À l’entame de la saison, Le Gruppetto vous présente cinq jeunes coureurs qui devraient faire l’actualité en 2022. Si certains ont déjà de grosses performances à leur actif, aucun n’a véritablement été au premier plan, et cette année devrait être celle de leur accession au top niveau mondial.
Ben Tulett (INEOS Grenadiers), 20 ans
En 2021, les yeux des spectateurs comme des différents managers ont pu s’attarder sur les performances de Thomas Pidcock et Ethan Hayter. Pour autant, les deux prodiges britanniques ne sont pas les seuls à rentrer dans cette catégorie, et Ben Tulett a ainsi pu profiter d’attentes relativement plus modérées pendant deux ans chez Alpecin-Fenix. Spécialiste du cyclo-cross, c’est logiquement qu’il avait été recruté par la formation belge à la sortie des rangs juniors, où il avait terminé 4e de Gent-Wevelgem. Pour autant, c’est sur des terrains plus escarpés que le natif de Sevenoaks, dans le Kent, s’est très vite exprimé.
Au début de l’année 2020, il ne dispute cependant qu’une seule course sur route, le Tour d’Antalya, en Turquie, qu’il termine à la cinquième place, tout en ayant également terminé cinquième de l’étape-reine au sommet de la montée de Termessos. Ce résultat, bien que remarquable pour un coureur tout juste issu des juniors, est à relativiser par la faiblesse du plateau présent (son coéquipier Gianni Vermeersch terminant quatrième et n’étant pas réputé pour être un grimpeur). C’est en cyclo-cross qu’il connaît ses premières passes d’armes convaincantes : deuxième des Championnats de Grande-Bretagne derrière un certain Tom Pidcock, il termine ensuite quatrième en Coupe du monde espoirs à Hoogerheide. Le petit puncheur d’un mètre soixante-neuf recourt un peu en fin de saison, et réalise déjà des résultats très honorables sur les Ardennaises : 35e de la Flèche Wallonne, il est le dernier coéquipier autour de Louis Vervaeke, puis il enchaine avec son premier monument, Liège-Bastogne-Liège, qu’il termine à la 53e place. Alors qu’il vient de fêter son 19e anniversaire un mois auparavant.
C’est début 2021 que les choses sérieuses commencent et que Ben Tulett prend le leadership de l’équipe sur les courses difficiles. Un temps aux côtés de Nairo Quintana, Michael Woods, Jakob Fuglsang ou David Gaudu dans la montée de la Madonne de Gorbio, le jeune puncheur britannique finit par craquer et termine 17e du général du Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Il recommence ensuite sur la Faun-Ardèche Classic, 14e, puis revient le triptyque Ardennais. 17e de l’Amstel Gold Race, il vient terminer 12e au sommet du Mur de Huy pour sa quatrième classique World Tour disputée lors de la Flèche-Wallonne. Après un Liège-Bastogne-Liège et un Tour de Suisse plus discrets, il vient claquer une neuvième place au général du Tour de Pologne, sa deuxième course par étapes disputée au plus haut niveau ! 21e du Tour de Lombardie et huitième de la Coppa Agostoni, Ben Tulett sera désormais attendu sur des terrains relevés même s’il sera difficile d’exister au sein de l’armada Ineos. Mais si Tom Pidcock et Ethan Hayter l’ont fait, pourquoi pas lui ?
