Vie Politique

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Re: Vie Politique

Messagepar ElRojo » 18 Fév 2019, 20:12

Un régal cet article de Mediapart, le gouvernement est donc vraiment à côté de ses pompes démocratiques :sarcastic:
Mediapart a écrit:Aéroports de Paris: une privatisation qui alimente tous les soupçons
18 FÉVRIER 2019 | PAR MARTINE ORANGE
Tout est étrange dans le projet de loi portant sur la privatisation d’Aéroports de paris. Le texte est volontairement flou, les règles choisies sont hors norme, la durée de 70 ans de concession sans comparaison. Le gouvernement prévoit même de payer les actionnaires minoritaires pour privatiser et de payer pour reprendre le bien public à la fin de la concession. Enquête.

« Heureusement, il y avait l’affaire Benalla. On craignait que la procédure d’indemnisation que nous avons prévue pour la privatisation d’ADP [Aéroports de Paris – ndlr] soulève des oppositions. En fait, les députés ont à peine regardé. Tout est passé sans problème. »

Aigline de Ginestous est en verve lors de ce dîner parisien, un soir de septembre. Le projet de loi Pacte, dans lequel est inscrite la privatisation des Aéroports de Paris, est alors en discussion en commission à l’Assemblée nationale. Mais les parlementaires ont l’esprit ailleurs, semble-t-il, troublés par ce qui se passe à la commission des lois au Sénat.

Aigline de Ginestous est alors manifestement très investie dans ce projet. Ancienne salariée de la banque Rothschild, très active dans la levée de fonds d’En Marche! lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, elle est devenue, après les élections, collaboratrice parlementaire de Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général de la loi Pacte. Elle a aussi beaucoup travaillé sur ADP. Alors ce soir-là, elle se laisse aller aux confidences, face à des invités un peu médusés de découvrir tant de choses restées dans l’ombre dans ce projet de privatisation.

Elle pourrait d’ailleurs continuer à suivre le projet à l’avenir. Depuis le 16 octobre, à l’occasion du remaniement ministériel, Aigline de Ginestous a été nommée cheffe de cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Contactée, elle n’a pas répondu à notre message.

Les initiateurs du projet de loi sur la privatisation d’ADP avaient raison de s’inquiéter de la façon dont serait reçu le texte par les parlementaires. Car payer des indemnités aux actionnaires actuels pour privatiser est sans précédent dans une opération de privatisation. C’est l’une des étrangetés, mais pas la seule, dans ce projet de privatisation d’ADP.


À l'aéroport d'Orly en 2016. © Reuters
Tout semble volontairement flou, opaque. Même le Conseil d’État, pourtant de tradition peu contestataire, ne peut s’empêcher de relever en introduction de son avis « le caractère singulier de la réforme envisagée par le gouvernement qui conduit à prévoir, dans le projet de loi, un mécanisme “sui generis” d’indemnisation de la société ADP présentant une grande complexité ».

« C’est un texte presque incompréhensible. Pour en comprendre le sens et la finalité, il faudrait savoir l’objectif que les politiques poursuivent », analyse l’avocat Dominique Schmidt, spécialiste en droit des sociétés et droit boursier.


Les chiffres clés d'ADP en 2018. © ADP
L’ennui est que le gouvernement n’a jamais articulé une argumentation convaincante sur ce dossier : pourquoi veut-il vendre à toute force ADP ? La société représente un caractère stratégique évident : elle contrôle la dizaine d’aéroports civils d’Île-de-France dont Roissy, Orly, Le Bourget et l’héliport d’Issy-les-Moulineaux.
Roissy est classé comme le dixième aéroport mondial pour son trafic passager. Mais si l’on additionne les seuls trafics passagers d’Orly et de Roissy, ADP devient la première société aéroportuaire du monde, devant Atlanta, Pékin et Dubaï. Ces dernières années, la société a enregistré une croissance annuelle de 10 à 30 % de son chiffre d’affaires. Son bénéfice représente une marge nette de 14 %. Elle verse quelque 100 millions de dividendes par an à l’État.

Alors pourquoi se séparer d’un tel actif ? Même les États-Unis ont gardé la propriété publique de leurs aéroports, les considérant comme des infrastructures stratégiques. L’aéroport de Francfort, troisième aéroport européen, est contrôlé majoritairement par le Land de Hesse et la ville de Francfort. Quant à la Grande-Bretagne, les autorités de la concurrence ont imposé que les deux principaux aéroports de Londres, Heathrow et Gatwick, soient séparés avant d’être privatisés afin de ne pas constituer un monopole.

Or dans le projet de loi, aucune des précautions n’apparaît : le gouvernement ne prévoit ni maintien d’une présence publique ou des collectivités territoriales, ni séparation pour éviter une situation de rente excessive. Tout doit être cédé d’un bloc à un seul exploitant pendant 70 ans.

« Les explications du gouvernement ne tiennent pas la route. Sa justification pour privatiser ADP, Engie et La Française des jeux est qu’il veut dégager 10 milliards d’euros pour créer un fonds d’innovation de rupture. Une fois placées, ces sommes doivent lui permettre d’obtenir 300 millions d’euros. Tout cela n’a aucun sens. L’État peut facilement trouver 300 millions d’euros sans ces opérations », soutient le député Charles de Courson qui, tout en ne se disant pas hostile par principe à la privatisation d’ADP, a beaucoup bataillé contre le gouvernement lors de la discussion du texte.

Lors du débat parlementaire, le ministre des finances Bruno Le Maire a tenté de répondre en avançant des arguments d’une grande faiblesse. Les trois sociétés versent quelque 800 millions d’euros de dividendes par an à l’État, soit bien plus que les 300 millions attendus. Mais cet argent a un rendement de seulement 2,2 %, selon le ministre des finances, alors que l’argent tiré de ces ventes et placé pourrait lui offrir un rendement de 2,5 % (voir le compte-rendu des débats ici).

La bonne opération avancée par le gouvernement a des allures de placement du livret A. Comment justifier l’abandon au privé pendant 70 ans d’un tel bien commun, qui constitue de fait une rente, en mettant en face de tels chiffres ? D’autant que le motif invoqué revient, alors que l’État s’appuie déjà sur la Caisse des dépôts et la BPI, à créer un fonds d’investissement à risque, ce qui ne relève ni de ses missions ni de ses compétences.


