Kreuziger a écrit:Mais il n'y a pas de raisons valables pour tuer des centaines voire milliers d'innocents pour que le reste se convertissent.
Alors oui on peut dire que c'était criminel, de toutes façons on ne va pas aller le mettre en prison.
Même chose pour Napoléon (et puis bon l'esclavage ce n'est qu'une partie de ses oeuvres).
Le but n'est pas de distribuer des points mais donner des vérités, on peut mettre tout l'ama de contexte qu'on veut ça ne les eclipsera pas
Vous confondez l'Histoire et la philosophie et/ou la morale : car le passé se lit à travers le prisme de la société contemporaine des faits et non à travers nos valeurs actuelles.
Vous cofondez la vérité et le jugement : car la vérité est factuelle, intemporelle et non morale, par définition évolutive.
L'Histoire est la science de la connaissance du passé, pas du jugement du passé avec les critères moraux du présent.
Toute l'histoire est jonchée de "crimes" qualifiés d'ignobles aujourd'hui et pourtant légitimes au moment des faits.
Le premier exemple qui me vient ce sont les sacrifices humains qu'on retrouve dans de nombreuses civilisations qui pourtant aujourd'hui ont une image positive : Égypte ancienne, Étrusques, Aztèques, etc...
Ce qu'on qualifie de crime aujourd'hui était un acte religieux essentiel aux sociétés qui les pratiquaient.
Pourtant on transpose moins nos valeurs actuelles à ses fait en faisant preuve de davantage de détachement. La raison est simple, la distance temporelle et sociétale nous préserve de transposer nos émotions aux faits.
Donc étudier ces "crimes" en les contextualisant, ce n'est pas les légitimer ou les condamner, cela n'a pas de sens pour un historien. La contextualisation permet d’accéder à la
connaissance et à la
compréhension de faits placés dans une époque. La démarche doit se détacher de la morale pour comprendre.
Le flou entre Histoire et morale s'accentue avec la proximité des faits étudiés avec le temps présent, chronologiquement et socialement.
Changeons de sujet et parlons de l'histoire sociale de la France (je suis en plein dedans dans mes cours de 1ère).
Je viens de d'étudier en classe les événements de Fourmies en 1891 (morts de manifestants ouvriers lors d'une fusillade de l'armée envoyée par l'Etat à la demande des patrons pour stopper les grèves), puis les grèves de 1936.
Difficile de ne pas se positionner moralement, voire politiquement, ouvriers contre patrons. Car le sujet officiel à traiter est l'histoire des luttes sociales jusque dans les années 1950. J'essaie pourtant de rester dans la connaissance et non dans le jugement... même si c'est difficile, les adeptes de la lutte des classes du forum seraient presque content.
Mon défit est de
plonger les élèves dans une époque ainsi j'utilise des témoignages croisés (ouvriers, syndicalistes, patrons, ministres) et de l'iconographie de l'époque (tableau, Unes de journaux, affiches de propagande).
Ensuite, la démarche est de comprendre les points de vue et leur évolution sur un siècle. Car si l'évolution des lois sociales sont issues des luttes qui ont transformé la société, celle-ci n'est pas la même entre 1850 et 1950.
En tant que prof, je suis régulièrement confronté à un double écueil face aux questionnements des élèves :
- la distribution des bons et des mauvais points, les méchants et les gentils... exemple courant : collaborer ou résister pendant la 2nd Guerre en France, qu'auriez vous fait.
Ma réponse : "je ne sais pas, je n'y étais pas et vous oubliez l'immense majorité de la population, ni l'un ni l'autre, juste subir..." Et oui le monde n'est pas manichéen.
- la question "madame soleil". Et si machin avance gagné la guerre truc, que ce serait-il passé ?
Ma réponse assez simple : je suis prof du passé et non du présent fantasmé.
Maintenant, ce positionnement n'est pas simple alors que tout le programme au lycée est de l'Histoire contemporaine avec des thématiques abordées comme l'esclavage, la colonisation, les guerres, les génocides, les luttes sociales.
La seule solution et celle que je fais mienne est de laisser les faits parler et non de laisser ma morale personnelle juger les faits. Les élèves se positionnent moralement sur la vérité des faits et non sur le jugement de celui qui leur narre.
Et la dernière difficulté est que nous sommes aussi prof d’Éducation Morale et Civique et que la confusion méthodologique est forte. Car l'EMC a pour objectif d'apprendre aux élèves à se positionner sur des sujets sociétaux. Compliqué pour beaucoup d'élèves de ne pas entrer dans la confusion méthodologique entre les deux matières alors que c'est le même prof qui les enseigne.
En conclusion, l'enseignement de l'Histoire a beaucoup évolué sur quelques décennies. Aujourd'hui on se rapproche beaucoup plus de la méthodologie universitaire en partant des documents d'époque pour établir avec les élèves la vérité des faits. La parole moralisatrice du prof est plus en retrait. Je trouve cela beaucoup plus formateur pour le citoyen en construction et plus rigoureux méthodologiquement.