Le Tour des Flandres est créé en 1913 afin que la Flandre ait sa grande course cycliste dans un élan de nationalisme flamand et en réponse à la course wallonne Liège-Bastogne-Liège. Le tracé du Ronde a longuement consisté en une grande boucle autour de Gent traversant autant de villes que possible. Très vite, le prestige de cette course émerge et se répand en Flandres, puis en Belgique. L'internationalisation réelle n'arrive que dans les années 1930, où la course devient déjà un grand moment de ferveur populaire, avec déjà des centaines de milliers de spectateurs sur le bord des routes.
Très vite, les monts ont eu leur importance. Kwaremont est franchi dès 1919 et vite, des primes apparaissent afin de dynamiser un peu plus une épreuve déjà très marquée par le vent et les bordures.
La création du Challenge Desgrange-Colombo au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale vient pérenniser l'avenir de la course et son statut au plus haut niveau. Dès ce tout premier challenge international puis dans les suivants (Superprestige, Coupe du Monde, ProTour et World Tour), le Tour des Flandres a toujours été considéré comme une des épreuves majeures au même titre que Paris-Roubaix.
En laissant de côté le parcours 2020 soumis à un contexte particulier, le dernier changement de parcours majeur a eu lieu en 2017. Pour la première fois, la course s'élance hors de ce qui était le comté historique des Flandres (aujourd'hui les deux provinces dites de Flandre Occidentale ou Orientale), en établissant son départ à Anvers. Cette édition 2023 marque une forme d'évolution visant à mélanger tradition et nouveauté avec avec la mise en place d'une alternance pour les départs jusqu'en 2027. Anvers qui accueillera les départs des éditions se déroulant les années paires tandis que Bruges retrouvera les départs lors des années impaires, cela explique ainsi le retour du départ du Ronde à Brugge cette année.
La première édition a lieu le 25 mai 1913. Avec 330 kilomètres, les coureurs traversent l'ouest de la Flandre, reliant Gand à Mariakerke (aujourd'hui banlieue de Gand). C'est finalement le belge Paul Deman qui s'impose après plus de 12 heures d'effort et une course partie à 6 heures du matin. Il remportera l'année suivante Bordeaux-Paris et deviendra en 1920 le premier coureur à réaliser le doublé Tour des Flandres–Paris-Roubaix en carrière.
Cette première édition n'aura pas remporté un franc succès. Seul 37 coureurs étaient inscrits au départ. L'édition suivante ne marquera pas un plus franc succès: 47 coureurs y participent.
Karel van Wijnendele, organisateur déçu a écrit:Sportwereld (le journal organisant la course) était si jeune et si petit pour le grand Ronde que nous souhaitions. Nous avions eu les yeux plus gros que le ventre. Il était difficile de voir un groupe de coureurs de seconde classe courir dans toute la Flandre en grattant une poignée de centimes pour aider à couvrir les coûts. La même chose est arrivée en 1914. Pas de van Hauwaertn, pas de Masselis, pas de Defraeye, pas de Masson, pas de Mottiat, pas de Vandenberghe, tous étaient interdits de participation par leurs sponsors de vélo français.
Pour attirer plus de coureurs, le parcours est réduit à 264 kilomètres en 1914. La course sera cependant arrêtée par la Première Guerre mondiale.
Une reconstruction post-Première Guerre mondiale réussieC'est après la Première Guerre mondiale que la course connait une franche popularité notamment car, pour beaucoup, cette course est un symbole du nationalisme flamand. Comme pour Paris-Roubaix, la course reprend en 1919 à travers les paysages effroyables laissés par la guerre. En 1920, pour la première fois, des français s'alignent au départ et en 1923, le suisse Heiri Suter devient le premier étranger à s'imposer à Gand. Le Ronde s'internationalise très légèrement, mais devient populaire. L'écrivain wallon Paul Beving l'atteste:
"Le Ronde" fait autant partie de l'héritage du peuple flamand que les processions de Furnes et Bruges, le festival de chats à Ypres ou la bénédiction de la mer à Ostende. Cette course cycliste est le plus fabuleux de tous les festivals flamands. Aucune autre course ne crée une telle atmosphère, une telle ferveur populaire.