Les résultats des votes au Sénat sur l'amendement proposant de rejeter la privatisation d'ADP. © DR
Après l’Assemblée, le texte a été discuté au Sénat début 2019. Entretemps, il y a eu le cruel rapport de la Cour des comptes sur la privatisation des aéroports régionaux, le fiasco confirmé de la vente de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, le scandale renouvelé des autoroutes privatisées. Ces précédents justifiaient de ne pas réitérer l’expérience, surtout avec une société de l’importance d’ADP, ont expliqué les sénateurs. Droite et gauche unies, les sénateurs ont repoussé à début février cette privatisation, ainsi que celle de La Française des jeux et d’Engie.
« Nous aurons le dernier mot », ont répliqué des députés LREM. La majorité semble bien décidée à rétablir les privatisations prévues dans le cadre de la loi Pacte. Car le gouvernement y tient par-dessus tout.

Pourquoi tant d’acharnement ? Au bénéfice de qui ? Analyse d’un projet de privatisation qui soulève nombre de doutes et de soupçons.

Sous le regard de la Constitution
Jusqu’alors, tous les gouvernements qui se sont succédé ont exclu ADP du champ des privatisations. Même quand la société a été transformée en 2005, afin de permettre l’entrée d’actionnaires minoritaires, il a été inscrit qu’elle resterait contrôlée majoritairement par l’État. La raison invoquée était simple : Aéroports de Paris n’était pas privatisable.

Selon de nombreux juristes, ADP s’inscrit dans le champ d’application de la Constitution, si l’on invoque le 9e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

« ADP n’est pas constitutionnellement privatisable : cette société gère directement une frontière vitale placée au cœur de notre capitale économique et politique ; 80 % du trafic aérien de l’étranger vers la France s’effectue en recourant à ses services. Force est donc de constater que l’exploitation de la société ADP a un caractère de service public exercé à l’échelon national », rappellent dans une tribune publiée fin janvier dans Le Monde plusieurs personnalités, dont Patrick Weil et Paul Cassia (lire le billet de ce dernier dans le Club de Mediapart), parties en guerre contre ce bradage.

Le caractère inconstitutionnel a été soulevé à plusieurs reprises dans les débats parlementaires. Dans son argumentaire, le gouvernement se retranche derrière l’avis du Conseil d’État donné sur la loi Pacte. En quelques lignes, celui-ci a balayé l’obstacle d’un revers de main : « Si la société ADP est chargée, à titre exclusif, d’exploiter une dizaine d’aéroports civils, ceux-ci sont tous situés dans la région d’Île-de-France. Il estime donc qu’ADP, nonobstant l’importance des aéroports qu’elle exploite, n’exerce pas une activité présentant le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait, au sens et pour l’application du neuvième alinéa du préambule de 1946. »

Mais sur quoi se fonde le Conseil d’État pour émettre un tel avis ? Lorsqu’une société accueille 80 % des trafics passagers d’un pays, peut-on se limiter à sa seule implantation régionale pour déterminer qu’elle n’exerce pas un monopole national parce qu’elle n’est que francilienne ? Pour trancher ces questions complexes, a-t-il par exemple consulté l’Autorité de la concurrence, dont la mission est notamment de déterminer les marchés pertinents, le caractère monopolistique ou non d’une société ?

Interrogé par Mediapart, le Conseil d’État a répondu que non, il n’a pas sollicité l’Autorité de la concurrence. Il dit s’en être tenu à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la question, et notamment sur celle qui avait prévalu lors de la privatisation de Gaz de France. « Le commentaire de la décision du 30 novembre 2006 [du Conseil constitutionnel] relève ainsi que la notion de marché à laquelle se réfère implicitement le Conseil constitutionnel pour l’application du neuvième alinéa du préambule de 1946 est beaucoup plus large que celle de “marché pertinent” retenue par le Conseil de la concurrence pour l’application du droit de la concurrence », précise le Conseil d’État.

Mais sur quoi se fonde l’appréciation, si ce n’est pas sur des critères économiques ? Sans étude, sans estimation chiffrée, sans comparaison, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont donc leur propre estimation de ce qui constitue un monopole. Leur évaluation semble n’avoir qu’un lointain rapport avec ce que dit l’Autorité de la concurrence et, plus largement, avec les théories économiques sur le sujet. Ce qui permet toutes les interprétations, en toute opportunité.

« Je ne crois pas qu’ADP constitue un monopole physique. Ils sont très rares. Pour ADP, on peut dire que Paris est en concurrence avec le hub de Londres, de Francfort ou d’Amsterdam. C’est là où sont les nouvelles concurrences », dit Charles de Courson.

Le député de la Marne ne cache pas qu’il a une position un peu originale, même dans son camp. « La privatisation d’ADP, pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Est-ce que cela permet d’inscrire Paris dans un réseau aéroportuaire international, qui semble être la tendance lourde du développement des services aéroportuaires ? Est-ce que la préservation d’Air France est prise en compte ? Est-ce que cela répond à l’intérêt général ? Si les conditions sont réunies, on peut le faire. Sinon, il faut s’abstenir. »

Jusqu’à présent, le gouvernement a été incapable d’apporter des réponses à ces questions, de démontrer en quoi cette privatisation répondait à l’intérêt général. À aucun moment, il n’a présenté une vision à long terme, expliqué comment il voyait évoluer le transport aérien, quel rôle pouvait avoir ADP, pourquoi le transfert d’une telle rente au privé avait un sens. Aucun plan, aucun schéma directeur n’a été avancé, comme si l’avenir de Roissy et d’Orly relevait de la seule compétence du futur concessionnaire.

Le seul projet évoqué est celui de la direction d’ADP : la construction d’un quatrième terminal à Roissy. Ce nouvel équipement, d’un coût estimé entre 7 et 9 milliards d’euros, justifie selon le gouvernement à la fois la privatisation et une concession hors norme de 70 ans. Dans les sociétés, de tels projets s’amortissent plutôt sur 20 ou 30 ans.

Ce projet d’extension est vivement contesté par les riverains, qui dénoncent une centralisation accrue du trafic aérien sur Roissy. Ils redoutent que leur quotidien ne devienne invivable. Un tel projet démontre bien en tout cas la tentation de concentration – monopolistique aurait-on envie de dire – d’ADP, au contraire de tout ce qui a été affirmé.


L'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle en 2016. © Reuters
Tout est hors norme dans le projet de loi sur la privatisation d’ADP : les mécanismes imaginés pour la réaliser, les schémas juridiques, la période sur laquelle elle doit s’étendre, et comment l’État envisage de récupérer son bien à la fin.

