Écrit le par dans la catégorie Interviews, Les forçats de la route.

A 36 ans, Maxime Monfort (Lotto-Soudal) a annoncé la fin de sa carrière à l’issue de la saison, pour un projet encore confidentiel à ce jour. Le Wallon part avec, dans ses bagages, quelques faits d’armes notoires comme sa 6e place sur la Vuelta 2011, ou encore sa victoire sur le Tour du Luxembourg lors de sa toute première saison professionnelle. 

« Je suis issu d’une famille ni cycliste, ni sportive » 

 

Comment êtes-vous arrivé au cyclisme ?  

Je ne suis pas issu d’une famille cycliste, pas du tout. Quand j’étais petit, je faisais du vélo comme beaucoup d’enfants, autour de la maison avec des potes, comme ça. Ce n’était même pas du vélo de route, d’ailleurs. Puis, petit à petit, j’ai grandi et mes vélos ont fait de même. J’ai d’abord roulé avec des cyclotouristes. Je ne savais même pas que des compétitions existaient pour les jeunes. Moi, je suis Belge, mais je suis surtout Wallon. Nous n’avons pas cette culture du vélo comme en Flandres. Puis, juste avant mes 14 ans, je me suis inscrit pour faire des compétitions sur la route et à partir de là, c’était parti.  

A partir de quand vous êtes-vous dit que vous pouviez en faire plus qu’un hobby ?  

C’est seulement dans la catégorie des espoirs. Avant, quel que soit le succès qu’un jeune peut rencontrer chez les cadets et juniors, il n’a aucune certitude, même s’il gagne 25 courses par an. Tandis que si on est chez les espoirs, là, c’est tout de suite plus significatif. Dès ma première année espoir j’étais relativement à l’aise et là je me suis dit que c’était possible. 

Vous en rêviez ?   

C’était un rêve, oui, mais un rêve comme celui d’un gamin qui shoote dans son premier ballon de foot. Lui, il rêve d’être Messi ou Ronaldo. A 10 ans, je regardais Indurain qui remportait le Tour et j’étais vraiment passionné.  

Venez-vous d’un environnement cycliste ? 

Je suis issu d’une famille ni cycliste, ni sportive. Mes parents tenaient un restaurant et c’est parce qu’ils ont arrêté le restaurant qu’ils ont pu m’accompagner en course. Ce n’est pas grâce à ça que j’ai commencé le vélo, mais s’ils avaient continué cette activité, je ne sais pas qui aurait pu me conduire aux courses le weekend. Avec le recul, je me dis que c’est une chance par rapport à d’autres dont le grand-père ou le père était lui-même coureur et qui, du coup, devaient supporter une pression supplémentaire. Moi, ça n’a pas du tout été le cas. Tous les sacrifices et les efforts que j’ai pu faire venaient de moi-même avant tout.

Qui vous a transmis le virus du cyclisme ?  

C’est en voyant les courses. Mais j’avais cette passion en moi, je n’arrive pas à me l’expliquer. Moi, j’habitais dans le sud de la Belgique, dans les Ardennes et à l’époque, dans le restaurant, il y avait des gens qui revenaient de courses, des Bruxellois. L’une de ces personnes avait été coureur amateur, c’était un passionné de vélo. Ils m’ont emmené voir Liège-Bastogne-Liège et là ça a été une vraie révélation, une confirmation. Tout ça me plaisait énormément.  

Quel type de passionné étiez-vous ? 

Ça dépassait le cadre de la course. Quand on est gamin, on peut s’intéresser à la tactique et tout, mais moi, pas trop. Moi, j’aimais le matériel, les coureurs, l’odeur d’embrocation au passage du peloton, tout l’environnement de la course. Plus que la course elle-même et la tactique.

Comment avez-vous concilié scolarité et pratique du vélo ?

J’ai eu mon bac à 17 ans puis j’ai commencé une année de kiné. Ça me plaisait, mais c’était trop compliqué pour moi de concilier les deux. Je commençais à avoir de l’ambition pour le vélo et je n’arrivais pas à trouver un équilibre. J’ai rapidement arrêté et l’année d’après, j’ai commencé une école de journalisme, en cours du soir. Il y avait autant d’heures de cours, mais de 17 à 21 heures, tous les jours. C’était beaucoup plus simple pour moi de concilier cela avec les entraînements.  

Pourquoi le choix atypique du journalisme ? 
 
