Du coup, ce fut hier ma première vraie sortie à vélo à Chypre ! Nicosie-Kyrenia, 33 km depuis l'université, 400m de D+. Ce sera pour moi la première occasion de voir la mer, Nicosie ayant une position centrale sur l'île.
Départ pas avant midi pour cause de grosse fatigue post-concert la veille. Je regretterai plus tard cette fainéantise ! Mais pour le moment, je dois traverser Aglantzia, banlieue est de Nicosie, pour rejoindre le vieux centre. La route est en bon état, même si pas de piste cyclable évidemment (ni de trottoir d'ailleurs). Premières remarques : la conduite se fait à gauche, et sans respect aucun pour un quelconque code de la route. Les feux sont brulés, les stops grillés, ce qui oblige à une concentration maximale à chaque carrefour. Cependant, les 5 kilomètres un peu bosselés se déroulent bien, et me voilà déja sur Ledra Street, principale rue commerçante du centre-ville de Nicosie. Je slalome au pas entre les piétons, avant d'arriver à la première étape de mon périple : le poste frontière.
En effet, il faut savoir que Nicosie est la dernière capitale divisée d'Europe. Le Nord de la ville, tout comme l'ensemble du Nord du pays, sont contrôlés de fait par l'armée turque depuis 1974. Chypre est ainsi coupé en deux : au sud, la partie de culture grecque, indépendante, membre à part entière de l'Union Européenne. Et au Nord, la République Turque de Chypre Nord, soi-disant Etat reconnu seulement par la Turquie. Ces deux zones sont séparées par la ligne verte, zone tampon à travers laquelle les deux Etats se font face.
Ci-dessous une photo de la ligne verte en plein centre de Nicosie sur laquelle les drapeaux se font face, vue depuis la zone turque du pays. C'est la seule photo que j'ai pu prendre de cette zone, c'est normalement rigoureusement interdit...
Depuis une dizaine d'années, il est possible de franchir la frontière relativement facilement. Un petit quart d'heure et un coup de tampon plus tard, me voilà donc à Chypre Nord ! Le visa est un simple bout de papier que l'on nous donne au poste frontalier turc, ci-dessous une photo :
Après le poste frontière, changement d'ambiance radical. On passe d'une rue commerçante moderne où sont représentées de nombreuses enseignes internationales, à de petites rues dignes d'une petite ville reculée de Turquie. Les boutiques de vêtements de contrefaçon, très nombreuses, se mélangent à divers restaurants et autres échoppes locales.
Je m'enfonce dans le dédale de petites rues en essayant de suivre à la louche le Nord-Ouest, ne craignant pas spécialement de me perdre, tant le vieux centre de Nicosie est restreint. Débouchant sur un plus grand axe, je demande mon chemin à un passant, qui me regarde avec des yeux ronds quand je lui indique ma destination, puis me montre une direction qui a l'air relativement simple à suivre. Et en effet, 100m plus loin, je me retrouve sur la route de Kyrenia, ou Girne devrais-je dire, nom de la ville en turc. Je continue mon chemin dans les faubourgs de Lefkosia (Nicosie en grec), sur une route assez fréquentée où les voitures roulent vite et où les cotés de la route sont impraticables pour les cyclistes. Me voilà donc frôlé par les voitures, les cars, et les pick-up, la ville n'est pas pensée pour les vélos, c'est le moins qu'on puisse dire. Cependant, je peux remarquer que beaucoup de batiments modernes sont longés par la route, preuve du dynamisme de Chypre-Nord.
Un rond-point plus tard, me voilà sortie de la banlieue de la capitale, et sur la route de Girne. Première déception : la seule route praticable suit l'autoroute, c'est rapé pour les jolis paysages et pour les coins paisibles... Je pédale donc tant bien que mal sur une longue ligne droite en plein vent en léger faux-plat montant. Je dois m'arrêter au pied de la principale difficulté pour demander par gestes à une mère de famille si elle peut me remplir mon bidon que j'avais bien trop vite vidé. Je redémarre ensuite tant bien que mal, la route est vraiment casse-pattes à mon petit niveau, je suis en reprise d'entrainement et mon équipement habituel étant resté en France, je ne suis absolument pas équipé pour faire du cyclisme à bon niveau. La route s'élève donc, rien de bien méchant, mais les derniers kilomètres à 5-6% de moyenne sont très durs. Le paysage autour, bien que gâché par la 4-voies, reste très beau, bien qu'un peu embrumé.
