance que ce contrat ne soit pas renouvelé pour l'année prochaine.
Le fait d'avoir deux sponsors chinois va-t-il transformer votre équipe? Par exemple, en ne prenant que des asiatiques à partir de maintenant?
Ce n'est pas l'arrivée de ce nouveau sponsor qui va transformer notre équipe. FunPlus, du moment qu'on a des chinois, n'a aucune demande plus précise. C'est plus le départ de l'ancien qui fait que aujourd'hui, Huawei décide beaucoup plus de ce qu'on va faire de notre effectif.
Ce n'est donc pas pour entendre parler français que vous avez recruté des français?
(rires) Non, ça n'a rien à voir. D'ailleurs, la plupart de notre équipe parle français. C'est une demande que j'ai fait auprès d'eux. Je souhaite qu'ils parlent français et anglais afin de pouvoir répondre aux journalistes. Non, les français sont là car l'Europe est le second marché de l'entreprise Huawei et qu'ils ont vus leurs ventes baissées de 20% depuis leur problème avec l'Amérique.
Ce n'est donc que du marketing?
Tout sport qui a besoin de sponsors est du marketing. Et ce n'est pas que ça. Huawei m'a demandé de chercher des français et je me suis donc concentré sur la France pour chercher les profils qui manquaient dans l'équipe. Vu que c'est déjà une terre de cyclisme, il a été plus facile de recruter que pour les chinois qui nous font encore défaut.
Pourtant avec deux sponsors chinois, votre équipe a déménagé en France. Pourquoi ce choix?
Pour le coup, c'est bel et bien parce que je suis français. Pour le bien de l'équipe et limiter les désagréments causés par les voyages, aussi bien en fatigue qu'en terme de budget, nous avons pris la décision de déménager en Europe vu que la plupart des courses World Tour s'y déroulent. J'ai porté logiquement mon choix sur la France, ça a permit à certains Français d'accepter le contrat que je leur proposait. Vu que nos finances se portent bien, nous avons pu acheter un domaine pour accueillir aussi bien l'équipe première que l'équipe réserve.
Comment se portent vos recherches de chinois?
La renommée de notre équipe commence à porter ses fruits. Il suffit de voir notre effectif de développement. L'année dernière, nous n'avions qu'un seul chinois et cette année, nous en avons 3. Si j'ai multiplié les nationalités dans l'équipe en recrutant principalement au talent plutôt qu'à la nationalité, ça va changer dès l'année prochaine. Nous avons atteint le haut niveau rapidement et nous allons vraiment pouvoir nous concentrer sur les jeunes Asiatiques - et Européens pour suivre les demandes de Huawei - même si cela doit prendre plus de temps, à l'image de Xin Li que nous avons intégré à notre effectif premier cette année. Vu que nous avons des têtes d'affiches qui tiennent l'équipe, nous pouvons assurer la formation avec d'autres qui seront plus effacés pendant quelques années.
Donc Martinez, qui n'est ni Asiatique ni Européen, n'est que de passage dans votre équipe?
Non, il fait pleinement partit du projet. Si vous voulez des valeurs chiffrées, j'envisage, à terme, d'avoir une douzaine d'asiatiques avec une majorité de chinois, une dizaine d'européens avec une majorité de français, 4 ou 5 grimpeurs d'amérique latine autour de Dan et le reste, c'est à dire deux ou trois, ça sera des coureurs venus d'Océanie. Quand on a quelqu'un comme Jason qui lance magnifiquement notre saison depuis deux ans, on ne peut que se dire qu'on va conserver quelques coureurs venus de là-bas.
Xiajin et Hänninen sont tout deux en fin de contrat cette année. N'avez-vous pas peur de les voir partir, surtout que vous n'avez eu que trois renouvellement depuis les débuts de votre équipe? N'avez-vous pas peur que votre équipe ne soit qu'une équipe de passage?
Cette année sera déterminante pour nous. Si nous assurons en étant régulièrement bien placé sur les courses World Tour alors nous serons attractifs pour que Liu et Jaakko restent. Je ne pense pas que nous serons une équipe de passage pour la simple et bonne raison que vu la concurrence en World Tour, nous avons beaucoup de chance de rester dans cette division l'année prochaine. Mes craintes vont plutôt sur le fait de satisfaire notre sponsor sur les différents objectifs qu'ils nous ont demandé. Si nous n'y arrivons pas, je serais obligé de me séparer de certains membres de notre staff pour pouvoir renouveler des gars comme Liu ou Jaakko.
Les Objectifs:
En parlant de votre staff, n'est-ce pas des dépenses excessives d'avoir autant de grands noms?
Je ne pense pas. Si notre équipe est montée si vite au plus haut niveau, c'est grâce au talent de nos jeunes. Pour que ces jeunes progressent, il faut un staff digne de ce nom. Le fait de miser sur des jeunes m'a permit d'avoir une plus grande liberté de salaire pour le staff. Nous avons beaucoup de contrats qui se terminent en 2022 dans l'équipe. Je m'attends à de grosses dépenses pour augmenter les salaires donc je profite que notre budget nous permet cette folie, ça ne durera peut-être pas.
Avec Luc Leblanc en directeur sportif et son fils dans votre effectif, cela donne l'impression qu'il a fait pression pour que vous le recrutiez. Faut-il s'attendre à du favoritisme de sa part?
Je pense qu'il est suffisamment professionnel pour qu'il n'y ait pas de problèmes. En plus, Luc n'a absolument pas fait pression étant donné que c'est Thierry qui a proposé la candidature de son père quand il a vu que nous étions en recherche de directeurs sportifs.
Parlons de votre équipe de développement. Elle change de nom pour s'appeler Huawei Development Team. Vous avez cessé votre partenariat avec Cannondale?
Non, nous roulons toujours sur leurs vélos. Le contrat se termine à la fin de la saison. Mais, étant une entreprise américaine, nous revenons aux soucis que connait Huawei. Ils ne voulaient plus apparaitre dans le nom de l'équipe de développement et nous nous attendons donc à changer d'équipementier l'année prochaine.
Est-ce vraiment un problème? Anni Hamm s'est plaint de la qualité du matériel et c'était pour cela qu'il avait réussit un top 10 aux championnats du monde du chrono alors qu'il ne brillait pas sur ses championnats nationaux.
Je pense qu'il aurait mieux fait de se taire. Il est vrai que le vélo de chrono n'est pas une grande réussite chez Cannondale, nous travaillons avec eux depuis l'année dernière pour qu'ils l'améliorent. Mais le reste du matériel est de bonne qualité. Quand je vois que Liu a souvent terminé avant Anni dans la montagne sur la dernière Vuelta, je pense qu'il devrait se remettre en question avant de s'en prendre à la machine qu'il utilisait.
Entre les contrats de leaders qui se terminent et des équipementiers à chercher, vous allez donc avoir un gros travail de management cette année.
Oui, je vais d'ailleurs être moins présent sur les courses. Je laisserais le soin de s'occuper de cette partie à Franck Bouyer. Je ne serais là que pour les Grands Tours. En plus de tout ce que vous avez cités, je vais également passer pas mal de temps en Chine pour surveiller les nouveaux talents. Kim va se concentrer sur l'équipe de développement et ainsi surveiller les espoirs européens. L'idéal aurait été d'avoir deux recruteurs pour qu'on soit présent aussi bien en Asie qu'en Europe mais le budget ne nous le permettait pas. Donc je vais m'occuper de ce travail. J'ai parfaitement confiance en Franck et en nos nouveau directeurs sportifs.