Après 4 participations à la Vuelta ces dernières années, Stéphane Rossetto s’apprête à participer à son premier Tour de France, à l’âge de 32 ans. L’occasion pour nous de revenir avec le coureur de la Cofidis, tout juste remis d’une lourde blessure au bassin, sur sa relation avec la Grande Boucle.
« J’ai toujours adoré le Tour de France »
Quels sont vos souvenirs d’enfance liés au Tour de France ?
Le Tour, ça représente les vacances. Soit je le regardais à la télé soit je l’écoutais à la radio. La radio, sur la route des vacances, ça a toujours été un truc que j’ai apprécié, même encore l’année dernière. Sinon, j’ai rarement vu le Tour passer au bord des routes. J’ai dû le voir deux fois. A côté de chez moi, il y avait une côte et je me souviens de la Fassa Bortolo, qui emmenait le peloton et l’avait grimpé comme si ce n’était rien du tout.
Etiez-vous féru de cyclisme et du Tour en particulier ?
Moi, j’aime le cyclisme en général, ce n’est pas que le Tour de France. Je m’intéresse au vélo depuis le début des années Armstrong et je n’ai sans doute pas raté une miette du vélo depuis cette époque-là. Après, bien entendu, j’ai toujours adoré le Tour de France et ça m’a toujours fasciné de pouvoir le faire, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour cette course formidable. Mais il y en a tellement, de belles courses… C’est la plus belle, mais c’est surtout la seule, quand j’étais gamin, que l’on voyait à la télé avec une retransmission conséquente.
La Tour n’était donc pas LA course à laquelle vous rêviez de participer un jour ?
Si bien sûr, c’est forcément le Tour quand on est gamin. Je me disais que le jour où je le ferais, quand quelqu’un me demanderait si j’avais fait le Tour de France je lui répondrais oui et il n’y aurait plus ce blanc qui signifie : “ok, t’es pro mais tu n’es pas un vrai coureur”. Mais bon, à un moment donné, j’ai aussi accepté l’idée de ne pas la faire (rires)…. Ces dernières années j’ai tellement eu l’habitude de ne pas le faire que je n’en faisais plus une fixette. Je me disais ça serait génial de pouvoir le faire, sinon tant pis.
Avez-vous vécu l’arrivée de Cedric Vasseur, l’année dernière, comme l’occasion de pouvoir enfin avoir la chance de participer à l’épreuve ?
Non, ce n’est pas parce que Vasseur est arrivé que je me suis dit : ”ça y est, je vais faire le Tour”… c’était à moi de montrer que j’avais ma place. Cédric est très attaché au Tour de France et j’avais juste à lui montrer ce dont j’étais capable. C’est quelqu’un qui aime les attaquants, on a appris à se connaître et il m’a fait confiance depuis le début. C’est aussi moi qui me suis donné les moyens, c’est un échange. Lui m’a donné la chance de faire un bon programme de course, de revenir tranquillement après ma blessure, et moi, je lui ai prouvé que j’avais le niveau qu’il demandait.
Finalement, avec vos capacités de rouleur, n’auriez-vous pu intégrer les trains des sprinters de la Cofidis alignés sur le Tour précédemment ?
Les trains en World Tour, il y en a deux, trois qui dominent au niveau mondial, Quick Step, les deux Lotto. Moi le travail que je suis capable de faire en amont, c’est dans les 50 derniers kilomètres, jusqu’aux 10 derniers kilomètres et après je n’interviens plus, parce que frotter, c’est vraiment pas mon truc et en plus, je ne suis pas assez rapide. Et ce type de travail, sur ces courses, il y a toujours d’autres personnes qualifiées pour le faire. Par contre, cette année, je rentre dans le profil de baroudeur demandé par l’équipe. C’est ça, mon profil et non celui d’un coureur destiné à amener un tel ou un tel.
Et ce profil de baroudeur n’était pas compatible avec l’équipe, les années précédentes ?
