Du haut de ses 584 mètres d’altitude, il surplombe Toulon et ses alentours. La route à sens unique qui mène à son sommet par l’Ouest présente des pentes sévères, souvent supérieures à 8%. Dimanche 24 Février, le Mont Faron fera son retour dans le monde du cyclisme, à l’occasion de la troisième étape du Tour du Haut-Var. Retour sur la riche histoire cycliste de cette ascension.
Cette sympathique ascension offrant un magnifique panorama sur la mer ne pouvait laisser les organisateurs de courses cyclistes indifférents. Dès 1920 est créée la course du Mont Faron. Le français Gustave Ganay, excellent demi-fondeur qui décédera des suites d’un accident sur le Parc des Princes en 1926, ouvre le palmarès. En 1924, un coureur d’un autre calibre s’impose en la personne d’Alfredo Binda. Mais l’Italien n’a que vingt-et-un ans et à l’époque, il n’est encore qu’amateur. Toutefois, ses nombreuses victoires dans le Sud-Est de la France font de lui un bel espoir et il termine quatrième du Tour de Lombardie en fin de saison pour sa première participation. L’italien Sébastien Piccardo (qui sera naturalisé français en 1950) et le redoutable sprinteur français Charles Pélissier remportent ensuite tour à tour deux fois consécutivement la course du Mont Faron. Après Binda et Pélissier, un autre prodige remporte l’épreuve dans sa jeunesse : en 1933, René Vietto, connu pour ses sacrifices pour Antonin Magne lors du Tour 1934, devient à dix-neuf ans le plus jeune vainqueur de l’épreuve.
C’est après la Guerre et les quatre victoires consécutives de Francis Fricker que la popularité de cette course explose, en particulier chez les spécialistes du cyclo-cross : Jean Robic et Roger Rondeaux grimpent sur le podium en 1949. Mais ce qui va contribuer à cette popularité, c’est surtout la création d’une seconde seconde course, à sept jours d’intervalle, la course de côte du Mont Faron contre-la-montre, en 1952. Dès lors, de nombreux cyclistes de renom inscrivent leur nom au palmarès : Jean Dotto remporte trois fois chacune des deux compétitions, à la fin des années 1950 Charly Gaul et Roger Rivière décrochent l’épreuve contre-la-montre. La popularité de ce col devient telle que les organisateurs du Tour de France décident de l’intégrer au parcours en 1957, sur la douzième étape entre Cannes et Marseille, qui comprend également l’ascension de l’Espigoulier. Si la montée permet à Stablinski de lâcher son compagnon d’échappée Anglade pour aller s’imposer en solitaire à Marseille, elle n’aura pas eu une grande influence sur la course, et on ne la reverra plus jamais sur les routes de la grande boucle.
Après les succès de Simpson en 1960 et Poulidor en 1961, le grimpeur espagnol Federico Bahamontès remporte trois fois d’affilée la course contre-la-montre et deux fois la course en ligne. Il s’était déjà imposé sur ces deux courses au cours de la décennie précédente, profitant de ses qualités de grimpeur mais aussi de son expérience sur ce style d’épreuves. En effet, de nombreuses courses de ce type ont lieu en Espagne à l’époque comme la Subida a Arrate, dont le sextuple meilleur grimpeur du Tour détient le record de victoires, mais aussi la Subida al Naranco, la Subida a Urkiola et bien d’autres que l’on se gardera d’énumérer. Après le règne de l’aigle de Tolède, la course en ligne disparaît en 1966 (la dernière édition remportée par Raymond Delisle correspond à la deuxième étape du Tour du Languedoc). Les Français reprennent la main sur la course contre-la-montre avec les victoires de Jacques Anquetil, Raymond Poulidor, Raymond Delisle, Lucien Aimar et Bernard Thévenet avant qu’elle disparaisse à son tour en 1971.

Jean-Christophe Péraud est le dernier à s’être imposé au sommet du Mont-Faron. C’était en 2014 lors du Tour Méditerranéen !