C’était un univers qui m’avait toujours un petit peu intéressé. Je commençais aussi à côtoyer ce monde-là par le biais des interviews et je m’étais dit “pourquoi pas, ça peut être un débouché”.  C’était la même idée qu’avec l’école de kiné : pouvoir faire un rapprochement avec le cyclisme. Ça n’a rien à voir avec la kiné, mais pour moi, les deux métiers me permettaient d’avoir une entrée dans le monde du vélo. 

Y a-t-il eu des réticences familiales ?  

On n’a jamais trop parlé de ça. J’ai reçu une bonne éducation. Si je pensais que c’était normal à l’époque, je me rends compte que ce n’était pas forcément le cas pour tous. Ça a été une chance. Mes parents m’ont laissé faire, on n’a jamais eu de débat là-dessus. Ma mère avait un peu peur que je rentre dans le monde des adultes, il y avait des craintes mais jamais de discussions sur le fait de franchir le pas ou pas. 

Comment avez-vous obtenu votre premier contrat professionnel chez Landbouwkrediet – Colnago ? 

C’était un peu bizarre. J’ai fait un peu le forcing pour obtenir une place de stagiaire en 2e année espoir.  On m’a tout de suite dit qu’il n’y aurait pas de place pour un contrat pro mais ce n’était pas mon objectif non plus et je ne me sentais pas forcément prêt. Je m’étais dit “pas de problème, je vais déjà prendre du plaisir et on verra effectivement s’il n’y a pas de place pour moi”. Sauf que début décembre 2003, Gérard Bulens (ndlr: le directeur général de l’équipe) m’a dit finalement: “il y a une place, donc si tu veux, tu es le bienvenu chez nous”. C’était le jour de la Saint-Nicolas, l’équivalent de Noël en France. Vraiment un truc de dingue pour moi, un beau cadeau. 
 

 « C’était déjà un rêve, une victoire en soi, que de passer pro » 

Maxime Monfort a notamment été champion de Belgique du contre la montre en 2009.

Pourquoi avoir fait le forcing pour obtenir cette place de stagiaire ? 
 
J’avais envie d’être stagiaire car, à l’époque, les catégories espoirs ce n‘était pas comme maintenant. On avait un beau programme, mais ce n’était pas non plus comme celui des pros. Être stagiaire, c’était une véritable promotion pour pouvoir se montrer. Les places étaient chèresIls ne prenaient pas forcément les meilleurs, mais moi je suis Wallon et c’est aussi un avantage car les différents sponsors Belges aiment bien avoir une diversité avec les Flamands. C’est sans doute grâce à ça aussi que j’ai pu avoir cette place.  

Comment se sont passés vos débuts chez les pros ? 

Super bien, car je me suis retrouvé dans un schéma de course bien plus favorable à mes capacités. En espoir, c’était trop explosif. J’avais sans doute le moteur mais ça ne s’était pas encore trop vu. En revanche, ça s’est tout de suite vu chez les pros. Puis il y a eu des circonstances favorables comme lors du Tour du Luxembourg.  

Où vous remportez une étape, votre première victoire professionnelle. Quel souvenir en gardez-vous ?   

En termes d’émotions dans ma vie de cycliste professionnel, il n’y a rien qui pourra dépasser ce moment, car c’était totalement inattendu. Les autres moments d’émotion que j’ai eu dans ma carrière, c’était espéré. Tandis que là, justement c’était inespéré  

Quelles étaient vos ambitions en tant que coureur à l’époque ?  

Je n’avais aucune ambition. C’était déjà un rêve, une victoire en soi, que de passer pro. Je ne m’étais pas fait de plan de carrière, je fonctionnais d’année en année. La deuxième année chez Cofidis, j’ai commencé à avoir des facultés de récupération et des capacités dans les courses par étapes. J’ai fait 7e du Tour d’Allemagne puis 11e de la Vuelta et à partir de là, je me suis un peu concentré sur les Grands Tours, les efforts longs à répétition, et c’est ce qui a rythmé toute ma carrière.  

Une carrière faite de classements généraux, mais finalement assez peu de victoires. Aucune dans les Grands Tours, par exemple. Comment l’expliquez-vous ?  