J’ai toujours été un peu dans les papiers En 2017, l’année où je devais peut-être le faire, je me blesse lors des Championnats de France : Côtes et poignets cassés, le Tour, il ne fallait même plus y penser. 2016, pareil je me suis blessé avant. Cédric avait plus dans l’idée de m’aligner sur la Vuelta et il a bien fait parce que je me suis bien épanoui dans un rôle de baroudeur, d’équipier et ça m’a fait progresser, ça a donné la certitude que j’étais capable de faire le Tour.
« Quand je pars devant ce n’est pas pour passer à la télé »

Comment accepte-t-on de ne pas être sélectionné sur une telle épreuve ?
On le vit bien parce qu’on accepte les choix. Je tourne vite la page. Je regardais le Tour après le Tour d’Autriche, quand on finissait après 14-15 heures on regardait l’étape à la télé. Ou alors, je regardais aussi le Tour avec intérêt quand j’étais en stage à la montagne. Il n’y avait aucune amertume, j’ai toujours suivi ça avec entrain : toujours de la passion, jamais de mauvais esprits.
Comment avez-vous appris votre sélection ?
Cédric m’a téléphoné pour me l’annoncer. J’étais assez confiant depuis quelques semaines car l’équipe me disait que ça allait dans le bon sens.
Qu’est ce qui a fait la différence cette année, selon vous ?
Dans l’idéal, pour arriver sur le Tour dans de bonnes conditions, il ne faut pas se mettre la pression avant. C’est cette pression, qui, parfois, te mène à la faute. C’est un peu l’erreur que j’ai faite les années passées, à trop vouloir bien faire et finalement tomber malade, être en forme trop vite ou prendre trop de risques et tomber. Il faut faire abstraction, et rester frais. Perdre cette fraîcheur ça aurait été dommage parce que c’est sans doute pour ça que je suis sur le Tour. Car maintenant ce que je veux ce n’est pas qu’être au départ mais aussi être acteur de la course
Etre acteur, ce sera quoi, selon vous ?
Il ne faudra pas arriver à Paris en se disant : “merde je n’ai rien fait“. Je regarderai le profil, le vent et je m’adapterai sans à priori. En fonction de comment je me lèverais le matin, si j’ai les jambes je ne m’interdirais rien. Des fois il faut simplement écouter son corps et faire au jour le jour
Quitte à participer à des échappées “publicitaires” ?
Les échappés publicitaires, on ne sait jamais si elles vont être publicitaires ou pas ! Je pars du principe que quand je pars devant ce n’est pas pour passer à la télé. Il y a toujours quelque chose à jouer, il suffit qu’il y ait un problème derrière, une chute …au Dauphiné ça s’est joué à 1 km. Si ça arrive et qu’on gagne alors on devient des héros. En plus, parfois, on n’est pas plus mal, échappés à deux ou trois que dans un peloton sous tension.
Des craintes, pour ce premier Tour ?
Non, j’ai survolé le parcours. Hormis la première étape, avec les pavés, même si j’adore ça, à la télé, les classiques, ce n’est pas forcément ce qui me plaît surtout qu’il y aura de la tension. Sinon des étapes avec du gros vent côté vers Nancy ça me ferait chier (sic) aussi.
Un Tour de France réussi, ce serait quoi ?
Je n’ai pas d’objectif précis, ça serait d’être dans une échappée qui aille au bout et jouer la gagne. Après sur le Tour, entre jouer la gagne et y arriver, il y a un monde, mais d’un autre côté, si on ne tente pas le coup, on ne risque pas de réussir (rires). Il faut tenter des choses et ce n’est pas un Tour où j’ai envie de rester dans les roues. Je ferai le bilan à la fin.
Propos recueillis par Bertrand Guyot (@bguyot1982) pour Le Gruppetto
Crédit Photo : Mathilde l'Azou & Flore Buquet