par Nané63 » 29 Aoû 2022, 22:25
En fait, je ne crois pas que l'on se rend compte de la différence de moyens entre les années 60 et aujourd'hui et à tel point ça rend la situation incomparable.
Au niveau du budget, en 1967, le Congrès allouait à la NASA presque 5% du budget fédéral total des Etats-Unis ! C'est absolument astronomique ! Je n'ai pas les chiffres en tête pour aujourd'hui, mais on en est à des années-lumière malgré un budget réévalué. En 2018 par exemple, à peine 0,5% du budget fédéral était alloué à la NASA...
En corrigeant de l'inflation, rien que le programme Apollo a entraîné plus de 150 milliards de dollars de dépenses ! Et celles-ci ont surtout été concentrées entre 1965 et 1969 ! Alors qu'en 2022, le budget de la NASA dépasse à peine les 24 milliards de dollars ! Et aujourd'hui, la NASA doit gérer d'autres missions comme l'ISS alors qu'à l'époque, Apollo représentait environ 70% des dépenses de la NASA (bon, cette donnée est très difficilement comparable, j'y reviendrai).
En fait, actuellement, aucune Nation du monde n'est prête à remettre autant d'argent dans un quelconque programme spatial.
Bref, la différence est énorme, la NASA ne peut pas annoncer un calendrier similairement à celui des années 60 avec un budget qui est aussi différent. À l'époque, l'argent afflouait à gogo, tu savais que si tu faisais une connerie pour Apollo 4, t'avais quand même largement le fric qui allait afflouer pour faire quand même Apollo 5, Apollo 6 et Apollo 7 dans les temps que tu voulais (ce qui a permis comme tu l'as dit de précipiter Apollo 8.). Aujourd'hui, la NASA ne peut pas se permettre de prendre autant de risques...
Autre problème pour Artémis, c'est que la mission n'a pas du tout la même stabilité financière qu'Apollo. À l'époque, l'argent ne provenait que de ce que permettait le Congrès (et il n'y avait pas de problème entre Démocrates et Républicains sur la question). La NASA savait donc qu'il n'y aurait pas de problème de ce côté-là. Et les seuls décisionnaires étaient les Américains eux-mêmes.
Aujourd'hui, l'argent provient du Congrès, mais aussi de SpaceX et d'Elon Musk, de l'ESA et d'autres acteurs. Les décisions doivent donc être concertées. La donne est pas la même. D'autant plus que l'ESA n'est pas réputé pour sa stabilité financière et qu'Elon Musk n'est pas l'assurance tout risque non plus surtout vu les procès qui lui collent au cul. En outre, j'imagine que ce secteur doit être largement touché par l'inflation actuelle (ceci dit, je n'y connais pas en la matière, tu pourras peut-être plus me dire), ce qui doit faire revoir à la hausse des budgets déjà bien faibles...
Enfin, le contexte géopolitique est à prendre en considération. L'exemple de l'allocation du budget de la NASA pour 2022 est éloquent. Avec ses 24 milliards alloués par le Congrès, la NASA reçoit moins que ce qu'elle espérait. Et tu sais quel est le seul secteur de la NASA qui n'a pas reçu les fonds voulus ? Le secteur relatif à la science en elle-même (examens des échantillons martiens, télescope James Webb...etc.). Ballot, quand même. Tout le reste, que ce soit les secteurs industriels qui génèrent des emplois ou les secteurs qui ont un impact géopolitique comme Artémis ou l'ISS ont reçu les fonds que la NASA voulait, et parfois plus. Tout ceci montre bien que le Congrès en a rien à foutre (ou du moins que ce n'est pas sa préoccupation première) des avancées scientifiques que permet la NASA. Ce qui les intéresse, ce sont les retombées politiques et géopolitiques de ses missions.
Or, actuellement, on est très loin de la course à l'espace des années 60. Le leadership américain dans l'espace est incontestable. Les Chinois sont pour l'instant en retrait. Il n'existe aucun scénario à l'instant où je parle où un Chinois mettra le pied sur la Lune avant un Américain. Si jamais la Chine développe son programme spatial trop rapidement et se met à concurrence l'hégémonie spatiale américaine, je ne doute pas cependant que le Congrès revoie à la hausse le budget de la NASA et lui permettra de définir un calendrier plus ambitieux.
Bref, oui, en effet, on a l'impression que par rapport aux années 60, la NASA et le gouvernement américain n'ont pas d'ambition et qu'ils naviguent à vue sur leur futur. Mais les moyens humains, financiers et technologiques ne sont absolument pas comparables et ne permettent pas actuellement de définir un programme similaire à Apollo. Peut-être qu'un jour ça changera (pas avant que la Chine et la Russie ne viennent concurrencer les Américains cependant selon moi). Mais je pense qu'aujourd'hui, on peut déjà se satisfaire que la NASA ait déjà communiqué qu'elle retournera sur la Lune lors d'une mission Artémis 3 déjà arrêtée.