Et la suite (attention petit pavé). J'ai notamment suivi quelques bon conseils des gruppettistes
First Cow (Kelly Reichardt – 2021) : Pour une raison que j'ignore, j'ai toujours soigneusement évité les films de Kelly Reichardt malgré des critiques élogieuses (j'avais juste vu son premier long qui m'avait laissé de marbre). Erreur réparée avec ce visionnage de First Cow que j'ai trouvé extrêmement plaisant. On y suit deux hommes qui se lient d'amitié par hasard et vont apprendre à vivre dans l'Oregon du XIXe siècle avec les prémices du capitalisme et de l'économie de marché. Il s'en dégage à la fois un certain exotisme et une forme de banalité/normalité et j'ai trouvé le film particulièrement prenant malgré sa lenteur et son côté anti-spectaculaire.
Old Joy (Kelly Reichardt – 2007) : Après la belle surprise First Cow, j'ai décidé de jeter un oeil à ce court film réalisé par Reichardt en 2007. Décidément, la réalisatrice sait filmer la beauté de la banalité comme personne. Il ne se passe pas grand chose dans ce road trip entre deux vieux amis éloignés par la vie, il n'y a aucun climax à attendre... Pourtant, il s'en dégage une sensation de bien être et de sérénité qui rend l'expérience aussi grisante que mélancolique.
Côté réalisation, c'est simple mais j'ai beaucoup aimé la façon dont Reichardt filme le ciel depuis la voiture. Durant un road trip us, j'avais été moi même fasciné par le ciel depuis la route, qui semble presque plus grand que chez nous, alors le choix me parle forcément.
Take Shelter (Jeff Nichols – 2011) : Premier Jeff Nichols dont je ressors emballé, même s'il a fallu que le film travaille un peu après le visionnage pour réellement déployer son potentiel. Dans une Amérique post crise économique de 2008 (le contexte économique étant vraiment bien intégré à ce récit quasi apocalyptique), on suit un homme qui cherchent à protéger sa famille contre des catastrophes naturelles, entre crises paranoïaques et prédictions. C'est juste, pas trop excessif (si ce n'est une scène dans le fameux abri), porté par Michael Shannon et Jessica Chastain et traversé de quelques plans et séquences sublimes.
Les Bruits de Recife (Kleber Mendonça Filho – 2012) : Il aura fallu que je voie l'Agent Secret pour avoir envie de découvrir un peu plus le cinéma de Kleber Mendonça Filho. Avec ce premier long métrage, je n'ai pas été déçu : cette fois encore, le réalisateur brésilien prend le temps de poser le cadre et de prendre le pouls d'un quartier (et par analogie d'une société) sans pour autant raconter une histoire linéaire.
C'est simplement l'histoire d'une société privée de sécurité qui va offrir ses services à un quartier résidentiel, générant alors quelques crispations. Il ne se passe pas grand chose mais on ne s'ennuie pas, parce que la tension est palpable tout au long du film, on sent que quelque chose est prêt à éclater, que l'équilibre en place est précaire et menace de s'effondrer à tout instant.
La mise en scène est sobre mais redoutablement efficace, tandis que le travail sur le son rend le film captivant
Sorcerer (William Friedkin – 1977) : Se lancer dans un remake d'un film comme le Salaire de la peur, Palme d'Or 1953 et grand film de Clouzot, était un exercice périlleux. Friedkin réussit malgré tout à apporter un regard neuf sur cette histoire en transformant son film en expérience de survie dantesque dans des territoires hostiles (là où le film de Clouzot était plus épuré), avec presque une touche de fantastique, notamment dans la représentation graphique du camion comme un monstre. Un prologue permet de caractériser les personnages, au fond tous plus détestables les uns que les autres ; la prison à ciel ouverte décrite par Clouzot est toujours là ; le périple avec les camions chargés de nitroglycérine est haletante du début à la fin, avec quelques passages complètement dingues. Dans cet enfer, tout le monde semble déjà condamné, ce qui donne au film un côté sombre et nihiliste plutôt "plaisant"
Le Royaume (Julien Colonna – 2024) : J'avais raté ce film l'an dernier malgré le très bon bouche à oreille et je l'ai découvert avec beaucoup de plaisir. Film de mafia corse impressionnant de maîtrise pour un premier long-métrage, Le Royaume retranscrit très bien la tension de l'attente d'un chef de clan en cavale. Mais au delà d'un pitch convenu, le film se distingue surtout par le développement de la relation père-fille, qui apporte un vrai plus, permettant d'aborder les questions d'identité, de transmission, de prédétermination...
Je suis une légende (Ubaldo Ragona & Sidney Salkow) : J'étais plutôt emballé à l'idée de découvrir une adaptation du roman de Matheson avec Vincent Price ; surtout que le film commence très bien avec une première séquence très réussie pour instaurer une ambiance de fin du monde. Malheureusement, c'est assez poussif sur 1h30, le rythme est très inégal et c'est globalement desservi par une en mise en scène très simple et des acteurs pas franchement au niveau. C'est nettement plus charmant que la version avec Will Smith, mais on notera quand même qu'Hollywood est décidément incapable d'accepter la morale du roman quand il s'agit de l'adapter...