J’aurais aimé lever les bras, forcément, mais j’ai tellement de difficultés dans l’explosivité de mes efforts, et a contrario tellement eu de facilité dans la récupération que je n’ai jamais connu le moment idéal. En fait, il aurait fallu que je sois dans un grand jour, échappé et qu’il n’y ait personne de plus rapide que moi, ou que je puisse lâcher tout le monde et arriver seul. Et même pour les lâcher, il m’aurait fallu de l’explosivité… franchement, c’était compliqué. Je ne cherche pas d’excuse et je n’ai pas de regrets, je sais que j’ai fait, ce que je pouvais faire et oui, effectivement, il n’y a pas eu de victoire sur les Grands Tours, mais c’est comme ça. Chez les jeunes, je ne gagnais pas sur l’explosivité, non plus. 

Auriez-vous troqué l’un de vos top 15 contre une victoire d’étape ? 

Dans mon cas, certainement ! J’en ai quand même quelques-uns des classements et avec une victoire d’étape, ça aurait eu plus d’allure. Après, c’est comme ça, j’ai fait ce que je pouvais. J’ai bien essayé dans les dernières années de ne plus faire les classements généraux et de jouer les étapes, avec encore un bon niveau, pourtant ça ne l’a pas fait. J’ai à chaque fois pris trois ou quatre échappées, j’ai quelques top 10 d’étapes. Mais rien de plus que ça.  

Vous avez régulièrement changé d’équipe tout au long de votre carrière, quelle est la raison de cette instabilité ?  

Je vois ça comme une évolution. Cofidis, qui m’avait approché après ma victoire au Tour du Luxembourg, était ma priorité. Làbas, j’ai pu évoluer, j’ai découvert le calendrier mondial.  Puis, ensuite, HTC qui était la dream team de l’époque, je ne pouvais pas refuser, c’était un autre rêve qui se réalisait. En 2010, le sponsor n’était plus sûr de rester et en même temps les frères Schleck sont venus me trouver pour me dire qu’ils montaient un projet et qu’ils me voyaient bien avec eux. Là aussi, je ne pouvais pas refuser et enfin au bout de 3 ans, il y a eu des problèmes avec le mécène, avec Bruynel. Puis je me suis engagé avec Lotto.

On imagine que le côté cosmopolite du cyclisme, les grands déplacements, vous attirait ?

Et bien non (rires). Je suis hyper casanier. C’est bizarre de dire ça, mais ce qui m’aide à partir, des fois c’est uniquement ma passion pour le vélo. Humainement parlant, c’est enrichissant parfois de vivre en groupe et de partager beaucoup de choses avec pas mal de cultures différentes et ça, ça m’intéresse beaucoup. Mais c’est sûr que j’aime beaucoup rester chez moi.  

Parlons de vos débuts, pourquoi Cofidis était votre priorité ?  

C’était une équipe nordiste où il y avait toujours eu pas mal de belges. J’avais aussi super bien aimé le discours de Francis Van Londersele et il y avait un programme adapté pour les jeunes. J’ai commencé avec Amael Moinard, Nicolas Roche, Tyler Farrar, Tristan Valentin… On était une bande de jeunes de 23 ans là-bas, c’était super chouette de se retrouver tous ensemble. En plus on habitait tous sur la Côte d’Azur. 
 

« Un grand tour, de toute façon, quand on est jeune, ça fait peur » 

En 2011, Maxime Monfort participe au Tour de France en compagnie des frères Schleck, où il est d’un précieux soutien sur l’étape du Galibier.

 

Comment avez-vous vécu votre premier Grand Tour, le Giro 2006 ? AmaëMoinard nous confiait avoir été particulièrement éprouvé par ce dernier.  

C’était notre premier Grand Tour, on a terminé à 4 chez Cofidis. C’était l’époque où Basso l’avait remporté. Il y avait Ulrich et c’était en plus l’année de l’affaire Puerto. C’est sûr qu’il y avait des “mobylettes” dans le peloton, on ne s’en rendait pas forcément compte mais c’était dur. En plus, c’était un Giro de la belle époque avec des parcours de dingues. On a mis un peu de temps à s’en remettre.   

On ne s’en rendait vraiment pas compte, de cet écart lié au dopage ? 

Non, pas forcément. Un Grand Tour, de toute façon, quand on est jeune, ça fait peur. On se lance dans le truc et on se dit qu’on va galérer mais qu’on va y arriver. Que ça roule 1 kilomètre heure plus vite ou pas, on ne s’en rendait pas forcément compte car, de toute façon, on était lâché et on essayait juste de de terminer dans les délais. Je ne me posais pas forcément la question. Le dopage, c’était dans l’air du temps, et ça l’est toujours. Il y aura toujours un peu de suspicion sur les grandes performances du cyclisme. 