Mais le Mont Faron ne meurt pas pour autant. En 1974, l’arrivée d’une demi-étape de Paris-Nice y a lieu. Joop Zoetemelk s’impose avec trente secondes d’avance sur Bernard Thévenet et Raymond Poulidor, ravissant ainsi le maillot blanc de leader à Eddy Merckx. Le contre-la-montre au col d’Èze confirme la supériorité du néerlandais, qui repousse Agostino à vingt secondes et Merckx à plus de quarante secondes. L’année suivante, les coureurs de Paris-Nice doivent à nouveau gravir le Mont Faron, mais contre-la-montre. Zoetemelk, maillot de leader sur le dos, s’y impose à nouveau, et gagne également l’exercice solitaire du col d’Èze le lendemain, repoussant ainsi Merckx à une minute trente au général.
Le Mont Faron devient à partir de 1976 le juge de paix du tout nouveau Tour Méditerranéen. Il le restera jusqu’à la dernière édition de l’épreuve en 2014, à l’exception de l’édition 2012 remportée par Tiernan-Locke. Lors des premières années, les organisateurs ont coutume d’organiser un contre-la-montre en côte entre Toulon et le Mont Faron. Si cette difficulté est la plus ardue de l’épreuve, s’y imposer n’assure pas de remporter le classement général : Gilbert Chaumaz en fait l’expérience en 1977 face à l’inévitable Eddy Merckx. Michel Laurent et Gerrie Knetemann trustent les éditions suivantes, le Français s’impose deux années consécutivement au sommet du Mont Faron tandis que le Hollandais n’y décroche qu’un seul succès, mais remporte trois fois le classement général de l’épreuve, ce qui constitue un record inégalé.
Entre 1987 et 1992, Paris-Nice propose chaque année une arrivée au sommet du Faron. Cela n’empêche pas Sean Kelly de remporter ses sixième et septième Paris-Nice consécutifs. Jean-François Bernard lui donne du fil à retordre en 1987, pas l’Américain Andrew Hampsten qui s’y impose l’année suivante sans peser sur la course au général. Miguel Indurain y termine deuxième en 1989 puis vainqueur en 1990 pour ses deux Paris-Nice remportés. Rominger s’impose ensuite sur les hauteurs de Toulon en 1991 et 1992, il doit cependant se contenter de la deuxième place au général derrière Jean-François Bernard, vainqueur au col d’Èze, en 1992. En plus de gagner deux fois au Mont Faron sur Paris-Nice, Rominger y a décroché deux succès sur le Tour Méditerranéen, en 1988 et 1990. C’est pourtant en 1989 que le Suisse remporte pour la seule fois de sa carrière le classement général de cette course. Les années 1990 sont le théâtre d’une domination sans partage des coureurs italiens sur le « Tour Méd », en particulier l’édition 1995 où les sept étapes sont remportées par des coureurs de la botte, Bugno s’impose cette année-là au sommet du Mont Faron devant son équipier Rebellin pour terminer sur la première marche d’un podium final 100% transalpin. Même si Jalabert parvient à décrocher l’étape du Mont Faron et le classement général en 2000, la domination italienne reste bien en place au XXIème siècle avec les succès de Michele Bartoli, Davide Rebellin, Ivan Basso ou encore Paolo Bettini.
Sur Paris-Nice, c’est Vinokourov qui met à profit les deux arrivées au Mont Faron en 2002 et 2003 pour, à chaque fois, remporter l’étape, prendre le maillot de leader et le conserver jusqu’au bout. En 2005, Gilberto Simoni y décroche un beau succès en repoussant tous ses rivaux à plus de vingt secondes, mais ne parvient pas à lutter pour une bonne place au général. Depuis, on n’oubliera pas que Chris Froome a décroché au sommet de cette ascension sa première performance digne de ce nom en montagne avec une troisième place en 2009 derrière David Moncoutié et Mauricio Soler et que Jean-Christophe Péraud est le dernier coureur à s’y être imposé, en 2013 et 2014, mais devant à chaque fois se contenter de la deuxième place au général, battu par Thomas Löfkvist puis Stephen Cummings.
Le Mont Faron a participé à la légende du cyclisme. Les plus grands s’y sont illustrés, pourtant, avec cinq ans d’absence, il commençait à tomber dans l’oubli. Alors c’est avec joie que l’on attend son retour, demain, en tant que juge de paix du Tour du Haut Var. En espérant un duel entre nos deux grimpeurs français, Thibaut Pinot et Romain Bardet, que l’on n’a plus réellement vu s’affronter depuis trois ans et la victoire du Franc-Comtois devant l’Auvergnat à Méribel sur le Dauphiné 2016.
Par Raphaël Thomazo.
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