Je remet un article de l'Equipe sortie il y a 2/3 mois :
Pour l'Union cycliste internationale, c'est un« problème très sérieux » . La Commission indépendante pour la réforme du cyclisme, elle, fait état de « divers efforts entrepris pour tricher techniquement, y compris en utilisant des moteurs dans les cadres » . Aucune preuve formelle n'a encore été apportée, mais le procédé est au point et, cinq ans après les doutes nés des performances de Fabian Cancellara, les rumeurs autour du vélo électrique ne se sont toujours pas estompées.
SANS DOUTE faut-il repartir de là, de la chute de Ryder Hesjedal sur la route d'Alcaudete, dans le Tour d'Espagne 2014, et la revoir, à l'aune du blitz de San Remo le 22 mars dernier – le contrôle d'une trentaine de vélos à l'arrivée de la classique italienne – et de ces « allégations et rumeurs », très alarmistes, évoquées par le président de l'Union cycliste internationale (UCI), Brian Cookson. Sur l'arrêt image (voir par ailleurs), Hesjedal est à terre, sa longue carcasse d'albatros peine à se relever. Sous ses jambes, sa bicyclette esquisse une drôle d'arabesque. Cet épisode, d'ordinaire si banal, que les internautes se repasseront en boucle, sans filtre, sur YouTube, se heurte à la logique. À l'origine, une simple glissade et, pour finir, un incident embarrassant et un faisceau de présomptions : à peine la roue arrière du Canadien touche-t-elle le sol que son vélo se cabre et se redresse en effectuant une rotation insolite, à 180 degrés, comme mû par un mécanisme interne, avant d'être percuté par la moto d'un cameraman. Étrange chorégraphie.
« Rien d'étonnant », selon le directeur sportif de Garmin, Bingen Fernandez, qui expliquera posément que ce mouvement était dû à « l'inertie de la bicyclette ». Possible. Mais au bout du fil, ce même jour, l'un de nos correspondants à l'UCI ne cache pas son embarras. «Tu as vu ? Son vélo sur la route qui se remet en marche... » Oui, j'ai vu, évidemment. « Cette image d'Hesjedal, c'est ce qui restera de cette Vuelta , j'en ai bien peur », avait-il enchéri, visiblement navré. Puis, avant de raccrocher, sur un ton plus léger : « Et si la moto ne l'avait pas entravé, imagine à quoi on aurait peut-être assisté. »
D'autres coups de téléphone, nourris du même scepticisme, s'entrecroiseront dans les heures qui suivront au siège de l'UCI, à Aigle, où l'incident ne suscitera, étrangement, aucune réaction officielle. En soi, l'aveu d'un malaise, ce malaise sur lequel la Commission indépendante pour la réforme du cyclisme (CIRC) a enfin mis des mots (lire par ailleurs), la crainte d'une tricherie technologique, calamiteuse pour l'avenir du cyclisme, que Brian Cookson a finalement rendue publique en différé. À la Vuelta, la chute du très inconstant Ryder Hesjedal – qui se souvient qu'il a gagné le Tour d'Italie ? – avait pourtant réveillé le spectre des vélos motorisés.
D'autres ombres étaient venues se plaquer, se fondre par surimpression sur la fine silhouette du Canadien. Celle, écrasante, de Fabian Cancellara, décollant Tom Boonen de sa roue, sans même lever le cul de la selle, sur les pavés graisseux du mur de Grammont, dans le final du Tour des Flandres 2010. Boonen avait chronométré la scène. « Jamais je n'étais monté aussi vite », aurait-il confié à son compatriote Björn Leukemans sans trop s'étendre. Dans ce même Tour des Flandres, il y avait eu, aussi, cet étrange ballet autour du second leader des CSC, Matti Breschel, flamboyant lauréat d'À Travers la Flandre quelques jours plus tôt. Scène irréelle. Le Danois s'arrête pour changer de vélo à 53 kilomètres de Meerbeke, mais son directeur sportif, Torsten Schmidt, hésite, cafouille et... se trompe de machine. Adossé au capot de la voiture, Breschel avait ruminé sa colère puis il était reparti en roue libre, sans plus s'intéresser à la course. Il s'était passé quelque chose. Mais quoi ? Que s'était-il produit au juste ?« Je ne sais pas, mais c'est bizarre, tous ces coureurs qui changent de vélo… Ça n'arrivait pas avant… », avait constaté un mécano du groupe Lotto, ajoutant, comme pour lui-même : « Schmidt, logiquement, n'aurait pas dû se tromper, les vélos de rechange des deux leaders se placent toujours à l'avant, de part et d'autre de la galerie. »
