Avec la médaille d’argent de Romain Bardet au dernier championnat du monde ou encore la victoire de Thibaut Pinot sur le Tour de Lombardie, les Français n’en finissent plus de montrer qu’ils sont à nouveau parmi les tous meilleurs coureurs du peloton. Cependant, malgré les grimpeurs, les sprinteurs et les puncheurs de classe mondiale que la France possède, il y a comme un sentiment d’inachevé et ce retour au premier plan a du mal à s’affirmer.
Le 30 septembre dernier, la France a décroché une médaille sur la course en ligne des championnats du monde, une première depuis 2005. Mais paradoxalement, pour beaucoup c’était une déception. Au vu de la domination des coureurs français dans le final, le titre était presque une obligation. Cette deuxième place de Romain Bardet fait écho à cette difficulté que rencontre le cyclisme français à concrétiser sur les grands rendez-vous.
Concrétiser, c’est pourtant ce qu’a réussi à faire Thibaut Pinot deux semaines plus tard. Sur le dernier monument de la saison, le Franc-Comtois a décroché le Tour de Lombardie avec la manière ! Mais c’est seulement le deuxième monument, après Arnaud Démare en 2016 sur Milan San Remo, depuis 1997 et Laurent Jalabert sur ce même Tour de Lombardie.
Alors oui, il ne faut pas être trop critique et saluer la bonne santé de notre cyclisme. Sous l’impulsion des Alaphilippe, Pinot, Bardet, Démare et cie… Le cyclisme français ne s’était plus aussi bien porté depuis les années 1990. Les résultats des tricolores des années 2000 paraissent désormais lointain, à une époque où les Français ne parvenaient pas à faire le poids dans un peloton gangrené par le dopage de masse. Depuis quatre-cinq saisons maintenant, la France est à nouveau au niveau des meilleures nations. Les séries de non-résultat sur les grandes courses, souvent longues de plus de 20 ans, tombent les unes après les autres.
Entre 1999 et 2014, les Français ne sont montés que deux petites fois sur les podiums des monuments (deuxième de Paris Roubaix 2012 avec Sébastien Turgot et deuxième du Tour des Flandres 2011 avec Sylvain Chavanel). Alors qu’entre 2015 et 2018, les Bleus en sont à huit podiums dont deux victoires. Les excellents résultats s’enchaînent : pour la première fois depuis 21 ans, la France est montée sur le podium de trois monuments lors d’une même saison (Romain Bardet à Liège, Arnaud Démare à San Remo et Thibaut Pinot en Lombardie).
Du côté des Grands-Tours, la bonne forme est revenue depuis quelques années maintenant. Absent de la lutte pour le maillot jaune sur la Grande Boucle pendant de nombreuses années; les Français, grâce à Jean-Christophe Péraud et Thibaut Pinot en 2014, puis Romain Bardet en 2016 et 2017, sont montés à 4 reprises sur le podium. Une performance qui n’était plus arrivée en si peu de temps depuis la fin des années 80. Rajoutons à cela les nombreuses victoires d’étapes, 8 cette saison, comme l’année dernière.
La France est historiquement une nation phare du cyclisme. Elle a su rester sur le devant de la scène, grâce à ses épreuves, même quand les résultats de ses sportifs étaient en berne. La diversité des paysages de son territoire et les nombreuses structures professionnelles en place aujourd’hui, sont une chance et rares sont les pays possédant autant de ressources. Alors évidemment cette densité de coureurs au plus haut niveau est une aubaine, encore faut-il pouvoir concrétiser pour affirmer définitivement le retour de la France au plus haut niveau dans le cyclisme masculin. Cette consécration passera inévitablement par un maillot jaune sur les Champs-Elysées. Sans cela, difficile de parler d’un réel renouveau du cyclisme français.
La France a retrouvé bien plus qu’un second souffle, en témoigne les quelques chiffres cités précédemment. En 2018, la France se classe deuxième au classement UCI derrière la Belgique. Mais pour autant, auprès du public, le Tour de France reste le symbole du cyclisme. De par son histoire avec la petite reine, la France n’est pas un pays comme un autre. L’exigence y est plus élevée et il faudra remporter le Tour pour définitivement passer à autre chose. Bernard Hinault, dernier vainqueur de la Grande Boucle en 1985, attend son successeur, mais pour combien de temps encore ?
Romain Bardet et Thibaut Pinot sont-ils en mesure de s’imposer sur la Grande Boucle face à la forte concurrence Britannique, Colombienne, ou encore Néerlandaise ? Ou faudra t-il attendre l’explosion de Pierre Latour, voire d’un David Gaudu pour parvenir à bout de plus de 30 années de disette ?
Une chose est sûre, les Français continueront de briller au plus au niveau encore un bon moment, car la génération 1990/92 n’a pas fini d’éblouir les suiveurs. Et ce retour au plus haut niveau devrait être bientôt confirmé par les 1995/96 des Madouas, Cosnefroy, Gaudu, Paret-Peintre, Vincent…
Par Awen Le Gall
Crédit Photo : FFC / Clémence Ducrot / Awen Le Gall