Pas posté depuis deux semaines alors je mets mon journal de bord des deux dernières semaines (avec pas mal de choses encore)
S'agissant des sorties ciné :
Couleurs de l’incendie (Clovis Cornillac – 2022) : Un film fait pour brosser un public occasionnel dans le sens du poil : des beaux décors, des beaux costumes, des belles voitures, un casting prestigieux... pour un film divertissant mais écrit et réalisé sans aucune finesse.
A l'écriture, d'abord, j'attendais plus de Lemaître après Au Revoir là haut. Si l'intrigue est relativement plaisante à suivre, les personnages souffrent de leurs traits caricaturaux, tout se passe trop facilement, trop mécaniquement jusqu'à une résolution un peu forcée.
Mais le vrai problème, c'est la réalisation de Cornillac : la première scène est symptomatique de ce que sera le film. Une scène dramatique filmée avec un ralenti ridicule et des violons, qui provoquent un rire nerveux plus qu'une véritable émotion. Le reste est d'une platitude assez navrante. Sans être moche ou désagréable à regarder, le film n'a aucune idée de mise en scène, aucune audace, tout est en pilote automatique, les acteurs sont assez piètrement dirigés, et on peut facilement rire du rôle à la fois discret et très central que se donne Cornillac.
Plus que jamais (Emily Atef – 2022) : C'est avant tout le film qui restera comme la dernière apparition à l'écran de Gaspard Ulliel. Mais c'est surtout un film très touchant sur le regard que portent les "vivants" sur les malades et la difficulté de subir cette compassion gênée durant la fin de vie. Deux points forts : les décors sublimes de Norvège, qui pourraient rendre beau n'importe quel film, et la présence très touchante de Vicky Krieps. Sans être fan, il faut reconnaître qu’elle a vraiment le truc pour ce type de rôle, assez proche de celui qu'elle avait dans Serre moi fort d'Amalric.
C'est sans doute un peu long, un peu trop pédagogique, ça manque de non-dits et de silence, sauf sur la dernière séquence qui est justement de loin la plus belle du film, mais c'est quand même une belle surprise.
Saint Omer (Alice Diop – 2022) : Sentiment compliqué devant ce film que j'avais très envie d'aimer mais qui m'a finalement laissé un peu froid. D'un point de vue théorique, le film est bourré de qualités, la façon de nous donner à voir le procès de cette mère infanticide avec des yeux de curieux, de nous montrer un personnage complexe, insondable, au milieu d'une institution judiciaire un peu désemparée... sur le papier, c'est passionnant, et je ne peux pas dire que c'est mal exécuté.
Mais bon, le "cinéma-vérité", ça me fait souvent un peu chier, le côté bressonnien me laisse de marbre, surtout quand le film a du mal à s'assumer et se termine par beaucoup de pleurs face caméra. Je recommande quand même, ça en touchera forcément certains ! Même si en contrepartie, j'ai vu un nombre anormal de personnes sortir en cours de séance.
Aucun ours (Jafar Panahi – 2022) : Film passionnant par son contexte et son sujet, mais j'ai mis beaucoup de temps à rentrer dedans car c'est un peu austère et labyrinthique : c'est une auto-fiction où Jafar Panahi joue Jafar Panahi qui réalisé à distance un autre docu-fiction dans laquelle deux amoureux cherchent à passer la frontière.
Mais passée cette exposition un peu pénible, c'est un beau film sur les traditions, les histoires d'amour contrariés et les envies de fuites dans un pays qui est aujourd'hui en ébullition.
J'ai profité de leur mise en ligne sur Francetv pour regarder les suites de Psychose et le remake de Gus Van Sant
Psychose II (Richard Fanklin – 1983) : L'un des visionnages les plus "surprenants" de l'année dans le sens où je m'attendais évidemment à un naufrage mais que j'ai finalement trouvé ça très correct. Le projet est périlleux : il faut oser passer après Hitchcock, surtout qu'il y a la difficulté de recréer une intrigue sur le trouble de Norman Bates sans avoir l'effet de surprise du premier. Et sur ce point le film s'en sort plutôt correctement. Niveau mise en scène, c'est plutôt efficace sans bien sûr approcher le talent de Hitch.
Et puis il faut dire que la gueule de Perkins et son air torturé/ahuri font déjà la moitié du boulot
Psychose III (Anthony Perkins – 1986) : Autant Psychose II m'avait agréablement surpris, autant celui-ci est un bon exemple de suite ratée et inutile. Quasi remake du premier, mais où tout est amplifié : on reprend les mêmes scènes iconiques, on met la même fin, on ne développe pas les personnages. Psychose III est incapable de faire quelque chose de son héritage et se vautre complètement. Même Perkins, qui n'a plus personne pour le guider puisqu'il se dirige, est en roue libre et joue dans l'excès.
Et impossible de ne pas tiquer sur le message véhiculé. Alors que le II laissait penser à une possible réhabilitation compromise par le regard des autres, le III semble nous dire que les personnes une fois condamnées sont irrécupérables.
Psycho (Gus Van Sant – 1998) : J'ai vraiment du mal à savoir quoi en penser, n'étant pas particulièrement sensible à la démarche de copiste qui modernise une œuvre pour la renouveler (sans pour autant en faire un objet grand public avec les renoncements que cela aurait nécessité). Mais il n'empêche que c'est plutôt bien foutu même si clairement, autant mater l'original, à choisir...
J'ai aussi vu plus de films des Dardenne que dans tout le reste de ma vie, avec une appréciation variable d'un film à l'autre
Deux jours, une nuit (Jean-Pierre & Luc Dardenne – 2014) : Autre film sur le travail, bien mené par les frères Dardenne. C'est un bon film mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir quelque chose de très schématique, un dilemme simplifié avec différents personnages qui ne servent qu'à montrer la palette des réactions possibles face à ce dilemme. Le manque de spontanéité dilue un peu les belles qualités de l'ensemble.
