par styreiz le maudit » 14 Sep 2024, 18:56
Vu qu'on arrive en fin de saison, c'est donc le moment de faire le point sur l'évolution du dopage dans le vélo World Tour.
Voici donc le message antérieurement promis :
Produits, protocoles et spéculations
Le texte qui suit va revenir sur les produits dopants dont l'usage est envisageable dans le vélo, mais d'une façon différente. Il ne s'agira pas de refaire une liste exhaustive des produits interdits comme c'est le cas dans le commentaire en tête de ce topic, mais d'effectuer une liste catégorielle associée à une analyse suivant le même découpage, en revenant sur les effets recherchés et quelques effets secondaires. Le but sera de spéculer sur les protocoles de dopage actuels, et surtout sur les éventuelles améliorations récentes qui pourraient expliquer les hausses de performances significatives, inégalitaires et régulières que l'on constate depuis 2019, notamment dans les ascensions longues.
A titre personnel, je ne crois pas trop à l'hypothèse du système de corruption à la Armstrong pour contourner ou cacher les contrôles positifs au niveau international lors des compétitions. Si cette méthode reste toujours possible hors-compétition lors des entraînements au pays vis-à-vis des agences antidopages nationales (voire à ce sujet les révélations récentes concernant certains manquements commis par les agences antidopages chinoises et étasuniennes, ou le scandale plus ancien du dopage d’État en Russie), je ne pense pas qu'elle soit généralisée dans toutes les instances internationales au point de rendre inefficients tous les contrôles pour certains coureurs. Premièrement parce que le risque de fuite journalistique d'un tel système de corruption reste trop élevé, deuxièmement parce que des coureurs s'estimant défavorisés pourraient décider de tout balancer. Vu les inégalités de performance actuelles, un tel système ne pourrait s'appliquer que pour certains au détriment des autres, ce qui l'amènerait à rapidement s'écrouler comme on l'a vu avec l'affaire Armstrong et le Landisgate. Un tel système a déjà montré ses limites et il est peu probable qu'il se reconstruise à l'identique aujourd'hui. Les méthodes mafieuses à l'ancienne d'Armstrong (menaces, harcèlement, intimidation, coups de pression...) ne peuvent plus passer aujourd'hui comme avant à grande échelle, il faut soigner sa communication et se donner une image jeune et cool (comme un certain auteur récent du doublé GIRO-TOUR). Il y a actuellement une certaine omerta sur le dopage au plus haut niveau, mais elle passe probablement par d'autres voies que la corruption à l'ancienne, notamment par une certaine forme de déni, de mise à l'écart du sujet. Cela pourrait aussi plus prosaïquement reposer sur de nouvelles innovations concernant le dopage.
Pour commencer, il nous faut d'abord passer en revue les différentes méthodes de dopage typiques du vélo. On s'intéressera donc aux produits dopants suivants :
traitements périphériques :
+ tonifiants
+ tranquillisants, dont :
- anxiolytiques
- somnifères
+ antidouleurs
+ stimulants
dopage mécanique, CAD moteur... :
+... dans l'axe de pédalier
+... dans le cadre
+... dans les roues
+... dans le moyeu de roue arrière
hormones anabolisantes et apparentées :
+ anabolisants stéroïdiens, dont :
-*directs
-*précurseurs
-*naturels
-*artificiels
+ anabolisants non-stéroïdiens, dont :
- SARMs et associés (+Aicar)
- SERMs et associés (anti-œstrogéniques)
- maintient des stéroïdes naturels
- hormone de croissance
- hormones thyroïdiennes
- peptides
- insuline
- autres
accélérateurs périphériques :
+ les béta-2 agonistes
+ les glucocorticoïdes par autres voies, dont :
- intra-articulaire
- intramusculaire
- intraveineuse
dopage sanguin :
+ transfusions, dont :
- homologue
- autologue
+ EPO, dont :
- forme directe
- stimulation de l'EPO
+ hémoglobine de synthèse, dont :
- ancienne
- récente
- next-gen
+ stimulations diverses de l'oxygénation
agents masquants :
+ diurétiques
+ autres
Passons maintenant à l'analyse.
La première catégorie, celle des traitements périphériques, est la plus anciennement utilisée. Ses origines se trouvent dans le dopage des chevaux de la fin du 19ème siècle, et est utilisée depuis les premières grandes courses de vélo. Elle est toujours utilisée aujourd'hui.
Parmi eux, les tonifiants sont une catégorie quelque peu désuète. Il y a de nombreuses décennies, la strychnine état par exemple utilisée pour ses propriétés tonifiantes sur le muscle. Un muscle plus tonique réagit plus vite aux sollicitations nerveuses, ce qui réduit le temps de réaction musculaire, notamment lors des sprint courts. Il est alors plus simple et plus rapide d'atteindre sa puissance maximale absolue sur quelques secondes. Mais sa puissance rendait son dosage difficile, d'où de nombreux abandons par crampes liées à un empoisonnement à cette substance. Autrement dit, elle était dangereuse, mais pour un effet dopant très faible. Cette substance a donc progressivement été abandonnée après-guerre. D'autres tonifiants sont utilisés aujourd'hui avec une certaine efficacité comme on le verra plus bas, mais ils ne constituent en aucun cas le centre du dopage et ne sont pas utilisés en priorité pour leurs effets tonifiants.
Ensuite, les tranquillisants sont une catégorie toujours utilisée pour gérer l'insomnie et l'anxiété, pour respectivement optimiser la récupération et détendre l'organisme. Dans le temps, on utilisait les barbituriques, désormais remplacés par les benzodiazépines et apparentés (par exemple le valium ou le stilnox). Leur aide peut être précieuse en période de stress, mais ils n'augmentent pas le potentiel physiologique du coureur, et risquent d'occasionner un contrôle positif. Leur usage passant mal les contrôles et l'effet dopant étant faible, ils ne peuvent donc pas constituer le centre du dopage actuel. Selon les molécules, on peut tendre plutôt vers le somnifère, ou plutôt vers l'anxiolytique, mais certaines molécules font les deux, par exemple le zopildem tartrate (celle du stilnox).
Les antidouleurs sont ensuite toujours prisés en cyclisme pour leur capacité à réduire, voire annuler la douleur ressentie, ce qui peut se révéler utile tant le cyclisme est un sport qui fait mal. Dans le temps, on utilisait de la morphine, puis du palfium (cf Roger Rivière). Plus récemment, le tramadol était répandu, et aurait depuis son interdiction été remplacé par le tapentadol. Comme dit précédemment, leur capacité antidouleur fait qu'ils sont recherchés, mais ils sont aussi prisés parce que certains tardent à être interdits. Par exemple, le tramadol n'a été banni du vélo que le 1er Mars 2019 après avoir circulé pendant de nombreuses années dans les pelotons professionnels, là où le tapentadol n'est pas encore interdit. Cependant, leur tendance à fortement réduire la vigilance peut multiplier le risque de chute, et il faut noter qu'ils ne modifie pas là encore le potentiel physiologique du coureur, ce qui en fait un type de produit dopant risqué et pas si efficace que cela.