Comment les frères Schleck vous ont-ils fait part de leur attrait vis-à-vis de votre profil ?  

Fränk est venu me trouver sur Paris-Nice. C’est quand même vachement tôt dans la saison. Ils étaient déjà sur le projet et ils avaient déjà, à l’époque, énormément d’influence, Andy allait faire 2e du Tour. Et Franck était aussi au sommet. Relativement rapidement, leur projet s’est matérialisé et j’ai pu donner ma parole avant le Tour de France 2010. J’ai signé juste après, je me rappelle que dans la foulée du Tour, on faisait déjà les essais de vélo.  

Vous connaissiez bien les frères Schleck ?  

J’étais passé pro depuis 6 ans et on se parlait dans le peloton. Comme ils parlaient tous les deux français et qu’on faisait un peu le même programme à chaque fois dans les courses par étapes, on s’est lié d’amitié, un peu comme ça. Avec Franck on a toujours été proche.  

Dans cette aventure Léopard Trek, il y a l’épopée 2011, le podium de Schleck et cette incroyable étape du Galibier. Comment avez-vous vécu ce Tour de France ?  

C’était super. On se présentait avec deux leaders, on avait beaucoup de pression, beaucoup de possibilités de gagner. On avait une “dream team”, c’était assez impressionnant. Quant à moi, j’étais juste fier et content d’être au départ avec eux. On a vécu ça de l’intérieur, on était concentré sur ce qu’on devait faire et conscient de la tâche aussi.

Comment s’est préparée la fameuse étape du Galibier ?  

Le Tour ne s’était pas déroulé forcément comme on voulait. Andy, qui était l’un des grands favoris, avait quand même pris quelques tirs, avait perdu quelques petites secondes, à gauche, à droite. Nous, on voulait renverser la tendance et il fallait faire quelque chose d’un peu risqué qui pouvait finalement devenir exceptionnel. Et ce qui est chouette dans l’histoire, c’est que tout ça s’est préparé trois jours à l’avance. Normalement une tactique de Tour de France ou de n’importe quelle course, d’ailleurs, on s’adapte au fil des jours. Ici, il pouvait encore se passer des choses pendant ces 3 jours mais on a fait en sorte que l’on arrive dans les conditions que l’on voulait au départ de l’étape.  

Quel était votre rôle dans cette stratégie ?  

Il fallait que je sois dans l’échappée, ça c’était le point numéro un. Et il fallait qu’un des équipiers m’accompagne. Ce jour-là, ça bataillait et quand ça bataille sur le Tour de France en 3e semaine, c’est super dur. Il faut être là physiquement et avoir de la chance, en plus. Physiquement, j’étais là mais il fallait le brin de chance et un moment donné je me suis dit “mince ça va pas le faire”… J’étais dans plein de groupes qui se faisaient à chaque fois reprendre. Finalement, je ressors quand un groupe s’est déjà formé et j’arrive à faire le pont. A ce moment-là, c’est bon la première partie est faite, il n’y a plus qu’à avoir de bonnes jambes dans mon cas et pareil pour Andy. Le plus dur pour moi avait été fait à ce moment-là.  

Comment s’est déroulé la suite de l’échappée ?  

Il fallait gérer l’écart pour qu’il ne soit pas trop grand ni trop petit. Il me semble même que l’équipe a roulé un moment donné parce qu’on prenait trop d’avance. Dans l’Izoard, j’ai juste dû me relever un petit peu pour pouvoir prendre Andy au sommet. J’ai vraiment dû ralentir et faire pratiquement du surplace. A partir de là c’était bon. Lui était dans une grande journée aussi et la dernière partie de la journée pouvait commencer.

Vous roulez ensuite dans la vallée jusqu’au pied du Galibier. Comment avez-vous vécu la fin de l’étape ?  

Je suis monté après m’être fait reprendre et avoir fait le boulot. Andy avait encore 4 minutes d’avance sur le peloton donc j’avais eu le temps de récupérer un peu. J’ai cru que je pouvais les accompagner, mais pas du tout ! J’étais totalement au bout du rouleau ! J’ai monté le Galibier tout seul. Mais je savais que le plan avait marché.  

Finalement, comment vit-on ce genre d’exploit, quand on est équipier ?

