Physiquement, elle est parmi les meilleures du monde (ses temps de qualifications au 200 mètres lancés sont là pour en témoigner).
Le problème, c'est plus dans la tête, tant dans l'aspect psychologique que dans la stratégie de course.
Pour le premier point, il faut un déclic et elle a de quoi tout exploser derrière.
Cela peut paraître bête, mais pour donner deux exemples côtés Français, récemment Marion Borras faisait des petits 3'35" en poursuite et après Tokyo, elle a fait 5 poursuites pour être à chaque fois entre 3'20" et 3'26".
Quelques années plus tôt, on avait aussi François Pervis qui avait un gros potentiel jusqu'à une explosion en 2012/2013 pour être le meilleur sprinteur du monde en 2013 et 2014.
Mathilde en est consciente (cf l'interview) et travaille dessus. Cela finira par payer (et il y a un encadrement plus sein actuellement dans l'équipe de vitesse).
Pour la stratégie, cela allait mieux avec les compétitions, mais le covid a foutu tout ça en l'air.
Certes il y avait les compétitions "officieuses", mais ça n'a pas suffit et la majorité du temps c'était l'entraînement et au niveau national, il n'y avait personne.
Cela commence à arriver un peu cependant. Cela pourra peut-être aider.
Un autre point qui aurait pu être efficace aurait été de continuer à la faire bosser le 500 mètres. Elle était exceptionnelle là-dedans chez les juniors et vu à quel point beaucoup de sprinteuses excellentes continuent le 500 mètres, elle n'aurait jamais dû arrêter (merci les choix du staff de l'époque).
D'un côté, continuer à travailler les efforts longs aurait pu lui permettre de mieux se gérer physiquement sur ce genre d'effort (les sprints en vitesse individuelle ou au keirin avec un bourrin ou une bourrine qui fonce sans se préoccuper de l'adversaire, ça marche bien côté masculin et féminin).
Et de l'autre côté, elle aurait peut-être déjà eu un titre mondial et cela aurait pu jouer sur ce fameux déclic psychologique.
Pour la comparaison absolue chez les juniors, c'était la génération avec Lauren Bate, Steffie van der Peet ou Yana Tyschenko. L'Allemande n'a explosé que l'an dernier, "profitant" du changement générationnel brutal après la chute de Vogel et les répercutions que ça a eu. La Russe se révèle surtout cette année. L'Anglaise et la Néerlandaise, on attend toujours (voire même on n'attend plus pour la première).
Quant à Lea Friedrich, elle avait un an de moins et était déjà là. Elle a un an de moins que Mathilde et a réalisé le même triplé aux mondiaux juniors l'année suivante. Donc théoriquement un plus gros potentiel vu qu'elle savait être compétitive dès l'année "juniors 1". Ce qui n'est cependant pas un critère absolu, car on avait Courtney Field qui indiquait le même potentiel et qui n'a jamais su passer la barre supérieure.
Si on compare aux meilleures juniors, on avait :
l'année d'avant : Grabosch (cas à part, répercutions de l'accident de Vogel comme évoqués), une Chinoise qui a disparu de la circulation assez vite et Hetty van de Wouw, qui montre une bonne progression et qui pourrait se montrer dans les prochaines années.
l'année d'encore avant : Hinze, disparue de la circulation sans confirmer son potentiel, avant d'exploser la saison dernière et d'être la meilleure sprinteuse du monde depuis.
Si on regarde le palmarès d'Hinze à l'âge de Mathilde (soit il y a 2 ans), ce sont quelques places en Coupe du Monde, jamais passer les 1/8 de la vitesse aux mondiaux ou le premier tour au keirin. Alors que Mathilde a déjà quelques victoires (notamment ses titres de championne d'Europe).
Et je n'ai même pas parlé de Kelsey Mitchell, qui a découvert le vélo tardivement.
Bref, il y a plein de trajectoires possibles et il est bien trop tôt pour enterrer Mathilde Gros, qui était cette année encore techniquement éligible aux compétitions dans la catégorie espoirs