The Jeanbonno's Yonne-Morvan-Gâtinais Fury Road 2020
La route se poursuit sans fin
Descendant de la porte où elle commença.
Maintenant, loin en avant, la route s'étire
Et je dois la suivre, si je le puis,
La poursuivant d'un pied las,
Jusqu'à ce qu'elle rejoigne quelque voie plus large
Où maints sentiers et courses se rencontrent.
Et où, alors ? Je ne saurais le dire.
Préambule :J'avais initialement en tête un Paris-Lyon en quatre ou cinq jours avec mon ami Boris, mais celui-ci a vu ses congés bouleversés avec la crise sanitaire. De plus, il s'est avéré que j'avais moins de jours devant moi que prévu pour raisons familiales (Mamie opérée à aller visiter) donc j'ai opté pour un trajet en boucle, ce sera partie remise pour la découverte du Beaujolais.
J'ai mis du temps à vraiment tracer les itinéraires, et concernant les villes-étapes c'était surtout ce qui matchait bien avec le kilométrage envisagé par jour, j'ai pas trop joué du guide du routard. Mes choix se sont donc portés sur Auxerre, Autun et Gien car après un peu d'hésitation, j'ai décidé d'inclure un 200 dans le trip
Niveau entraînement j'ai fait deux belles sorties ces dernières semaines d'environ 145 bornes et 1500 D+ avec des gruppetistes, Soomud puis Dam, et un 200 avec Boris un peu avant, qui se sont toutes globalement bien passées.
Les antécédents :Si j'ai toujours aimé les sorties longues, je fais surtout des "one shot", mes précédents pour cette aventure se limitent à un voyage Paris-Amsterdam en 5 jours avec des étapes entre 110 et 130km et un week-end dans les Ardennes de 3 jours avec 130-40-200km. Par rapport à la première expérience je bénéficie d'une sacoche beaucoup plus feng shui qu'à l'époque, par rapport à la deuxième, bah j'ai quand même une sacoche à trimbaler quoi
Parlons sacoche :La petite révolution de ces dernières années c'est le "bike packing". Des voyages à vélo sans porte bagages, avec des sacoches inventives qui peuvent se caler sur le guidon, dans le cadre ou derrière la selle (mon modèle). J'ai opté pour une Ortlieb taille L qui se met à la place de votre petite sacoche avec le kit de dépannage mais cette fois-ci avec toute votre vie pour le voyage. Du coup c'est dans l'esprit "randonner-léger", je n'ai pris qu'une tenue civile, des baskets, de la lessive à main (essentielle !), brosse à dent, chargeur, et de la bouffe un peu sympa qu'on ne trouve pas partout (et un tout petit livre sur le vélo !).
Mon conseil avec l'expérience ce serait de l'essayer plusieurs fois avant de partir. J'aurais par exemple pu l'utiliser en vélotaf à la place de mon sac une semaine à l'avance histoire de bien prendre le coup de main. Bien la boucler sans qu'elle retombe et frotte la roue arrière peut nécessiter un peu de pratique quand on n'est pas trop doué
Sur la photo elle fait une sorte de "chignon" un peu trop relevé et on voit qu'il reste un peu d'air. Peut mieux faire ! En tout cas elle s'oublie bien plus que les sacoches porte-bagages à l'ancienne où t'as l'impression d'avoir le vélo de la Poste. Bien sûr c'est du poids en plus en montée et de la prise d'air en cas de vent de coté, mais franchement je me suis jamais dit quand je galérais "ah fichue sacoche".
Le premier jour du reste de mon voyage :Du plat, du plat, et encore du plat, et du vent trois quart face : allez c'est une étape pour ce diable de Peter SaganJ'aime pas passer par Villeneuve Saint Georges mais ça faisait gagner pas mal de kilomètres sur toutes les alternatives. Boris m'a bien appris comment éviter la N6 mais son chemin en bord de Seine pue le crack, la misère et l'urine. Bon c'est peut-être mieux que se faire frôler par des camions
Sinon itinéraire assez connu via la forêt de Sénart, Corbeil et les Bords de Seine, Seine-Port, Nandy etc. Un cyclo me demande si ça marche bien ma sacoche car il envisage un voyage. Il tient à me dire que c'est limite de toucher ma roue, tout ce que j'avais envie d'entendre
.
Je traverse la forêt de Fontainebleau, pas la meilleure manière de l'apprécier la route, il n'y a que de grandes routes rectilignes. Je recommande bien plus le VTT ou tout simplement les pieds. Au Sud de Bleau c'est tout de même plus sympa mais sorti de la forêt, le vent de trois quart face mes amis
Aïe aïe aïe y a pas à dire c'est globalement plat, mais alors ce vent
j'aurais ptet dû rajouter quelques kilomètres pour trouver des routes moins droites et moins exposées, mais c'est un peu le problème des trajets en "tout droit", si t'as le vent dans la tronche bah ça ne change pas quoi
un chevreuil enchante cependant ma route
Bon je tiens encore un rythme acceptable jusqu'à Auxerre, que j'imaginais bien un peu bourgeoise, un peu huppée. En fait les trois quarts des commerces sont fermés, il y a une dame qui écoute du Gradur à balle en parlant à un ami imaginaire super fort pour couvrir sa propre musique, ça fait très fin du monde, je suis un peu surpris à la volée.
