Après deux annulations consécutives dues à la crise sanitaire, une première dans leur histoire, les 4 Jours de Dunkerque ont su revenir en 2022. Si on a craint à une annulation pendant un temps, le travail acharné de l’équipe de bénévoles a permis sa survie et même une certaine progression de l’épreuve. Un entretien avec Éric Marchyllie, président du comité d’organisation, permet d’entrer dans les coulisses de l’organisation de cette course.
Pour revenir sur les deux années d’absence, elles n’ont pas été sans la moindre dépense pour les organisateurs des 4 Jours de Dunkerque. Il y a diverses charges comme les loyers, les assurances et un salaire de la secrétaire, seule personne rémunérée de l’organisation et en poste depuis environ vingt ans, ce qui représente annuellement environ 80 000 € de charges fixes annuelles. Le service de comptabilité de la course a néanmoins su aller obtenir des aides que l’État proposait aux associations, afin que la course puisse repartir avec une trésorerie saine.
Une fois que la course pouvait reprendre, il fallait réfléchir à comment, mais aussi à quand. De nombreux échanges ont alors eu lieu avec les équipes, les managers, les entraîneurs et les coureurs. Un des principaux retours a été une demande de décalage de deux semaines, afin de permettre aux coureurs ayant fait un large bloc de courses flandriennes de pouvoir revenir après leur coupure. C’est pour cela que les 4 Jours de Dunkerque sont désormais dans la deuxième moitié du mois de mai, à une place qu’occupait il y a quelques années le Tour de Belgique, avant que celui-ci ne se déplace en juin.
Par ailleurs, les équipes ont signalé venir aux 4 Jours de Dunkerque car ses routes sont celles du Nord. Et qui dit Nord, dit pavés. D’où la présence qui sera désormais quasi systématique d’une étape avec quelques secteurs pavés dans la course. De plus, l’an dernier, dans ces échanges répétés avec les équipes, le sujet du contre-la-montre est apparu. Les équipes se plaignent du manque de contre-la-montre, pour travailler ce type d’effort et pour rentabiliser le matériel. Une étape contre-la-montre pourrait ainsi se pérenniser même si l’exercice est absent en 2024.
Ces considérations prises en compte, les grosses équipes ayant ce qu’elles souhaitaient (par exemple l’équipe Soudal – Quick-Step souhaitait loger en Flandres belges aussi souvent que possible et qui ciblait les hôtels souhaités), elles n’hésitent ainsi pas à venir avec de beaux effectifs. Le plateau se retrouve ainsi élevé, ce qui amène encore plus de public et de suiveurs sur la course, ce que recherche chaque organisateur.

De plus, l’arrivée de nouveaux partenaires forts permet d’aligner un plateau plus conséquent. Là où certaines courses similaires tournent à 16 ou 17 formations, ou bien dépassent la vingtaine avec de nombreuses formations continentales, les 4 Jours de Dunkerque ont réussi à avoir une vingtaine de formations de haut niveau (l’an dernier 8 World Teams, 8 Pro Teams dont 3 des 4 présentes au Tour de France et 4 continentales, les françaises invitées automatiquement). D’ailleurs, certaines formations ont fait la demande pour participer à la course, alors que la démarche est habituellement l’inverse : l’équipe Astana n’était pas présente initialement l’an dernier, mais a contacté l’organisation tardivement pour être intégrée, ce qui était possible grâce aux bonnes finances. Le plateau est cependant moindre cette année, les équipes organisant leur saison différemment avec le calendrier modifié en raison des Jeux Olympiques.
Parmi ces partenaires, on peut citer le port de Dunkerque, troisième port de France après Marseille et Le Havre, présent pour la première fois l’an dernier. Avec eux, sont arrivés les bananes de Martinique et de Guadeloupe, importées en métropole par ce port. Une réunion récente amène même de sérieuses pistes d’autres partenaires du port de Dunkerque pour les 4 Jours de Dunkerque, étant donné le développement économique de celui-ci. Il y a dans cette synergie autour du port dunkerquois l’arrivée également de l’entreprise belge Clarebout, présente à Dunkerque depuis l’an dernier et qui sponsorise le maillot à pois du Prix des Monts. Les bons rapports avec le port de Dunkerque ont même permis un tracé différent de la dernière étape, afin de le mettre en avant.
Ceci permet à la course de grandir et en conséquence, une demande avait été faite à la course de passer à 8 jours, ce qui a été refusé par l’UCI. Une autre situation intermédiaire avait été pensée avec l’ajout d’un prologue, pour démarrer à Dunkerque le lundi soir et s’éloigner un peu dès le départ de l’étape du mardi, dans la volonté d’aller ensuite visiter les cinq départements de la région des Hauts-de-France en six jours de course restants. Cependant, des discussions avec les équipes lors des derniers championnats de France (organisés à Hazebrouck et à Cassel), n’y étaient pas favorables, puisqu’il aurait fallu amener beaucoup plus de personnel pour les équipes, étant donné l’interdiction de travailler sept jours consécutifs. La demande d’ajout d’un prologue a donc été retirée.