En 2005, ADP a changé de statut. L’État lui avait apporté la propriété de tous les actifs aéroportuaires et, pour renforcer son bilan, la propriété foncière de quelque 8 600 hectares de domaine public, avant de l’introduire en Bourse. Mais il était bien inscrit que l’État en garderait le contrôle majoritaire.

C’est cette architecture qui embarrasse le gouvernement et qu’il veut casser. Pour cela, il lui fallait d’abord résoudre la question foncière. Plus de 8 000 hectares en région parisienne, cela vaut beaucoup d’argent. Pour ne pas avoir à réévaluer la valeur d’ADP, tout en n’ayant pas l’air de brader le patrimoine public, le gouvernement – ou plus exactement Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée à la manœuvre sur le dossier – a imaginé transformer la société en concession.

Les apparences sont ainsi sauves : officiellement, les terrains restent la propriété de l’État. Le concessionnaire aura-t-il, cependant, la liberté de l’utiliser comme il l’entend pendant la durée de la concession ? Rien n’est dit sur le sujet. Mais tout laisse craindre, au vu des précédents des contrats autoroutiers, que les intérêts de l’État ne soient jamais défendus et que le concessionnaire soit libre de faire ce que bon lui semble, sans en avoir payé le prix.

Une privatisation hors norme
Cette transformation a conduit le gouvernement à proposer un schéma singulier « d’une rare complexité », comme le dit le Conseil d’État. L’imagination, il est vrai, a été au pouvoir. Le gouvernement a estimé que les actionnaires minoritaires actuels perdaient une partie de la valeur de leur investissement, puisque ADP n’allait plus être une société dont la durée de vie était illimitée, mais bornée dans le temps, la concession étant limitée à 70 ans. Selon l’analyse juridique soutenue par le gouvernement, cela revient à une sorte d’expropriation ou de nationalisation. Il convient donc d’indemniser les actionnaires existants pour cette perte.

Ainsi, le gouvernement s’apprête à payer pour privatiser ADP. C’est sans précédent. En dépit de nombreuses recherches, il nous a été impossible de trouver un cas semblable en France ou à l’étranger.


Le répartition du capital d'ADP au 31 décembre 2017. © ADP
Selon les premiers chiffres avancés par le gouvernement, les indemnités s’élèveraient entre 500 millions et 1 milliard d’euros. Alors que la vente d’ADP est estimée autour de 8 milliards, l’État se priverait ainsi d’une partie de la somme pour dédommager les actionnaires actuels. Parmi ceux-ci figurent Vinci, actionnaire à 8 %, qui a depuis longtemps mis un pied dans la porte de la société, et Schiphol Group, qui exploite notamment l’aéroport d’Amsterdam, actionnaire lui aussi à hauteur de 8 %.
« L’État a choisi cette formule parce que c’est plus facile à privatiser comme cela, plutôt que de désintéresser les actionnaires minoritaires. En fait, il leur fait bénéficier de la prime de contrôle qui lui revient en tant qu’actionnaire majoritaire », analyse l’avocat Dominique Schmidt, qui a souvent défendu l’Autorité des marchés financiers (AMF) devant les tribunaux.

« Cette procédure semble logique et habituelle comme mécanisme. C’est le même principe qu’une indemnité d’éviction pour un locataire exploitant. L’idée est de compenser un préjudice lié au fait qu’il y avait une durée infinie pour exploiter qui se réduit à 70 ans et donc un préjudice. Pour autant, compte tenu de la durée assez inhabituelle dans le monde des affaires (70 ans), cette approche reste pour le coup seulement éventuelle à mon sens et très théorique », explique de son côté Olivier Arthaud, président de la chambre régionale des commissaires aux comptes de Lyon.

L’étrangeté de l’opération ADP ne s’arrête pas là. Le droit des concessions est inscrit de longue date dans la pratique en France : à la fin de la durée de vie de la concession, le concessionnaire doit restituer l’ensemble des actifs et des biens en état à la puissance concédante – État ou collectivités locales – gratuitement. Aucun dédommagement n’est prévu. Mais pas dans le cas d’ADP : l’État a prévu de lui racheter les actifs au terme de la concession.

Là aussi, c’est une situation sans précédent. Le risque est que l’État doive débourser des sommes gigantesques à la fin de la concession. Comme il est toujours impécunieux, il y a de fortes chances pour qu’il reconduise la concession plutôt que de la racheter. Sans le dire, c’est une concession à perpétuité pour le privé qui risque de se mettre en place.

Afin de diminuer la valeur de rachat futur – en vieillissant, les actifs perdent de leur valeur – et d’économiser les deniers publics – c’est en tout cas la présentation qui en a été faite lors des débats parlementaires –, le gouvernement se propose d’allonger la valeur de la concession : 70 ans ! Là encore, aucune concession n’a jamais été aussi longue. D’autant qu’il ne s’agit pas de construire des aéroports, de créer ex nihilo des équipements. Ils existent, ils sont exploités et entretenus.

« C’est le temps pour permettre une stabilité et une visibilité de l’exploitation à long terme », a justifié Bruno Le Maire pour expliquer cette durée hors norme. En termes économiques, cela s’appelle une rente perpétuelle, injustifiée. D’autant que le gouvernement a rejeté tous les amendements qui proposaient d’encadrer au moins un peu la procédure, de prévoir des clauses de revoyure, de révision.

Un épais silence entoure aussi la possibilité que la société concessionnaire – en la matière, sa durée de vie est moins garantie que celle de l’État – change de mains, soit victime d’une OPA durant cette période. Qu'advient-il alors ? L’État aura-t-il la possibilité de récupérer la concession d’ADP, si celle-ci tombe aux mains de capitaux chinois par exemple ? Mystère.

Cette question délicate n’est pas dans la loi mais est renvoyée au contrat de concession, le gouvernement semblant considérer qu’un droit d’agrément suffit pour préserver ses intérêts. Pendant 70 ans, le concessionnaire d’ADP doit avoir les mains libres, selon le gouvernement. On se saurait brider l’initiative privée.

Une formule d’indemnisation sur mesure

Le diable est souvent dans les détails. Dans le projet de loi sur la privatisation d’ADP, il se cache dans la formule comptable retenue pour calculer les indemnités à verser aux actionnaires existants. La première bizarrerie est que le gouvernement soit tenu d’inscrire cette méthode d’évaluation dans la loi.

Pour calculer le montant des indemnités à verser aux minoritaires, il a choisi de ne retenir qu’un seul critère : les flux de trésorerie disponibles actualisés. Interrogé par Mediapart sur les motifs qui l’avaient conduit à retenir cette méthode, le ministère des finances n’a pas répondu.