Bon le airbnb est super cool, je mange une pizza tranquillou, je visite un peu, vais voir la cathédrale quand deux jeunes filles à la fenêtre font des commentaires "il aime bien notre cathérale lui - il en a des beaux yeux - il a quel âge ? au moins 22 t'as aucune chance !" (j'en ai 30).
Soirée tranquille devant "Nos Jours heureux".
189km
https://www.strava.com/activities/3827952271Le deuxième jourPas mal de bosses sur la première partie, mais un final où il faut savoir descendre puis sprinter, allez c'est pour ce diable de Julian AlaphillipeBon moral au réveil, j'ai adoré le airbnb, super lit, très bonne nuit, juste un petite inquiétude en checkant l'itinéraire car je vois écrit "D606" et mon radar à ex-nationales écrit en gros "N6" dans mon cerveau, un petit check sur street view : c'est un enfer à camion super dangereux
google maps me trouve une jolie ptite véloroute donc je commence avec maps dans la poche ce qui se passe pas si mal
Google Maps > Strava, la honte ! La honte !
Si c'était plat pour arriver à Auxerre vers le Sud c'est une autre tisane. Je suis cueilli par une première côte rectiligne à je dirais 7-8%, je ne suis pas sûr car le segment n'existe pas
puis une deuxième assez longue, 3-4 km dans la forêt, ça me rappelle les Ardennes
J'ondule ensuite sur un plateau, en face de moi la pluie, à droite le beau temps
Une petite drache plus tard, j'arrive sous un soleil retrouvé à Avallon où je prends le temps de faire une pause café (j'avais décidé qu'avec 140 petits kilomètres c'était la journée "tranquille"). Avallon face A c'est une petite ville sans rien de notable ... mais en partant, face B, on dégringole une route en voyant toute la partie médiévale qui est à fleur de pente, impossible de prendre une photo avec la vitesse mais c'est très beau
Puis de nouveau une vraie belle côte d'environ 4 km, mais là encore pas de segment, trop bizarre
Ensuite, c'est le Morvan ! Rejeton excentré du Massif Central, il culmine péniblement autour des 700m (les routes un peu plus bas vers 590m au max pour moi) mais propose tout de même un beau terrain de jeu. Beaucoup de montées-descentes plus que de vraies côtes pour mon tracé, ce qui à la longue est un peu usant dois-je l'avouer
En haut d'une longue montée vers un lac un automobiliste tient à me féliciter comme si j'avais grimpé le Ventoux, faut dire que j'ai pas croisé beaucoup de collègues
ça plus l'absence de segment, on dirait que y a pas beaucoup de cyclos dans le coin... pourtant y a matière à rouler
Bon là-dessus je prends une averse terrible une bonne demie-heure, tout le temps où je suis entre 500 et 600 mètres d'altitude en fait
puis le soleil écrase tout pour ma descente sur Autun via la vallée du Ternin
J'arrive à choper des débuts de coups de soleil sur la partie juste sous les manches du maillots peu de temps après avoir pris une bonne pluie ...
A Autun, ville aux nombreux monuments gallo-romains, j'ai chopé un hôtel, vu l'annonce je pensais que c'était des petits pavillons avec terrasses individuelles en face du lac, bon en fait c'est juste de toutes petites chambres, un hôtel quoi. A ce moment là je me dis "mais pourquoi les gens prennent encore des hôtels". Sinon je suis un peu excentré mais c'est sur un joli lac donc je trouve un italien, une épicerie, ensuite me pose en bord de lac puis sur la petite terrasse de l'hôtel, cool.
142km
https://www.strava.com/activities/3827940944Le troisième jour !Savoir sortir dans les bosses du début et s'imposer dans le plat du final, c'est une étape pour ce diable de Thomas Voeckler (revenu de sa retraite) !L'étape marathon ! qui me permet de faire quelque chose que j'adore : traverser plusieurs régions naturelles en une journée. Le concept est de rejouer à Saute-Morvan, puis suivre l'Yonne, puis gravir les étonnants vallons l'environnant, avant de rejoindre la Loire en environ 200km.
Je me réveille un peu moins joyeux drille que la veille et apprécie la petite route "touristique" plate des 20 premiers kilomètres. Je roule à deux de tension, "tranquille, tranquille", je sais qu'il ne faut pas s'enflammer.
La première ascension d'environ 250 d+ se passe paisiblement, je rejoins le lac des Settons, qui est indiqué genre dans
tout le Morvan, c'est la Mecque locale, tu peux être à 50km t'as un panneau qui te dit "c'est par là".