Olav Kooij (Jumbo-Visma), 20 ans
Présent dans l’équipe dès la création de la Jumbo-Visma Development en 2020, c’est fort logiquement que le Néerlandais a fini par être promu dans l’équipe-mère début 2021, afin de pallier le départ à la retraite de Maarten Wynants à l’issue de sa dernière campagne de classiques flandriennes. Au préalable, Kooij s’était déjà construit un palmarès solide dans les rangs juniors lors des années 2018 et 2019, notamment avec trois étapes du Tour de DMZ, en Corée du Sud. La saison 2020, sa première dans les rangs espoirs, alors qu’il est d’ores et déjà désigné pour être l’un des leaders de la réserve, se débute et se conclut de la meilleure des manières. Seulement devancé par David Dekker (qui le rejoindra en 2021 chez Jumbo) lors du Craft Ster Van Zwolle, il domine ensuite le calendrier croate en remportant les Trophées Umag et Porec, puis le GP Kranj en Slovénie en septembre lors du retour des compétitions. Cinquième parmi les meilleurs sprinteurs au Championnat d’Europe espoirs à Plouay, il profite de la fin de saison pour se payer le scalp d’Ethan Hayter et Phil Bauhaus sur la Semaine Coppi & Bartali puis fait main basse sur l’Orlen Nations GP en remportant la deuxième étape devant le duo estonien Markus Pajur – Rait Ärm mais également le général grâce au contre-la-montre par équipes brillamment remporté par les Pays-Bas.
S’affûtant sur quelques classiques flandriennes en début de saison 2021, le coureur de Numansdorp n’a l’occasion de sprinter pour la gagne qu’à la mi-mai, sur le Tour de Hongrie, mais il y est battu par Phil Bauhaus, Jordi Meeus et Edward Theuns. Pareil sur le Tour de Belgique, où les occasions se font rares en tant que poisson-pilote de Dylan Groenewegen, même s’il profite de la troisième étape pour empocher une sixième place. Août se fait plus bénéfique : il réussit à sprinter une fois, se venge de Bauhaus mais tombe sur un os : Fernando Gaviria. Le cadenas tient toujours. Une nouvelle fois lanceur de Groenewegen sur le Championnat des Flandres, il termine aux portes du top 10, alors que son leader doit se contenter de la deuxième place. Une semaine plus tard, c’est de bronze que Kooij doit se contenter aux Championnats du monde espoirs, battu par le finish de Filippo Baroncini et le sprint de Biniam Ghirmay. Mais c’est finalement en Croatie, là où tout avait commencé 19 mois auparavant, que le jeune sprinteur néerlandais parvient à trouver l’ouverture. Battu par ce diable de Bauhaus -encore- sur la première étape, il remporte les deux sprints suivants, ses deux premières victoires en classe 1, puis termine l’année sur le podium du Gran Piemonte, derrière Matthews Walls et Giacomo Nizzolo.
En 2022, avec le départ surprise de Dylan Groenewegen, Olav Kooij aura en principe plus de responsabilités, à l’instar de David Dekker. Les deux jeunes sprinteurs seront amenés à disputer des finals tendus au sein d’une équipe tournée vers les classements généraux et où Wout van Aert devrait leur voler la vedette sur les plus grands sprints du monde. Mais pour autant, on devrait les retrouver dans les sprints massifs de niveau World Tour, le Belge ne pouvant être partout malgré sa polyvalence.
Juan Ayuso (UAE Emirates), 19 ans
2019, Juan Ayuso entame sa première année junior au sein de l’équipe Bathco. Tout juste sorti des rangs cadets, il doit se confronter à l’équipe Kometa U19 sur le calendrier espagnol. Cette dernière peut compter sur le redoutable duo Carlos Rodriguez (désormais chez Ineos) – Fernando Tercero Lopez (dans la réserve de l’équipe Eolo-Kometa en 2022) pour dominer le circuit junior. Pour autant, Ayuso rivalise avec ses ainés d’un ou deux ans lors de cette année, comme sur la Gipuzkoa Klasika, la Bizkaiko Itzulia, ou la Vuelta a Besaya. Mais il doit à chaque fois s’incliner face à Carlos Rodriguez malgré une victoire d’étape sur la Bizkaiko. Et s’il s’exporte à l’international en terminant cinquième du Trophée Morbihan puis en réalisant des prestations honorables lors des championnats d’Europe, c’est sur les Championnats d’Espagne qu’il se dévoile pleinement. C’est à Pravia dans les Asturies, que face à Carlos Rodriguez -encore- ainsi qu’Igor Arrieta et Raul Garcia Pierna (désormais pros chez Kern Pharma), il décroche sa première grosse victoire marquante.
