10ème : Julián Berrendero, 77 ptsSurnommé "el negro con los ojos azules", Berrendero était, comme beaucoup de ces compatriotes cyclistes de l'époque, un très grand grimpeur. Un journaliste français écrira qu'il "possédait le plus beau style de tous les grimpeurs, le regarder monter était merveilleux et il semblait encore mieux grimper quand la pente augmentait" après sa victoire sur le Grand Prix de la montagne 1936, où il avait dominé les ascensions des Alpes et des Pyrénées avec son coéquipier de l'équipe hispano-luxembourgeoise Federico Ezquerra. Cependant, les espagnols étaient de piètres descendeurs, ce qui les empêchait souvent de gagner des étapes et de bien figurer au classement général. L'année suivante, Berrendero revient sur le Tour au sein d'une équipe entièrement espagnole composée de coureurs opposés à la dictature, qui comptent frapper un grand coup dans les Pyrénées. Ainsi Cañardo s'impose à Ax-les-Thermes, puis Berrendero remporte le lendemain la mythique étape Luchon-Pau : après être passé en tête au sommet des cols de Peyresourde, d'Aspin et du Tourmalet, l'espagnol profite de la crevaison de l'italien Vicini dans la descente de l'Aubisque pour s'imposer en solitaire. Mais quand il revient en Espagne en 1939, les autorités espagnoles n'ont pas oublié ses prises de position : Berrendero est enfermé dans un camp de concentration à Burgos, puis transféré au camp de Rota à Cadiz. Lorsqu'il arrive, le commandant inspecte tout le monde et demande à Berrendero de le suivre dans son bureau. Ce dernier le suit malgré sa peur et, une fois arrivé dans le bureau, le commandant le serre dans ses bras et lui dit : "Vous ne me connaissez pas ?", puis lui offre un repas ! Il s'agissait en fait d'un ancien cycliste, Jos Llona, qui avait couru avec le Berrendero avant la guerre. En Mars 1941, Berrendero est libéré et en profite pour participer à la Vuelta, qu'il remporte. Il s'impose à nouveau l'année suivante, en portant le maillot de leader de bout en bout. Berrendero montera ensuite deux fois sur le podium, en 1945 et 1946, et remportera notamment deux titres de champion d'Espagne de cyclo-cross avant d'obtenir la dernière victoire de sa carrière sur le Tour du Maroc, course bien plus prestigieuse à l'époque qu'elle ne l'était aujourd'hui. À noter que Bahamontès rêvait dans sa jeunesse d'être le mécanicien de Berrendero. Drôle de coïncidence, c'est Berrendero qui, malgré les critiques de la presse, aligne Bahamontès sur le Tour de France 1954, estimant que le tolédan est la plus belle chance de victoire espagnole pour le Grand Prix de la montagne.