Mon retour sur ma participation au Gravelman Auvergne, trace route. Il s'agit d'une aventure bikepacking sans assistance organisé par Steven Le Hyaric, deux traces, une route et une gravel. C'était donc ma première expérience en "ultra" ou endurance si vous préférez.
Au programme 328km pour 6500m de D+
https://www.strava.com/activities/5418046268Arrivé le jeudi pour la vérification du matos, je récupère la balise GPS et les clefs du mobil-home et rencontre mon camarade de chambrée. Une petite bière et on file au lit. Avec l'excitation et le stress, je dors mal, 4 ou 5 heures, mais au réveil j'ai qu'une envie, c'est partir.
On part ensemble à 05H30, il fait quasi-jour, il ne fait pas froid. Le ciel est menaçant, mais il y a quelques éclaircies. Très rapidement, je vois que mon camarade est bien plus affûté que moi, il passe la première côte sur le plateau. Petite tape dans le dos et je lui souhaite bon courage.
Je me retrouve seul après-juste quelques kilomètres et je me fait dépasser par plein de monde. Je prends mon rythme et je rattrape deux types avec qui j'avais discuté la veille au check-in. Je vais faire une bonne partie de la route avec eux. On continue à se faire dépasser par du beau monde, des mecs avoinent sérieusement et ne semble vraiment pas équipé pour la durée.
La matinée est vraiment parfaite, il fait bon, mais lourd. Je suis en court vers 10H00 même si on prend quelques légères gouttes. Il doit faire dans les 25°C. Le tracé est sans difficulté majeur pour l'instant, des longs faux plats, des bosses, quelques cotes. Arrêt dans un café au CP 2 à 112KM, je trouve qu'on y passe trop de temps et motive mes collègues à continuer.
On repart sur un long faux plat descendant et ont échange de gros relais à deux, en distançant les autres. On arrive au pied de la partie dur du tracé, une succession de plusieurs longues côtes et cols (grosso modo 2000 de d+ sur 50km). Je prends la longue montée du Lioran, pas super agréable avec cette route super passante. Arrivé là-haut mésentente sur la route à suivre, mon coéquipier loupe le CP, moi non et je trouve à manger une truffade qui regonfle les batteries.
Je suis au KM 140, l'organisateur passe et m'encourage en me disant qu'après les deux prochains cols, j'aurais fait le plus dur et que le reste est roulant. Ok, soit.
Je reprends la route avec un coureur qui a un plus petit rythme que moi, ce qui me permet de m'économiser durant le col de Perthus qui est très irrégulier avec des passages souvent vers les 10%. Je le passe en force endurance, tout petit rythme. Tout le monde me dira avoir souffert dedans, je m'en sors bien. En haut, tout s’assombrit, la brume se lève. On fait la descente tranquille, car la route devient humide.
Arrivée au début de la montée du puy Mary (Pas de Peyrol), long mais pas difficile 11Km à 6%, je sens que ça ne va pas. La digestion me fatigue, j'ai un gros coup de barre et je monte très très lentement. Mal-grès mon petit rythme je monte plus vite que mon camarade d'infortune. La montée se fait dans une brume intense avec la pluie qui s'invite. Je m'endors complétement et j'arrive en haut trempé et épuisé mentalement. Je m’arrête au bar qui se trouve là-haut, je ne suis pas le seul, plusieurs concurrents sont à l'intérieur (merci au patron de ne pas nous avoir laissés sous le déluge).
Je suis à ce moment-là, vraiment fatigué. J'ai l'impression qu'il fait nuit, il n'est que 17 heures... Il me faut deux cafés et un coca pour me remettre. Le thermomètre indique 4°C et il y a du vent. Je m'habille avec tout ce que j'ai. Alors que j'assiste à l'arrivée de deux concurrents suivi par un type en voiture qui leur donne des fringues sèche, vêtement de pluie etc. Il en faut toujours pour tricher...