La flore Chypriote, pas encore touchée par le soleil particulièrement dur lors de l'été, vient apporter des tâches de verdure sur un paysage que l'on sent habituellement désertique. Le contraste est intéressant.
La route secondaire se terminant à un km du sommet, je finis l'ascension en marchant à coté de mon vélo sur le mètre de terre qui sépare la paroi rocheuse de la glissière. Une fois en haut, pas vraiment de panorama : je suis entouré devant comme derrière par la roche. Je me lance donc dans la descente, très agréable et vraiment pas technique, malgré une grosse frayeur due à du sable renversé sur la voie, qui a failli me valoir une gamelle en bonne et due forme.
En moins de 10 minutes, j'arrive dans les faubourgs de Kyrenia, et après m'être dégagé des bouchons à l'entrée de la vieille ville, je peux rejoindre le vieux port. Et là, les photos parlent d'elle-même, ça valait les efforts de la montée :
Mon vélo Chypriote, racheté 100 euros à une française qui venait de terminer son semestre Erasmus. Celui resté en France me manque... (Les plus perspicaces d'entre-vous auront remarqué le paquet de céréales calé entre le bidon et le cadre, #JeanMichelLaDémerde
Je profite donc du bord de mer pendant une bonne heure, avant de boire un demi dans un pub anglais devant un match de FA Cup. Kyrenia est en effet une ville très touristique, particulièrement appréciée par les anglais aisés, les grosses voitures et autres yacht sont légions. Ambiance assez puante donc, malgré un panorama magnifique.
Vers 17h, je décide de rentrer, et là, mauvaise nouvelle : les bus effectuant la liaison avec Lefkosia refusent catégoriquement mon vélo, malgré d'âpres négociations et le soutien de deux étudiants pakistanais, Chypre-Nord étant visiblement une destination de choix pour de nombreux ressortissants des pays du moyen-orient (J'ai notamment rencontré des Syriens, des Libanais,...). Les taxis étant hors de prix, zone touristique oblige, me voilà un peu coincé. Je décide donc en désespoir de cause de rentrer à vélo. Le col par ce versant et avec mon état de fatigue est une torture, même s'il n'est pas en soi particulièrement difficile, et je dois le monter à pied. La nuit est déja tombée quand j'arrive au sommet, et je remercie l'éclairage de la route qui me permet de faire les 15km de faux-plat descendant vers Nicosie à vive allure. Une fois arrivé proche du centre-ville, je m'arrête dans un restaurant, où je peux savourer les meilleures brochettes de poulet qu'il m'ait été donné de savourer lors de ma courte existence :
J'effectue les 10 derniers kilomètres repus et ravi, tout en étant bien content de pouvoir me reposer sous la douche une fois arrivé à ma résidence.
Et ainsi prend fin mon premier périple chypriote, à mon très faible niveau il faut en convenir. Mon récit relevant plus du tourisme que du cyclisme sportif, j'espère qu'il vous aura plu ! Je suis à votre disposition si vous avez la moindre question sur l'histoire de l'île, la situation actuelle, la manière dont je ressens la vie ici.
Je tenterai la prochaine fois d'aller à Kyrenia par un chemin plus long mais plus paisible conseillé par un étudiant autrichien qui compte lui aussi parcourir les routes chypriotes à vélo ! J'ai également dans mes plans l'idée de rejoindre Larnaca, ville côtière de la partie-sud de l'île de Chypre, 45km de plat relatif. Avec pourquoi pas un aller le samedi matin, et un retour le dimanche après-midi, bref, affaire à suivre !