9h10, nouveau coup de canon, c'est l'heure de mon départ !
Malgré la largeur de la route, les 200 premiers mètres sont un joli capharnaüm. Il y a des chutes car des coureurs courant à 9km/h se trouvaient en première ligne. Pourquoi ? Aucune idée, il doit avoir surement des invités, VIP, etc mais cette première minute n'est pas comme je l'avais imaginé
Passé ce départ, je trouve un rythme pour passer la première difficulté du parcours, le Pont Verrazano - Narrows sans taper dans les réserves. Dans la descente, je profite pour observer le paysage et observer la file ininterrompue de coureur. Je prends conscience de l'ampleur de l'évènement
En quittant le pont, on se prend de plein fouet les spectateurs qui commencent un spectacle de 40 km ! On parle souvent des 2 millions de spectateurs sur le bord de la route, je vous confirme qu'ils étaient présents et bruyants ! C'est impressionnant. Il faut vraiment ronger son frein sur les premiers kilomètres tellement on se sent portés ! Chose que j'arrive à faire à passant au 5km en 19'47. Malgré la foule, je me calme à mon rythme. Aucun groupe ne peut se former avec le monde et difficile de savoir l'allure de chacun dans mon SAS et sans meneur d'allure (2h30-2h55). Je remarque que les avenues trahissent le parcours. En effet, ce n'est jamais plat, c'est vraiment important de ne pas s'enflammer. C'est également le début des pancartes pleines d'humour des américains, elles donneront le sourire tout le long de la journée
A partir du 5ème kilomètre, la vague verte nous rejoint sur le parcours tandis que la vague orange court de l'autre côté de l'Avenue avant un regroupement complet au kilomètre 12. Sur cette première longue ligne droite, les jambes sont bonnes, le dos ne montre pas de signe inquiétant, je pense au premier ravitaillement personnel après 30 min. Tout va bien. Je passe mon temps à regarder les spectateurs car Madame est normalement présente au kilomètre 8. Grâce au airtag, elle sait que j'arrive donc on arrive à se voir, je fais même le détour pour un check, tout est au beau fixe.
Je passe au 10ème kilomètre en 39'41, les temps de passage sont respectés et la foule de spectateurs continuent de se densifier. Que demander de plus ! Les groupes de musique se succèdent, du rock au métal en passant par la pop.
Au 13ème kilomètre, nous passons d'une avenue principale de Brooklyn pour une avenue "plus étroite" sans barrières. Nous n'avons plus qu'un tiers de la route pour passer car les spectateurs toujours aussi nombreux ont pris énormément de place. Ce moment coïncide avec la côte de Lafayette Avenue, on se croyait dans le virage des hollandais de l'Alpe d'Huez ! Du bruit, des confettis, des fumigènes. C'est complètement fou !
Je ne me laisse pas avoir par l'ambiance en ralentissant dans la bosse et ne cherche pas à relancer au sommet, juste maintenir les 15km/h. Le passage au 15ème kilomètre se fera en 59'59, je respecte le plan à la lettre.
C'est l'heure du second ravitaillement, RAS si ce n'est que je dépasse le français du départ en surchauffe complète. Je verrais après la course qu'il abandonnera au semi.
Les deux kilomètres suivants seront les plus calmes (hormis les ponts interdits aux spectateurs) en passant dans le quartier juif. Ils sont en tenues traditionnels et n'en ont rien à faire de la course. Ils n'hésitent pas à traverser au milieu des coureurs
Il y a malgré tout quelques spectateurs donnant de la voix. Il y a une nouvelle côte casse-patte faisant perdre quelques secondes mais l'essentiel n'est pas là, la contracture se réveille et le dos commence à tirer dans le 18ème kilomètre
Je tente de faire abstraction en relançant dans la descente mais je sens que ça tire vraiment. J'essaye de maintenir l'allure mais le dos ne m'autorise plus le 15km/h ... Je trouve un compromis autour de 4'15. Je passe au 20ème en 1h20'27. Le semi-marathon se fait sur le Pont Pulaski marquant la fin de Brooklyn et l'arrivée dans le Queens. Passage en 1h25'01. Le dos me fait dire adieu au sub 2h50 malgré des jambes correctes.
