Beobachter a écrit:Leon40 a écrit:La Catalogne s'est déjà déclarée en tant qu'Etat en 1934. Quasiment un siècle, ce n'est pas du temps long?
Tu sais très bien qu'on ait dans le contexte de la guerre civile et que la Catalogne est au premier rang des opposants à Franco. A ce moment là, cette sécession en est la conséquence. On est bien dans le conjoncturel.
La période était d'ores et déjà troublée certes, mais la guerre civile en soi n'avait pas officiellement débuté (et Franco n'était pas encore l'ennemi numéro 1), parler de "conséquence" n'est pas donc correct.
Tu peux dire que le contexte, la conjoncture ont fait que, par contre je te l'accorde
Deux questions toutefois:
- à un siècle d'écart, la "conjoncture" (pourtant bien différente) a abouti dans les deux cas au même résultat. Simple coïncidence? Ou alors faut-il y voir quelque chose de plus profond, de plus latent? A mon sens, je ne crois pas que ce soit insignifiant. Au contraire, le temps long est ici extrêmement fort visiblement
- Puisque tu soulignes l'importance de Franco par rapport à la question catalane, pourquoi ne considères-tu pas l'idée de prendre ça par l'autre bout? A savoir que précisément entre 1934 et aujourd'hui, il y a en réalité eu la très longue période franquiste qui n'aurait été qu'une mise en parenthèse du sentiment catalaniste (puisque nié et étouffé)? Ton idée est grosso modo de considérer les deux moments comme de simples moments ponctuels mais ne peut-on pas y voir au contraire une terrible continuité simplement mis en silence par le franquisme?
Je ne suis vraiment pas sûr que l'argument du "temps long" appuie vraiment ce que tu voudrais que ça appuie.
Quand je parlais de temps long, je parlais du processus que les Catalans auraient pu/du mettre en place pour arriver à l'autodétermination et non tenter un putsh. Passage en force qui toutes proportions gardées est le même en 1934 et 2017"Xénophobie ?"
Et oui, je te garantis que dans la radicalisation des indépendantistes, on retrouve de la xénophobie. Envers les Espagnols non catalans pour commencer. Envers toutes les personnes vivant en Catalogne n'étant Catalans "purs" et qui donc sont un frein aux velléités indépendantistes.
Le système scolaire participe malheureusement aussi à cette mise à l'écart d'une partie de la population.
Plutôt que de xénophobie, il conviendrait plutôt de parler d'anti-espagnolisme. Non pas que ce soit "mieux", mais ça n'implique pas tout à fait la même chose.
Sur la question de la langue et du système scolaire, si l'idée est de devoir savoir parler catalan en Catalogne, je ne trouve pas ça particulièrement choquant (dans le cadre de la loi - déterminé démocratiquement - bien entendu).
Le problème ne se présente pas comme ça. L'Espagnol est marginalisé, c'est différent.
Pour ceux qui ne sont pas Catalans de culture et de langue, mais Castillans (pour faire simple) ou étrangers se pose la question de la possibilité d'aller en école privée pour continuer à apprendre l'Espagnol, en Espagnol et la culture espagnole.
T'es riche, c'est ok, c'est d'ailleurs le choix fait par de nombreux expatriés étrangers arrivant en Catalogne.
T'es pauvre, tu subis, sans avoir ton mot à dire. C'est là que je te dis qu'il y a une mise de côté d'une partie de la population.Pourquoi une Catalogne indépendante le serait en dehors de l'UE ?
Parce qu'il est évident que l'Espagne refuserait son entrée dans l'UE et qu'elle serait suivie par plusieurs pays, à commencer par la France. Pas besoin d'épiloguer, c'est sûr à 100% pour au moins quelques dizaines d'années.
On est dans une toute autre configuration qu'une éventuelle Écosse indépendante qui serait accueillie à bras ouverts dans l'UE suite au Brexit.
La question pour le Brexit n'était pas la bonne, on l'a bien vu par la suite. Et la majeure partie des votants n'avait pas conscience de l'implication de leur réponse. Donc, non, la question posée aux Catalans ne doit pas mentir par omission.
Mais l'exemple du Brexit ne me semble pas tout pertinent justement puisqu'il démontre plutôt tout l'inverse de ce que tu défends.
Ni l'UE ni aucun Etat membre n'a été dans une position où la vengeance facile aurait été la règle.
Ni l'UE ni aucun Etat membre n'a jamais été prêt à jouer au con pour se tirer dans le pied économiquement.
Ni l'UE ni aucun Etat membre n'a jamais été prêt à jouer avec ses citoyens et à les sacrifier dans la manoeuvre.
Ni l'UE ni aucun Etat membre n'a jamais été prêt à ne pas se comporter comme un adulte responsable et ne pas détériorer la situation.
Donc pourquoi et au nom de quelle logique d'un coup d'un seul l'UE et ses EM deviendraient mesquins et seraient prêts à jouer contre leurs intérêts et ceux de leurs citoyens?