Enfin, les stimulants sont une catégorie longuement utilisée pour leur capacité à faire passer outre la douleur et la fatigue, à améliorer le mental, à augmenter la motivation, à augmenter la concentration et la vigilance. Certains permettent aussi par leurs effets euphorisants de nous désinhiber face au danger, donc de prendre plus de risques. Les stimulants peuvent ensuite servir à contrebalancer l'effet sédatif des tranquillisants au lever, puis des antidouleurs pendant la course. Au début, la cocaïne remplissait ce rôle, puis elle s'est vue accompagnée depuis l'après-guerre par les amphétamines et dérivées. On sait que Fausto Coppi et Jacques Anquetil en consommait beaucoup, tout comme Charly Gaul. Plus récemment, certains flandriens comme Tom Boonen et Lucas Paolini ont été dépendants à la cocaïne.
Depuis sa dérégulation, la caféine est à nouveau largement utilisée, quoique dans des doses quelquefois excessives dans le cas de certains coureurs (jusqu'à l'équivalent de 15 expresso par jours). La caféine comporte aussi certains effets tonifiants sur les muscles et des effets diurétiques.
Mais bien que leurs effets psychotropes soient quelquefois puissants, les stimulants ne touchent pas au potentiel physiologique, et sont aussi susceptibles pour la plupart de faire l'objet d'un contrôle positif.
Leur effet dopants sont donc avant tout mentaux, on se rapproche davantage de son potentiel maximal, mais sans l'augmenter, et on prend le risque d'un contrôle positif pour toutes les molécules interdites. Par ailleurs, la désinhibition est à double tranchant car elle peut amener à prendre des risques excessifs, donc à éventuellement tout perdre sur une chute.
D'une manière générale, la catégorie des traitements périphériques peut apporter des effets puissants sur les sensations pour un prix variable, mais ils n'ont pas d'effets notables sur le potentiel physiologique et sont pour la plupart contrôlées lors des tests antidopages. Certaines ne le sont pas, comme la caféine et le tapentadol. La première est officiellement et largement utilisée, le second circule probablement sous les manteaux.
Mais la levée de réglementation concernant la caféine date de 2003, et le tapentadol vient avant tout remplacer le tramadol. L'absence de concordance des dates et le manque d'effets sur le potentiel physiologique peut donc nous permettre d'écarter cette piste concernant les hausses de performance récentes. Il y a certes eu un peu de nouveau dans ce domaine ces dernières années, mais ce n'est pas là que se situe la clé de l'énigme des performances mutantes.
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La catégorie suivante, celle des vélos électriques, est par opposition la plus récente. Elle a alimenté de nombreux soupçons d'usage au cours des années 2010, même si aucun gros poisson ne s'est fait prendre. En tant que telle, elle comporte de nombreux avantages : non seulement elle apporte des gains notables en performance pour n'importe quel type d'effort sous réserve que le moteur soit suffisamment puissant et que la réserve d'énergie en batterie soit suffisamment importante, mais elle a aussi la particularité de ne faire encourir absolument aucun risque pour la santé et de ne pas être détectable via les contrôles antidopages sur l'humain, d'où un net intérêt technique pour cette méthode. La position du moteur peut varier. La batterie peut être positionnée à côté du moteur, ou cachée dans un bidon. Le manque de place due à la petitesse des bidons et à l'aérodynamique des cadres limite cependant fortement la capacité maximale de la batterie camouflée, à fortiori sur les vélos les plus récents. De fait, le dopage mécanique est surtout utile pour les durées courtes, c'est-à-dire les sprints, les accélérations pour distancer les adversaires, et pour remédier aux coups de moins bien en cas d'accélération des adversaires. On était dans mes souvenirs à 250W maximum de puissance et 30Wh maximum de capacité.
Cette forme de dopage n'a été interdite qu'en 2014 et les premiers tests ne sont arrivés qu'en 2015. Il était donc possible avant 2014 de se servir d'un vélo à moteur électrique miniaturisé sans risque de se faire prendre puisque ce n'était pas testé ni même interdit. Il est donc hautement probable que cette méthode ait été utilisée avant 2014. Et même si l'on tombe sur des preuves d'usage avant cette date, l'absence d'interdiction de l'époque ne permettra pas de prendre de sanctions légales car la loi n'est pas rétroactive. Sur le GIRO 2015, les premiers tests consistaient à vérifier l'axe de pédalier. Là, seule les moteurs d'ancienne génération pouvaient être détectés, alors même que ceux de l'époque se situaient plutôt dans le cadre. En 2016, il y avait des vérifications magnétiques, qui étaient cependant mal faites et peu fiables, sachant en plus que les moteurs avaient probablement déjà déménagés dans les roues, voire même dans le moyeu des roues. Depuis 2018, le recours au scanner pour la détection semble cependant avoir grandement augmenté le risque de se faire prendre avec ce genre de procédé.
Lors de quelques reportages sur le vélo électrique en compétition, on avait appris que les tests sur le Giro 2015 étaient officiellement des tests au scanner (ce qu'ils n'étaient pas), et que l'usage des tablettes magnétiques ressemblait fort à une vaste opération d'enfumage. J'ai donc soupçonné l'UCI d'avoir été prise de vitesse par ces nouveaux procédés et d'avoir volontairement tardé à vraiment réagir de manière à laisser le temps aux tricheurs de se débarrasser du matériel compromettant et de passer à autre chose. De cette manière, aucun gros poisson ne se ferait prendre, l'image des grandes courses et du sport ne serait pas ternie, et la poule aux œufs d'or serait donc intacte.
Mais depuis, il est probable que les scanners et démontages de vélo soient réels, que ce ne soit pas des mascarades, sinon on aurait déjà eu des fuites. Ensuite, je pense qu'il est peu probable que les vélos électriques soient toujours utilisés à haut niveau aujourd'hui car cela supposerait de pouvoir bricoler des vélos capables de passer outre les tests. Ce serait non seulement très difficile et horriblement coûteux, mais cela impliquerait aussi de mettre le staff mécanique dans la confidence et d'embaucher un personnel spécialisé dans ce genre de procédés, ce qui accroîtrait donc largement le risque de fuite, soit par un type du milieu qui balance tout car s'estimant lésé (Landis), soit par un reportage.