Et Rodriguez envolé chez Ineos, le natif de Barcelone n’a plus d’adversaire à sa mesure lors de la saison 2020. Le circuit espagnol n’est pas dominé, il est oblitéré. En additionnant classements généraux et victoires d’étapes, Ayuso cumule 21 victoires au cours d’une année folle ! Ou, plus simplement, il n’est battu qu’à une seule reprise, lors de la Vuelta a Besaya. Piégé par la densité de la Kometa U19, il doit laisser Arnau Gilabert remporter la dernière étape et le général, bien qu’il termine tout de même à la deuxième place de l’épreuve. En plus des deux titres sur les Championnats d’Espagne, il remporte ainsi 14 des 15 étapes possible, et cinq des six épreuves du calendrier national auxquelles il a participé. Rien d’étonnant alors à ce que la bombe sorte fin avril : UAE Emirates annonce l’arrivée du jeune prodige à partir de la mi-2021 après un court passage chez Colpack Ballan.
Ayuso ne reste que 6 mois dans l’effectif de la continentale italienne. Son calendrier change radicalement, mais cela ne le gêne pas plus que cela : 17e de la Semaine Coppi & Bartali pour sa première course par étapes pro, il atomise ensuite le calendrier amateur du pays à la botte. Victorieux sur le Trofeo PIVA, il enchaine avec un succès sur le Giro del Belvedere. Grâce à l’aide d’une équipe solide et notamment d’Alessandro Verre, il réalise une dernière razzia avant de quitter l’équipe. Cinq victoires d’étape supplémentaires sur le Giro di Romagna et le baby-Giro ainsi que les deux classements généraux plus tard, Ayuso est fin prêt pour étrenner ses nouvelles couleurs sur le Tour des Appenins. Déjà une belle aide auprès de Jan Polanc et Diego Ulissi. Le retour au pays se fait ensuite de fort belle manière. Propulsé leader d’UAE Emirates sur la classique d’Ordizia, il y termine deuxième derrière Luis Leon Sanchez puis signe un magnifique top 20 sur les routes de la Classica San Sebastian. La fin de saison est moins rose, avec une chute sur le Tour de l’Avenir qui le prive de ses ambitions. Sur le podium des Championnats d’Europe espoirs, ses dernières courses se font sous le signe de l’apprentissage.
A seulement 19 ans, la pépite hispanique qu’est le Catalan devrait encore prétendre à de plus grandes choses. A commencer par découvrir le Tour de la Communauté Valencienne dans quelques semaines dans un rôle de leader face à Mikel Landa. Puis, déjà, des participations au Tour de Catalogne, aux Ardennaises ou au Critérium du Dauphiné. De quoi polir ce diamant brut engagé jusqu’en 2025 chez les émiratis.
Ilan Van Wilder (Quick Step – Alpha Vinyl), 21 ans

Ilan Van Wilder, lors du contre-la-montre du Dauphiné Libéré en 2021, où il portait la tunique de meilleur jeune.
En 2021, ce n’est pas forcément pour ses performances sportives qu’Ilan Van Wilder a fait le plus parler de lui. Pour sa deuxième saison chez les professionnels, le grimpeur belge a surtout été entendu pour parler de ses relations tendues avec son équipe DSM. Il va même jusqu’à casser son contrat à la fin de la saison, alors qu’il lui restait une saison à courir. Son mal-être, Van Wilder n’a pas hésité à l’évoquer sur les réseaux sociaux. « Je ne peux pas expliquer à quel point je suis déçu et à quel point je me sens mal depuis des semaines », indiquait-il sur son compte Instagram la veille du départ du Tour d’Espagne, initialement prévu à son programme avant de lui être retiré. Le natif de Jette, dans la banlieue de Bruxelles, espérait même « une équipe décente qui apprécie ses coureurs » dans le partage sur Strava de la dernière course de sa saison, la Primus Classic (terminée 21e). La bouée de sauvetage sera finalement venue de Patrick Lefevre et Quick Step, qui a conclu un accord avec DSM alors que Van Wilder avait entamé une procédure judiciaire pour se libérer de son contrat.