Une semaine plus tard, à Paris-Roubaix. Cancellara éparpillera tous ses rivaux sur le secteur pavé de Mons-en-Pévèle, après avoir changé de vélo, sans même subir une crevaison. « Mon patin de frein,dira-t-il, frottait sur la jante. » Aucune raison de ne pas le croire. De penser qu'il ait pu utiliser un moteur. Mais de là datent ces « rumeurs », dont parle Brian Cookson. D'autant que, sur Eurosport, Jacky Durand avait mené son enquête. Travail remarquable. Circonstancié et détaillé. Série de plans rapprochés, éclairants, sur lesquels on voit Cancellara changer de vélo, un mécanicien de la CSC couper à travers champs, un vélo sur l'épaule. Au vélodrome de Roubaix, une équipe de télévision n'avait pas eu le droit de filmer la bicyclette du Suisse au fond du camion atelier de l'équipe danoise de Bjarne Riis. De même, les policiers italiens, le 22 mars dernier, sur la via Roma, se virent interdire l'accès du camion de Tinkoff-Saxo, de Bjarne Riis – depuis lors limogé de son poste de manager sportif –, les employés de la formation russe excipant du droit à la propriété privée.
Mais aujourd'hui, le problème est nommé. Dans son rapport, la CIRC a reconnu que la « tricherie technologique existe ». Elle évoque des« tentatives d'infraction au règlement », sans apporter de « preuves concrètes ». Du coup, l'UCI, par la voix de Brian Cookson, a réagi, sur un ton alarmiste. Avec un temps de retard. Comme toujours avec la fédération internationale, ça sent le rance, le mauvais théâtre.
Ancien consultant (1993-2013) de l'UCI, sous les présidences de Hein Verbruggen et Pat McQuaid, l'ergonome belge Jean Wauthier s'est toujours battu pour préserver la prépondérance de l'homme sur la machine. « La technologie doit être subordonnée au sport cycliste, dit-il, et pas l'inverse. » Un combat philosophique, harassant, en passe d'être perdu si les doutes sur les vélos « truqués » se vérifient. C'est ce qu'il nous raconte au téléphone.
Wauthier nous rapporte qu'en 2005 il avait prévenu l'UCI de la possible émergence d'un dopage technologique, sur la foi d'une visite, en 2003, aux usines de l'équipementier japonais Shimano. « Un ingénieur m'avait fait essayer un vélo à moteur, en me disant sur le ton de la boutade : “Dans deux ans, on sera capable de miniaturiser les choses.” Ça m'avait impressionné. » En septembre 2008, à Varèse, lors du comité directeur de l'Union cycliste internationale, il avait martelé ses craintes et expliqué qu'« un danger potentiel d'assistance au pédalage » menaçait l'avenir du cyclisme. Devant les caméras de la RTBF, venue l'interroger chez lui, à Namur, au lendemain du Tour des Flandres controversé de 2010, Wauthier avait redit ses troubles.
Un autre conseiller de l'UCI, l'Anglais Chris Boardman, avait alerté ses pairs, en réunion, en avouant sa perplexité et ce qu'il pensait de ces moteurs. « J'avais parlé d'un nouveau matériel issu de la F 1, capable de produire des kilowatts avec une simple pile de six volts. Après ma démonstration, il y avait eu un long, très long silence. »
Mais personne ne les écoutera vraiment. Plus de dix ans après l'affaire Festina, l'UCI redoutait un nouveau scandale. Jusqu'au témoignage de Davide Cassani, cet ancien coureur de la Carrera, commentateur de la RAI à l'époque des faits – c'est lui qui avait dénoncé, rappelez-vous, la supercherie de Rasmussen qui valut au Danois d'être chassé du Tour en 2007. L'Italien brise les fantasmes, les sous-entendus, en exhibant à l'antenne, en mai 2010, un vélo motorisé que lui présente, sous couvert d'anonymat, son concepteur, un ingénieur hongrois, Istvan Varjas(lire par ailleurs). Reportage édifiant. Volonté têtue chez Cassani de briser un tabou.
« Travaillant pour la télé, dit-il, j'avais trouvé juste, approprié, de raconter ce que j'avais vu et testé…
– Vos sensations sur le vélo ?
– Une grande facilité, le vélo roulait tout seul...
– Sans aucun bruit ?