Cette méthode d’évaluation (pour les modes de calcul, voir ici) est censée permettre d’évaluer les ressources financières et les profits futurs que pourra dégager une entreprise. Mais cela repose sur des facteurs bien subjectifs. « Tout repose sur l’histoire que veut raconter l’entreprise. Surtout dans cette méthode, il a un facteur particulièrement souple : c’est le taux d’actualisation. C’est là que cela se passe. Selon le taux choisi, la valeur peut varier du simple au quadruple. »

Olivier Arthaud, commissaire aux comptes, confirme l’analyse : « Faire varier le taux d’actualisation d’un point peut avoir un impact de plus de 20 % sur la valeur. C’est donc très “facile” de pousser une tendance ou une autre dans ce type d’approche. »

Les observateurs sont encore plus perplexes sur la durée choisie pour effectuer les estimations. En général, le temps de référence se situe entre 5 et 7 ans, rarement au-delà. « 70 ans, cela tient de la divination », ironise Dominique Schmidt. « On est dans l’exercice théorique », abonde Olivier Arthaud, ajoutant qu’il voudrait au moins prévoir des clauses de revoyure tous les dix ans pour s’assurer de la vie future d’ADP. À ce stade, le gouvernement l’a exclu.

La façon alambiquée dont répond le Conseil d’État sur cette méthode traduit un suprême embarras. Tout en relevant qu’au-delà de 20 à 30 ans, il est difficile d’avancer la moindre prévision, il statue finalement que « l’exercice n’est pas impossible » (voir son avis).

« Mais qui a pu écrire un tel texte ? », s’amuse un connaisseur du dossier en commentant l’avis du Conseil d’État. « Y aurait-il quelque cabinet qui lui aurait suggéré la rédaction en lui faisant passer leur avis par quelque “porte étroite” [l’appellation fait référence aux interventions des lobbies qui s’adressent dans la plus totale opacité aux membres du Conseil constitutionnel (voir notre article) – ndlr] ? »

Lorsque nous lui avons demandé comment il justifiait une telle méthode de calcul et s’il avait reçu des avis extérieurs, le Conseil d’État a répondu : « Le Conseil d’État s’est prononcé à partir des éléments qui lui étaient fournis par le gouvernement, après lui avoir posé toute question utile et dialogué avec lui. »

Au bon vouloir du gouvernement
« Mais pourquoi ne prévoyiez-vous pas un appel d’offres public ? Prévoir une procédure de gré à gré ne pourra qu’entretenir le soupçon. » Lors des débats parlementaires, plusieurs députés ont interpellé le ministre des finances sur les procédures choisies pour privatiser ADP et sur l’opacité régnant autour de ce dossier. « Je les ai prévenus. je leur ai dit qu'un appel d'offres les protégerait. Ils n'ont rien voulu entendre », dit Charles de Courson.

À toutes les remarques et suggestions présentées par les parlementaires, le ministre des finances a opposé une fin de non-recevoir. Pas question de faire un appel d’offres public, pas question de publier le cahier des charges, pas question de s’expliquer.

Pour bien montrer qu’il avait l’intention d’avoir de bout en bout la main sur le dossier, le gouvernement a soutenu des amendements opportunément déposés par des membres de la majorité LREM. Ceux-ci prévoient d’encadrer strictement le temps d’instruction du dossier de la commission des participations et des transferts.

Chargée par la loi d’évaluer les conditions de privatisation de tous les biens publics, cette autorité voit réduire son rôle à une simple chambre d’enregistrement des volontés du gouvernement sur ce dossier : elle n’aura, selon les amendements déposés, que trente jours pour se prononcer sur la privatisation d’ADP.


Un Boeing d'Air France décolle de l'aéroport de Roissy en 2017. © Reuters
Il est donc à craindre que tout se passera – et est peut-être même déjà engagé – ailleurs. Pour le conseiller, le gouvernement a déjà choisi depuis longtemps son banquier d’affaires : c’est Bernard Mourad. Ancien dirigeant du groupe Altice, ce proche d’Emmanuel Macron a rejoint En Marche!, où il était lui aussi chargé de la collecte de fonds, pendant la campagne présidentielle.

Après l’élection présidentielle, il a créé une petite banque d’affaires puis a rejoint la filiale parisienne de Bank of America, dont il a pris la direction. Et c’est cette banque qui a été choisie comme conseil de l’État dans le dossier ADP. Comme Bernard Mourad le dit à Vanity Fair, « c’est challenging ».

Dans son rapport sur les privatisations des aéroports régionaux, la Cour des comptes avait rappelé à l’ordre le ministère des finances, en lui rappelant que les règles de déontologie s’appliquaient aussi à lui, que les conflits d’intérêts n’étaient pas qu’une question théorique. Compte tenu du rôle joué par Bernard Mourad pendant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, n’aurait-il pas été préférable que Bercy applique un devoir d’abstention, afin d’éviter tout soupçon ? Interrogé, le ministère des finances n'a pas répondu.

Car le soupçon est là, toujours plus pesant, au fur et à mesure que le dossier chemine au Parlement. Avant même que la procédure ne soit officiellement ouverte, Vinci, qui possède déjà les aéroports de Nantes, Lyon et Gatwick (Angleterre), et est candidat pour reprendre celui de Toulouse – ce qui devrait normalement soulever au passage quelques problèmes de concurrence –, est présenté comme le grand vainqueur.

Au point que le PDG du groupe de BTP et de concessions, Xavier Huillard, a fini par s’énerver lors de la présentation de ses résultats. « Nous sommes absolument convaincus que ce modèle de gestion privée est plus que jamais efficace pour renforcer l’attractivité des territoires », a-t-il soutenu, en récusant tous les procès d’intention faits à son groupe sur sa gestion des autoroutes, dont il est aussi le premier concessionnaire en France.

Selon certaines rumeurs, il pourrait être amené à partager ADP avec quelques autres actionnaires extérieurs qui viendraient l’accompagner. Le nom de la Caisse des dépôts du Québec – dont le rapporteur général du projet de la loi Pacte, Roland Lescure, est un ancien premier vice-président – est souvent évoqué. Elle est peut-être déjà présente au capital d’ADP, mais son nom n’apparaît pas car elle n’a pas franchi le seuil de déclaration.

L’institution canadienne, présente en France depuis plus de vingt ans, essentiellement dans l’immobilier, a de grands projets en France. Elle a justement ouvert un bureau en France, spécialisé dans les infrastructures.