Je repars dans la descente ultra raide, avec une visibilité nulle, une pluie battante et un sacré vent. Je ne vois rien du tout. Je suis avec un groupe de 10. S'en suit une très longue phase roulante, très roulante. Nous allons très très vite. Le cerveau est débranché, je m’accroche dans les roues, j'ai même assez peu de souvenir des heures qui suivent. Je vois des mecs en frein patin avec roues carbones, je ne sais pas comment ils font.
Petit à petit, le groupe se réduit, certain s’arrête en quête d'abris, d'autres abandonnent carrément.
Arrivé au km 240 en début de soirée, je suis transi de froid, on trouve une pizzeria. Notre groupe de 10 est réduit à trois. L'un de nous annonce qu'il n'ira pas plus loin. L'autre se motive, mais me dit qu'il va maintenant la jouer solo. Je commence à étudier mes possibilités : toutes mes fringues sont trempées, ma veste pluie ne fait plus effet, il fait 8°c, il pleut. Il me reste ma doudoune en plume, mais sous la pluie et avec le reste de mes fringues elle ne fera pas long feu.
Je sors ma couverture de survie que j'enroule autour de mon buste quand le troisième nous annonce avoir trouvé une solution dans un hôtel en face de la pizzeria, il me propose de partager sa chambre.
Je fais un rapide calcul, mais je sens que si je continue, je risque le pire. J'ai encore de bonnes jambes, mais je ne sent plus mes mains, j'ai peur de me foutre en l'air dans une descente de nuit avec cette pluie et l'hypothermie qui guette... J'ai encore de bonnes jambes, mais je ne sens plus mes mains, j'ai peur de me foutre en l'air dans une descente de nuit avec cette pluie et l'hypothermie qui guette...
Je passe quelques heures de sommeil dans l’hôtel. À 04 heures, je suis réveillé, je propose à mon camarade d'infortune de partir, il refuse. J'enfile donc mes habits encore mouillé. Au final d'autres concurrents avaient trouvé refuge dans le même hôtel, on repart à 05H30 ensemble. Je constate que ma balise GPS est morte. Je n'arrive pas à manger. Il pleut toujours, la brume est terrible. Au bout de 20 kilomètres, une boulangerie fait notre affaire.
Il reste 90 km censés être facile et roulant. Je suis en réalité épuisé, la succession des vallons est plus difficile que les cols de la veille au soir pour moi. Je m'accroche à mes camarades. On tape un mur de 3km à 10%, celui-là va me coûter beaucoup. Je continue de suivre les roues avec pour objectif de suivre jusqu'à la dernière difficulté mais à 40KM je suis lâché dans un col/faux plat (5km à 4%).
À ce moment-là, je réduis la voilure. Mon seul objectif est de ne pas finir griller en haut du dernier col pour être lucide dans la descente que je sais être très rapide. Je me fais rattraper par des types que j'ai déjà croisés, on s'encourage mutuellement.
Enfin, la dernière difficulté : col de la croix saint robert. Au final d'en avoir fait tout un plat pendant 300 km, je suis surpris, il est certes irrégulier mais pas difficile. Il faut avouer que je le grimpe tout doucement. Je m’arrête même au milieu pour remplir ma gourde. En haut petite photo, il ne pleut plus, mais je ne vois pas à 5 mètres. Je fais la descente à fond avec un concurrent. Les 3 derniers kilomètres sont plats, full gaz, j'ai l'impression d'être à 50, le radar pédagogique annonce 30.
On termine ensemble, avec à l'arrivée mes camarades d'infortune du matin pour nous accueillir. Je lève les bras même si il ne s'agit pas vraiment d'une course, je viens d'accomplir un véritable exploit pour moi.
Ma balise étant foutue, je suis indiqué en tant que "DNF" mais j'arrive avec le 38eme/141, avec une moyenne de 20 km/h. Au final, moins d'une dizaine de concurrents ont bravé la tempête de nuit. Continuer aurait été inconscient et dangereux pour mon niveau.
Douche chaude, bière, repas pendant le reste de la journée. Je viens de rentrer chez moi, je me sens vide mais heureux.
Désolé j'ai vraiment voulu faire succinct, mais c'était vraiment une aventure.
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