Alors qu'avec le dopage chimique, il n'est même pas obligatoire que toute l'équipe soit au courant. Et s'il s'agit d'un dopage d'équipe, on peut limiter le cercle d'initié à seulement une partie des coureurs et du staff médical, tout en laissant les autres dans l'ignorance pour limiter le risque de fuite.
Je remarque d'ailleurs que les accélérations des meilleurs coureurs sont moins impressionnantes à la fin des années 2010 qu'au début, ce qui semble accréditer la thèse d'un abandon progressif des vélos électriques à plus haut niveau. La méthode pourrait cependant persister au niveau amateur, là où les contrôles des vélos sont bien moins répandus et moins efficaces. Bien que les gains de performance avec ce genre de méthode puissent être significatifs, la non-concordance des dates me conduit à penser que ce n'est pas non plus là que se trouve la source de la hausse des performances depuis l'année 2019.
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A partir de la catégorie suivante, on rentre vraiment dans le vif du sujet, dans le vrai dopage chimique. Cette fois, il est question de produits capables d'augmenter notre potentiel physiologique à divers degrés, essentiellement en accroissant ou en accélérant la construction et la récupération corporelle. C'est pourquoi je les nomme de façon générale "hormones anabolisantes". Je les ai ensuite divisées en plusieurs catégories selon leur type. La première dont on va parler est celle des anabolisants stéroïdiens, aussi nommés stéroïdes anabolisants.
Les stéroïdes anabolisants sont issus d'une longue période recherche sur les hormones anabolisantes. Jusqu'à l'entre-deux-guerre, leur consommation passait par l'ingestion... d'extraits de testicules animaux. Bien évidemment, cela tenait alors plus du complément alimentaire douteux que du dopage. Durant les années 30, l'androsténone puis la testostérone ont été découvertes, puis synthétisées pour la première fois. Les culturistes ont alors commencé à s'en injecter juste avant la seconde guerre mondiale, puis les injections se sont étendues aux sports de force dès l'après-guerre, et ensuite à tous les autres sports. De nombreuses molécules ont depuis été synthétisées en tant que dérivées de la testostérone afin de varier les effets recherchés ou de réduire les effets secondaires. Certaines ont même quelques effets opposés. Le but n'est pas ici de toute les lister, elles et chacun de leurs effets individuels, mais de fournir un point de vue général sur les stéroïdes anabolisants. Globalement, les effets recherchés de ces derniers peuvent être les suivants :
- gain de force musculaire
- gain de masse musculaire
- gain de volume musculaire
- meilleure récupération musculaire
- solidification des os
- stimulation de la production de globules rouges
- fonte de la masse grasse (effet de sèche)
- effet coupe-faim
- effet diurétique (fait évacuer l'eau de l'organisme)
- tolérance accrue à la douleur
- motivation accrue
- désinhibition
Il faut premièrement différencier la force, la masse et le volume musculaire. La force musculaire désigne la force maximale développable par le muscle. La masse musculaire désigne le poids sec des fibres musculaires. Le volume musculaire désigne enfin le volume musculaire total, avec les fibres mais aussi le liquide et les réserves dans lesquelles elles baignent. Il peut y avoir gain de force sans gain de masse ni de volume. C'est ce qui se passe en cas d'accroissement des capacités nerveuses du muscle, c'est-à-dire de meilleur recrutement et d'utilisation plus intense des mêmes fibres musculaires. Le gain de force est alors principalement obtenu sur le pic de force sur quelques secondes. Cependant, l'amélioration des capacités nerveuses du muscle issu de l'entraînement en force maximale permet aussi de gagner en souplesse et en coordination, donc d'améliorer largement l'efficacité de notre technique de mouvement pour toutes les durées d'effort. Cela permet alors de gagner en force moyenne et en vitesse d'exécution, notamment sur des mouvements poly-articulaires comme le pédalage en vélo. Il peut ensuite y avoir gain de volume sans gain de force ni de masse. Le muscle est alors plus endurant dans les efforts anaérobies et aérobies par augmentation des réserves diverses, donc peut maintenir une certaine force plus longtemps, mais sans gagner en force maximale. Gagner en masse permet cependant de gagner en force comme en volume. En effet, le gain de masse se traduit par un grossissement des fibres musculaires, qui sont donc nécessairement plus volumineuses. Ensuite, le gain de force lié au gain de masse se répercutera sur l'ensemble des efforts anaérobies, et dans une bien plus faible mesure aérobie parce que le système cardiovasculaire n'aura pas progressé à hauteur du grossissement du muscle, y compris sa propre vascularisation.
La solidification des os réduit ensuite le risque de fracture par renforcement excessif des muscles par rapport aux os. La stimulation de la production des globules rouges contribue ensuite à améliorer les performances aérobies. Les effets de sèche et coupe-faim permettent de leur côté de faciliter l'affinage avant une grande course, en optimisant notamment le rapport poids-puissance. Les effets diurétiques de certains stéroïdes permettent enfin aussi de diminuer notre poids, donc d'améliorer le rapport poids/puissance, en virant un peu d'eau de l'organisme, et accessoirement de contrebalancer la rétention d'eau que peuvent causer d'autres stéroïdes. Les trois derniers gains ont enfin déjà été traités plus haut.
Les effets secondaires comportent de façon non exhaustive les suivants :
- rétention d'eau
- gynécomastie (plus généralement formation d’œstrogènes)
- trouble du comportement
- trouble du sommeil
- toxicité pour les organes vitaux ( notamment gonades, foie, rein, cœur)
La gynécomastie peut mettre mal à l'aise psychologiquement et fait prendre du poids. La rétention d'eau encore plus : cette dernière est très préjudiciable à la performance en montée, ainsi qu'en accélération. Ces deux effets sont causé par la conversion des stéroïdes en œstrogènes par aromatase. Les troubles du sommeil gênent la récupération générale et les troubles du comportement sont susceptibles de mener à des dérapages potentiellement éliminatoires (par ex : le fameux "roid rage").
Les molécules de stéroïde anabolisant peuvent avoir une demie-vie courte et un effet rapide, ou bien une demie-vie longue et des effets prolongés. Le premier cas obligera à des injections fréquentes pour maintenir ou poursuivre les gains, pour que la progression durement obtenue ne s'évapore pas en quelques semaines. De son côté, le second cas impliquera une fenêtre de détection bien plus longue, ce qui peut s'avérer problématique pour passer au travers des contrôles antidopages. Le prix peut aussi varier, ce qui implique des inégalités d'accès selon le budget, mais tend usuellement à être plutôt élevé.