Mais on cite aussi des fonds d’investissement, des banques d’affaires comme Macquarie Group ou Goldman Sachs. Bref, beaucoup de personnes, particulièrement dans le monde financier, semblent très attirées par ADP. Ce qui devrait normalement amener le gouvernement à reconsidérer son analyse sur le dossier, à se demander si vraiment il faut privatiser un tel actif. Mais non. Le gouvernement veut vendre, vendre à tout prix Aéroports de Paris.

Dans sa décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel avait fixé les grands principes qui devaient conduire les privatisations : « L’État ne peut céder des actifs en dessous de leur valeur et le choix des acquéreurs doit se faire “sans privilège” », avait-il tenu à préciser. Pourquoi, dans le dossier ADP, le gouvernement donne-t-il tant l’impression de vouloir passer outre ce principe ? Pourquoi a-t-on le sentiment, avant même que la privatisation ne soit engagée, que tout est opaque et que tous les dés sont pipés ?

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Re: Vie Politique

Messagepar Beobachter » 19 Fév 2019, 01:00

Il est évident que c'est complètement con que de vouloir privatiser ADP :stop
Et il a l'air évident qu'il y a un paquet de points qui posent problème dans le projet gouvernemental.

Outre l'entêtement absurde et malvenu du gouvernement, ce qui m'énerve aussi dans cette histoire, c'est que c'est précisément là qu'est la faillite de l'opposition (un type comme De Courson ne peut hélas pas rattraper la nullité de tous les autres).
Au lieu de brailler à tort et à travers en permanence, au lieu de se perdre dans le grand n'importe quoi permanent, au lieu de jouer à la pseudo-révolution, au lieu de se décrédibiliser chaque jour un peu plus, les oppositions auraient mieux fait de montrer qu'elles représentaient une opposition crédible et d'agir en tant que telles. Là, comme tout est mélangé derrière un "bouh, Macron, c'est le mal", tout est mis sur le même plan et l'anecdotique reçoit la même attention que l'important, résultat les éléments de critiques qui pourraient être légitimes finissent par se perdre au milieu de cette vaste critique d'ensemble systématique qui de la sorte ne peut que perdre toute crédibilité.
Fondamentalement, les oppositions actuelles (minus les quelques individualités notables comme De Courson donc) sont des alliés objectifs de ce gouvernement tant leur médiocrité ne rend service qu'à LREM (et certainement pas au pays).

Les GJ au lieu de leur cirque sans tête actuelle, c'est sur ce genre de sujet qu'ils auraient leur utilité. Une pression concrète (tout en étant pour une fois aussi respectueuse des lois - même si c'est un autre sujet) sur un sujet concret aurait une utilité. Mais non, ils préfèrent passer outre le cadre démocratique actuel, réclamer tout et n'importe quoi (sans même savoir quoi), à commencer par de l'argent qu'il suffirait de trouver.
Dans leur sillage des GJs et du guignolisme d'ensemble, on a LFI qui joue à la révolution, le FN qui dort car jouant sur les deux tableaux, Dupont-Aignan qui alors même qu'il s'intéresse au sujet se noye dans l'outrance et les excès (les députés LREM qu'il ne faut pas "laisser ressortir vivants", il était évident que dans le climat actuel on ne retiendrait que ça de son intervention), les LR et le PS qui ne savent plus qui ils sont et ce qu'ils doivent faire, on n'est pas aidé :diantre:
Le pire, c'est que cette posture "ça vient du gouvernement, c'est donc de la merde", on la retrouve ensuite dans l'autre camp. LREM ne vaut pas franchement mieux là-dessus puisqu'ils ne savent pas s'arrêter et revenir sur une idée initiale proposée sans avoir été pensée dès lors que l'opposition est contre, "c'est notre idée, elle est donc bonne et si les oppositions sont contre, c'est qu'elle est doublement bonne".

On aurait pu penser que de faire exploser les vieux clivages pourraient permettre un peu plus d'intelligence dans la vie politique, apparemment non.
On pourrait s'en amuser si derrière il n'y avait pas de vrais enjeux (ici ADP).

J'en viens aussi à Mediapart. Eux-mêmes ne sont hélas exempts des travers développés plus haut.
L'affaire Benalla, c'est bien gentil mais n'auraient-ils pas été plus pertinent de plus s'intéresser à ADP avant, de faire un vrai travail d'enquête pour savoir si la suspicion est légitime (car là, hormis de montrer les étrangetés du projet de loi, on n'a pas grand chose sur le fond. Quand je vois pourtant que le propos initial cité date de septembre (!), je m'interroge sur ce qu'a fait Mediapart depuis.). Il me semble qu'il y a une disproportion terrible entre le traitement alloué à l'affaire Benalla et celui alloué à ADP. Je ne dis pas qu'il fallait abandonner Benalla pour ADP mais ne serait-ce que transférer 10% des temps d'enquête/articles n'aurait certainement pas été inutiles.
Enfin sur l'article en lui-même, deux points là aussi me semblent desservir Mediapart, considérer comme étrange le fait que l'Etat veuille payer les actionnaires minoritaires actuels (ce n'est pas le fait de payer ceux-ci le problème (c'est ce que disent d'ailleurs les spécialistes cités dans le même article) mais les modalités choisies pour dédommager ceux-ci, ce qui n'est pas la même chose) et de faire comme si leur lecture du droit était plus valable que celle du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel (que Mediapart ait une interprétation et/ou veuille questionner celle des deux institutions citées, c'est une chose, mais la manière dont l'article est tourné fait tout pour instiller l'idée que les arbitrages du CE sont bidons, ce qui me gêne assez).
En fin de compte non seulement le gouvernement est suspect mais le sont aussi le CE et le CC (qui pour celui-ci n'est d'ailleurs pas encore intervenu et est encore susceptible de désavouer le CE - si d'aventure la position juridique de Mediapart sur l'inconstitutionnalité d'une privatisation s'avérait valable, le CC ne manquera pas de leur donner raison). "Tous coupables", en en arrivant à ce genre de postures caricaturales, je ne crois pas que Mediapart aide son argumentaire*.

Bref, tout ça est assez à l'image de notre époque avec pas l'un pour récupérer l'autre. (alors même qu'ils sont pourtant tous utiles!)

