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Alors que la 107e édition du Tour de France s’est terminée ce dimanche avec la victoire du Slovène Tadej Pogačar, Le Gruppetto revient pour vous sur cette édition pas comme les autres. Au programme notamment : précocité historique, sprinteurs complices, bilan français mitigé, et chutes en pagaille. Prenez vos stylos, l’évaluation va commencer !

21/20 – Tadej Pogačar

Historique, exceptionnel, renversant… Les superlatifs pour décrire le Tour de France de Tadej Pogačar ne manquent pas. Ou au contraire, ils manquent, tant les mots ne suffisent pas à décrire les performances du prodige Slovène lors des trois semaines passées. A 21 ans et 365 jours, il est tout simplement devenu le deuxième plus jeune vainqueur de l’histoire de la Grande Boucle (le record appartenant à Henri Cornet et datant de 1904). Mais puisque la victoire finale ne suffisait pas, il l’a agrémentée de trois victoires d’étape (Laruns, Grand Colombier, la Planche des Belles Filles) et du maillot de meilleur grimpeur. Une razzia soldée par l’obtention de trois des quatre maillots distinctifs, chose que seul le grand Eddy Merckx avait accompli jusqu’à maintenant.

20/20 – Le scénario du contre-la-montre de la Planche des Belles Filles

Au matin de cette 20e étape, Primoz Roglic possédait près d’une minute d’avance sur Tadej Pogačar, réputé moins bon rouleur que lui. Les jeux étaient faits, pensaient la majorité des suiveurs et du public. Mais d’entrée de jeu, le cadet des deux Slovènes a immiscé le doute dans l’esprit de tous. 14 secondes reprises en 14 kilomètres. Bluff ou réel ascendant physique ? La suite du chrono n’a pas permis de trancher, Pogačar se présentant avec un retard toujours conséquant d’une vingtaine de secondes au pied de l’ascension finale. Même si le doute amplifiait, cela devait suffire pour Roglic, dont on pensait qu’il était en pleine gestion de son effort. Il n’en fut rien, le jeune Tadej pulvérisant son compatriote dans la montée, le repoussant à presque deux minutes sur la ligne. Une démonstration stratosphérique pour l’un, une immense désillusion pour l’autre. Et un scénario complètement irréel pour les spectateurs.

19/20 – La Sunweb de Marc Hirschi

L’exemple parfait qu’il n’est pas nécessaire de posséder un candidat au top 10 final dans ses rangs pour réaliser un Tour de France extraordinaire. Une 54e place au classement général comme meilleure position, un classement par équipes bouclé parmi les derniers (17e sur 22 formations), et pourtant une performance collective globale unique et mémorable. Emmenée par la nouvelle coqueluche du peloton Marc Hirschi, vainqueur d’une étape en solitaire (la 12e à Sarran), du prix du Super Combatif, et auteur de deux autres podiums, la Sunweb a épaté à l’aide de ses nombreux francs-tireurs et de sa maîtrise tactique. Bilan : 3 bouquets (Hirschi donc, mais surtout Søren Kragh Andersen par deux fois, à Lyon puis Champagnole) et une multitude de podiums (sept pour être précis). Et dire que la chute de Hirschi en direction de La Roche-sur-Foron leur a probablement coûté une victoire d’étape supplémentaire…

18/20 – Wout van Aert

Sur le pont depuis début Août et son doublé Strade Bianche – Milan-Sanremo, Wout van Aert n’en finit plus d’épater, et est en train de s’imposer comme l’un des meilleurs coureurs de la planète, si ce n’est le meilleur tout court. La preuve une nouvelle fois avec un Tour de France absolument sidérant, qui l’aura vu remporter deux étapes au sprint (Privas et Lavaur), se classer quatrième du contre-la-montre de la Planche des Belles Filles, et abattre un travail herculéen pour son leader Primoz Roglic. Toujours là pour le protéger en plaine, il aura surtout mené un train d’enfer dans bon nombre de cols de haute montagne, se découvrant des facultés de grimpeur qu’on ne lui connaissait pas. De son Tour resteront deux souvenirs : une polyvalence unique de nos jours, et une mine décomposée au passage de la ligne de Tadej Pogačar lors de la 20e étape, lorsque celui-ci s’empara du maillot jaune de son leader.