Chaque molécule diffère des autres par ses effets recherchés et par ses effets secondaires, aussi bien concernant le type que l'intensité des effets. Chacun est ensuite susceptible de réagir différemment à chaque molécule, et il y a enfin des contraintes par rapport aux habitudes du préparateur et aux réseaux de fournisseurs, si bien que trouver la combinaison optimale pour la physiologie et les objectifs de chacun est un art particulièrement ardu. Les cures de stéroïdes consistent donc souvent en de savantes combinaisons de plusieurs molécules, certaines servant à maximiser les effets recherchés, et les autres à limiter les effets secondaires. On peut cependant déjà distinguer les stéroïdes naturels de ceux qui ne le sont pas. Les premiers sont naturellement présents dans l'organisme, pas les seconds. Un contrôle peut donc être positif aux seconds rien qu'à la présence de traces dans l'organisme, là où un contrôle est positif aux premiers en cas d'excès d'un certain seuil, de variation ou de déséquilibre excessif. Les premiers laissent donc davantage de marge de manœuvre aux utilisateurs par rapport aux seconds quant à la possibilité de contourner les tests antidopages.
On peut aussi distinguer les stéroïdes directs des précurseurs. Les premiers font directement effets là où les seconds doivent d'abord être métabolisés par l'organisme en stéroïdes utilisables. Les premiers tendront ainsi à faire plus rapidement effet et à disparaître plus rapidement de l'organisme, là où les seconds tendront à avoir un effet plus prolongé et plus progressif, ainsi qu'à rester plus longtemps présent dans l'organisme. Il est possible d'ajuster la demie-vie et la durée d'effet du précurseur en faisant varier la molécule associée au principe actif.
D'une manière générale, l'usage des stéroïdes en cyclisme sur route sert moins à la prise de masse musculaire (sauf pour de rares purs sprinteurs) qu'à la conservation de cette masse et du mental malgré la sèche, les stages en haute altitude et la fatigue. En effet, ces trois événements tendent à causer une baisse de la production de testostérone, une fonte musculaire et une dégradation du mental. Par ailleurs, il faut aussi toujours pouvoir passer entre les mailles du filet de l'antidopage. La prise de stéroïdes anabolisants en cyclisme consiste alors usuellement en des micro-doses visant à maintenir un taux relativement élevé pour contrer les trois perte susmentionnées. De plus, prendre en masse signifie aussi prendre en poids, ce qui pose problème pour passer les montées sachant que les gains de force obtenus avec les stéroïdes sont surtout valables pour les durées courtes et bien moins forts pour les durées longues. Ensuite, le vélo est un sport de puissance, pas de force maximale. Si un gain de force est toujours appréciable, il ne faut pas que ce dernier soit obtenu au détriment de la vitesse, de la coordination et de la souplesse. En cas de perte de souplesse et de coordination (comme par exemple en cas de croissance musculaire rapide et excessive sans entraînement approprié), la technique de pédalage sera négativement impactée, ce qui peut induire une perte de rendement et une moins bonne mobilisation des groupes musculaires. Ensuite, la croissance rapide et excessive peut aussi faire perdre en vitesse d'exécution. Cependant, si la prise est bien réalisée, notamment si la prise de force est supérieure à la prise de masse des jambes, le gain de force peut aussi s'accompagner d'un gain plus faible de vitesse par facilité accrue à lutter contre la force issue de la mise en mouvement alternée d'une certaine masse (comme par exemple dans le cas des cuisses en pédalage). Cela nécessite ainsi des dosages largement plus faibles qu'en bodybuilding. A ces dosages, les effets secondaires de la prise de testostérone sont quasi-inexistants. Leurs effets sur le mental, la résistance à la douleur, le courage et la récupération musculaires sont enfin appréciés.
Puisque les dosages requis sont modérés et qu'il faut passer aux travers des tests antidopages, le stéroïde le plus populaire est l'hormone mâle de base, à savoir notre bonne vieille testostérone. Utilisable en injection, mais aussi en crèmes et en gel, on la trouve un peu partout dans le vélo. C'est aussi le stéroïde qui stimule le mieux à ma connaissance la production de globules rouges, ce qui lui permet mieux que les autres d'apporter de légers gains spécifiques en performance aérobie. Elle a aussi davantage d'effet que les autres sur la solidification des os, ce qui est utile pour réduire le risque de fractures par fatigue. Il n'est donc guère étonnant qu'elle soit si populaire en dopage cycliste. Il arrive enfin que de l'épitestostérone soit injectée pour maintenir le ratio testostérone/épitestostérone en-dessous de la limite légale de 4:1, mais cela doit se faire avec précaution et modération parce que le taux d'épitestostérone et ses variations sont aussi contrôlé sur le passeport biologique.
Cependant, l'usage des stéroïdes comme produit dopant dans le vélo est ancien, restreint par le passeport biologie, et les gains musculaires obtenus via ces derniers sont essentiellement utiles pour des durées courtes, moins pour des durées longues. Même la testostérone fait davantage gagner pour les durées courtes que les durées longues. La réponse à notre question de départ ne se trouve donc probablement pas là.
Viennent ensuite les SARMs (pour selective androgenic receptor modulators). Ces derniers ont été développés à partir des années 1990 en tant qu'alternatives aux stéroïdes. Ils servent à mimer leurs effets recherchés, mais en évitant leurs effets secondaires. Ils ne sont pas eux-mêmes des hormones androgènes, donc ne risquent pas de se convertir en œstrogènes, mais ils renforcent les effets recherchés des hormones androgènes naturellement produites par l'organisme. Là aussi, les substances, les prix et les effets divergent selon les molécules utilisées, mais on retrouve grosso modo les suivants :
- gain de force musculaire
- gain de masse musculaire
- gain de volume musculaire
- meilleure récupération musculaire
- solidification des os
- stimulation de la production d'hormones de croissance
- fonte de la masse grasse (sèche)
- hausse de l'endurance musculaire
Les substances les plus connues de cette catégorie sont l'ostarine et la cardarine. La première est souvent utilisée comme alternative aux stéroïdes, et la seconde a alimenté de nombreux soupçons dès la fin des années 2000 concernant son potentiel usage combiné avec l'Aicar (ou acadésine) pour faire exploser l'endurance musculaire et réduire nettement la masse grasse. Notons que l'Aicar est naturellement présent dans l'organisme contrairement aux SARMs, ce qui complique la détection de tout apport exogène de ce dernier. D'une manière générale, les SARMs semblent moins puissants que les stéroïdes et sont déjà utilisés en tant que produit dopant depuis environ deux décennies. Les nouvelles molécules expérimentales sont ensuite rapidement transmises aux autorités antidopages, par exemple le stenabolic, une molécule qui a des effets apparentés à ceux de la cardarine, avec aussi des effets protecteurs sur le cœur, et à laquelle Sarah Benfares a été testée positive l'année dernière. La source des performances mutantes récentes ne semble donc pas se trouver là.