Bon, il est chouette, oui, après je continue, je descends un peu et prends le seul col avec panneau en haut de mon aventure : le col des trois Bornes, 4.5km à 3.5%, l'aspect sportif n'entrera pas dans les annales mais niveau esthétique c'est très chouette avec de belles forêts de Pins qui sentent bon la montagne
Après ça je redescends du Morvan pour retrouver l'Yonne, et la trace m'envoie sur le canal de l'Yonne qui est longé d'une voie verte. Bon c'est pas le bonheur pour les fous de vitesse car la véloroute est bien abimée mais sensoriellement j'ai pris un choc
du vert, du vert, du vert
à part le ciel et le bitume rougeâtre, l'eau est verte, les arbres sont verts, l'herbe est verte ...
Gros bonheur !
Après ça c'est encore un tout autre paysage. En fait ça ressemble à la Beauce mais comme si quelqu'un avait froissé le paysage comme du papier. La dernière côte qui m'emmène à plus de 300m grimpe un "plateau" (pas vraiment plat du coup) qui ressemble vraiment à un papier plié en deux
Sur la fin il se met à faire vraiment très très chaud et je tire au max mes manches sur le haut de mes bras qui sont un peu douloureux des jours précédents. Le résultat est surprenant (cliquez si vous avez le cœur bien accroché seulement).
Quelques vallons plus loin j'arrive à Gien après 200km dans la vue, ayant traversé le Morvan, l'Yonne et arrivant dans la Vallée de la Loire. J'y ai pris un Airbnb et bon, je ne vais pas y consacrer trop de ligne mais c'était un vrai sketch :
- Parpaings apparents sauf une partie frottée en rose moche (ce type n'est pas un esthète)
- Le garage un mètre au dessus du sol
(pas le plus dérangeant pour moi mais c'était bizarre)
- Le jardin envahi de mauvaises herbes façon terrain vague
- Tous les encadrements de portes et d'interrupteurs manquants
- L'eau chaude qui marche pas à tous les robinets (pas la douche, ouf !)
- Le volet du salon qui se déclenche tout seul un peu de temps en temps "haut bas haut bas"
- La télé qui marche pas
- Et le final au petit matin, la chasse d'eau qui ne marche plus au pire des moments
je trouve une bassine, y a un espèce de muesli collé au fond, c'était dégueulasse .. dégueulasse...
Mais le pire c'est que le gars était adorable, j'ose pas le pourrir sur airbnb, en même temps c'est une honte de louer son machin là, on dirait une maison pas finie, ou au contraire, une maison qu'il aurait désossée pour en construire une autre
M'enfin ça m'a mis super mal à l'aise de dormir là dedans, la maison sentait mauvais la maison pas entretenue, je me suis rappelé d'un coup pourquoi les gens préféraient parfois les hôtels pour le coup
Bref ! j'aurais eu du mal à ne pas parler de cette expérience mais c'est pas le plus important.
208km
https://www.strava.com/activities/3827941078Jour 4, on rentre !Tout plat et ça finit en IDF comme Paris-Nice, allez c'est pour ce diable d'Arnaud DémareJe pars très motivé par fuir la location des grands enfers mais suis vite modéré par mes jambes. En fait toute la journée je roule à la limite de la douleur musculaire et pourtant je suis capable de chanter.
Le début est une ligne droite dans la forêt d'Orléans, c'est très calme et bien pour se remotiver. Après c'est plus exposé et niveau vent on est limite, limite, selon l'orientation de la route ça change de favorable à défavorable. Dans un faux plat vent de face, bien fatigué et avec "126 km restants" écrit sur mon compteur, je réfléchis aux conditions d'une capitulation avec les honneurs
Maiiis je serai jamais le plus fort à vélo, mais par contre je suis un peu têtu
alors je rentre dans un mood contemplatif, j'essaie d'oublier mon mal de fesses qui s'impose de plus en plus et je pédale dans ce qui devient le Gâtinais (où il faut faire très très attention aux betteraves).
Très très belle route à noter du coté de Buno-Bonneveaux, avec une petite route serpentant entre un petit cours d'eau et une forêt pleine de rochers, ça m'a grave remonté le moral (typiquement le genre de petite route qui manque en forêt de Fontainebleau). J'ai vu que Wawan l'avait prise pendant son 300. Pause café à Maïsse en face de la gare en me disant très fort "serpent, je ne mange pas de ce pain là" !
Puis retour comme je peux à la maison, sur les derniers kilomètres je passe en dessous de 20 à l'heure, j'ai mal partout, c'est dur dur
Je coupe le compteur au sandwich vietnamien à coté de chez moi, j'ai l'impression d'être parti depuis 15 jours
159km
https://www.strava.com/activities/3827940871Bilan :- C'était trop cool
- Acheter un meilleur cuissard
- La sacoche de selle une fois qu'on maîtrise le truc franchement top
- Il y a des paysages vraiment scotchants à tous les coins de la France
- 698km allez on va arrondir à 700 avec les ptits trajets divers en 4 jours, c'est top mais à comparer avec un Paris-Brest-Paris
La carte du voyage pour conclure :