Paradoxalement, au cours des années 30, la course devient même "trop" populaire. Les spectateurs (près de 500.000 sur certaines éditions selon la police !) causent parfois plusieurs accidents en cherchant à couper à travers les routes pour voir les coureurs plusieurs fois, courent à côté des coureurs etc... Il faudra attendre 1938 avec l'arrivée de la police motorisée sur la course après une édition 1937 chaotique pour voir cesser ces comportements.
Une course qui se poursuit durant la guerreMalgré l'occupation allemande dès 1940, les organisateurs conservent le droit d'organiser la course. A cause de la guerre, le parcours est souvent modifié. Ainsi, en 1941, les coureurs empruntent des crètes et des sentiers en très mauvais état. Malgré la guerre, ces éditions sont, selon les témoignages de l'époque à tout point de vue superbes avec beaucoup de spectacle.
Cette poursuite de la course sous l'occupation nazie sera cependant mal vue par certaines personnes notamment chez le journal de gauche, Het Volk, qui crée en 1945 l'Omloop Van Vlaanderen pour concurrencer le Ronde Van Vlaanderen. Cette nouvelle course est renommée très rapidement en Omloop Het Volk.
Une des plus grandes classiques d'après guerreA partir de 1947, les journaux organisateurs de courses comme L'Équipe, La Gazzetta dello Sport, Het Nieuwsblad-Sportwereld et Les Sports décident d'organiser le challenge Desgrange-Colombo, une compétition par points qui regroupe les principales courses annuelles. Le Tour des Flandres devient donc une classique importante dans le calendrier cycliste et en 1948, 250 coureurs participent dont 50 non-belges, un record.
Si les années 20 avaient déjà marqué une légère internationalisation de la course, il faut attendre la création de ce challenge ainsi que le déplacement de Milan-Sanremo dans le calendrier pour voir l'arrivée massive des coureurs français et italiens. Le coureur italien Fiorenzo Magni s'adjuge ainsi le Ronde trois années consécutives de 1948 à 1950 et Louison Bobet devient en 1955 le premier vainqueur français du Ronde. Avec cette internationalisation grandissante, le public devient lui aussi de plus en plus conséquent comme l'indique le journaliste Louis De Lentdecker dans
Het Nieuwsblad sur la croissance incessante de spectateurs en 1963:
Dans les 100 derniers kilomètres de la course, nous étions juste derrière les premiers coureurs. Nous les avons à peine vu : il y avait tant de gens le long de la route et sur la route que vous aviez l'impression de vous noyer dans un tsunami. En face de moi, derrière moi et à côté de moi, je voyais les voitures entraînées follement à travers les vergers, sur les trottoirs, le long des pistes cyclables, derrière les spectateurs, devant les spectateurs. Je sentais les bosses et les coups sur l'arrière de notre voiture. S'il n'y a eu aucun accident, c'était seulement parce que notre cher Seigneur et ses anges gardiens étaient les meilleurs hommes dans la course.
A la recherche d'une identitéAu fur et à mesure du temps, le parcours devient de plus en plus typique et attaché au Ronde mais également de plus en plus asphalté diminuant ainsi la difficulté de la course et permettant aux sprinteurs de suivre les meilleurs. Lorsqu'en 1973, le sprinteur Eric Leman bat au sprint ses compatriotes Freddy Maertens mais surtout Eddy Merckx et égale avec 3 victoires le record de l'italien Fiorenzo Magni, le mécontentement est général tant du niveau des spectateurs que des organisateurs.