Les SERMs et associés regroupent ensuite plus généralement les anti œstrogéniques, notamment les SERMs (pour selective estrogénic receptor modulators) comme le tamoxifène, ou les inhibiteur d'aromatase comme le létrozole. Les premiers visent à bloquer l'action des œstrogènes, et les seconds à empêcher la conversion des stéroïdes androgènes en œstrogènes par aromatase. Cette conversion est responsable des effets secondaires féminisants liés à la prise de stéroïdes androgènes, comme par exemple la gynécomastie et la rétention d'eau. D'une manière générale, ces molécules visent à augmenter l'efficacité des stéroïdes anabolisants en réduisant certains de leurs effets secondaires. Cependant, elles peuvent aussi ralentir les effets principaux des stéroïdes. Vu ce qu'on a dit sur les stéroïdes, la réponse à la question de l'explosion récente des performances ne semble donc pas non plus se trouver là.
D'autres hormones, comme l'hormone gonadotrophique chorionique (HGC) et l'hormone lutéinisante (ICSH), peuvent aussi être utilisées afin de maintenir l'activité des testicules malgré une cure de stéroïdes. Cela peut permettre au choix de réduire les doses ou d'augmenter les gains, mais surtout d'empêcher les testicules de rétrécir et de se payer un cancer pour inactivité. Là encore, la réponse ne se trouve pas là.
Concernant la catégorie suivante, les hormones de croissance (HGH) sont une autre forme d'anabolisant plus polyvalente que les stéroïdes. Outre les gains en force, masse, volume et récupération musculaire, ainsi que la perte de masse grasse, elle permettent aussi de renforcer non seulement les os, mais aussi les tendons et les ligaments. Leur usage permet donc de réduire le risque de blessure aux tendons et aux articulations en renforçant ces parties du corps. Les gains musculaires sont certes moins élevés que ceux issus des stéroïdes, mais ils sont plus complets et effectués d'une autre manière : l'HGH ne réagit pas aux récepteurs androgéniques, mais permet la synthèse de protéines de construction. Elle n'a donc pas d'effets androgéniques ou œstrogéniques. Elle présente comme les stéroïdes des effets désinhibants, mais favorise le sommeil au contraire de ces derniers. Cette aide au sommeil est utile pour mieux récupérer des entraînements de façon générale, pour contrer les effets excitants de certaines autres substances, et surtout pour enchaîner les hautes performances au cours des jours de course d'une compétition par étape. Elle aide enfin à la vascularisation des muscles, ce qui aide pour les efforts d'endurance comme le vélo sur route.
Comme il s'agit d'une hormone naturellement produite par l'organisme, la détection d'un apport exogène est logiquement difficile. Cependant, une injection excessive se verrait sur le passeport biologique. La polyvalence des gains possibles avec l'HGH, ainsi que sa détection difficile, rendent ainsi son usage assez prisé. Leur usage risque cependant de favoriser sur le long terme les cancers ainsi que la croissance des extrémités du corps, des organes ou de la mâchoire. Une bonne hormone tend aussi à coûter très cher, ce qui en limite l'usage, même au plus haut niveau. Cependant, son usage, y compris à hautes doses, remonte aux années 1980, n'a pas vraiment cessé depuis, et a même été légèrement restreint par le passeport biologique. Donc pas de quoi expliquer les hausses de performance récentes.
Ensuite, une catégorie forte intéressante est celle des hormones thyroïdiennes. Utilisées depuis les années 1960, davantage en cyclisme depuis les années 2010, elles ne sont pas interdites. Pourtant, elles ont une nette action stimulante et favorisent grandement la sèche. Ces gains sont augmentés lorsqu'elles sont consommées en même temps que des corticoïdes. Elle sont ainsi fréquemment utilisées dans le peloton professionnel pour optimiser le rapport poids-puissance à l'approche des grandes courses via la consommation de médicaments comme le thyrax combiné à la cortisone. Cependant, bien que les gains de performance obtenu avec elles soient manifeste, leur usage dopant a débuté bien avant la hausse récente des performances. La solution à notre énigme de départ ne se trouve donc probablement pas par là. Elle pourrait cependant expliquer la facilité apparente de certains coureurs de ces dernières années à perdre du poids juste ce qu'il faut et juste avant une course importante.
De leur côté, les peptides serve à stimuler la production d'hormone de croissance. Cela a donc aussi son utilité, mais on ne trouve pas plus de réponses de ce côté là.
Ensuite, l'insuline est une puissante hormone financièrement accessible et utile aussi bien pour le sprint que l'endurance. C'est une hormone naturellement produite par l'organisme, ce qui rend difficile la détection de tout apport exogène. Utilisée initialement pour accompagner les diabétiques, elle fut utilisée à des fins de dopage à partir des années 1990. Une fois injectée, elle facilite l'entrée du glucose sanguin dans les cellules. A plus long terme, elle permet aussi d’accroître grandement les réserves de glycogène musculaire, mais a aussi des effets anabolisants. Plus précisément, elle accélère la synthèse des protéines, ce qui augmente l'endurance des muscles ainsi que leur volume, augmente la récupération musculaire et permet de gagner en masse musculaire. Ces effets anabolisants sont différents de ceux des stéroïdes et des hormones de croissances, ce pourquoi l'utilisation simultanée des trois crée des synergies entre eux. L'insuline permet ainsi de gagner en performances pour tout type d'effort. Notamment, l'augmentation des réserves en glycogène permet de retarder leur épuisement, donc de maintenir plus longtemps un effort en endurance haute. La dose dépendra de l'effort prévu : une grande étape de montagne ou une longue classique nécessite plus de réserves qu'une course de côte ou qu'un chrono. Les réserves doivent donc être calibrées sachant qu'1 gramme de glycogène est stocké dans 3 grammes d'eau ; accroître les réserves de glycogène se fait au prix d'un poids légèrement plus élevé, d'où la nécessité d'un compromis entre réserves de glycogène importantes et poids contenu. L'alimentation de course abondante en glucide de ces dernières années (jusqu'à 120g par heures) pourrait aussi potentialiser les effets d'une petite dose bien calibrée injectée juste avant la course. Cela pourrait expliquer une partie des gains récents de performance, mais seulement une petite partie à cause de la limitation de l'alimentation en course et du passeport biologique.
Il existe enfin d'autres anabolisants divers. Par exemple le clenbutérol. Ce dernier est essentiellement utilisé pour ses fortes capacités brûle-graisse ainsi que son net effet coupe-faim, tout en préservant la masse et la force musculaire. Mis en lumière avec le contrôle positif de Contador, il risque toutefois de causer de l'arythmie cardiaque et des crampes, ce qui impose de le coupler à d'autres médicaments en cas de pratique avec lui d'un sport d'endurance.