17/20 – Lennard Kämna

Éliminé d’entrée de la lutte au classement général suite à trois chutes lors des deux premiers jours de course, l’Allemand de 24 ans a su rebondir de fort belle manière. Très offensif, présent dans un grand nombre d’échappées, il a d’abord tutoyé la victoire au Puy Mary, seulement battu par un Daniel Felipe Martinez en état de grâce. Et quatre jours plus tard dans le Vercors, c’est lui qui a signé une performance de choix en prenant la mesure d’un Carapaz déchaîné, et en allant s’imposer en solitaire à Villard-de-Lans. Mais surtout, son Tour de France a été un modèle sur le plan collectif : ultra présent pour son leader Peter Sagan, il aura énormément participé aux grandes manœuvres de la BORA – hansgrohe sur la route de Lavaur, et plus encore en direction de Lyon, où son dévouement fut total et sublime.

16/20 – Sam Bennett et Caleb Ewan

On a vu plateau de sprinteurs plus fourni dans le passé, mais leurs deux meilleurs représentants se sont montrés parfaitement à la hauteur. Se faufilant avec une agilité stupéfiante, Ewan a dégainé le premier à Sisteron lors de la troisième étape, avant que Bennett égalise lors de la dixième, en le devançant à l’Île de Ré. Le lendemain, l’Australien reprenait l’avantage dans leur duel au terme d’un sprint extrêmement serré à Poitiers. Et à chaque fois, une « accolade » chaleureuse entre les deux, témoignant d’un grand fair-play l’un envers l’autre, et d’une sympathique complicité, eux qui vivent toute l’année dans le même immeuble à Monaco. Et puisque l’un ne pouvait pas scorer plus que l’autre, l’Irlandais est allé s’imposer sur les Champs-Élysées maillot vert sur les épaules, devenant seulement le sixième homme à réaliser ce petit exploit.

15/20 – Kwiatkowski, Porte : enfin !

L’un, en raison de son immense talent, a passé de nombreux étés à jouer l’équipier modèle aux côtés de Chris Froome, Geraint Thomas et Egan Bernal. L’autre, après avoir joué les lieutenants de luxe pendant de nombreuses saisons, a vu chaque année la malchance s’accabler sur lui lors de la grande messe de Juillet. Leur revanche n’en a été que plus éclatante en ce mois de Septembre : Michal Kwiatkowski est allé chercher le premier succès de sa carrière sur un Grand Tour, main dans la main avec Richard Carapaz à La Roche-sur-Foron, dans un émouvant remake du Hinault – Lemond de 1986 ; Porte, lui, a réussi un ultime contre-la-montre exceptionnel pour monter sur la troisième marche du podium, et réaliser le rêve d’une vie à plus de 35 ans.

14/20 – Enric Mas

Dire que nous avons peu vu l’Espagnol de la Movistar durant ces trois semaines de course serait un euphémisme. Toujours dans les roues, il n’a cessé d’évoluer sous les radars. Mais il a parfaitement géré son affaire, montant en puissance au fil des jours et des étapes, pour finalement surgir au dernier instant dans le top 5 du classement général. Un résultat totalement inattendu, et une véritable bouffée d’air frais pour celui qui, jusqu’à maintenant, avait eu tant de mal à digérer son podium surprise sur la Vuelta 2018.

13/20 – La belle surprise B&B Hotels – Vital Concept

Des trois équipes invitées sur la Grande Boucle cette année, c’est bien la formation de Jérôme Pineau qui a fait la plus forte impression. Et au départ de l’épreuve – et plus encore en janvier lors de l’annonce des invitations – ce n’était pas gagné pour bon nombre de suiveurs. Mais à coup de résultats probants (12 tops 10, dont deux podiums) et d’une belle animation offensive, l’équipe française s’est montrée sous ses plus beaux atours. Nous retiendrons tout particulièrement la régularité de Bryan Coquard (à qui il n’a pas manqué grand-chose pour aller chercher un premier bouquet en World Tour), et le superbe résultat d’équipe de Pierre Rolland et Quentin Pacher, respectivement 2e et 4e à Sarran. Deux Français au sein d’une même équipe française dans les quatre premiers d’une étape, il fallait remonter à 1997 pour voir cela !

12/20 – La BORA – hansgrohe

Sans elle, bon nombre d’étapes de plaine auraient été beaucoup plus fades. Toujours dans le but de voir Peter Sagan ramener le maillot vert à Paris, l’équipe entière s’est dévouée corps et âme pour faire exploser la course et éliminer les purs sprinteurs. Nous retiendrons tout particulièrement leurs coups de forces en direction de Lavaur et de Lyon, où ils auront mis le peloton en pièces détachées à la faveur d’un parcours accidenté. Mais le résultat final ne fut pas celui escompté, Sagan ne terminant qu’à la deuxième place du classement par points et ne décrochant pas le moindre succès d’étape. Un bilan global décevant à la vue des noms alignés au départ, seulement sauvé par la victoire de Lennard Kämna lors de la 16e étape.