– À peine. Mais Varjas prétendait posséder un modèle plus silencieux. En tout cas, avec un tel vélo, même à cinquante ans, je serais capable de gagner une étape du Giro.
– Croyez-vous pour autant que des coureurs aient pu l'utiliser en course ?
– Ça me paraît compliqué, ça nécessiterait des complicités, mais c'est un problème à tenir en considération, la technologie a fait des pas de géant, un coureur met six mois pour gagner trente watts. À un très haut niveau, il lui suffit d'améliorer sa prestation de 5 % pour faire la différence sur la route. »
Précision d'importance : Cassani, qui sera reçu, auditionné, en mai 2010, à Aigle, par Philippe Chevallier, au département sport et technique de l'UCI, n'a jamais « mouillé » Fabian Cancellara.
Mais son reportage renforce les doutes, les alimente. Sur la TSI, la télévision suisse italienne, le journaliste Antonio Ferretti teste à son tour, pour l'émission polémiste Falo, un vélo à moteur, étalonné sur la fréquence de pédalage. Ferretti, ex-professionnel chez Aufina, l'essaie sur la montée à 18 % de la via Lucino, près de Lugano, qu'il emprunte régulièrement. « Au sommet, au carrefour, je n'avais pas réussi à m'arrêter, dit-il,j'avais même failli emboutir un automobiliste ! »
En off, Varjas lui présente un autre prototype, plus sophistiqué et sans commutateur. Le moteur est relié au cardiofréquencemètre que les coureurs s'appliquent sur le torse. Il suffit de régler le « cardio » sur la fréquence voulue, par exemple 170 pulsations par minute. Passées les 170 pulsations, le moteur se déclenche automatiquement. « C'était génial comme système, pas d'accélération brutale,se souvient Ferretti, jamais vous n'atteigniez le seuil de l'acide lactique ! »
Dans le peloton, la suspicion fait tache d'huile. On s'étonne de certains exploits sans lendemain et de voir un spécialiste de Paris-Roubaix se bricoler une deuxième plaque de cadre – chaque coureur n'en reçoit qu'une par course, ce qui permet de différencier le vélo utilisé de celui de rechange. On s'interroge sur ces fréquents changements de vélo, injustifiés, dans les classiques, au Giro, à la Vuelta... Revisités à la lumière du présent, certains épisodes s'auréolent d'un profond mystère. Pourquoi Contador, en bisbille avec Armstrong et Astana, s'était-il fait assister sur le dernier chrono d'Annecy, dans le Tour 2009, par une voiture banalisée ? Dans La Gazzetta dello Sport, le 20 novembre de cette année-là, le Madrilène avait avoué avoir acheté lui-même ses roues, à Monte-Carlo, avant le prologue.
Face au manque formel de preuves, le journaliste, lui, se défend de penser par recoupements, par intuitions, sur la base de simples indices. Il est là pour inciser les plaies, tirer au clair ce qui prête à discussion. Et puis il n'y croit pas, pas vraiment. Comme pour l'EPO. Et cette incrédulité sert les tricheurs. L'idée qu'un professionnel digne de ce nom puisse abuser ses adversaires par ce truchement, pour gagner des courses, préserver son statut, signer des contrats lucratifs, est difficilement concevable. Le dopage, on peut s'en offusquer et l'analyser, tant son enracinement répond à des causalités historiques, culturelles, à l'attrait de la transgression. Mais un moteur… C'est démoniaque. Un mal absolu. « La négation de tout », s'était indigné Cassani. « Pourtant, ceux qui n'avaient aucune peur de pratiquer le dopage ne redouteront pas plus de se faire prendre avec une bicyclette motorisée, d'autant qu'avec ce stratagème ils ne s'abîment pas la santé », estime Ivo Fanini, le volubile patron de l'équipe Amore et Vita, proche du Vatican, lequel, paradoxalement, ne croit pas en la rédemption.
Chargé du dossier par Pat McQuaid – qui avait dit :« Un moteur ? Oui, c'est possible, on fera le nécessaire pour que les vélos soient contrôlés » –, Philippe Chevallier, responsable du matériel (aujourd'hui licencié), a fait tout ce qu'il pensait possible de faire pour s'attaquer au problème. Dès juin 2010, l'UCI loue un scanner qu'elle expérimente dans le Tour de France, à partir de Rotterdam, avec des bracelets pour baguer les vélos, munis de codes barres numérotés, afin d'éviter les contrefaçons. Les commissaires ciblent les coureurs échappés, les leaders, d'autres par tirage au sort, tous sont prévenus en dernière minute, par Radio Tour, à 10 kilomètres de l'arrivée. Autre avancée : le règlement interdit désormais à tout coureur de « recevoir un vélo de l'extérieur », à l'image, jadis, de Cancellara, qui serait aujourd'hui déclassé.