L'intelligence collective et la responsabilité l'ont emporté dans le cas du Brexit, il n'y a pas de raison d'agir autrement dans le cas d'une indépendance de la Catalogne (surtout si celle-ci arrive après un référendum consenti par Madrid (qui aurait donc fait preuve de responsabilité), ce qui est on ne va pas se mentir la seule option crédible pour voir l'indépendance catalane devenir réalité).
(le vrai élément bloquant (légitime - car après tout on ne peut effectivement pas écarter qu'un côté (ou l'autre d'ailleurs) ne décide de favoriser l'irresponsabilité) pour une adhésion, ce sont les critères d'adhésion. Idem pour l'Ecosse d'ailleurs.)
Je faisais référence au Brexit au sujet de la question biaisée du referendum qui a engendré le bordel que l'on sait car :
1. on a menti au peuple dans l'argumentation amenant au résultat
2. la question ne prenait pas en compte la situant désirée après le résultat.
Je me suis peut-être mal exprimé, mais mon analogie avec le Brexit ne concerné que ces deux points, pas un rapport à l'UE.
Et je reste sur ma position :
- une Catalogne indépendante sort de fait de l'UE puisque l'Espagne est le seul pays adhérant.
- quoi qu'il arrive une indépendance de la Catalogne sera très mal vécu par le pouvoir politique et plus encore par la population des autres régions qui se sentent déjà trompées et refoulées. Dans mes nombreux passages en Espagne, je suis frappé comment au plus fort des événements catalans (2017) et encore aujourd’hui les drapeaux espagnols ont fleuri un peu partout sur les balcons.
- ainsi une Catalogne indépendante devra comme n'importe lequel candidat à l'UE faire une demande et suivre un processus d'adhésion.
- je ne dis pas que cela ne se fera pas, mais je suis persuadé que l'Espagne, mais aussi la France et pourquoi pas d'autres pays (Belgique, Italie) feront ce qui est nécessaire pour faire trainer ce processus.
L'Espagne en raison de ressentiments, que personnellement je comprends.
La France, la Belgique ou l'Italie pour des raisons évidentes d'intérêt national. Quel message donnerait-on alors aux régions aux velléités sécessionnistes ?
Je ne comprends d'ailleurs pas que tu défendes la réalpolitique sur bien des sujets et que dans ce cas précis, tu refuses de prendre en compte l’intérêt des États dans l'analyse de la situation.Enfin pour aller plus loin dans le fond de ma pensée, et qui ne concerne pas uniquement l'Espagne, il me semble que l'unification des peuples sur un dénominateur commun de plus en plus restreint est un danger absolu.
Paradoxalement, à l'ère de la mondialisation, que ce soit sur des critères économiques ou identitaires, on assiste à la radicalisation du rapport des hommes entre eux. On cherche davantage nos différences pour restreindre les communautés et faire en sorte que les solidarités (une devise appelle cela la fraternité) se réduisent pour le confort individuel.
Plugin, disait l'Etat nation dépassé. Je ne sais s'il parlait uniquement de l'Espagne ou du concept en général.
Car l'idée d'État-Nation n'a jamais été aussi présente. Mais avec une définition de la nation toujours plus restreinte. Ici la langue, ici la religion, ici le sang.
C'est pour moi une catastrophe. Quand ces éléments se substituent aux valeurs dans la définition de la nation, l'extrémisme n'est jamais très loin...
Mais que ce soit dans le cas de la Catalogne, je ne vois pas ce danger, c'est en réalité assez mineur, tout juste des correctifs. La principale dramatisation, elle vient plus de ceux qui défendent à tout prix de ne toucher à rien. Même ce qui ne marche pas/plus.
Le mouvement catalan en réalité (hormis les quelques nutcases minoritaires), ils ne veulent pas ne plus voir d'étrangers ( ni même les Espagnols d'ailleurs
), ils ne veulent pas rétablir des frontières, ils ne veulent pas sortir de l'Europe: au contraire.
Ils ne veulent pas se quereller avec l'Espagne: ils veulent juste divorcer. Bien sûr chez tous ceux pour qui les frontières sont intangibles, la simple possibilité d'un divorce est rejeté d'office. Alors qu'un divorce entre adultes intelligents peut très bien bien se passer et être pour le mieux.
Pour une quantité non négligeable de Catalans se posent en réalité la question de l'organisation politique et du sens qu'a (ou n'a pas) le fait d'appartenir à l'Etat espagnol. Au sein d'une UE où la coopération resterait identique (donc rien de changé à tes solidarités, à ta fraternité), il n'y aurait qu'un changement d'organisation des échelons politiques. Rien de fou. Mais à en faire un drame et à vouloir refuser d'entendre ce qu'expriment les gens effectivement on risque d'aller vers un drame.Alors là, je ne suis pas du tout d'accord et dans nos discussions passées tu avais déjà balayé ce point d'un revers de main.