Au sein d’une équipe qui sait mettre en valeur ses jeunes pépites, le Belge devrait ainsi pouvoir reprendre le bon cours de sa carrière. Celle d’un jeune prometteur, après d’excellents résultats dans les catégories de jeunes. Après avoir fait partie des meilleurs juniors (tout en étant le lieutenant de Remco Evenepoel la plupart du temps), il a parfaitement digéré le passage chez les espoirs, restant parmi les meilleurs de sa catégorie. Régulier et complet grâce à sa polyvalence entre ses qualités de grimpeur/puncheur et de rouleur, Van Wilder a ainsi pris notamment la troisième place de l’Orlen Nations Grand Prix et la quatrième de la Course de la Paix. Le tout confirmé par une troisième place sur le Tour de l’Avenir, derrière Tobias Foss et Giovanni Aleotti.
Au cours de ses deux saisons chez les professionnels, sa relation avec l’encadrement de l’équipe DSM n’a pas aidé Ilan van Wilder, mais le Belge n’a pas été transparent pour autant. Dixième de la Semaine Coppi et Bartali, 16e du Tour de Romandie l’an dernier et bien parti sur le Dauphiné avant de craquer en montagne, il a montré que son talent ne s’était pas évaporé. Reste à le faire briller en 2022, chez Quick Step. Peut-être sur le Tour d’Italie, qui devrait être son premier vrai Grand Tour après son abandon sur chute dès la première étape de la Vuelta 2020 ?
Jake Stewart (Groupama-FDJ), 22 ans
A l’inverse des autres fers de lance de la nouvelle génération du cyclisme britannique, évoqués précédemment, Jake Stewart n’est pas chez Ineos Grenadiers. À la fin de sa première saison espoirs, la réserve de Groupama-FDJ avait eu le nez fin en recrutant le jeune homme de Manchester pour son premier effectif. Vite remarqué par l’équipe-mère par ses bons résultats au sprint ou sur les classiques, son premier contrat pro était assuré à peine la saison 2020 repartie. L’équipe de Marc Madiot avait d’ailleurs bien choisi son moment : l’annonce était faite à peine le Tour du Limousin terminé, où Stewart prenait la deuxième place finale, invité avec succès dans les rangs de l’équipe World Tour.
Avec son petit gabarit et sa pointe de vitesse bien aiguisée, le Britannique s’oriente en particulier vers les classiques. Groupama-FDJ l’a bien compris, et a profité du calendrier remanié de 2020 pour le faire passer dans les rangs professionnels quelques mois plus tôt que prévu, pour lui permettre de découvrir les classiques World Tour, le Tour des Flandres en tête. En 2021, le voilà intégré de plein droit dans le groupe des flandriennes. Derrière Arnaud Démare et Stefan Küng, c’est pourtant lui qui décroche le premier beau résultat en terminant deuxième au sprint de l’Omloop Het Nieuwsblad, seulement battu par Davide Ballerini. De quoi le lancer au mieux sur les autres classiques belges, même s’il ne sera pas aligné partout.
Prévu sur le Tour des Flandres, il n’aura toutefois pas pu goûter à un deuxième Ronde à quelques mois d’intervalle. Tassé par Nacer Bouhanni dans le sprint à l’arrivée de Cholet-Pays de la Loire – qu’il soutiendra publiquement après les attaques racistes envers le Vosgien –, Jake Stewart se voit stoppé dans sa progression par une fracture de la main gauche. Un tournant dans la saison du jeune britannique, de son propre aveu. S’il était de retour en course un mois plus tard, il n’a jamais vraiment réussi à retrouver ses jambes du printemps belge, avec seulement deux tops 10 au sprint sur le reste de l’année. Malgré tout, ce qu’il a su montrer début 2021 a convaincu ses dirigeants de lui donner un peu plus d’importance dans le groupe des classiques de Groupama-FDJ pour la saison à venir. Déjà prolongé jusqu’en 2024, Jake Stewart aura à cœur de montrer que son début d’année dernière n’était pas qu’un coup sans lendemain.
La rédaction du Gruppetto.
Crédit photo : Vincent Lefèvre, Jumbo-Visma, Groupama-FDJ