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Notre quatrième catégorie est celle des accélérateurs périphériques. Celle-ci rassemble des substances au prix variable et ayant des effets accélérateurs sur le métabolismes, mais dont les fonctions anabolisantes ne sont pas primordiales. On y trouve notamment les béta-2 agonistes inhalés, et les glucocorticoïdes consommés d'une autre manière.
La première catégorie d'accélérateur périphérique dont on va parler est celle des bêta-2 agonistes. On y trouve par exemple la terbutaline et surtout le salbutamol. Le clenbutérol en fait aussi partie, mais j’ai préféré le laisser à part à cause de ses effets quelque peu différents. Utilisés dans le traitement de l’asthme du fait de leurs effets bronchodilatateurs, ils sont aussi utilisés à des fins dopantes, surtout depuis leur relative libéralisation en matière d'antidopage au cours des années 2010. En effet, la dilatation des voies respiratoires facilite la respiration et la rend plus profonde, donc réduit le coût énergétique de la respiration, réduit le stress induit et facilite l'entrée du dioxygène dans le sang. Ils causent aussi une dilatation des vaisseaux sanguins, donc accroissent légèrement la vascularisation, au bénéfice bien évidemment des performances aérobies. Ils facilitent ensuite légèrement certaines étapes de la glycolyse et de la lipolyse, ce qui aide bien évidemment aux performances. Ils augmentent aussi le tonus du muscle, ce qui permet un gain de force maximale d'une façon semblable à celle énoncée plus haut. Enfin, ils auraient à haute dose de légers effets anabolisants, cela permettant notamment de gagner un peu en masse et en volume musculaire tout en perdant en masse grasse. Un dosage excessif peut toutefois causer des tremblements, de la tachycardie et une fragilisation des os à plus long terme, notamment pour les non-initiés aux fortes doses.
Pour récapituler, les effets recherchés sont les suivants :
- bronchodilatation
- vasodilatation
- mobilisation accrue des glucides (dont glycogène) et lipides
- gain de tonus musculaire
- léger gain de masse et de volume musculaire à haute dose
- perte de masse grasse à haute dose
La bronchodilatation et la vasodilatation apportent des gains marginaux à la performance aérobie et à la récupération. Le gain de tonus musculaire augmente la capacité en sprint cours, c'est-à-dire la puissance maximale sur quelques secondes. La mobilisation accrue du carburant augmente légèrement les performances aussi bien sur les efforts courts que les efforts longs. La perte de masse grasse augmente la puissance spécifique, ce qui est utile pour les accélérations et les montées. Enfin, les légers gains musculaires viennent légèrement renforcer les capacités anaérobies. Au total, les effets de gain de masse et de perte de gras peuvent aussi servir à maintenir sa musculature en pleine sèche, en plein stage en altitude ou malgré la fatigue.
L'autre catégorie est celle des glucocorticoïdes. N'étant pas inhalés, on ne retrouve pas les effets bronchodilatateurs des précédents. On retrouve cependant de façon bien plus marquée les autres effets, c'est-à-dire les effets anabolisants, le gain de tonus musculaire, la mobilisation facilitée du carburant et la vascularisation des muscles. Ces effets généraux sont surtout visibles en injection intraveineuse et orale, avec un effet plus progressif et diffus dans le second cas. Injectés de façon locale, les effets anabolisants sont plus prononcés en intramusculaires, et ont de nets effets antidouleurs lorsqu'injectés en intra-articulaire. Ils tendent enfin à générer une certaine euphorie, ce qui aide à aller beaucoup plus loin dans l'effort combiné aux propriétés antidouleurs. A bonnes doses, les glucocorticoïdes sont particulièrement puissants, au niveau même d'une bonne grosse transfusion et d'une dose moyenne d'EPO. Leur emploi fréquent dans le vélo est donc peu surprenant.
Les molécules les plus typiques de cette catégorie sont la cortisone, la prednisone, la prednisolone et la triamcinolone. Cette dernière est dite à effet retard, c'est-à-dire que ses effets se prolongent longtemps après la consommation et l'évacuation de la substance par l'organisme. Wiggo l'a notamment utilisée grâce à une AUT pour préparer son Tour 2012, qu'il a remporté. Leurs effets antidouleurs en injection intra-articulaire furent la première raison de leur premier âge d'or, au cours des années 1970. Ensuite utilisés avec d'autres méthodes de dopage pour en augmenter les effets, ils sont revenus à la mode au cours des années 2010 avec leur relative libéralisation et les nouvelles découvertes sur leurs capacités concomitamment aux restrictions sur le dopage sanguin. Au cours des années 2020, les injections ont été interdites, mais elles sont probablement toujours pratiquées en cachette, de façon masquée.
Ces molécules peuvent donc apporter des gains de performance significatifs. Cependant, il ne semble pas y avoir eu de changement récents concernant ces dernières de nature à expliquer les récents gains de performance qui ont défrayés la chronique sur les sites spécialisés. Je discuterais cependant plus bas d'une hypothèse alternative impliquant les corticoïdes.
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Notre avant-dernière catégorie est celle du dopage sanguin. C'est la plus puissante des formes de dopage possibles pour le vélo. En effet, le vélo est un sport à dominante aérobie (effort qui repose sur l'usage de dioxygène). Or, la capacité de transport du dioxygène vers les muscles est le principal facteur limitant de la performance aérobie. Par conséquent, augmenter cette capacité de transport via le dopage sanguin va aboutir à des gains de performances majeurs. Ces gains sont essentiellement obtenus sur les durées d'effort à puissance maximale aérobie et au-delà, donc au-dessus de quelques minutes, mais aussi sur la récupération à court et long terme, donc aussi bien la récupération après une attaque que la récupération d'un jour de course à l'autre, voire après les entraînements.
La première forme de dopage sanguin est la transfusion. Mise au point médicalement après-guerre et pratiquée dans l'athlétisme au début des années 70, elle gagna rapidement le vélo à cause de son efficacité nette et de son accessibilité financière. Il s'agit simplement de se faire transfuser le sang d'un donneur compatible (homologue), ou bien son propre sang (autologue). L'apport supplémentaire en globules rouges permet ensuite d'obtenir les gains susmentionnés sur les performances aérobies et la récupération. Star du dopage au cours des années 1980, elle fut ensuite éclipsée par l'EPO au cours des années 1990, puis revint à la charge au cours des années 2000 sous sa forme autologue, à l'époque indétectable. Se faire transfuser son propre sang ne permettait pas en effet de contrôle positif direct, contrairement à une transfusion homologue où il y a un risque de détection de sang exogène. Cependant, la mise en place du passeport biologique a obligé la réduction des doses, donc le passage en micro-doses pour rester dans les clous de l'antidopage, ce qui a limité son efficacité pratique dès les années 2010. L'ajout de sang risque de générer malaise et hypertension, ce pourquoi les utilisateurs tendent régulièrement à se transfuser du sang frais le matin, et à se le retirer après la course pour mieux dormir.