L’État espagnol est prêt à beaucoup de compromis dans l'autogestion des régions espagnoles. Mais il y a une ligne rouge que d'ailleurs le Pays Basque a bien compris, qu'il a accepté, et en retour il a reçu beaucoup : C'est la levée et la redistribution de l’impôt national.
Et que tu le veuilles ou non, la solidarité des régions riches avec les régions pauvres est au cœur du problème aussi. Il n'est pas anodin de voir que ce sont dans des régions très riches Catalogne, Pays Basque (Espagne), Flandres (Belgique), Vénétie (Italie) que certains veulent faire cavaliers seuls.
Il est évident que la solidarité nationale est remise en cause par les courants indépendantistes de ces pays pour autre chose que la simple culture locale. Ce n'est pas l'unique raison, mais c'est une raison majeure.
D'ailleurs, pour les indépendantistes catalans l'UE est avant tout un marché commun et une zone de libre-échange. Et c'est pourquoi il est primordial pour eux d'y être afin de garantir leur prospérité. La vision politique (qui s'éteint d'ailleurs peu à peu au nom des nationalisme) de l'UE ne les intéresse pas. On est loin de l'adhésion à une Union fédérale que Pluging appelle de ses voeux. Si on sort du cas catalan, on peut regarder ailleurs en Europe. La Tchécoslovaquie s'est séparée mutuellement en bonne intelligence pour donner deux Etats-nations. Est-ce là un cas d'extrémisme?
Plus controversé maintenant: le cas yougoslave, de toute évidence ça ne marchait plus. Fallait-il s'entêter à conserver la Yougoslavie? Idem pour le Monténégro ou le Kosovo, étaient-ils amenés à rester nécessairement au sein de la Serbie?
On peut par ailleurs noter qu'être partie prenante d'une même entité (à titre égal et de manière pleinement consentie) aide généralement à apaiser les tensions et à vivre en meilleure harmonie (cf Slovénie et Croatie où le processus frontalier a bien été suivi par l'UE): dit autrement un changement d'organisation politique peut aider.
Dans les cas européens que tu cites, c'est quand même assez complexe. Entre histoire troublée des Empires autoritaires allemands, austro-hongrois et ottoman, puis les régimes totalitaires communistes, je conçois parfaitement que des siècles d'oppression des minorités peuvent laisser des traces.
C'est d'ailleurs une déclinaison de l'argument totalement fallacieux de certains indépendantistes qui comparent l'Espagne actuelle à celle de Franco en affirmant que la Catalanité est opprimée par le pouvoir central. Ce qui justifierait l'indépendance. C'est quand même un mensonge gros comme le Camp Nou !
On peut juger sévère la répression contre des indépendantistes hors-la loi qui ont choisi de sortir du cadre légal pour arriver à leur fins.
Mais en aucun cas le pouvoir central n'opprime la culture catalane dans toutes ses composantes. Bien au contraire. Encore plus controversé: sortons d'Europe. Il y a quelque chose de terrible dans cette obsession à ne jamais vouloir rediscuter du bien-fondé de tel ou tel Etat sous sa forme actuelle. Prenons la Somalie par exemple (qui n'explique plus comme Etat unifié depuis un bail maintenant). Ou le Yémen tiens (pourquoi au juste s'acharner à maintenir un Etat qui ne peut pas tenir sous sa forme actuelle? Il y a un moment où la position "oui mais si on commence à rediscuter de ça, ça peut devenir casse-gueule" est intenable: la situation est déjà casse-gueule
, c'est se refuser à considérer toutes les options qui est absurde)
La Syrie est encore un excellent exemple. Mais par peur d'ouvrir une boîte de Pandore, personne n'a jamais voulu envisager une partition de la Syrie (ça n'aurait pas abouti pour diverses raisons, mais le simple fait de refuser de simplement considérer l'option est à mon sens terriblement parlant). Ce qui est terrible, c'est que de plutôt que de prendre le risque de prendre des décisions politiques difficiles, on préfère au final les choses se régler militairement. C'est profondément hypocrite (même c'est hélas si en pleine cohérence de fond avec notre vision en réalité: nos Etats se sont largement créés par la force, la violence et la contrainte. Si l'Europe est stable, il ne faut pas oublier d'où vient cette stabilité
)
Je sentais venir cet argument. J'ai pris jusqu'à présent uniquement des exemples comparatifs dans des démocraties.
Pour la simple et bonne raison que comme toi, je considère qu'un peuple opprimé a toute légitimité à faire sécession avec l’État qui l'opprime.
Et ce n'est pas la partition de la Syrie le problème, c'est celle de tout le Moyen Orient. Entre Kurdes, Chiites, Sunites, Juifs, etc.
Ah si j'avais une baguette magique...
Mais tout de même, soyons sérieux, je ne vois pas en quoi tout ceci est comparable à l'Espagne et à la Catalogne.