Les Filles (Mai Zetterling – 1968) : Film féministe qui arrive à reprendre certains personnages et certains codes des films de Bergman avec un regard féminin. Le dispositif est presque un peu artificiel au départ : des actrices jouent une pièce d'aristophane et font le lien avec leur propre vie. Mais ce n'est que le point de départ d'une farce amère pleine de vigueur plaisante à suivre, avec l'impression que certaines thématiques développées dans le film sont encore largement d'actualité...
Alice (Jan Svankmajer – 1988) : Un film qui n'a pas volé sa réputation. Cette adaptation tchèque d'Alice au pays des merveilles est un cauchemar éveillé, un peu crado mais incroyablement inventif dans ses différents tableaux. L'oeuvre met en scène une jeune actrice dans ce qui ressemble à une grande maison à moitié abandonnée, tout l'aspect surnaturel étant animé en stop motion. C'est assez jouissif et fascinant, malgré quelques longueurs et répétitions (ce qui est dommage pour un film d'1h25)
Ca va cogner (Buddy Van Horn – 1980) : Suite de "Doux, dur et dingue, de James Fargo et déjà avec Clint Eastwood et un orang outan). C'est toujours un grand n'importe quoi qui vieillit assez mal et qui s'étire sur 2h, mais j'ai quand même trouvé que ce second volet fonctionnait un peu mieux que le précédent. Certainement pas parce qu'il est plus fin, juste un peu plus regardable et facile à suivre (sans doute un changement judicieux de réalisateur).
Godzilla (Gareth Edwards – 2014) : Que ce film ait la même note sur senscritique que Skull Island et soit à peine mieux considéré que Godzilla 2 ou les horribles Godzilla vs Kong me dépasse complètement. Ok, c'est pas très finement écrit, encore que ça reprend un peu l'essence de ce que devrait être un film Godzilla (critique de l'interventionnisme militaire US qui aggrave systématiquement les choses). Mais quand même, Gareth Edwards a un réel talent pour filmer des monstres gigantesques à hauteur d'humain et ça donne quelques plans et scènes que je trouve particulièrement réussis.
Le Sabre (Kenji Misumi – 1964) : Film passionnant de Misumi, qui parle de l’écartèlement entre tradition et modernité dans le Japon post WWII. C'est visuellement magnifique, bien que plus sobre que ses films d'épée. Petite réserve néanmoins sur la narration, un peu automatique et pas toujours très bien rythmée.
Dragons (Chris Sanders & Dean Deblois – 2010) : Au départ, je me suis dit : "Plutôt que d'aller voir un remake plan par plan, autant revoir l'original". Finalement, ça m'a presque donné envie de faire le détour en salle pour voir la nouvelle version tant j'ai pris du plaisir devant celle-ci. Un beau film d'animation, visuellement toujours bluffant 15 ans après, simple et juste dans sa structure et encore d'actualité : aller vers l'autre est toujours une meilleure idée que le rejeter.
Born in Flames (Lizzie Borden – 1983) : Visionnage assez étonnant de ce film racontant un futur proche dystopique depuis les années 80 aux USA : un parti socialiste a pris le pouvoir et, à travers les médias, s'approprie le langage et l'information pour empêcher l'apparition de toute opinion contraire. Dans ce contexte vont apparaître des revendications, notamment féministes. Ce qui frappe, c'est la modernité des représentations que je ne pense pas avoir déjà vu dans un film de cette époque. Il y a aussi de nombreux parallèles à faire avec la situation actuelle de nos sociétés, tant on pourrait transposer certaines scènes dans les US ou la France des années 2020.
Réalisation très intéressante également, qui fait le choix d'enchaîner des séquences plutôt que de tirer un fil directeur.
Les Favoris de la lune (Otar Iosseliani – 1984) : Un film parfaitement représentatif du cinéma de Iosseliani, qui permet de parcourir l'histoire des hommes à travers la vie d'objets (un service d'assiettes en céramique, une peinture...). Comme souvent, il y a peu de fil conducteur mais des scènes, des images, des interactions. Le réalisateur georgien dépeint une société qui semble gagnée par une folie destructrice et faisant disparaître négligemment tout ce qui lui a précédé. Comme souvent, il faut s'accrocher, chercher le sens et les symboles et ne pas attendre de grandes envolées narratives, mais ça reste un cinéma assez plaisant à regarder une fois qu'on en comprend les codes.
Et la lumière fut (Otar Iosseliani – 1989) : Autre Iosseliani, toujours dans la même veine mais cette fois délocalisé en Afrique. On suit la vie d'un peuple africain vivant dans la forêt, maîtrisant les éléments et doté de sa propre culture, mais en proie à des problèmes sociaux (couple, habitat, nourriture...) finalement très humain. Autour d'elle, la Société industrielle déforeste et la tribu disparaîtra peu à peu dans un excès de lumière, une fois que les arbres qui la protégeaient auront disparu, avant de se fondre dans la culture mondialisée et devenir un objet de folklore pour touristes. En filmant des personnes qu'on ne comprend pas (à cause de la barrière de la langue), Iosseliani a trouvé pour son cinéma habituellement avare en dialogues.