C’est super. C’est presque une victoire par procuration qui, finalement, donne des émotions super intenses. C’est là qu’on voit que le vélo est un sport collectif, c’est vachement enrichissant humainement parlant. C’est une vraie joie collective et j’ai l’impression que, des fois, ça peut dépasser la joie d’une victoire personnelle. 

« Je suis quelqu’un d’anxieux » 

Après 16 saisons chez les professionnels, Maxime Monfort raccrochera le vélo à la fin de la saison 2019.

Passer de coureur protégé à équipier, n’était-ce pas frustrant, de temps en temps ? 

Non ça ne m’est jamais arrivé de trouver ça injuste. C’était toujours dans l’intérêt de l’équipe et je n’ai jamais dû faire l’équipier pour quelqu’un que j’estimais moins bon que moi, moins à même de faire un résultat. A partir de là, c’était logique de se sacrifier si l’intérêt de l’équipe prévalait. 
 
Vous en profitez pour enchainer sur la Vuelta, édition où vous ferez votre meilleure performance au général (6e). Vous vous y attendiez ?   

Et bien non, pas du tout. C’était prévu que je fasse le Tour pour l’équipe et la Vuelta pour moi. Quand je suis sorti du Tour j’étais cramé. Même le lendemain de l’étape du Galibier, sur l’Alpe d’Huez, je me fais lâcher tout de suite, alors qu’on bataillait tout de même pour le maillot jaune. Mais je n’ai absolument rien pu faire ce jour-là. J’ai juste récupéré deux jours avant la Vuelta. Et j’étais assez étonné d’avoir un tel résultat sur cette course, après coup. 

Cela vous a-t-il donné plus d’ambitions ?  

Oui, ça m’a donné des envies. L’année d’après, j’ai refait le Tour où j’ai fait 16e au général car on se battait pour le classement par équipe. Mais c’était encore la Vuelta qui m’occupait l’esprit et je pensais vraiment y faire un truc. Et finalement pas du tout ! Je pense que 2011, c’était une année d’exception. J’ai refait exactement la même chose en 2012, et ça n’a pas du tout marché.

Vous déclariez qu’être coureur de général c’était beaucoup de stress. Comment l’avez-vous géré tout au long de votre carrière ?  

J’ai essayé de faire au mieux. Ce qui est sûr, c’est que je suis quelqu’un d’anxieux. Je me suis amélioré avec les années, avec l’expérience forcément, mais j’ai une anxiété en moi qui sera toujours là. On ne se refait pas, comme on dit, et forcément dans ces situationslà, ce n‘est pas forcément évident. Il ne faut rien laisser au hasard. Il faut cette réussite, cette concentration de chaque instant. Tout ça a aussi pesé dans la balance quand j’ai décidé d’arrêter ma carrière, parce qu’en fait rouler à vélo, oui, mais être coureur et avoir cette obligation d’être bon à chaque instant, ça devenait difficile à gérer pour moi.  

Quel a été votre Grand Tour préféré ? La Vuelta ?  

Je pense peut-être que je peux hésiter avec le Giro. En tout cas, certainement pas avec la Vuelta, parce que même si je contredis mes résultats, franchement en 2011 c’était encore acceptable. Cette année-là il n’y avait que deux ou trois arrivées dans les petits murs. Mais ça n’avait rien à voir avec ce qu’on a connu à partir de 2012 où c’est devenu un truc de dingue. C’est très bien, je respecte, mais ce n’est pas pour moi. En revanche, le Giro il y a de bons cols longs où l’explosivité ne joue pas forcément.  Et puis le Tour, je suis francophone et on est proche de votre culture en France. C’est important pour nous. Et physiquement parlant, ça me convenait pas mal.  

Comment avez-vous vécu le dernier Tour de France et le départ en Belgique ?  

C’était super. Cela faisait 2 ou 3 ans que je voulais revenir sur le Tour. Rien qu’au départ, j’étais comme un gamin. J’avais besoin de ça pour clôturer ma carrière alors même que je ne savais pas que ce serait ma dernière année. Mais malgré tout, j’ai abordé ce Tour de cette manière, en me disant que c’était peut-être le dernier et j’ai profité de chaque instant. Même les arrivées à l’hôtel. C’était vraiment quelque chose de spécial avec, en plus, ce départ en Belgique et cette ferveur populaire. Formidable !  

Vous terminez votre carrière pour une opportunité encore confidentielle à ce jour. Auriez-vous continué, sans cela ?