*(cela étant, la question des lobbys est une vraie question. Ils existent, est-ce pour autant que les Sages sont prisonniers de ceux-ci et sont incapables d'élaborer leur propre opinion au vu des différents éléments/documents/opinions qui leur sont apportées? Je ne crois pas et il serait insultant de prétendre le contraire. Quelque soit l'imperfectibilité du CC, c'est une institution qui fait du bon travail (et l’institution est reconnue comme telle).
Mais par contre, il est vrai qu'il faudrait plus de moyens pour le CC, le CE et les parlementaires pour faire du bon travail le plus indépendamment possible des lobbys. Les lobbys ("bons" comme "mauvais") sont d'autant plus à même d'être influents si les institutions sont démunies. Il faut en avoir conscience. En soi, ce n'est pas tellement un problème. Le problème, c'est que le système actuel manque totalement de transparence.
Ce qui est du coup d'autant plus amusant de voir les pourfendeurs de Bruxelles hurler à la corruption et aux lobbys qui font leur loi à Bruxelles alors même que malgré toutes les imperfections au niveau européen il vaut bien mieux ce qui se fait à Bruxelles que ce qui se fait à Paris.
Les lobbys sont donc une vraie question, qu'il serait temps d'aborder. Mais sans hystérisation et sans grand n'importe quoi, et ça, j'ai peur que ça ne puisse pas être possible.)

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Messagepar JackyDurand » 19 Fév 2019, 10:12

Les lobbies existent et existeront, sous une forme ou sous une autre. Vouloir les interdire est absurde. Il serait surement plus judicieux de :
- donner des moyens pour que la diversité des opinions et des intérêts existe (pas nécessairement des moyens financiers mais aussi un cadre de débat démocratique)
- contrôler la relation entre élus et entreprises ou groupe d'intérêt (c'est déjà la cas en partie mais ça n'empêche pas certains comportements douteux - le pantouflage par exemple). Avec des sanctions lourdes si nécessaire.
- renforcer le rôle des médias dans le contrôle des élus et le fact-checking

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Messagepar AG2R » 19 Fév 2019, 10:33

Pour le fact-checking de la part des médias, d'ailleurs, ce qui est intéressant c'est le modèle de CheckNews : répondre aux questions des lecteurs, et surtout ne pas faire que du fact-checking pour dire "non c'est faux".

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Messagepar Beobachter » 20 Fév 2019, 19:33

L'affichage du tweet est bloqué par votre navigateur.
Voir le tweet de @IfopOpinion sur Twitter

Guère surprenant que de voir les forces pro-GJ perdre de l'adhésion au sein de la population.

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Messagepar vino_93 » 20 Fév 2019, 22:28

On a déjà des idées des programmes européens des différents partis ?

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Messagepar JackyDurand » 20 Fév 2019, 22:43

Beobachter a écrit:
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Voir le tweet de @IfopOpinion sur Twitter

Guère surprenant que de voir les forces pro-GJ perdre de l'adhésion au sein de la population.

LR a 10 points c'est très très faible. Avec un peu de chance ça va nous envoyer Wauquiez au rayon archives de la vie politique.
L'éclatement est assez impressionnant, mis a part LREM et RN il n y a plus aucune force significative.

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Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 02:11

JackyDurand a écrit:LR a 10 points c'est très très faible. Avec un peu de chance ça va nous envoyer Wauquiez au rayon archives de la vie politique.
L'éclatement est assez impressionnant, mis a part LREM et RN il n y a plus aucune force significative.


LR atteint dangereusement son seuil critique. Passer en-dessous des 10%, cela voudrait dire que même le coeur de cible fidèle des LR se détournerait d'eux, ce serait pire qu'une humiliation à ce niveau-là :o
La seule chose que voulait LR en prenant Bellamy, c'était rameuter la clientèle traditionnelle de la droite catho-conservatrice qui rechigne à passer au FN ou pour qui Macron n'est pas une option: le but, survivre à une débâcle.
Le problème, c'est que désormais on s'approche de cette barre fatidique des 10% qui représente le seuil le mininum supportable par LR.

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Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 03:04

vino_93 a écrit:On a déjà des idées des programmes européens des différents partis ?


:mrgreen:
Le traitement de l'Europe est toujours aussi pathétique en France (je mets ici les politiques et les médias dans le même panier), il ne faut pas trop espérer donc :lol: :cry:

Aucun programme, pas de vision, pas de perspective, rien, nada, la nullité absolue. Et personne n'échappe à ça, et certainement pas En Marche d'ailleurs, ce qui a le don de particulièrement m'agacer pour un parti supposément "pro-européen" :stop

En bref, sur l'état actuel de chaque parti:

RN: "Bruxelles, c'est le mal". Ok, et donc? "Bruxelles, c'est le mal" et puis voilà. Rien derrière. Ils ont un type de 23 ans comme tête de liste, histoire de montrer qu'ils s'adressent à la jeunesse. A part ça, pas grand chose, si ce n'est d'incarner l'opposition à Macron (un objectif national donc).
Double problème pour eux: s'il est plus que probable que le RN s'affirme comme la seule opposition qui tienne encore la route, il est possible aussi qu'il échoue doublement: finir derrière LREM serait un échec et obtenir un plus mauvais résultat qu'en 2014 en serait un autre. Paradoxalement, la situation du RN n'est pas si idéale que ça :o

DLF: Il faudrait déjà qu'ils règlent leurs problèmes financiers (ils avaient dealé avec la famille Gave, une famille d'ultrariches français, de manière à financer la campagne. Sauf que pas de chance, la fille Gave (qui devait être en position éligible) n'est pas franchement la personne la plus fréquentable. Même pour DLF, ce n'était plus possible face au festival de coms en tous genres qui allaient trop loin, c'est dire :lol: :cry: ). Pour l'instant, c'est comme le FN, une pensée "souverainiste" globalement vide qui n'a en réalité que pour seul objectif d'exister comme opposition à Macron sur la scène nationale.
L'objectif premier, c'est de passer les 5% pour être représenté. Jusqu'ici, ça allait. Avec les embrouilles Gave, ça se complique.

UPR: la secte a au moins une cohérence qu'on ne peut pas leur enlever: anti-euro, anti-UE, anti-OTAN, ils veulent se débarrasser de tout ça (et de Macron aussi). Problème: ils sont toujours aussi insignifiants électoralement :lol:

Les Patriotes: Philippot ne perce pas. Hors du FN, il assume désormais pleinement sa ligne. Problème: comme pour Asselineau, le Frexit a du plomb dans l'aile et la déroute se profile.