Dans ce lien fort avec les équipes, on peut notamment citer le travail réalisé par Michel Everaert. Alors que jusqu’à l’an dernier, c’était un agent qui gérait les demandes des équipes et qui interagissaient avec elles, avoir un membre direct de l’organisation permet d’avoir plus de connaissances directes sur les envies et les besoins de formations majeures qui sont très demandées, notamment des formations parmi les meilleures du monde comme Soudal – Quick-Step, qui n’étaient auparavant pas nécessairement présentes sur la course.
Cela permet aussi un contact plus proche dans les moments plus difficiles, comme avec la Lotto – Dstny, Arnaud De Lie étant victime de lourdes chutes deux années de suite sur la course. Pouvoir aller échanger avec les équipes le soir même et à nouveau le lendemain matin (Éric Marchyllie et Michel Everaert ont été discutés longuement au matin de la deuxième étape avec les directeurs sportifs afin de prendre des nouvelles des coureurs blessés dans la chute du sprint de la veille) a été apprécié par les équipes présentes, témoignant d’une relation solidifiée entre organisateurs et équipes.
Pour en revenir au parcours, le fort partenariat avec la région permet d’être libéré d’un poids pour les endroits visités, puisque les communes et collectivités n’ont pas nécessairement à financer autant que cela serait nécessaire si la région n’était pas là. Le parcours 2024 était même quasiment certain dès l’été dernier, avec de nombreuses rencontres faites dans les villes devant accueillir la course, alors qu’il fallait parfois attendre jusqu’à l’hiver pour avoir le parcours définitif par le passé, et ce malgré les Jeux Olympiques, puisque plusieurs endroits ont privilégié un financement du passage de la flamme olympique et ne peuvent pas en plus recevoir d’autres évènements majeurs.
Cependant, certaines villes qui auraient aimé recevoir la course et qui ne pouvaient financièrement pas ont déjà donné leur accord à l’organisation pour 2025. Ces contraintes font qu’il n’est pas évident de passer par tous les départements de la région. C’était le cas ces dernières années, mais on ne passera pas par l’Oise cette année.
Mais d’un autre côté, certains lieux aiment les 4 Jours et les 4 Jours les aiment. On peut citer Cassel, dont le passage n’est pas inévitable, mais très régulier. Le circuit difficile rend la course sportivement intéressante et la proximité de la Belgique ajoute encore plus à la ferveur populaire. Le Boulonnais était dans les années 2000 le lieu habituel de la grande étape des monts du samedi et une volonté d’y retourner est présente. On peut aussi citer la communauté urbaine d’Arras, qui accueille ces dernières années une arrivée ou la communauté d’agglomération Lens-Liévin, accueillant souvent un départ. L’Audomarois demande aussi à ce que la course vienne le plus souvent possible. Ces possibilités rassurent l’organisation, qui sait qu’il y a de nombreux endroits où la course sera bien très bien reçue.
Il n’y a cependant pas la possibilité de passer partout chaque année, surtout avec l’envie de visiter toute la région. S’il y avait parfois des difficultés d’étendre la course en Picardie (hormis Saint-Quentin, qui accueille historiquement l’épreuve depuis longtemps et qui est toujours attachée à la course), la course est désormais attendue, notamment dans le département de la Somme, via son président, particulièrement enthousiaste d’un retour annuel des 4 Jours, avec notamment une arrivée à Abbeville pour la seconde année consécutive.