Je reste concentré pour maintenir le sub 3h en ne négligeant pas le ravitaillement suivant. Le passage dans le Queens est express mais tout aussi bruyant, j'essaie de positiver en profitant de l'ambiance tout en serrant les dents. La douleur s'intensifie et je passe devant l'hôtel. ça serait mentir de vous dire que je n'ai pas pensé à m'arrêter à ce moment de la course surtout que le gros morceaux de la course arrive : le Queensboro Bridge nous amenant sur Manhattan. Les choses se compliquent encore dans cette montée où je suis obligé de courir très droit, se courber me fait mal ... Cette montée, je l'avais en tête depuis plusieurs mois en me disant que la course commencerait vraiment à ce moment au sommet. Les 25 premiers kilomètres n'étaient qu'une mise en bouche et rien ne servait de s'enflammer. C'était le plan ... Tout le contraire se réalisera puisque ce pont sera le début du calvaire. Passage au 25ème en 1h42'28, je garde l'espoir du sub 3h.
Dans la descente, j'essaye de me détendre mais ce n'est pas de la crispation. L'arrivée sur la première Avenue est assez folle. 6 kilomètres de ligne droite où nous remontons Manhattan en direction du Bronx. J'ai quand même du mal à profiter sur cette portion tant la douleur s'intensifie. Je sais que Madame m'attend au 26 kilomètre alors je me concentre sur la foule. Je la vois, elle m'encourage de vive voix et me redonne un léger sourire. Je lui dis que c'est très dur mais je ne lui parle pas du dos pour ne pas l'inquiéter. Cette avenue est dur moralement lorsqu'on souffre. On ne voit jamais le bout. Je suis encore obligé de ralentir autour de 4'30/km et un passage au 30ème en 2h04'37.
Le 32ème kilomètre est l'avant-dernier pont reliant Manhattan au Bronx. C'est d'ailleurs sur celui-ci que le coup de grâce arrivera. La douleur n'est plus supportable, comme des couteaux qu'on plante. Je suis obligé de m'arrêter quelques secondes... A partir de ce moment, je ne pense plus au chrono juste à finir, ma physionomie sera tout autre dans cette fin de course. On arrive dans le Bronx L'ambiance est complètement différente. ça hurle moins que dans les premiers quartiers et la musique est maintenant du gros rap US
C'est motivant malgré tout, j’arrive à en profiter ! Le passage est court dans le Bronx puisqu'on passe le dernier pont pour rejoindre Manhattan via Harlem. Jusqu'au 35ème, je suis en footing autour de 12km/h avec un nouvel arrêt pour se détendre comme je peux.
On arrive sur la partie la plus dense en public sur 2,5 kilomètres longeant Central Park en faux-plat montant. Pour les coureurs dans de bonnes conditions, c'est quitte ou double. Soit le mur se présente devant eux à ce moment, soit il kiffe complètement ce moment en sachant que le plus dur est fait. Pour ma part, je n'ai pas su profiter du tout de ce moment en trouvant cette ligne droite interminable. Un nouvel arrêt au 37ème kilomètre où plusieurs spectateurs me proposent de l'aide, de me masser. Non merci, je veux juste finir mon calvaire
La douleur est si intense que je continue ensuite à 10 km/h tout au plus. Même si j'ai mal, j'ai un point d'honneur à continuer à courir. Finir en marchant serait plutôt humiliant personnellement.
L'arrivée dans Central Park va clôturer ce marathon avec 4 kilomètres vallonnés. Encore faut-il terminer. Juste après le passage du km 40, je dois faire un nouvel arrêt en me demandant comment je vais finir autrement qu'en marchant. Ce dernier stop sera le plus long mais surtout le dernier.
Dans les deux derniers kilomètres, je me remobilise pour profiter de l'ambiance, des dernières minutes car même si ça ne se ressent pas trop dans la seconde partie de ce récit, ce marathon était incroyable. Je me mets sur le côté pour ne pas gêner les coureurs en trottinant sur un rythme acceptable pour le dos. Je sais que madame sera sous l'arche du 26ème mile (à 300m de la ligne) et je la repère facilement. Je m'arrête lui faire le bisou et échanger quelques mots. Elle ne comprend pas pourquoi je m'arrête ^^ je lui dis que le chrono ne m'importe plus, elle me donne le drapeau breton car oui je ne renie pas mes origines
Et passe les derniers mètres avec le drapeau en attendant quelques "Vive la Bretagne !"
Les photos sont disponibles sur le site, je vais m'en prendre quelques unes en souvenir
3h13 de hauts et de bas. Je suis marathonien oui mais avec un gros sentiment d'amertume.