Résistons (Lassalle): un grand mystère :moqueur: Je ne sais même pas si lui-même sait ce qu'il veut défendre au juste :moqueur:

LR: mi-souverainisme, mi-européisme, leur position est juste illisible. Mais bon, comme d'habitude, ils n'en ont rien à faire de l'Europe et le seul objectif des Européennes sera de leur survivre, ni plus ni moins. Pour ça, recasage d'élus sans sièges, tentatives de satisfaire les différentes lignes au sein du parti et appel au coeur de l'électorat LR sont au programme: la seule chose qui compte, c'est de ne pas descendre en dessous des 10%.... Je ne comprends pas qu'un type compétent comme Danjean se prête et cautionne ce genre de mascarade :stop

UDI: je ne sais honnêtement pas à quoi ils jouent. Aucun intérêt et aucun fond. A la rigueur, ils se pourraient qu'ils visent les 3% (car ça donne lieu à un remboursement), sinon je ne vois pas. Ils n'ont aucune chance de passer les 5% et ne représentent quasiment rien (tant au niveau des personnes qu'au niveau des idées).

LREM: comme le FN doit prendre la main sur l'opposition, LREM doit démontrer qu'elle existe encore, mieux qu'elle résiste. Le problème, c'est que cette perspective purement nationale ignore complètement la dimension européenne.
Les tractations avec les partenaires européens de LREM sont passées au second plan dans l'agenda de LREM (qui au passage daigne à peine communiquer avec les députés FR présents actuellement à Bruxelles). Rien n'est réglé avec les libéraux européens (l'ALDE) et on ne sait donc pas ce que veut au juste En Marche.
Pour l'instant, ils n'ont ni candidats ni idées, c'est assez risible. (niveau candidats, comme LREM est allié avec Agir, ce parti devrait proposer Morin-Chartier, une actuelle eurodéputée de droite FR; pour le coup, ce serait au moins une bonne chose puisqu'elle fait partie des députés qui bossent à Bruxelles :ok: )
LREM a été pour l'heure incapable de présenter une quelconque perspective européenne. Autant je peux croire les impératifs nationaux, à un moment, il faut aussi savoir voir plus loin. Marre de la politique à court-terme sans aucune vision :stop
(il reste certes du temps, mais ils ont intérêt à se bouger, et vite :x )

EELV: "Europe et écologie" et puis voilà un beau programme :mrgreen:
Face à la perdition du PS, la désaffection d'un électorat de gauche pour LREM et le rejet profond des outrances de LFI, EELV n'a pas grand chose à faire et à dire juste dire défendre l'Europe et l'écologie et ça suffit.
Comme les autres, bon courage pour savoir ce qu'ils veulent au-delà des slogans...

PS: :lol:
Eux-mêmes ne doivent pas savoir ce qu'ils veulent :lol:
Pour l'heure, leur but premier est de survivre. Rester au dessus des 5% est impératif tant il serait impensable que le deuxième pays en nombre d'eurodéputés n'ait aucun représentant au sein du groupe des sociaux-démocrates à Bruxlles.

Générations: ils ont des idées, mais il faudrait qu'ils les articulent au niveau européen. Or, ils sont incapables de se mettre d'accord tant avec les autres forces de gauche françaises qu'avec le mouvement pro-européen de Varoufakis. Un comble :lol:

LFI: toujours les sornettes de plan A, plan B, le tout avec 0 coordination au niveau européen. La vieille politique à seule visée nationale... pour ça, LFI est tristement ancré dans le "système" :stop
Au rythme où vont les choses, LFI devrait faire gaffe, leur décrochage dans l'opinion est menaçant pour eux (sans parler de passer en-dessous des 5%, finir derrière les Verts, LR, voire DLF et le PS serait une claque pour eux).

PC: comptant sur leur électorat fidèle et sur la fatigue de certains à gauche par rapport à Mélenchon, c'est un des rares partis à avoir au moins le mérite d'essayer de penser par rapport à l'Europe. C'est assez court mais la démarche mérite d'être reconnue.
Cela étant, comme l'UDI, le but est les 3% pour atteindre le stade du remboursement et assurer ainsi leur survie politique plus qu'autre chose. Ce qui vaut ce que ça vaut :niais:

LO et NPA: comme d'hab'. Faut-il vraiment en dire en plus :lol:


Résumé: tous pensent à eux-mêmes au niveau national et ça s'arrête là. La réflexion sur les marges d'action au niveau européen sont pour l'heure totalement absentes, c'est assez triste à voir :stop

(et pourtant, il y a plein de choses intéressantes à faire et plein de choses à dire sur ces élections :o

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Re: Vie Politique

Messagepar vino_93 » 21 Fév 2019, 08:01

Merci pour ce point ;)
Bon y a rien à en tirer malheureusement :cry: j'espère que ça saura se dessiner d'ici le peu de temps qu'il reste...

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Messagepar redneck » 21 Fév 2019, 08:12

Non, le débat du moment, c'est la volonté de Macron de faire de l'antisionnisme un truc illégal. Un poil limite quoi.
Et avec tous ces débats, tu parles plus des gilets jaunes, de Benalla...

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Messagepar JackyDurand » 21 Fév 2019, 08:32

On est parti pour avoir la pire campagne jamais vue pour des élections européennes... Si la participation atteint 40% ça relèvera du miracle.

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Messagepar Tiburon 2.0 » 21 Fév 2019, 13:33

Ca s annonce exceptionnel ces élections :stop

J attends de voir si ça se décante à gauche et si une force se dégage mais pour le moment je suis parti pour pas aller voter (à moins que le vote blanc soit compté).

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Messagepar Plugin » 21 Fév 2019, 14:02

Sans surprise, R&PS se ralliant à EELV, j'irais comme prévu plutôt vers eux, même si j'en attend pas grand chose sur ce point ça sera toujours mieux que le reste. J'espérais un candidat un poil plus haut placé sur la listes mais bon, ça leur permettra au moins de faire campagne sur leurs sujets. Le seul problème que j'ai avec cette liste en attendant un vrai programme clair, c'est Jadot, mais bon, ça serait pareil avec n'importe quelle tête de liste obligé d'essayer d'exister dans les médias j'imagine.

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Messagepar JackyDurand » 21 Fév 2019, 14:10

Jadot ne veux pas d'une alliance en espérant faire une OPA sur la gauche non melenchoniste... Je pense que c'est une belle erreur, mais on n'est pas à l'abri d'un revirement de dernière minute, spécialité de la maison verte.
EELV + PS + micro listes de gauche ça doit pouvoir s'approcher des 20% voire prendre la deuxième place, ce qui serait inespéré à l'heure actuelle.