La forme suivante est l'EPO (pour érythropoïétine). Cette molécule fut la star du dopage des années 1990 à cause des gains phénoménaux qu'elle permettait sur les performances aérobies, de son prix contenu et de sa non-détectabilité à l'époque. On parlait de 10 à 15 % de VO2max, soit légèrement plus en puissance aérobie compte-tenu de la dépense énergétique utilisée pour tout ce qui n'est pas la propulsion directe. Comme il s'agit d'une hormone naturellement présente dans le corps, il est donc plus difficile de détecter son apport exogène lors des tests. Utilisée pour la première fois en 1988 par l'équipe PDM (Pays-Bas) pour préparer le Tour, elle s'est ensuite exportée en Italie et en Espagne au tournant des années 90, puis progressivement dans le reste du monde. Indétectable à l'époque, elle était utilisée en quantité croissante, ce qui posait cependant des risques d'arrêt cardiaque parce que le sang prend la consistance du pudding à cause de la plus forte concentration en globule rouge. Des fluidifiants était cependant injecté pour éviter ce risque et augmenter les doses. Les coureurs se levaient aussi la nuit pour pédaler afin de fluidifier le sang, donc éviter de crever d'un arrêt cardiaque pendant la nuit. Bjarne Riss a ainsi atteint une concentration en globule rouges (hématocrite) de 64 %. Son usage croissant a motivé l'UCI a introduire en urgence une limite à 50% de l'hématocrite à partir de 1997, limite qui était cependant aisément contournée dès son introduction. En revanche, sa prise exogène fut rendu détectable dès l'an 2000, et les génération suivantes de cette molécule n'ont pas pu échapper aux tests. Son usage a donc du se cantonner à la micro-dose, surtout depuis les années 2010 avec la progression du passeport biologique.
Outre l'injection directe d'EPO, il est aussi possible d'injecter des molécules qui vont stimuler la production endogène d'EPO. Cependant, il faut que ces molécules soient de préférence indétectables pour valoir le coup, ce qui n'est pas le cas de toutes. Ensuite, leur utilisation reste de toute façon limitée par le passeport biologique en terme de gains effectivement possibles.
Une autre forme de dopage sanguin est l'usage d'hémoglobines de synthèse. Utilisées dès 1998 pour contourner la limite d'hématocrite, elles étaient cependant peu efficaces et dangereuses. Un certain Mauro Gianetti a notamment finit à l'hôpital après les avoir utilisées. En 2003, Michael Rasmussen a utilisé l'oxyglobin (hémoglobine bovine) sur le Tour, mais sans suites à cause de l'efficacité modeste et des risques pour la santé. Une transfusion autologue de base restait de toute manière plus efficace, sachant en plus que ces vieilles hémoglobines de synthèse sont désormais devenues détectables lors des tests antidopages.
La génération suivante est celle des hémoglobines humaines. Déjà expérimentées au cours des années 1990, elles sont arrivées à maturité entre 2016 et 2018, où de nouvelles substances expérimentales ont été utilisées par des cyclistes avant même leur commercialisation. L'intérêt de ces hémoglobines est d'augmenter le débit de dioxygène transportable dans le sang sans toucher aux globules rouges tout en ressemblant aux hémoglobines naturelles. Elles auraient aussi une demie-vie de quelques heures à 2,5 jours. Cela les rends ainsi difficiles à détecter lors des tests antidopages. Elles permettent donc de réaliser des gains substantiels. Cependant, ces gains ne sont pas encore maximaux parce qu'elles ne peuvent pas pleinement déjouer le passeport biologique et parce qu'un surdosage risque de générer de l'hypertension et de la vasoconstriction, ce qui est préjudiciable à la performance.
Il semble cependant que de nouvelles hémoglobines next-gen soient apparus. Suite à la diffusion des recherches sur l'hémoglobine de ver marin et son potentiel incroyable, cette hypothèse est en effet plausible. Selon cette hypothèse, des laboratoires clandestins auraient mis au points pour le compte de certaines grandes équipes sportives de nouvelles hémoglobines de synthèse, dérivées ou non de celle du ver marin, qui pourraient transporter énormément de dioxygène, seraient peu toxiques et indétectables. Dans de telles conditions, leur usage à bonnes doses pourrait permettre d'apporter des gains de performance comparables à ceux constatés au cours de la diffusion de l'EPO. Ici, l'efficacité probable et les dates concordent avec les gains de performance constatés au cours de ces dernières années, ce qui laisse à penser que la source de ces gains pourrait justement résider dans l'usage récent de ces hémoglobines next-gen. On peut aussi supposer qu'elles sont difficiles et très coûteuses à produire, donc peineraient à se diffuser dans le sport et resteraient alors cantonnées à certaines équipes à très gros budgets. Cela pourrait ainsi contribuer à expliquer les fortes inégalités actuelles entre les leaders d'équipe sur les grandes courses comme le Tour de France.
Il y a enfin d'autres méthodes de dopage sanguin. Certaines consistent par exemple à prendre des médicaments qui accroissent la vascularisation des muscles, comme par exemple le meldonium. Il peut aussi s'agir de traitements au gaz, comme par exemple l'ozone avec Anquetil (sans efficacité dans ce cas), ou bien le xénon dans le cas des Russes aux JO de Sotchi en 2014 (avec une efficacité inconnue et probablement limitée). Plus récemment, une autre méthode de stimulation au gaz a fait parler d'elle : l'usage du monoxyde de carbone (CO). Ce dernier permet de simuler l'hypoxie induite par l'altitude, ce qui stimule la production de globules rouges et améliore la réaction de l'organisme au stress induit par l'altitude. Cela bénéficie bien évidemment aux performances dans les cols de haute montagne, même si là encore le passeport biologique empêche de trop en faire.
A noter que le dopage au CO nécessite ensuite de respirer longuement du dioxygène hyperbare (dioxygène pur à 3-4 bars) pour virer le CO. Cette méthode pourrait aussi servir à saturer rapidement en dioxygène de l'hémoglobine de synthèse fraîchement injectée, afin d'être plus performant dès le début de l'étape. Cela accroît cependant le coût total de la méthode.
