Eniotna a écrit:Je me suis infligé la première partie, je vais en rester là
Vraiment un tas d'énormités, à commencer par sa lecture arbitraire et peu pertinente de l'histoire selon laquelle il y aurait une guerre de cent ans entre la Russie et l'Occident. Mais le plus loufoque est la comparaison entre la Russie et la Chine, quand il affirme que la soi-disante "colonisation économique" de la Russie par les Occidentaux dans les années 90 et avant la PGM (
) est comparable avec la semi-colonisation de la Chine (et en oubliant soigneusement de préciser qu'une des puissances colonisatrice en Chine était justement la Russie).
Enfin, toujours la même habitude séparer les acteurs du conflit dans deux classes, seules les perspectives américaine, russe et chinoise seraient intéressantes, les autres acteurs (ce y compris l'Ukraine (!)) ne seraient que des vassaux sans marge de manœuvre. C'est une vision impérialiste des relations internationales qui est très réductrice et que je trouve insultante. Nul besoin d'aller plus loin après cela.
L'impérialisme russo-soviétique est l'identité même de ce pays dans le temps long. C'est d'ailleurs le seul trait commun entre la Russie des premiers temps, la Rus' de Kiev, la Moscovie, la Russie tsariste des 18, 19 et 20ème siècles, la Russie soviétique, la Russie poutiniène...
Malgré les immenses ruptures idéologiques des régimes qui l'ont porté à travers les siècles, la volonté d'élargir son territoire pour se constituer le plus vaste empire est consubstantiel à l'identité russe. C'est leur Far West, mais en tous sens et sans océan à atteindre.
Et chaque époque a théorisé cette volonté d’État-sans-nation : la slavité de la Moscovie, l'impérialisme colonisateur du 19ème siècle et début du 20ème, le communisme universel de l'ère soviétique, la russophonie et l'orthodoxie de Poutine.
D'autres pays se sont construits dans cette volonté expansionniste, mais tous avec des phases qui ont eu une fin (fins parfois douloureuses et meurtrières) et parfois avec un amenuisement territorial et/ou d’influence... Et tous ont entériné ces fins pour se diriger vers un futur meilleur à défaut d'être hégémonique.
La Russie se comporte comme un pays dont l'histoire ne serait que colonisation, flux et reflux, dont la légitimation n'a que faire des théories qui traversent les siècles. La constance ? L'espace vital des Slaves, des communistes, des Russophones. A chaque époque sa justification intellectuelle.
Le drame de la Russie moderne est qu'elle ne s'est jamais retournée sur son histoire impériale. Car la compréhension de la disparition de l'URSS s'est limitée au postulat que l'échec impérial se bornait à l'échec soviétique, l'échec du communisme.
C'est une énorme erreur d'analyse qui met sous le tapi une part de l'identité russe qui transcende les régimes politiques. Et on en paie encore et encore les conséquences. En Tchétchénie, en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, en Biélorussie, en Europe, etc...
Ceux qui défendent la légitimité de la Russie à intervenir sous forme militaire, terroriste ou déstabilisatrice un peu partout à ses frontières et au-delà, si nous transposions naïvement cela à la France, nous serions d'une façon ou d'une autre en conflit, ne serait-ce qu'en Europe, avec :
- la GB pour les îles anglo-normandes
- la Belgique pour la Wallonie
- la Suisse pour la Romandie
- l'Italie pour le Val d'Aoste
- l'Espagne pour le Pays Basque et la Catalogne
- l'Andorre pour l'Andorre
- Liste non exhaustive...
Et en convoquant judicieusement l’histoire de l'Europe, du monde et des époques universalistes révolutionnaire et napoléonienne nous serions aussi légitime à imposer "notre vision hégémonique" à tous les autres aussi...
La Russie et pas seulement ses dirigeants, malgré ce qu'on peut lire et entendre, n'a toujours pas fait un choix clair de société.
Entre vivre dans une société apaisée chez elle, avec ses voisins et ses rêves intemporels de grandeurs... c'est encore la seconde alternative qui guide son histoire. Aujourd’hui, comme depuis les plus de 1000 ans qui précédent.
C'est d’ailleurs pour cela que Poutine n'a aucune difficulté intellectuelle à fusionner les époques tsariste et soviétique pour justifier ses guerres coloniales auprès de son peuple au nom de la Grande Russie universelle et intemporelle.