L’Enfant (Jean-Pierre & Luc Dardenne – 2005) : Un très beau film qui montre que le cinéma des frères Dardenne, et plus largement le cinéma naturaliste, c'est quand même mieux quand il y a des acteurs talentueux.
Assez impressionné par le dernier segment qui prouve qu'on peut créer des moments de grande tension avec très peu d'artifices de mise en scène.
Le Silence de Lorna (Jean-Pierre & Luc Dardenne – 2008) : Un Dardenne que j'ai trouvé un peu faible. Je n'ai jamais réussi à ressentir grand chose, pas vraiment d'empathie pour les personnages (sauf vaguement pour Renier mais qui est trop peu présent dans le film), pas de scène très marquante. Je n'ai peut-être pas matché avec le sujet, avec l'absence de scène qui m'aurait marqué, ou autre...
Et les autres visionnages, par ordre décroissant d'appréciation :
Charulata (Satyajit Ray – 1964) : Encore un chef d’œuvre de Ray, mais il m'a fallu 24h pour bien digérer celui-ci. Un récit de femme dans un triangle amoureux atypique, sur fond de journalisme et d'écriture. Pas aussi "pur" et simple d'accès que la sublime Complainte du sentier mais admirable de maîtrise formelle : tout passe par les regards, les attitudes, les décors, les mouvements de camera et de personnages. Un film d'une grande finesse même s'il faut être bien attentif au visionnage !
Tokyo Sonata (Kiyoshi Kurosawa – 2008) : Quel beau film ! Jusque là, K. Kurosawa m'avait laissé de marbre avec les Amants sacrifiés ou avec son culte Cure, mais j'ai été conquis par cette sonate douce amère qui nous plonge dans le quotidien d'une famille japonaise en pleine désintégration après la perte de son emploi par le père.
La mise en scène est superbe et surtout, elle évolue : très figée en début de film avec des plans fixes magnifiques, elle offre plus de mouvement en cours de film pour mieux illustrer la fuite en avant de chaque protagoniste, avant de revenir au calme lors d'une dernière scène sublime. Un très beau film sur de nombreuses formes de pressions et injonctions sociales
L’Emploi du temps (Laurent Cantet – 2001) : Très agréablement surpris par ce film de Cantet dont le synopsis promettait un truc un peu austère. Finalement, on ressent vite une certaine empathie à l'égard du personnage principal qui erre sur les autoroutes dans une grande fuite en avant, refusant d'annoncer à sa famille qu'il est au chômage et empruntant de l'argent à ses amis en leur promettant un retour sur investissement. La mise en scène est sobre mais efficace, magnifié par la musique assez magnétique qui traverse tout le film.
L’Appât (Bertrand Tavernier – 1995) : Outre le fait que c'est un film bien réalisé qui retient l'attention pendant deux heures sans problème, j'ai beaucoup aimé la façon dont Tavernier met les deux pieds dans le plat dans sa description d'une certaine jeunesse. Cette jeunesse regarde Scarface toutes les semaines et le connaît par cœur, elle rêve d'aller aux USA où tout est mieux et plus facile, elle ne veut pas voir un film parce que "c'est français ça doit être nul". Quand ils ont besoin d'argent, ils se transforment en petits malfrats aussi ratés que leur modèle. Des enfants qui se prennent pour des caïds, sans conscience des conséquences de leurs actes.
Bref, sans être aussi profond que la plupart de ses films précédents, c'est réussi et très plaisant à suivre !
Bianca (Nanni Moretti – 1984) : Un Moretti plutôt fun, sans grande ambition mais assez léger et plaisant à regarder. J'aime bien la façon dont le côté sérieux et névrosé de Morretti contraste avec l'aspect absurde de beaucoup de scènes, notamment à l'école.
Mais à part ça, rien de très transcendant !
Sur mes lèvres (Jacques Audiard – 2001) : Films intéressant dans ce qu'il montre de deux marginaux qui évoluent dans un monde hostile à leurs singularités. Mais l'aspect thriller de la 2e partie retombe un peu à plat, ça sonne comme un prétexte pour utiliser le "pouvoir" du personnage d'E. Devos
Le Camion (Marguerite Duras – 1977) : Bonjour, je suis le mec qui continue de regarder les films de Marguerite Duras quand ça passe sur la Cinetek, en sachant que je ne vais pas aimer. Et devinez quoi, je me suis fait chier. Vraiment, je passe systématiquement à travers, au point où je finis par regarder sans plus rien voir, et écouter sans plus rien entendre.
Nifa a écrit:Puis j'ai également revu Fight club, ça faisait au moins 10 ans... Ma copine ne l avait jamais vu. C'est drôle de le revoir avec un regard de trentenaire alors que je l avais vu plusieurs fois tout jeune étudiant. La mise en scène me parait moins impressionnante qu a l époque, elle est un poil trop publicitaire/tape à l œil avec le recul (je la trouve bien cependant hein), mais le propos du film fait toujours mouche. Pitt était déjà un monstre dans les années 90, et il a mieux passé les années que son excellent comparse du film.
Je suis la nostalgie de Jack.
J'ai eu l'occasion d'en parler plusieurs fois ici mais je déteste ce film et pourtant, je lui ai donné plusieurs chances avec toute la bonne foi du monde. Le fait de ne pas l'avoir découvert en étant ado joue sans doute sur le fait que je le trouve aujourd'hui poseur, avec une histoire complètement alambiquée avec des twists malhonnêtes, une mise en scène putassière. Au final, je trouve que c'est au mieux vide de sens, au pire un peu nauséabond.
Heureusement qu'il y a la musique des Pixies