Mais, très vite, l'UCI doit renoncer au scanner. Trop lourd. Trop coûteux. Soixante mille euros pour le Tour. Pour 200 contrôles. Elle préfère sonder les tubes, jusqu'au pédalier, à l'aide d'une caméra endoscopique. Quand ça bloque, les commissaires démontent le pédalier, ce qui ne se passe pas toujours dans la sérénité. À Chorges, dans le Tour 2013, Contador, au bord de la crise de nerfs, s'en était pris au commissaire qui entendait fouiller, inspecter sa machine aux réglages millimétrés.
Dans le cas d'Hesjedal, l'UCI contrôlera le vélo du Canadien, mais quatre jours après les faits. Bien trop tard. Pourquoi un tel délai ? Parce que les contrôles coûtent en ressources humaines. Il faut des hommes, des commissaires. Des moyens financiers que l'UCI n'a pas. Une équipe, c'est 280 vélos en moyenne. Et puis les moteurs se sont miniaturisés et déplacés, dans le pédalier, dans les roues lenticulaires, dans le moyeu des roues que l'UCI n'a jamais contrôlées. On parle de piles de lithium-ion, de cadres photovoltaïques susceptibles de transformer la lumière en énergie. Que faire ? Créer une brigade spéciale ? Installer un portique en travers de la route ? Le problème du dopage est à peine endigué qu'une autre partie tout aussi complexe s'engage pour l'UCI. Aucune anomalie n'a été décelée. Mais le problème existe. La solution ? Elle pourrait passer par un système de géolocalisation, allié à un programme informatique de traçabilité. Chaque coureur recevrait un quota de vélos, dûment bagués, localisables à tout instant, à 15 centimètres près, à l'aide d'une tablette. Une foutaise, pour Istvan Varjas, qui prône, tout comme Greg LeMond d'ailleurs, l'instauration d'un nouveau passeport, en plus du biologique, qui établirait la puissance en watts de chaque coureur sur la base de tests trimestriels dans des laboratoires agréés. « Il suffirait ensuite de prendre un physicien pour analyser les images à la télévision, la montée des cols, par segments, la vitesse, les accélérations, car tout est là, un coureur qui développe 410 watts en moyenne pourra rouler une ou deux minutes à 520 watts, mais pas davantage », ajoute Varjas, au simple motif que la physiologie, elle, ne ment pas
Et je rapporte ici le début de discussion qui a eu lieu ce WE :
Serval a écrit:Guimard vient de dire en direct sur rmc qu'il est persuadé que le vélo électrique est déjà utilisé dans le peloton professionnel et se dit persuadé qu'on est à la veille d'un gros scandale à ce sujet.
Il a ajouté que le sujet aurait été abordé à l'UCI et à la ligue hier.
thor_husvod a écrit:Canci va t'il perdre des courses?![]()
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Bref j'espère que Guimard dit, encore, n'importe quoi sinon ca va faire chier encore une fois
Carrefour de l'Arbre a écrit:Je pense que Guimard dit vrai. Ca ne fait même aucun doute.
J'espère simplement que son "à la veille d'un gros scandale" va attendre quelques semaines, au minimum.
thor_husvod a écrit:Faut pas rêver malheureusement. Si un scandale doit sortir c'est maintenant avant le tour pas après
Serval a écrit:Franchement je préférerais avant le tour, histoire que les éventuels tricheurs ne prennent pas le départ et que ça fasse réfléchir les autres ...
Franchement, Guimard s'engage rarement sur cette voie d'habitude, donc s'il en parle, c'est qu'il doit avoir des infos et je parierais qu'il a des oreilles dans les instances ... D'ailleurs a t on eu une explication pour ça?
http://www.20minutes.fr/sport/1436943-2 ... r-hesjedal
Mayoj a écrit:Mais oui, Alex Rasmussen (je crois) l'a déjà prouvé que c'était normal, on a déjà dû mettre la vidéo 4-5 fois sur ce forum
EDIT : Je la remets ici :
Mais c'est pas le bon endroit pour en parler.
Serval a écrit:Ok, j'avais oublié. Il faut dire que quand l'explication vient d'un coéquipier, j'ai tendance à occulter ...