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Plus vieux coureur en activité de l’histoire du cyclisme professionnel, Davide Rebellin épinglera son dernier dossard au matin du championnat d’Italie, titre qu’il n’a jamais su conquérir malgré des prédispositions évidentes pour les courses d’un jour, qu’il a tant chéries depuis ses lointains débuts dans les pelotons professionnels en 1992, où il se targuait déjà d’essaimer les top-10. Le collectif La Bordure lui a consacré un documentaire mettant en lumière son extrême dévouement pour le sport cycliste.


« Beaucoup me disent que je suis fou de courir encore à cet âge. » D’emblée, Davide Rebellin pose son personnage de vétéran et le situe dans l’environnement feutré du cyclisme professionnel. Sur les courses se mélangent admirateurs et détracteurs. À 47 ans, les rides ont naturellement creusé des sillons sur son visage. Appelé « le vieux du peloton » par ses collègues, son ancienneté représente pour lui un motif d’orgueil qui le pousse à continuer plus loin encore.

Le documentaire, nommé « Il vecchio Saggio » (« le vieux sage » en italien), suit la progression du puncheur vénitien sur les routes du Tour du Haut-Var, l’une des rares épreuves cotées du calendrier européen ayant la grâce de lui ouvrir encore ses portes. Le voilà flanqué de la tenue de l’équipe algérienne Sovac, accoutumé à se changer dans une camionnette basique défiant timidement les cars climatisés des formations WorldTour. À creuser son sillon dans d’anciens et glorieux souvenirs, comme sur le Mont Faron qu’il avait jadis dompté, au siècle dernier. La réminiscence d’une époque où lui avait été attribué le sobriquet suivant : « Il Chierichetto » (« l’enfant de chœur »), pour son attitude de chrétien pratiquant et son caractère réservé.

Rapidement devenu un coureur qui compte au cours des sulfureuses années 90, ce serviteur de Dieu puise en partie sa force et son explosivité sur le vélo de pratiques moins louables largement répandues dans le peloton. Célébré depuis 2004 comme un grand champion du temps de son triplé historique sur les classiques Ardennaises, son histoire va soudainement basculer le 28 avril 2009, lorsque la presse italienne annonce son contrôle positif à l’EPO CERA lors de la course en ligne des Jeux olympiques de Pékin. Contraint de troquer sa médaille d’argent contre une couronne d’opprobre, le discret Vénitien n’a jamais su réellement se faire pardonner cette incartade et se voir accorder une seconde chance dans l’élite professionnelle, contrairement à d’autres personnalités controversées du cyclisme italien comme Ivan Basso, Danilo Di Luca ou même Riccardo Riccò (ces deux derniers ayant depuis été surpris à fauter à une ou plusieurs reprises).

Comment l’expliquer, autrement que par le poids des saisons qui s’accumule ? Le documentaire dessine une réponse – à travers les témoignages d’amis et mentors, fidèles ou de passage – en dépeignant Davide Rebellin tel que souvent décrit : un taiseux mu par une profonde passion pour son sport, doué d’une pudeur propre aux grands timides. Officiellement suspendu deux ans pour sa mésaventure olympique, lui ajouterait volontiers quatre à cinq années supplémentaires à son purgatoire. C’est dans cette méfiance propre à son caractère réservé que réside certainement sa constante difficulté à retrouver une place au sein du premier échelon du peloton. Une conclusion somme toute logique pour quelqu’un qui reconnaît ne jamais avoir eu l’état d’esprit pour s’imposer à ses coéquipiers, et préférer à l’agitation la solitude.

Toujours capable de cumuler les heures d’entraînement à la manière d’un vrai coureur professionnel et appliqué sur son métier, celui qui a obtenu la moitié de ses victoires sur des courses d’un jour apporte sa propre nourriture sur les courses – lui qui affirme ne manger ni pain ni pâtes depuis près de 20 ans – et confectionne lui-même ses repas, à base de dattes et de lentilles. Davide Rebellin court seul et cela lui sied.

Au crépuscule de sa carrière, le Vénitien est aujourd’hui membre de la formation continentale croate Meridiana Kamen, pour laquelle il avait déjà couru au sortir de sa suspension avant d’aller prêter ses services en Pologne, au Koweït et en Algérie. Forcément contraint d’enchaîner les courses exotiques, il affirme avoir « revu le vrai cyclisme » dans ses escapades au bout du monde, plus humain et plus aimant envers ses adeptes. Encrée dans la peau, sa motivation se résume en une phrase : « Ose quelque chose de digne », comme pour se pardonner de quelque méfait et exprimer le meilleur de sa personne pour le temps qu’il reste. Ces quelques mots l’accompagneront sur la selle jusqu’au 30 juin, à Compiano, pour la dernière d’innombrables sorties. Un dimanche, jour du Seigneur.

Pour télécharger le film (3,90€), rendez-vous sur le site de La Bordure.

Par Alexandre Bardin (@AlexandreBardin)

Crédit Photo : La Bordure
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Re: Le dernier baroud de Rebellin

Messagepar Adramelech » 15 Mai 2019, 09:08

Super article :ok:
il va me manquer, personellement :diantre:
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Re: Le dernier baroud de Rebellin

Messagepar gosso » 15 Mai 2019, 09:17

Encore un papier très bien écrit ;)
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Re: Le dernier baroud de Rebellin

Messagepar Loiloi29 » 15 Mai 2019, 15:13

Superbe article :up
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