11/20 – Le bilan français

Une petite moyenne du côté tricolore. Si le Tour avait globalement bien commencé avec les victoires d’étapes de Julian Alaphilippe à Nice et de Nans Peters à Loudenvielle, la suite fut beaucoup plus compliquée. Pinot et Bardet hors-jeux sur chute, il ne restait que Guillaume Martin pour défendre les chances françaises au classement général. Malgré une première semaine très prometteuse (troisième place provisoire au général au soir de l’étape de Laruns), le coureur de la Cofidis a progressivement baissé le pied, pour finalement finir aux portes du top 10 (11e). Il faut remonter à 2013 pour trouver trace du premier Français au classement général aussi loin.

10/20 – Le cadenassage de la Jumbo-Visma

Si le tracé de ce 107e Tour de France est l’une des causes du timide spectacle offert par les coureurs jouant le classement général (cf. prochaine note), la supériorité de l’équipe de Primoz Roglic en est une autre – probablement plus importante. Pendant trois semaines, l’armada jaune et noire n’a cessé d’annihiler toutes les attaques de coureurs placés à distance plus ou moins respectable de son leader. L’impression que la formation néerlandaise voulait littéralement tout contrôler, et se poser comme les nouveaux patrons du peloton, en dignes successeurs de la Sky de Christopher Froome. Pendant 19 jours, il fut impossible de leur en vouloir, tant ils semblaient être une forteresse imprenable qui allait atteindre son objectif ultime, à savoir remporter la Grande Boucle. Et puis Tadej Pogačar a surgi. Et leur machine si bien huilée a volé en éclats, nous laissant un goût amer quant à leur stratégie, leur laissant à eux d’immenses regrets.

09/20 – Le parcours

Si de nombreuses étapes ont été individuellement très plaisantes à regarder (mention spéciale à l’étape très ouverte de Sarran, au diptyque pyrénéen carrément emballant, aux étapes de plaines de Lavaur et de Lyon, ainsi qu’évidemment au chrono final de la Planche des Belles Filles), la difficulté globale du parcours et la multitude d’arrivées au sommet ont tout de même grandement réfréné les ardeurs des candidats à la victoire finale. Ajoutons à cela un abus de (très) forts pourcentages, et un Grand Départ niçois mal tracé (avec son entre-deux de présence de montagne et de volonté de ne pas créer trop d’écarts), et nous obtenons un Tour de France qui ne se sera jamais réellement emballé. A l’exception de cet ultime contre-la-montre renversant, mais qui aura malgré tout concentré l’attention des leaders de manière négative.

08/20 – La Groupama – FDJ

La formation de Marc Madiot arrivait sur le Tour avec un objectif clair : remporter l’épreuve avec son leader Thibaut Pinot, et effacer la terrible désillusion de l’an dernier. Leurs rêves se sont évaporés lors de la première étape à Nice, lorsque Pinot a été pris dans une chute sous la pluie et s’est blessé au dos. Incapable de défendre pleinement ses chances, il a terminé l’épreuve à une anonyme 29e place, sans jamais avoir pu peser sur la course. Pas aidée non plus par la chute de David Gaudu lors de cette même journée noire, la Groupama – FDJ n’a malheureusement pas réussi à redresser la barre lors des jours qui ont suivi. Malgré les belles performances de Sébastien Reichenbach et Valentin Madouas en troisième semaine, l’équipe repart bredouille pour la première fois depuis 2016.

06/20 – Peter Sagan

Peter Sagan n’avait jamais roulé sur les Champs-Élysées autrement que paré de sa tunique verte favorite. C’est désormais chose faite, après un Tour de France où il aura évolué bien loin de son meilleur niveau. Deux petits podiums (troisième à l’Île de Ré et à Paris), pas la moindre victoire, et cette fameuse deuxième place au classement par points. Incapable de faire la différence sur les étapes accidentées où il est d’habitude si fort, manquant cruellement de punch lors des arrivées massives, forçant le passage à Poitiers pour tenter de s’imposer (et se faisant de ce fait déclasser), il a tout simplement réalisé sa plus mauvaise prestation sur la Grande Boucle. On ne lui enlèvera cependant pas son abnégation jusqu’au bout pour tenter de renverser Sam Bennett, et l’on se permettra de rappeler qu’il a aussi manqué de réussite, à l’image de son saut de chaîne dans le sprint de Lavaur.