Cette évolution entraîne aussi des changements d’habitudes pour l’organisation. Alors qu’il y avait habituellement une pause estivale avant une reprise du travail pour la course en septembre, il n’y a pas eu de réelle coupure cette année, les réunions s’enchaînant dès le mois de juin. Un débriefing a même été organisé à Cassel lors des championnats de France avec les partenaires des 4 Jours, invités pour l’occasion. Une cinquantaine de personnes a répondu présent et cela permet de mettre en confiance, financièrement, pour les années à venir. Cela pourra aussi éviter de rencontrer à nouveau un problème de l’an passé. Le parcours se finalisant à l’automne, au moment de vouloir repérer le parcours de l’étape des secteurs pavés, certaines routes étaient inondées et n’ont donc pas pu être reconnues, réduisant de huit à quatre le nombre de secteurs empruntés.
Cette reprise rapide du travail permet ainsi d’avoir dès l’été un parcours quasiment acté. Courant juillet, il ne manquait que l’accord définitif de deux villes, qui devaient valider la venue de la course dans leur conseil municipal. La volonté est ainsi d’avoir un parcours connu dès septembre pour que les équipes aillent sur le terrain pour travailler, préparer ce qui accueillera les zones de départ et d’arrivée, ainsi que de fignoler les détails du parcours. Il y aura ensuite un changement à procéder à l’automne avec le retrait d’une ville départ, qui saura trouver une remplaçante de façon presque immédiate dans la même intercommunalité.
Sur ces détails, il y a la volonté d’avoir une thématique par étape. Il y avait ainsi l’an dernier une étape pour sprinteurs, une arrivée pour puncheurs, un contre-la-montre, une étape avec des pavés, le circuit de Cassel et le circuit de Dunkerque. Concrètement, c’est après avoir eu la validation des villes de départ et d’arrivée que les considérations sportives entrent en ligne de compte. Cette année, il n’y a donc pas de contre-la-montre en raison des villes choisies, mais les pavés seront beaucoup plus présents.
Mais il n’y a pas que la volonté de l’organisation qui permet de tracer la course, puisqu’il faut une présence de signaleurs sur le parcours, ainsi que de policiers ou de gendarmes à certains carrefours, amenant deux contraintes supplémentaires. Côté signaleurs, les villes fournissent généralement quelques bénévoles, mais cela devient de plus en plus compliqué de trouver des volontaires et certaines communes rechignent même à la tâche, faisant que la course doit éviter de passer (même en cours d’étape) par certaines zones. De l’autre, les forces de l’ordre doivent être rémunérées, ce qui n’est pas sans poser des problèmes dans de longues étapes en ligne, comme cette entre Dunkerque et Abbeville l’an dernier, inhabituellement longue pour une course de ce niveau.

Ainsi, autant que possible, l’organisation cherchera à privilégier l’organisation de circuits pour réduire les coûts. Notamment aux arrivées, ce qui est déjà une habitude pour beaucoup d’épreuves, mais également autour de la ville de départ en début d’étape, allongeant le temps dans un territoire qui s’engage pour recevoir la course.
Le contrecoup de tels tracés d’étapes est cependant l’allongement des transferts. En effet, si les coureurs ne font plus cette route dans la journée, ils auront à le faire le soir dans les bus et il faut limiter ces trajets autant que possible. Ce sera cependant une obligation dans les années à venir. Ceci peut néanmoins se compenser par la possibilité pour les équipes de ne pas changer d’hôtel chaque soir et de s’installer et se poser plusieurs jours consécutifs au même endroit. À ce sujet, il y a également un responsable de l’organisation délégué à l’hôtellerie, aux réservations et aux échanges avec les équipes sur ce sujet.
Pour conclure, on peut lister quelques chiffres. Le comité d’organisation compte 15 membres, tous bénévoles et étant chef d’un service. Par exemple, le service de la ligne d’arrivée comptait cette année 27 bénévoles. En tout, l’équipe de bénévoles compte un cœur d’une centaine de personnes qui se retrouvent chaque année, en plus de bénévoles plus ponctuels. Sur le bord des routes, on était à 3 250 signaleurs l’an passé.

À présent, les 4 Jours de Dunkerque 2024 peuvent se lancer. On alternera entre sprints et pavés par le vent et les monts. Comme chaque année, quelques jeunes coureurs viendront se révéler, à l’image de Sylvain Chavanel il y a 20 ans, de Rui Costa, John Degenkolb ou Marcel Kittel une décennie plus tard ou encore Romain Grégoire l’an dernier, en faisant face à des coureurs s’expérience et des vainqueurs de monuments tels que John Degenkolb, Kasper Asgreen ou Arnaud Démare.
Geoffrey L. (darth-minardi)
Crédits photos : Pierre Willemetz (Facebook : pierre.willemetz.75)