Afin de préserver le caractère spécifique du Ronde, les organisateurs augmentent le nombre de monts et de nouvelles routes non-asphaltées dans les éditions suivantes. En 1973, l'arrivée est déplacée à Meerbeke, quelques kilomètres après le Mur de Grammont, aussi appelé Muur Kapelmuur, qui devient une montée emblématique de la course et du cyclisme belge. Trois ans plus tard, le Koppenberg est ajouté au parcours. Seulement 5 coureurs parviendront à ne pas être pied à terre lors de sa première attention et il sera ensuite source de plusieurs controverses sur son état et sa dangerosité qui conduiront à son retrait à plusieurs reprises jusqu'en 2008 où il est réintroduit de manière définitive.
Un Monument du cyclismeLes éditions suivantes sont marquées par des plus ou moins grandes victoires, plus ou moins grandes épopées, plus ou moins grand spectacle, plus ou moins grands coureurs, plus ou moins grands records. La configuration de la course change. D'abord grâce à la modernisation du peloton mais aussi grâce à un calendrier favorisant mieux la "plus belles des Flandres" qui devient d'ailleurs un des 5 monuments du cyclisme au XXIème siècle. Surtout à partir de 2012, lorsque le mythique Mur de Grammont généralement juge de paix de l'épreuve avec son compère le Bosberg changent de statut. Les deux derniers murs sont remplacés par le Vieux Quaremont et le Paterberg alors que la course intègre pour la première fois des circuits sur son tracé.
En 1985, Eric Vanderaerden s'impose après s'être isolé dans le Mur de Grammont et un raid solitaire de 20 kilomètres. Les conditions sont dantesques avec une véritable tempête dans la deuxième partie de course. Seulement 24 des 74 partants terminent la course, le nombre le plus bas pour une édition d'après-guerre.
En 1992, le jeune Jacky Durand s'impose après être parti dans l'échappé matinale. A ce jour, il est le dernier coureurs à s'imposer sur le Ronde après être parti dans l'échappée matinale mais est aussi le dernier coureur français à avoir remporté cette classique.
En 2012, Tom Boonen rentre dans la légende en gagnant pour la troisième et dernière fois le Ronde après un sprint contre les Italiens Alessandro Ballan et Filippo Pozzato. Il réalise également cette année un inédit quadruplé flandrien, après s'être imposé à Harelbeke et Wevelgem et avant de gagner à Roubaix. Cette édition voit également une performance moins médiatisée être réalisée lorsque l'Américain George Hincapie (certes condamné pour des affaires de dopage) finir 52ème de la course, mais surtout établir un nouveau record dans l'histoire du Tour des Flandres puisque l'Américain finit son 17ème Ronde. Et si c'était cela finalement, la souffrance et le combat des coureurs de second rideau qui caractérise plus que le reste cette course mythique ?
Car une chose est certaine. Même éclaboussée par des affaires de dopage, l'histoire du Tour des Flandres est marquée par le combat et la souffrance des hommes qui, du dernier de la première édition Frans Verstraeten au dernier vainqueur, Mathieu Van der Poel, pourront se vanter d'avoir fini l'une des épreuves les plus éprouvantes du calendrier cycliste et d'avoir gagné "leur" Tour des Flandres, que ce soit à travers des conditions dantesques ou clémentes, via le Mur de Grammont ou le Vieux Quaremont, à travers les paysages laissés par la guerre ou dans une quête d'affirmation du nationalisme flamand. Et il ne fait aucun doute que les différentes générations à venir auront l'envie de laisser leur empreinte et de continuer à écrire l'histoire de cette course mythique sur les traces des Magni, Museeuw, Boonen et autres.
Si cette édition se déroule au début du mois d'avril, ce n'était pas le cas de l'édition 2020 qui s'était déroulée en octobre dans un contexte de pandémie ayant conduit à un report. Si certains avaient pu penser que c'était une première, ce n'était pas le cas puisque trois éditions, toutes marquées par un évènement historique d'importance, s'étaient déroulées plus tard dans l'année :