05/20 – Le duo Trentin – Van Avermaet

La note du duo de la CCC ne provient pas de leurs résultats individuels : sans être incroyables, nous les avons souvent aperçus à l’avant, et ils ont signé quelques performances très correctes (troisième place au classement par points pour l’Italien, trois tops 5 dont un podium pour le Belge). Mais ces deux coureurs, pourtant si complémentaires sur le papier, n’ont eu l’air de n’en faire qu’à leur tête, ne se sacrifiant jamais l’un pour l’autre, et donnant toujours l’impression de courir chacun pour soi. Déjà peu inspirés sur le plan collectif à Lyon, la palme revient à l’étape de Champagnole : après une attaque de Trentin qui avait mis tout le monde dans le rouge, Van Avermaet n’a pas bougé le petit doigt sur le contre de Søren Kragh Andersen. Avant qu’aucun des deux n’accepte de travailler pour l’autre pour tenter de rentrer sur le Danois. Tel un symbole d’inimité et de non-communication entre eux.

03/20 – La Total Direct Énergie

Un bilan famélique, un contraste saisissant avec la B&B Hotels – Vital Concept, et au final, un Tour complètement raté pour l’équipe de Jean-René Bernaudeau. Du côté des résultats bruts, la formation française repart avec deux (très) maigres tops 10, et une neuvième place comme meilleur résultat (Anthony Turgis à Nice sur la première étape). Mais plus que ça, c’est au niveau de l’animation que l’on peut reprocher beaucoup de choses à la Total Direct Énergie : à l’exception de la mise en lumière de Jérôme Cousin, les coéquipiers de Lilian Calmejane (leader hors de forme contraint à l’abandon sur la huitième étape) ne se sont que très peu montrés dans les échappées. Un véritable point noir pour une équipe invitée par le biais de sa première place en 2019 au classement continental, qui n’aura donc pas justifié son statut.

0/20 – Les nombreuses chutes et abandons

Il aura peu plu sur la route du Tour cette année, mais le peu de météo capricieuse aura causé d’énormes dégâts. La première étape s’est ainsi transformée en patinoire, faisant tomber les coureurs comme des quilles. Le principal touché : Thibaut Pinot. Parmi les grands favoris à la victoire finale, le Français a vu ses rêves s’envoler sur le bitume niçois dès le premier jour. S’il a terminé l’épreuve, cela n’a pas été le cas de Romain Bardet. Tombé violemment sur la route du Puy Mary, il n’a pu repartir le lendemain, lui qui était en course pour un podium. D’autres outsiders sont aussi allés à terre (Quintana, Mollema, ou autre Sivakov) et n’ont ainsi pu défendre pleinement leurs chances. Ajouté à cela l’abandon du vainqueur sortant Egan Bernal et la chute lors du Dauphiné d’Emanuel Buchmann (4e l’an passé à Paris), et le plateau de prétendants à la victoire finale s’en est trouvé bien dégarni. Fort dommage pour le spectacle.

Non noté – Primoz Roglic

Si l’on se place à travers le prisme des résultats uniquement, nul doute que la Grande Boucle du Slovène est réussie. Une victoire d’étape (Orcières-Merlette), et une deuxième place au classement général, difficile de faire mieux. Pourtant, le Tour de Roglic restera comme un immense regret. A 48 heures des Champs-Élysées, il était solidement campé sur la première marche du podium. Et puis un invraisemblable chrono, doublé d’un compatriote déchaîné, est passé par là. Et Primoz a perdu le Tour de France. Aussi improbable que cela puisse paraître, à l’image de son arrivée à la Planche des Belles Filles, blême, hagard, le casque brinquebalant, et à l’opposé total du coureur téléguidé vers la victoire que l’on avait aperçu 19 jours durant. Son Tour froid et calculateur, loin de l’idée que l’on se fait du panache, lui a probablement coûté la gloire. Ce qui est sûr, c’est qu’il est impossible de lui attribuer une note.

Par Quentin Douzery.

Crédit Photo : Quentin Jeanjacquot
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Modérateur: Animateurs cyclisme pro

Re: Tour de France 2020 : Le carnet de notes du Gruppetto

Messagepar Lecool » 23 Sep 2020, 17:54

petite coquille pour WVA, c'est Lavaur et non Sarran :o
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