En tant qu’équipier, je réalise une belle saison. J’ai fait du bon boulot. Et partir là-dessus, c’est quand même mieux que de refaire un an avec le risque de ne pas être sélectionné sur le Tour. Si ça avait été le cas, ma saison n’aurait pas ressemblé à grand-chose. Le risque était là et je ne l’ai pas pris.  

Ne peut-on pourtant pas réaliser une belle saison, sans courir le Tour de France ? 

Pour un coureur de courses à étapes, pour un équipier comme moi, il y a plein de belles courses que j’ai pu faire mais on n’en a pas beaucoup parlé. Parfois, un peu de reconnaissance c’est bien aussi et sur le Tour, forcément, avec les succès, il y a une reconnaissance assez incroyable derrière. Même si je ne fais pas attention à ce qu’on pense de moi, c’est quand même assez important de temps en temps flatter son ego. Ça aide à survivre dans ce monde-là. Sans le Tour de France, j’aurais fini sur une note moyenne.  

Physiquement, sentez-vous le poids des années ?

Non, pas trop. Je sens surtout que le niveau général augmente. Mais moi, à l’entraînement et avec des paramètres qu’on peut mesurer depuis quelques années de manière assez précise, il n’y avait pas trop de différences. J’aurais sans doute pu encore rouler quelques années.

L’aspect familial vous a til pesé dans votre carrière ?  

Non pas vraiment, ça s’est passé relativement bien. Mon épouse ne m’a connu qu’en tant que coureur, après que je sois passé pro. On a réussi à s’adapter. Ce qui fait l’alchimie, c’est que ma femme a une vie quand je ne suis pas là et les enfants également. Ils ne m’attendent pas, ils vivent sans moi et quand je reviens, c’est moi qui saute dans leur vie et non l’inverse. Je pense que c’est la bonne recette.  

Depuis combien de temps envisagiez-vous d’achever votre carrière ?  

Je finis ma carrière parce qu’il y a de belles opportunités qui se présentent pour moi. J’ai fait une belle dernière saison, il y a le stress dont je vous ai parlé, puis tout ce qui est inhérent à la vie de coureur cycliste, tout cela pèse. Ce sont des choses auxquelles je pensais déjà depuis quelques années. Depuis 2017, je mettais des choses en place dans ma vie et je commençais à construire petit à petit l’après. J’ai notamment pratiquement terminé de valider mes diplômes d’entraîneur, entre autres. C‘est pour ça que ce n’est pas si difficile d’avoir pris cette décision. Une fois que je l’avais prise, je savais où j’allais.  

Maintenant que votre carrière s’achève, quel regard portez-vous sur ce que vous avez pu accomplir ?  

Moi je suis super content parce que si on m’avait dit que j’aurai cette carrière là, j’aurai signé tout de suite. Je sais que j’ai exploité 100 % de mon potentiel. Par rapport à ça, je ne peux avoir aucun regret. Oui je n’ai pas beaucoup de victoires et peut-être que certains, ou moi-même, auraient bien aimé en avoir plus, notamment sur les grands tours. Mais vraiment, j’ai exploité 100 % de ce que j’avais dans le corps. Je dois être heureux de ce que j’ai accompli. Et je suis heureux, il n’y a pas de problème.

Propos recueillis par Bertrand Guyot (@bguyot1982pour Le Gruppetto 

 

Crédit photo : Sylvain LecocqHaggisnl / W. Germeys / Clémence Ducrot

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Re: Maxime Monfort : "je dois être heureux de ce que j'ai ac

Messagepar Samuel » 03 Oct 2019, 18:38

Top d'avoir son ressenti sur sa carrière, on aurait pu le croire plus frustré au vu des attentes placées en lui au début de sa carrière et ses résultats :ok:
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Re: Maxime Monfort : "je dois être heureux de ce que j'ai ac

Messagepar CycloNico » 03 Oct 2019, 19:28

Vraiment très intéressant :ok:
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Re: Maxime Monfort : "je dois être heureux de ce que j'ai ac

Messagepar Varkana » 04 Oct 2019, 10:37

Vraiment un chouette coureur ! Avec plus d'explosivité il aurait pu aller loin. Maintenant il a une carrière plus qu'honorable et a toujours été un équipier modèle.
Dire que j'ai été à l'école avec son frère et sa soeur ^^
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Re: Maxime Monfort : "je dois être heureux de ce que j'ai ac

Messagepar LibertyS » 04 Oct 2019, 11:22

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