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Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 16:58

JackyDurand a écrit:On est parti pour avoir la pire campagne jamais vue pour des élections européennes... Si la participation atteint 40% ça relèvera du miracle.


Pourtant, en décembre, un sondage BVA donnait entre 45 et 50% de participation, ce qui n'est pas énorme mais néanmoins toujours mieux qu'en 2014 (et aussi 2009 et 2004). C'est assez cohérent avec la tendance européenne d'ailleurs d'un regain d'intérêt pour les affaires européennes (et pour l'UE également).

40%, je n'y crois pas - quelque soit la "qualité" de la campagne (pour laquelle je ne vois pas d'ailleurs pourquoi elle serait "pire" que les précédentes)

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Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 17:04

redneck a écrit:Non, le débat du moment, c'est la volonté de Macron de faire de l'antisionnisme un truc illégal. Un poil limite quoi.
Et avec tous ces débats, tu parles plus des gilets jaunes, de Benalla...


Tu as parfaitement résumé le drame de tout ça, à savoir que l'important est parasité par le n'importe quoi (avec responsabilité de chacun là-dedans). Que de temps perdu sur le n'importe quoi de Benalla au cirque hebdomadaire des GJ :stop
Et précisément sur les GJ, si on veut adresser le fond initial du problème, les européennes ont leur part d'importance là-dedans. Ne pas le voir (pour les GJ) ou ne pas se saisir du niveau européen pour dégager des réponses (pour les politiques), c'est une faute terrible.

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Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 17:34

Tiburon 2.0 a écrit:Ca s annonce exceptionnel ces élections :stop

J attends de voir si ça se décante à gauche et si une force se dégage mais pour le moment je suis parti pour pas aller voter (à moins que le vote blanc soit compté).


Mais ta logique dans ton choix ici est plus nationale qu'européenne du coup non?
(et idéalement, tu voudrais voter pour quoi?)

Plugin a écrit:Sans surprise, R&PS se ralliant à EELV, j'irais comme prévu plutôt vers eux, même si j'en attend pas grand chose sur ce point ça sera toujours mieux que le reste. J'espérais un candidat un poil plus haut placé sur la listes mais bon, ça leur permettra au moins de faire campagne sur leurs sujets. Le seul problème que j'ai avec cette liste en attendant un vrai programme clair, c'est Jadot, mais bon, ça serait pareil avec n'importe quelle tête de liste obligé d'essayer d'exister dans les médias j'imagine.


R: tu veux dire les radicaux? Si oui, il faudrait déjà savoir ce qu'il en est d'eux. En effet, les radicaux s'étaient réunifiés avec fusion du Parti radical de centre-droite et du PRG de centre-gauche pour former le Mouvement radical. Mais à gauche, certains (autour notamment de la députée européenne Virginie Rozière) n'ont pas apprécié et ont fait sécession pour fonder les Radicaux de gauche. Ce qui a déplu au PRG qui a contesté aux LRDG le droit de s'arroger le nom de radicaux de gauche.
Sauf que très récemment, certains au sein du PRG (autour de Sylvia Pinel) ont décidé de reprendre leur indépendance et de quitter le Mouvement radical car celui-ci penche pour LREM aux européennes, ce que les radicaux proches de Pinel ne voulaient pas tellement.
Ainsi, le PRG a repris son indépendance... mais pour autant il ne s'est pas réunifié avec LRDG et tous les anciens élus et militants du PRG n'ont pas non plus suivi ce départ du Mouvement radical. Donc désormais, il y a trois chapelles pour les seuls radicaux de gauche :moqueur:

Limpide non? :mrgreen:

JackyDurand a écrit:Jadot ne veux pas d'une alliance en espérant faire une OPA sur la gauche non melenchoniste... Je pense que c'est une belle erreur, mais on n'est pas à l'abri d'un revirement de dernière minute, spécialité de la maison verte.
EELV + PS + micro listes de gauche ça doit pouvoir s'approcher des 20% voire prendre la deuxième place, ce qui serait inespéré à l'heure actuelle.


Jadot a une certaine cohérence à privilégier la clarté de son offre politique. Je dirais même qu'il a plus de chances d'attirer des voix pour EELV en restant indépendant qu'en retombant dans les dérives du passé à mettre dans une même barque tous les groupuscules possibles et inimaginables. Si tu additionnes 9 + 6 + 3, tu arrives à 18 mais pour moi une liste de centre gauche (EELV, PS, Génération.s) n'arriverait à maintenir sur son nom ces différents électorats, on arriverait plutôt à 15, tout simplement car pour certains au PS, voter pour les Verts, c'est non, et pour certains hamonistes et autres Verts, s'allier au PS serait vu comme une trahison et donc ils iraient voir ailleurs.

J'ajouterais surtout que Jadot n'a pas non plus tort de rester seul, dans une logique européenne. S'allier avec les autres veut dire partager la liste, il y a tout à parier que EELV ne s'y retrouverait pas numériquement au niveau des sièges. Or le PS, c'est S&D au niveau européen, EELV, c'est Verts-ALE et Hamon, personne ne sait vraiment... :sarcastic:
Je comprends que Jadot ait pour but premier de faire élire des eurodéputés Verts-ALE, pas de rendre service au S&D.

(par contre, ils pourraient s'allier aux régionalistes corses s'ils voulaient)

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Re: Vie Politique

Messagepar Plugin » 21 Fév 2019, 18:36

R&PS, je parlais de Régions et Peuples Solidaires, donc l'UDB chez moi, l'ALE en Europe.

Mais au moins, l'incompréhension permet d'évoquer la belle situations des Radicaux :lol:

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Re: Vie Politique

Messagepar Beobachter » 21 Fév 2019, 18:51

Plugin a écrit:R&PS, je parlais de Régions et Peuples Solidaires, donc l'UDB chez moi, l'ALE en Europe.

Mais au moins, l'incompréhension permet d'évoquer la belle situations des Radicaux :lol:


Et pour moi cela m' a permis de me mettre à jour et de voir du coup que les régionalistes étaient effectivement déjà alliés avec EELV :ok:
(et donc là-dessus, EELV est en totale cohérence et raisonne du point de vue européen, ce qui mérite d'être salué)

R&PS a obtenu la 9ème place pour François Alfonsi (PNC) ainsi que la 14ème place pour Lydie Massard de l'UDB sur la liste EELV. Honnêtement je trouve ça un peu maigre, si à 9% dans les sondages, ça devrait passer pour Alfonsi (sans garantie cela dit), pour l'UDB, ça me semble mort d'entrée de jeu là :lol:

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