Problèmes de communication, coups de pression, personnalité lunatique : les méthodes de Vasseur chez Cofidis crispent
La gestion de l'équipe Cofidis, et en particulier de son manager Cédric Vasseur, a nourri des critiques de coureurs ces dernières semaines. Management dur dicté par l'exigence du haut niveau ou pression à la limite ? Éléments de réponse.
Alexandre Roos (avec Yohann Hautbois, Pierre Menjot) publié le 18 mars 2025 à 23h29
Un peu de fumée s'est échappée cet hiver de chez Cofidis, des témoignages de coureurs qui avaient quitté la maison rouge et blanc, Alexis Gougeard dans ces colonnes, Axel Mariault dans celles de Ouest-France, et qui regrettaient notamment d'être partis sans un échange avec Cédric Vasseur. Deux cas qui ne sont pas isolés. D'autres membres de l'équipe ont fait leurs valises sans explications.
Trois entraîneurs ont été remerciés à la fin de l'an passé, dont Vincent Villerius, dix-sept ans chez Cofidis, qui comprit qu'il ne faisait plus partie des plans quand, en novembre, il s'inquiéta auprès des secrétaires de ne pas avoir reçu ses billets d'avion pour le premier stage administratif, une semaine plus tard, et que celles-ci l'informèrent qu'il n'était pas sur la liste.
Lors du dernier Tour de France, le manager de la formation nordiste avait déjà provoqué un incendie quand il avait critiqué, face caméras, le comportement de Bryan Coquard et Axel Zingle et mis au jour des dissensions. En réalité, la partie émergée d'une ambiance de tensions en coulisses. Coquard lui-même avait failli tout plaquer en avril dans la Sarthe, au Région Pays de la Loire Tour, proche de l'arrêt de carrière, rongé par un environnement négatif, frustré de ne pas avoir de train à son service.
Le sprinteur se releva, partit longtemps loin de chez lui, cinq semaines en altitude enchaînées avec le Tour de Suisse, où il leva les bras, pour être prêt pour la Grande Boucle et assumer son rôle de numéro 1 dans les sprints. Une promesse de son patron balayée en deux « échecs » (10e et 13e des deux premiers sprints du Tour) et un « Coq » à nouveau au bord de la crise de nerfs.
Coups de pression et changements de plans au gré de ses humeurs
L'épisode illustre plusieurs ressorts du management du Nordiste qui sont souvent revenus dans les discussions : les coups de pression, les changements de plan au gré des humeurs... Il y a un an, à la veille de Milan-San Remo, Cédric Vasseur avait ainsi livré un briefing étonnant.
Pendant l'hiver, il avait signé un nouveau partenariat pour le textile, mais les coureurs s'étaient plaints de la qualité des vêtements sur les premières courses, avec des tailles de cuissards pas adaptées, des tissus qui prenaient l'eau et pesaient des tonnes sous la pluie du Tour de La Provence. Dans son discours avant le Monument italien de 300 km, Vasseur avait ainsi souligné que le début d'année avait été catastrophique à ses yeux et cinglé : « Les coureurs ont les habits qu'ils méritent. »
Thierry Marichal, directeur sportif et bras droit de Vasseur, avait déjà mis une pression énorme à La Provence, où les coureurs eurent l'impression de prendre une balle d'entrée, après un simple prologue, parce que les résultats avaient été insuffisants : Zingle seulement 34e, mais l'Alsacien finira 2e du général derrière Mads Pedersen. L'Étoile de Bessèges et le San Remo de Benjamin Thomas jugés en dessous des attentes ? Le rouleur-pistard sera privé de courses pendant un temps, provoquant l'incompréhension de certains de ses équipiers, étonnés que Thomas soit traité comme un enfant.
Contrairement à celle de cette saison, où les Cofidis ont déjà presque autant gagné que sur toute l'année passée (4 contre 5), l'entame de 2024 avait déclenché une autre « punition ». Pendant plusieurs semaines, Vasseur avait supprimé les collations et la chambre d'hôtel, généralement celle d'un assistant, où les coureurs pouvaient venir dans l'après-midi, en stage ou la veille d'une course, manger un bol de flocons d'avoine, un shaker de protéines, une barre énergétique. Résultat, les coureurs descendaient en douce au camion pour se servir.
Il peut arriver au manager d'allumer un équipier parce qu'il n'a pas marqué de points UCI, même s'il est avant tout là pour bosser pour les autres. Ou de prendre des captures écran de top 10 de courses ou de compositions d'échappées où ne figure aucun Cofidis pour les envoyer aux coureurs sur des boucles WhatsApp avec trois gros smileys qui rigolent. Simple ironie ou humiliation ?
Sur les grands Tours, les directeurs sportifs doivent ajouter Vasseur dans le groupe de discussion, mais se créent alors en parallèle des boucles entre les coureurs et les mécaniciens ou les assistants. Personne ne parle sur le premier, on jacte ailleurs.
« C'est compliqué de cracher dans la soupe, glisse Guillaume Martin-Guyonnet, transféré chez Groupama-FDJ cette saison. J'ai passé cinq ans dans cette équipe, il y a eu des hauts et des bas à titre perso, dans le relationnel avec la direction aussi. J'ai eu des bons moments quand même, j'avais une forme de liberté que j'appréciais. »
Également parti cet hiver, chez Visma-Lease a Bike, Axel Zingle est partagé. « Le management de Cédric, je ne suis pas bien placé pour le commenter, dit-il. Il me l'a bien dit, je suis coureur, je dois penser à pédaler. Mais je vais aller dans son sens, c'est moins facile qu'on ne se l'imagine d'être manager, c'est un peu le sale boulot, quand cela ne fonctionne pas, c'est sur lui qu'on tombe. Ce qui donnait l'impression de "bordel", c'était de régler les problèmes dans les médias, cela ne profite à personne, cela ne renvoie pas une bonne image du sponsor, ni ne donne envie à d'autres coureurs de venir. »
Chez Cofidis depuis 2016, Anthony Perez estime de son côté que « certaines équipes conviennent à des coureurs et pas à d'autres » et que « c'est comme ça partout ». « C'est chacun sa sensibilité, poursuit le Toulousain, qui a connu des problèmes personnels l'an passé pour lesquels il a reçu le soutien du staff. Cédric (Vasseur) est ouvert. Après, il faut aller chercher la discussion et tu le trouves sans souci. »
Certains des coureurs décrivent en revanche un grand anxieux, parfois pris de panique quand il s'exprime devant son groupe, une personnalité lunatique, mielleux un jour, en mode missile le lendemain. Il peut traiter un des siens comme un champion du monde après une bonne performance, puis l'ignorer pendant des semaines, ne même pas lui parler quand il se trouve sur la même course que lui.
Des humeurs en dents de scie qui font d'ailleurs souvent valser les programmes de courses, si bien que l'an passé après le Championnat de France, un coureur est parti à l'aéroport pensant rentrer chez lui pour quelques jours de repos alors qu'il devait en réalité se rendre sur le Tour de Slovaquie. Ou que certains coureurs ont parfois préféré masquer leurs souhaits lors des entretiens de fin d'année, de peur que leur manager ne les contredise par principe. Car il est aussi décrit comme aimant le conflit, capable d'enfoncer des coureurs déjà en difficulté. Contacté, Cédric Vasseur n'a pas souhaité répondre à nos questions. (https://www.lequipe.fr/Cyclisme-sur-route/Article/Manque-de-communication-coups-de-pression-personnalite-lunatique-les-methodes-de-vasseur-chez-cofidis-crispent/1547888)