À bientôt 34 ans (le 17 septembre, jour de l’arrivée à Madrid), il est le doyen de l’équipe Groupama-FDJ envoyée en Espagne, dans un rôle plutôt nouveau pour lui de capitaine de route, pour épauler la jeune génération issue de l’équipe de développement. L’homme est discret, dévoué, y compris hors vélo en parrainant, avec l’association « Fungana » au Rwanda, un camp cycliste de jeunes pour lequel il avait levé des fonds, afin de « faire du sport un facteur de développement ». Le projet, découvert via une amie, avance « doucement mais sûrement ». On pourrait en dire autant de la carrière de Rudy Molard, coureur régulier et performant dans des registres variés, prêt à le démonter une nouvelle fois sur ce Tour d’Espagne.
Entretien réalisé avant le début du Tour d’Espagne.
La Vuelta vous a souvent réussi, vous avez notamment porté à deux reprises le maillot rouge (pour quatre étapes en 2018, et une en 2022), pouvez-vous nous décrire votre rapport avec ce Grand Tour particulier ?
J’aime bien la chaleur, qui me réussit plutôt bien. C’est mon Grand Tour préféré, c’est celui par lequel j’avais commencé en 2012, je suis donc toujours content de le retrouver, particulièrement cette fois en accompagnant tous les jeunes qui découvrent à leur tour une course de trois semaines.
Vous avez passé votre BAFA, pour encadrer toute cette jeune classe issue de la Conti ?
(Rire) Je ne sens pas tellement la différence d’âge, à vrai dire. Mais c’est vrai que c’est un nouveau rôle à appréhender ! Cela dit, dans cette génération, ils sont déjà vraiment pros à 20 ans, ils n’ont pas tant que ça à apprendre, mais j’espère avoir quand même des petites choses à leur apporter, pour rassurer, apporter mon expérience, sur le vélo mais aussi hors course, dans ce rôle de capitaine de route, un peu nouveau, que j’ai déjà endossé sur le Tour de l’Ain puis au Tour du Limousin, où ça s’est plutôt bien passé.
Pour les objectifs annoncés, c’est précis et calibré, ou bien le staff a-t-il insisté plutôt sur l’état d’esprit ?
Lenny est là pour le général, c’est sûr, en tout cas au départ, c’est bien qu’il ait cet objectif de s’y essayer, après si ça marche tant mieux, sinon ce n’est pas grave, il fera les étapes, il apprendra. Michael Storer aime les échappées, il marche bien, il aura cet objectif de victoire d’étape. De mon côté, je suis capitaine de route, mais ça n’empêche pas d’avoir des ambitions personnelles, en tout cas je ne me priverai pas s’il y a des opportunités.
Pour un troisième port du maillot rouge, ou bien prioritairement pour une victoire d’étape ?
À choisir, clairement la victoire d’étape, sans hésiter !

Vous vivez une saison contrastée, avec pour point d’orgue votre performance au championnat de France à Cassel (2ème)…
C’est vrai que c’était un gros objectif personnel de ma saison, j’espérais être vraiment performant dans la foulée du Giro, c’est ce que j’ai réussi. Sinon, ma saison avait plutôt bien démarré, avec le Tour Down Under, puis Paris-Nice avec David qui s’était bien passé… Les ardennaises, je tombe deux fois à l’Amstel, à partir de là c’était terminé pour la semaine, malheureusement, puis le Giro, pfff, il y a mon accident la veille, j’ai traîné ma peine ensuite, en tombant malade en plus…
Vous aviez quand même pu sortir un peu la tête de l’eau, notamment lors de l’étape du Monte Bondone, ou su vous rendre utile, par exemple en dépannant Thibaut…
Je me suis accroché, j’ai réussi à terminer, mais ça reste quand même dans l’ensemble un mauvais souvenir sportivement. Mais super humainement ! Accompagner Bruno et son maillot rose, et puis Thibaut pour son dernier Giro… J’avais été de son premier, en 2017, c’était fort de boucler avec lui son histoire avec cette course. J’espère être de la partie aussi en Lombardie !
Une page se tourne dans l’équipe, vous en serez désormais presque le doyen ?
Oui, il y aura encore Ignatas Konovalovas (37 ans), j’ai eu de la chance, il a prolongé, je l’ai échappé belle (rires). C’est vrai que ça fait un sacré rajeunissement, alors que je ne suis pourtant pas encore dans les « vieux » du peloton…
Il vous reste un an de contrat, vous savez déjà ce dont vous avez envie, l’idée est-elle de s’arrêter là, ou de continuer ?
A priori, j’ai envie de continuer, clairement, dans ce rôle de capitaine de route bien sûr, mais sans délaisser non plus des ambitions personnelles quand j’en aurai la possibilité, c’est important pour moi pour rester performant, je trouve qu’en se transformant en pur équipier, on régresse, si on fait trois heures de tempo puis « gruppetto », on ne peut pas rester à son meilleur niveau.
Quand vous êtes équipier, n’êtes-vous pas frustré parfois, par la méconnaissance, ou le manque de reconnaissance, de ce travail invisible ?
Franchement, je ne lis pas les commentaires, il y a tellement de bêtises, de gens qui ne se rendent pas compte… Et puis je dirais simplement qu’il y a aussi ceux qu’on voit à la télé, et ceux qu’on ne voit pas, même parmi les équipiers. C’est vrai, on en voit certains parfois, qui « travaillent pour la télé »… Ce qui compte pour moi, c’est la reconnaissance du staff, et du leader, eux savent ce qu’il en est vraiment. Et un leader qui va gagner et transformer tout le travail accompli, ce sont de sacrées émotions… C’est cette reconnaissance-là qui m’anime.
Crédit photo : Thomas Savoja instagram.com/tomasino22