De part la puissance des effets possibles et la concordance de certaines dates, il semblerait donc qu'une bonne partie de la réponse à l'énigme des hausses de performance inégalitaires récemment constatées se trouve dans de nouvelles méthodes de dopage sanguin mêlant stimulation innovante et substances novatrices.
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Notre dernière catégorie est enfin celle des agents masquants. Ces derniers peuvent éventuellement avoir des effets dopants, mais leur principale fonction est plutôt de masquer la prise de produits dopants aux yeux des contrôles antidopages. Ils sont ainsi moins des produits dopants directs, et davantage des aides puissantes au dopage. Parmi eux, les diurétiques sont largement prisés. En effet, outre que leur prise peut servir à contrer la rétention d'eau issue de la prise d'autres produits très utilisés, comme les anabolisants et les corticoïdes, leur capacité à accroître l'évacuation d'eau par les urines contribue aussi à accélérer l'évacuation de substances interdites. Leur utilisation doit cependant restée modérée pour éviter la déshydratation, qui est au contraire largement préjudiciable à la performance.
Révélée au grand jour par le contrôle positif de Delgado sur le Tour 88, leur usage est probablement consécutif à l'essor des corticoïdes et à l'arrivée des stéroïdes dans le vélo, probablement pour contrer la rétention d'eau que ces substances tendent à causer. Le récent contrôle positif d'un jeune Allemand de l'équipe des abeilles montre ensuite que les diurétiques sont toujours utilisés dans le peloton professionnel au plus haut niveau.
Bien que je n'ai pas de preuves d'usage en tête, une autre forme d'agents masquants pourrait être ce que j'appelle la combinaison masquante. Celle-ci consiste à combiner la prise de plusieurs molécules incluant non seulement celles permettant d'obtenir les effets recherchés, mais aussi des molécules dont les interactions avec les autres les conduisent à se masquer entre elles aux yeux du contrôle antidopage, mais cela tout en préservant les effets recherchés et en limitant les effets secondaires. A titre récapitulatif, une bonne combinaison masquante de différentes molécules doit aboutir aux effets suivants :
- obtention des gains recherchés
- limitation des effets secondaires
- masquer les substances testées aux contrôles antidopages
Les interactions entre produits sont très complexes, ainsi arriver à la bonne combinaison peut se révéler particulièrement difficile et coûteux. Mais il est toujours possible que des équipes de premier plan coopèrent avec des laboratoires clandestins afin de trouver la solution miracle. Bien évidemment, seuls les plus gros budgets pourront s'y mettre, mais certaines équipes de haut niveau peuvent se le permettre. Il se pourrait aussi qu'en plus des combinaison masquantes, ces laboratoires clandestins mettent au point des substances expérimentales efficaces et non détectables.
Bien que cela ne reste qu'une spéculation de ma part, ce genre de méthode pourrait en partie expliquer la forte hausse des performances actuelles dans la mesure où cela pourrait largement accroître les doses de substances interdites qui peuvent être utilisées tout en passant au travers des contrôles antidopages. Notamment, je soupçonne une certaine équipe sponsorisée par un pays du golfe de recourir à ce genre de combinaisons complexes pour accroître les doses maximales non-détectables de corticoïdes et d'anabolisants. L'usage des anabolisants dans le cyclisme a déjà été expliqué plus haut, mais je soupçonne ici surtout les corticoïdes. En effet, on sait que les corticoïdes renforcent les effets de l'EPO. C'est logique : là où les corticoïdes facilitent la mobilisation du glycogène et des graisses, c'est-à-dire du carburant, le dopage sanguin accroît les apports en dioxygène, c'est-à-dire en comburant. Forcément, jouer sur le carburant et le comburant plutôt que sur un seul des deux est bien plus efficace quant on recherche l'augmentation des performances.
De plus, on a pu constater des défaillances relatives et étranges de leurs coureurs bien positionnés au général lors d'étapes décisives pour le classement général de certaines courses cette année (Vaine+Macnully qui s'écroulent au pied de Jebel Hafeet ; Ayuso qui coince un peu à Leysin sur le tour de Romandie), et l'année dernière (Pogachar qui explose dans la Loze le lendemain du chrono de Combloux). Je soupçonne de mon côté l'injection de fortes doses de corticoïde, afin de tout tenter pour Pogachar, et afin de tester les effets en course sur des coéquipiers concernant cette année en vue de préparer le Tour de leur tête de gondole. Ce ne sont pas des défaillances qui poussent à abandonner, mais les coureurs se retrouvent soudain comme bloqués, alors qu'ils roulaient très bien les jours précédents. Cela me fait penser au Tour d'Italie 1998 d'Alex Zülle, qui marchait fort au début, mais qui a ensuite perdu pied à cause d'une injection massive de corticoïdes qui l'a bloqué parce que son organisme l'a mal supporté. Je pense donc que des méthodes semblables sont aujourd'hui à l’œuvre. Cela pourrait aussi expliquer pourquoi le leader épargné par le Covid de la même équipe sur la Vuelta 2024 (Adamyètse) a connu une moins bonne forme : étant cramé par le Tour, son organisme réagissait moins bien aux corticoïdes. Non seulement ces derniers perdaient en efficacité, mais il devait aussi réduire les doses pour ne pas avoir trop de problèmes de santé. Il se pourrait aussi que le prix des éventuelles hémoglobines de synthèse next-gen incite l'équipe à réduire les doses administrées pendant la course en cas de baisse des chances de bons résultats afin d'économiser de l'argent et des ressources. Il a donc logiquement du plier les ailes au cours de la Vuelta. L'usage de nouvelles substances non détectées ou de combinaisons masquantes permet enfin d'éviter le contrôle positif après la course.
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L'heure de la conclusion est donc maintenant venue. Après une analyse détaillée, il semble que la principale piste de réponse à la question de l'origine des hausses récentes de performance en cyclisme soit l'usage de nouvelles hémoglobines de synthèse très efficaces, indétectables et moins toxiques. Ces dernières seraient couplées à l'usage de combinaisons masquantes permettant d'augmenter l'usage d'anabolisants, et surtout de corticoïdes. Le tout formerait alors un cocktail détonant capable de permettre à un cycliste déjà très fort de base et réagissant très bien aux produits d'exploser les records des mutants des années 1990, avec bien plus de gains que le nouveau matériel, l'entraînement ou la nutrition moderne. Le prix probablement exorbitant et la difficulté probablement haute de la fabrication des hémoglobines de synthèse next-gen limite fortement leur diffusion et incite probablement les équipes bénéficiaires à les utiliser avec parcimonie. Avec la difficulté colossale inhérente aux combinaisons masquantes, cela pourrait aussi expliquer pourquoi la progression des performances est si inégalitaire et variable au cours de la saison pour certains coureurs.