CR de la cyclo !
Samedi
Comme l’an passé, le réveil sonne mais j’ai déjà les yeux ouverts, prêt à bondir du lit. Ma préparation est efficace, j’avale quelques pâtes, m’habille en vitesse et en conséquence du froid mordant annoncé. Dernières vérifications d’usage avant le départ et je file dans la nuit et le froid pour la gare. J’y rejoins Svam, arrivé quelques minutes après moi et après quelques minutes encore, c’est le départ. Correspondance froide et un peu longue dans une gare dont le nom fleure bon la campagne du nord, puis cette fois nous partons pour Busigny, porte de notre enfer à nous.
On y retrouve Akit dans un premier temps. Le capitaine de route du Gruppetto exhibe son beau maillot et après quelques salutations, nous rejoignons la salle communale pour le retrait des dossards. Malgré la foule de vélos, je me fraye un passage jusqu’aux toilettes de chantiers disposés derrière, mais je repars brocouille : plus de papiers. Je balbutie quelques mots avec mon voisin anglais qui se voit lui aussi contraint à un premier abandon. Tant pis, de toutes façons il paraît que je vais en chi** toute la journée, ce coup du sort ne fait que repousser l’échéance
Après quelques péripéties et plusieurs minutes d’attente sur la ligne, Magicool, le dernier des 4 Gruppettistes au départ du grand parcours nous rejoint pour une photo souvenir. Cette fois c’est bon, nous pouvons y aller… Et non ! L’orga déroule une rubalise pile devant nous pour bloquer le départ : « on fait un départ groupé pour le drône »
smiley/froome04.pngAu moins, grâce au maillot d’Akit, c’est l’occasion de représenter le Gruppetto sur toutes les futures vidéos de Paris Roubaix Challenge. Puis le ruban s’abaisse et tout le monde décolle. Enfin surtout Svam. Plein de confiance, le leader du Gruppetto passe à l’attaque
Akit et moi nous regardons, et le laissons filer. Rideau ? Non, puisque Svam finit par se relever et revenu à notre hauteur annonce fièrement qu’il restera le premier attaquant de ce Paris Roubaix Challenge 2019.
La cyclo débute vraiment dans Troisvilles, où nous attend le premier secteur pavé. Le groupe dans lequel nous sommes est particulièrement conséquent à cause du départ groupé et il est difficile de choisir la bonne trajectoire. Mon casque mal serré me tombe sur les yeux et c’est une belle galère. Finalement on sort du secteur, je ressers mon couvre-chef et je me rapproche de la tête du groupe pour aborder mieux placé les prochains secteurs. Au grand dam d’Akit, les secteurs du cambrésis sont surtout pris dans leur sens le plus difficile cette année, celui de la montée. Je prends un peu moins de plaisir que l’an passé mais je profite de la difficulté accrue des secteurs pour remonter les cyclos les plus en difficulté. Les jambes sont pas ouf, je paye sans doute un entrainement pour "diésel", avec plus de longues sorties qu'en 2018 mais de vraies lacunes sur les efforts intenses. Akit est mis en difficulté dès que la pente dépasse 1,5%, tandis que Svam monte tranquillement en puissance au fil des secteurs. Par ailleurs on reconnait facilement ceux qui qui découvrent les pavés : ils rebondissent sur le pavé, freinent sur l'asphalte puis relancent dès l'entrée du secteur... bref j'ai parfois mal pour eux mais on n'a pas de conseils à donner, sur Paris Roubaix il faut être méchant
Le premier ravito arrive. Svam et moi sommes vigilants, une fois mais pas deux
. On recharge rapidement les estomacs et les poches et on ne traine pas trop (même si Akit s’impatiente déjà). La course peut reprendre, mais on finit par perdre Akit à la sortie d’un secteur. Svam et moi profitons des groupes encore conséquents pour l’attendre sans trop faire d’effort, mais au bout d’un moment il faut se rendre à l’évidence, notre vétéran a crevé. On file alors direction la fameuse trouée. Les pavés défilent et se présente enfin à nous le petit village de Wallers. Un virage à gauche et se dessine devant nous la longue ligne droite qui amène à la fameuse forêt d’Arenberg. Le champ de camping-cars à gauche, les puits à droite : comme l’an dernier l’atmosphère est assez incroyable. Le plus terrifiant des secteurs pavés fait honneur à sa réputation. Malgré une certaine fraîcheur après « seulement » 75km, je peine à prendre mon rythme. Heureusement, peu avant l’entrée j’entends le Gruppetto s’enflammer sur le bord de la route. C’est donc ça d’avoir des supporters sur le bord de la route
Regonflé à bloc par leur ferveur, je finis le secteur mieux que je ne l’ai commencé, en tout cas dans la tête. Le parallèle avec l’an passé à la sortie est flagrant. Alors que je me faisais déposer par tout le monde dans le léger faux plat montant qui retraverse la forêt, je suis cette fois très à l’aise. J’ai mieux encaissé les premiers secteurs et je rattrape quelques cyclos tout en me ravitaillant soigneusement. Deux barres et une pâte de fruit, en plus du gel absorbé 5 minutes avant. Je me montre prudent. Svam n’est plus là, il a dû s’arrêter comme prévu auprès du Gruppetto pour retirer des couches de vêtements. Je continue donc à mon rythme, le voyant bien faire la jonction à un moment ou à un autre. Le temps commence à être long et je reflechis a la pause que je prendrai au prochain photographe. Après réflexion, ce sera un petit signe de la main, à la PLP 2018.
