wawan a écrit:En Iran le pouvoir à annoncé la dissolution de la police des mœurs. Les commentaires de média que j'ai pu lire avaient tendance à minimiser l'info en disant que ça ne changeais rien aux lois et que ça n'allait pas affaiblir la contestation, mais j'ai quand même le sentiment que c'est significatif des difficulté du régime qui commence à flipper. Lors d'une émission de Blast, les invités disaient que des membre des familles des dignitaire prenaient discrètement l'avion en direction de l'étranger, ça ressemble quand même sinon à une exfiltration, au moins à un début de mise à l'abri. Prélude à une fuite généralisée?
Je vais éviter de fonder trop d'espoir sur ce qu'il se passe, les précédentes contestations ayant échoué à changer durablement les choses, mais quand même, j'ai pas souvenir que l'ordre établi ai autant tremblé même au plus fort de la contestation de l'élection d'Ahmadinejad
En réalité, le pouvoir n'a rien annoncé du tout. On a simplement eu des propos - extrêmement flous et dépourvus de toute précision - de la part du procureur général, des propos qui n'ont été nullement confirmés par quelqu'organe que ce soit du régime. A l'inverse, des législateurs ou des médias d'Etat ont rejeté toute idée de suspension de la police des moeurs.
Concrètement, il n'y a rien qui indique une décision officielle et effective de dissolution de la police des moeurs. On a simplement des médias étrangers qui pour on ne sait quelle raison se sont précipités sur les propos du procureur général et en ont fait toute une histoire alors qu'en réalité c'est largement un non-événement en l'état actuel des choses.
Le traitement médiatique de cette séquence a été purement désastreux à annoncer telle décision comme officielle et comme moment de rupture alors que ce n'est rien de tout cela. Les titres sortis ont été en décalage terrible avec la réalité des choses que c'en était gênant à suivre.
Le fond du problème ici, c'est de voir certaines agences de presse occidentales et à leur suite les grands médias se précipiter sur cette histoire sans prendre le temps de consulter avec les locaux pour savoir ce qu'il en est vraiment et sans prendre le minimum de recul nécessaire.
Ceci dit, si on se base sur les éléments concrets à disposition, on peut malgré tout y voir un peu de positif (sans pour autant surjouer les choses comme ce qui a été fait). En elle-même la déclaration du procureur - malgré toutes les pincettes à prendre avec celles-ci - et le flou entourant celle-ci du fait de la non-réaction de la tête de l'Etat s'en étant ensuivie sont intéressants, non pas parce que cela marquerait la fin de la police des moeurs et un recul acté du régime mais parce que cela témoigne d'un flottement certain à la tête du régime. On peut y voir une hésitation du pouvoir sur la conduite à tenir ainsi qu'un manque d'harmonie et de communication entre les différentes branches du pouvoir. Ce n'est pas rien en soi. S'il y a des craquèlements entre certains qui veulent ne rien céder et d'autres qui estiment qu'il n'y a plus d'autre choix que d'offrir des concessions, cela peut ouvrir la porte à des développements intéressants.
Mais en l'état actuel des choses, on n'en est pas encore là.
Sur le départ de membres des familles des cercles du pouvoir, je ne crois pas que ça soit vraiment quantifiable - ni vraiment nouveau en réalité. Nombre de familles des dignitaires actuels ont largement un mode de vie internationalisé, voyages, études, résidences, on a de tout. C'est d'ailleurs aussi un des éléments qui nourrit le rejet actuel du régime. Quand certains pontes du régime sont repérés à l'étranger avec leur femme qui ne porte pas le voile, quand les rejetons de la classe au pouvoir se filment en soirée alcoolisés ou au volant de leurs bagnoles de luxe, quand les filles de la classe dirigeante font leurs soirées (mixtes) sans voile et tout, ça ne passe pas. Les lois débiles sont déjà un problème, l'hypocrisie qui vient se rajouter par-dessus ne fait qu'aggraver le ras-le-bol de toute une partie de la population et vient nourrir le ressentiment à l'égard du régime.
Dans le genre, voilà un bon exemple - à une échelle qui va au-delà de simplement la tête du régime. On a un groupe d'Iraniens partisans du régime qui gueulent sur un groupe d'Iraniens portant des t-shirts avec le slogan Woman Life Freedom. Or que voit-on? Dans ce groupe de pro-régime, on a (à 0:35) une jeune Iranienne à la tenue pour le moins éloignée des préceptes du régime
Ce genre d'hypocrisie absolue a conduit toute une partie de la population à se détourner du régime et à faire perdre sa crédibilité à celui-ci.
Sur la question de la suite des événements, effectivement le mouvement actuel est inédit, tant par sa durée, son ampleur et sa répartition géographique.
En réalité, il faut remonter à la chute du Shah pour retrouver pareille situation. Bien entendu, les périodes sont différentes mais il est intéressant de noter à quel point la révolutionne iranienne s'était étalée dans le temps jusqu'au point de rupture définitif. Je suis assez convaincu que cet exemple historique bien connu du régime n'aide pas à le rassurer
Il y a plusieurs éléments qui expliquent la "réussite" du mouvement actuel. Cela tient d'abord en grande partie à l'impasse de la voie réformiste. Pendant longtemps, nombre d'Iraniens ont cru qu'une évolution de l'intérieur était possible, qu'il était possible de trouver un équilibre avec le système islamique. Cet espoir s'est peu à peu envolé à force d'élections truquées et de réalisation que le pouvoir n'était pas entre les mains des élus mais entre les mains des religieux et des gardiens de la révolution.
L'impasse réformiste a de fait conduit toute une partie de la population à ne voir que la voie révolutionnaire comme seule option.
L'autre élément majeur, c'est d'avoir réussi à maintenir une opposition généralisée sur le territoire au régime. Malgré les tentatives de division par le régime à coup d'agitation du chiffon rouge du "séparatisme" et malgré les divisions bien réelles qui existent pourtant entre différentes composantes de la population iranienne, le rejet du régime a pris le dessus.
A ce titre, les slogans de solidarité avec les Kurdes entendus à Téhéran sont une évolution majeure par exemple.
Au lieu d'être un mouvement exclusivement perse ou à l'inverse exclusivement basé sur les minorités (kurdes ou baloutches principalement), il concerne tout le pays.
Idem d'ailleurs sur le plan des classes. Historiquement les mouvements sociaux (face au coût de la vie ou autre) ou les protestations politiques (plus élitistes et urbaines) avaient du mal à se recouper. Là, on est dans une situation à la fois d'impasse politique et de sentiment chez beaucoup d'un régime qui a échoué à porter ses fruits (économiquement et socialement), ce qui potentiellement fait beaucoup de monde susceptibles de protester contre le régime.
D'où la dangerosité du cocktail actuel pour le régime.
Il est difficile de préjuger de la suite, mais ce qui est sûr c'est que ce n'est pas un petit mouvement. A suivre avec attention donc!