Sur les médias: il faut distinguer deux choses. Les interventions Bayrou/Castaner qui n'auraient jamais du avoir lieu d'une part (carrément critiquables) et la volonté de garder ses distances de la part de Macron (on peut critiquer mais il en a tout à fait le droit. S'ils veulent des réactions, les députés et ministres communiquent amplement avec eux. Il n'y a pas de barrière à l'information ici)
Sur l'Assemblée: je veux bien qu'on résume les événements d'hier et d'aujourd'hui à un manque de respect de l'opposition. Mais là pour le coup, c'est un peu plus "complexe" (
) que ça.
Qu'a t'on eu hier?
Tout d'abord, sur les trois postes de questeur, la règle coutumière veut que le troisième questeur appartienne à l'opposition (comprendre, le principal groupe d'opposition). Dans les us de l'Assemblée, il est d'usage de chercher une solution consensuelle.
Il en va de même pour les postes de vice-présidents et président de la Commission des Finances, tous dévolus à l'opposition, qui d'habitude cherche à trouver une solution convenable pour tous.
Problème, cette année, les LR à la sauce Wauquiez (car c'est lui qui fait la pluie et le beau temps maintenant) ont joué la provoc en proposant:
-Ciotti à la questure (un beau candidat crédible et consensuel ça; dévoué à son travail en plus)
-Woerth aux finances (comment dire
)
-Le Fur et Genevard pour les vice-présidences (moins connus, ce sont des Fillonistes branche hard, catho réac à fond)
Je ne sais pas si c'était une stratégie de provocation volontaire dans le but de faire suer En Marche et de dire à leurs ex-copains constructifs qu'ils pouvaient aller se brosser et que LR, c'était leur ligne et rien d'autre; ou bien si ce n'était même pas calculé et ils pensaient pouvoir recaser les leurs aux bons postes.
Ils ont quand même réussi à virer Carrez, un parlementaire estimé et reconnu pour ses qualités et son travail qui auraient fait consensus pour placer Woerth. Franchement
Chez les UDI-Constructifs, l'idée était de faire élire de Courson (un type estimé là encore) contre Woerth; dans le double but d'avoir quelqu'un de moins douteux au poste et de montrer que l'opposition est diverse (pas que LR).
Acte I
Problème, tout ça a volé en éclat car Solère soutenu par les LR constructifs a déclaré sa candidature à la questure au dernier moment (sans que les UDI soient avertis).
Solère en avait tout à fait le droit car membre d'un groupe classé comme opposition. La justification par Riester de cette candidature était de présenter un candidat de toutes les oppositions au lieu d'un candidat d'une seule opposition; par là-même, il voulait dire que Solère élu va associer les autres groupes à sa questure.
Au-delà de l'argumentation (pas si inintéressante en soi mais bon), l'idée bien sûr était d'une part d'empêcher Ciotti (qu'ils haïssent) de prendre la questure et d'autre part de faire un sort à la ligne dure Wauquiez et compagnie (tout en permettant à Solère de se faire plaisir
).
Les LR classiques se font avoir dans leur jusqu'au boutisme et leur non-respect des règles d'usage s'est retourné contre eux puisque Ciotti a été sévèrement battu. Sans surprise car toute personne sensée qui peut dégager Ciotti le fait sans hésiter
A jouer au con, LR est arrivé à cette situation.
Personne d'autre à blâmer qu'eux-mêmes. Qu'ils règlent leurs problèmes à droite, mais pas dans l'Assemblée bordel
LREM aurait-elle dû voter pour Solère contre Ciotti?
Car le reproche "la majorité choisit son opposition" n'est pas infondé.
Le premier problème est la classification des groupes entre majorité et opposition. Le groupe UDI-Constructifs n'est ni l'un ni l'autre, ou plutôt il est l'un et l'autre (c'est très macronien tout ça
).
De facto pour moi, Solère est plus dans la majorité que l'opposition. Donc son élection pose un problème car elle rompt un usage.
Qu'il en ait le droit, que sa défense soit le droit de l'opposition, je l'entends, mais ça me semble quand même pas suffisant pour rompre le malaise.
Je ne peux pas blâmer les députés qui ont dit non à Ciotti. Reste que le résultat de tout ça n'est pas franchement positif.
Il faut au moins reconnaître à LR d'avoir bloqué LREM: soit passer pour un groupe qui veut tout contrôler, soit les contraindre à avaliser le choix de Ciotti.
Les querelles de la droite ont conduit à cette situation débile où l'Assemblée est devenu le lieu de règlement de compte (cf "débat" Jacob-Riester).
Solère a piégé LR mais par là-même il a piégé LREM.
Acte II
LR pas content du tout, leur petit plan de recasage de Ciotti a échoué. Pire, ce sont les traîtres qui les ont frappé dans le dos avec le soutien de la majorité. Inacceptable pour eux (fallait y penser avant de jouer aux cons les cocos
)
Résultat bouderie et annonce qu'ils ne siégeront plus au bureau de l'Assemblée.
Ils ont retiré leurs candidats à la vice-présidence.
Gros problème, là, que faire du coup face à cette bouderie LR? Car les vice-présidents devaient être élus. Mais faire une élection sans les LR, alors là, ça aurait hurler encore plus chez LR ensuite.
Gros moment de flottement (surtout avec autant de nouveaux, complètement perdus; même de Rugy pourtant expérimenté semblait perdu).
Si comme convenu il y avait élection, alors auraient été élus les candidats d'autres groupes d'opposition. Mais pas de LR dedans.
Ferrand dans le but d'éviter une situation où LR continuerait à se faire snober, en plus d'annoncer que LREM ne participera pas au choix pour la commission des finances, présentent des candidats temporaires, de manière à ce qu'ils laissent leur place à des LR quand ceux-ci seront décidés à revenir travailler.
Présenter comme une mainmise sur le pouvoir et un manque de respect pour l'opposition la prise des 6 sièges de vice-présidents par LREM-Modem est profondément inexact. On peut discuter sur l'acte I, mais sur l'acte II, ce mouvement inattendu a justement été choisi dans l'optique de faire respecter les usages de l'Assemblée et de donner les postes à qui ils reviennent de droit: à savoir le principal groupe d'opposition. Il semble normal que plutôt qu'un VP PS représentant 30 types et un FI en représentant 20, il y ait 2 types LR représentant 100 députés.
Une vraie question se pose dans tout ça, le respect du règlement. Pas sûr que tout ça ait été fait dans les règles (les écrites ce coup-ci; pas les tacites).
Possible que tout ça ne soit pas réglé donc
Acte III
Le psychodrame n'est pas terminé.
Comme craint, l'UDI a perdu la bataille pour la Commission des Finances. De Courson étant battu par Woerth, alors même qu'il était voué à gagner sans la candidature de dernière minute de Solère (pourtant du même groupe que lui), les UDI ne sont pas contents du tout. Certains veulent même l'explosion du groupe LRCUDI (au bout de deux jours, bravo les champions
)
Le problème ici est celui du flou de ce groupe. De Courson, membre de LRCUDI, aurait pris le poste de président de la commission des finances dévolu à l'opposition, ça n'aurait dérangé personne. Solère, membre de LRCUDI, qui prend un poste dévolu à l'opposition, ça déclenche une guerre civile à l'Assemblée. Où est la cohérence? Où s'arrête la majorité? Où commence l'opposition?
LRCUDI n'a rien de clair. Résultat, ça aboutit à ce genre de situations
Les apprentis sorciers ont voulu jouer. Résultat, c'est déjà le bordel monstre. Tous ont leur part de responsabilité à un moment ou l'autre dans cette histoire