Comme l’an passé, les secteurs 20 à 10 sont les plus difficiles psychologiquement. C’est le stade auquel tout le corps commence à montrer des signes de faiblesse : mains, tête, bras, jambes… tout fléchit. A partir de là, c’est secteur après secteur, sans trop réfléchir et sans trop avoir la tête au vélodrome, dont la distance et le nombre de secteurs qui nous en séparent donnent le vertige. Le deuxième ravito est l’occasion de sortir le téléphone pour la première fois. Magic m’annonce dans un message qu’il devra bâcher avant la trouée…
puis me dit dans un second qu’il l’a passée
smiley/aru.png Svam a crevé à Sars et Rosières (une vraie vacherie), et Akit ne donne pas de nouvelle. Quelques messages au whatsapp familial et aux collègues, un peu de nourriture, de l’eau au sirop et je repars en vitesse. Mais quelques kilomètres plus loin je suis pris de petites crampes d’estomac et je maudis ma précipitation. J’ai beaucoup mangé, bu très rapidement mon verre et je le paye un peu. Je repense aussi douloureusement au papier toilette manquant le matin… Mais je n’ai pas le temps de gamberger très longtemps car sur le secteur d’Orchies, belle surprise, je retrouve les couleurs du Gruppetto ! Je passe devant eux et j’ai tout juste le temps de m’exclamer « le gruppetto ! ». Mais cette fois je m’arrête discuter un peu. J’accueille avec plaisir la tranche de jambon que l’on me propose, mais refuse poliment la bière prétextant mes fameux maux d’estomac
Regonflé à bloc par le Gruppetto, je repars à fond pour quelques kilomètres avec le vent favorable. Je reprends quelques cyclos jusqu'à un groupe où ça tourne bien. Les secteurs s’enchainent alors jusqu’au troisième ravitaillement. L'enchainement Bersée/Mons-en-Pévèle me met à mal alors que je volais dessus l'an dernier. Je retouve un photographe, mon idée de prendre la pause refait surface mais je me dis que finalement jne bonne photo où me voit serrer les dents sera beaucoup moins dangereuse
Notre groupe a tendance à se déliter sur le pavé, il se reforme très vite et ça permet de bien avancer dans les portions moins favorables. Je me sens encore bien et repense aux difficultés énormes que j'avais eues au même moment l'année dernière. Le troisième ravito est assez rapide, il s'agit de laisser Svam derrière moi jusqu'au Vélodrome
Mais dès la sortie du Moulin de Vertain, c'est la grosse panne de jambes. Je me sentais vraiment bien 5 kilomètres auparavant puis je n'ai plus de jus. J'en ai juste complètement marre et je veux en finir au plus vite. Le terrible enchainement Camphin-CDA m'achève, même si j'essaye tant bien que mal de relancer à la sortie du virage Hushovd pour faire honneur à mes supporters qui m’attendent à la sortie. Je fais scandaleusement 70% de Gruson sur la bande caillouteuse et tente de relancer à la sortie, avant-bras sur le guidon et tête baissée, mais je ne tiens pas très longtemps et les quelques uns que j'ai doublés me déposent à nouveau un peu plus loin. Je subis Willems à Hem (6km/h de moyenne en moins par rapport à l'année dernière
). L’objectif est pourtant clair, ne pas se retourner, et ne pas réfléchir, Svam peut rentrer à tout moment
Finalement Roubaix se fait sentir une fois sur les larges routes qui nous y mènent. Je retrouve mes jambes dans le dernier faux plat qui y mène et file entre les voitures vers le vélodrome. Alors que je n'avais pas débranché de l'effort pendant plus de 7h, je savoure vraiment le virage qui mène vers la ligne d'arrivée, une pointe d'émotion, le coeur se serre un peu puis je passe enfin le portail. Un demi-tour de piste plus loin, je passe la ligne en exhibant ma main percée et deux doigts levés vers le photographe. Le sentiment d'accomplissement est énorme. Je cherche le Gruppetto, mais cette fois je les ai devancés
.
J'attends ensuite Svam qui arrivera un petit quart d'heure après moi. On se retrouve sur la pelouse du vélodrome en attendant patiemment Akit. Le goéland de Maubeuge tarde à nous rejoindre... tellement que l'on commence à penser qu'il a bâché au CDA pour ne pas rater le Five
En fait il a bel et bien filé au Five mais on l'a tout simplement raté au vélodrome, ainsi que le reste du Gruppetto. Tant pis, Svam et moi boirons notre bière à deux avant de se séparer. Rendez-vous dans 4h pour le restaurant.
Bilan de la cyclo
Le bilan de la cyclo est globalement très positif. Le corps a été durement éprouvé mais je me suis senti mieux que l’an dernier. A aucun moment je n’ai douté de ma capacité de finir le parcours contrairement à l’an dernier. Plus je me voyais aller au bout, plus je repensais à mes 10 derniers mois difficiles, et plus j’avais envie de la finir. Je passe beaucoup de secteurs moins vite que l’an dernier mais ça s’explique surtout par le vent moins favorable. Au classement du segment Strava, je suis dans les premiers 30%, tandis que l’an dernier j’étais dans les derniers 25%.
Bon et puis, tel Siskevicius, la lanterne rouge qui accroche la gagne l’année d’après, c’est une belle histoire, non ?
https://www.strava.com/activities/2290577392