En plein Tour de France 2018, LeGruppetto vous propose un nouveau classement pour connaître le coureur ayant le plus brillé sur les routes du Tour. La seule condition pour figurer dans ce classement est de ne jamais avoir remporté la victoire finale. Dernière partie avec les places allant de 10 à 1 :
Pour ce classement, tout a été compilé de 1903 à 2017. Tout a compté (classement général, classements annexes, port du maillot jaune …).
Mais ceux qui ont gagné la Grande Boucle ont été mis de côté. Ainsi, ce sera l’occasion de retrouver ou de découvrir quelques coureurs et quelques anecdotes les concernant. La première place est à 100 points par défaut. Par conséquent, un coureur annoncé avec 25 points aurait en fait cumulé un quart des points du premier.
10ème : Félicien Vervaecke, 55 pts
Le flamand était un des piliers de « l’escadron noir » après de belles années en touriste-routier, surnom donné par Henri Desgrange à l’équipe de Belgique sur le Tour de France des années 1930, en raison de la tenue de l’équipe nationale Belge à ses origines, avant qu’elle n’opte pour le bleu ciel plus connu aujourd’hui. 7 fois au départ de la Grande Boucle, il en termine 4, avec une place au pied du podium en 1934, puis la plus basse marche du podium les deux années suivantes, avant une place de dauphin en 1938, après s’être imposé à 4 reprises, dont les deux tiers d’étapes disputés en contre-la-montre dans ce Tour, ainsi que la traditionnelle Pau-Luchon, dans laquelle il obtient le maillot jaune, qu’il laissera une semaine plus tard à Gino Bartali dans les Alpes, tout comme il lui laisse le Grand Prix de la Montagne. Ce challenge, remplaçant le prix du meilleur grimpeur en 1933 (il s’agissait d’une récompense décernée par l’Auto en fin de Tour, un peu comme le titre de super combatif actuellement), a vu le Belge être le premier coureur à le remporter à deux reprises. En 1935 tout d’abord, en passant en tête de 8 des 15 cols. Il est moins dominateur en 1937, mais reste leader du classement à la sortie de la haute montagne. Cependant, l’ambiance tendue et une pénalité jugée arbitraire donnée à Sylvère Maes, alors maillot jaune, se combinant à la perte de temps après avoir été bloqué par un train (voyant son avance passer de 3 minutes à une vingtaine de secondes), entraîne l’abandon collectif de la formation Belge. Cependant, le règlement de l’époque n’empêchait pas un coureur abandonnant de remporter le classement, ce qui fait de Félicien Vervaecke le seul coureur vainqueur d’un classement annexe du Tour de France à ne pas avoir terminé ce Tour.
9ème : Claudio Chiappucci, 56 pts
L’Italien serait sans doute premier d’un classement similaire cumulant les trois grands Tours, puisqu’en plus de ses deux maillots à pois et de ses podiums sur le Tour de 1990 à 1992, il termine sur le podium du Giro de 1991 à 1993, y remporte 3 maillots vers des grimpeurs et un classement par points. Ses Tours 1991 et 1992 l’on vu faire de longs raids en montagne, y cumulant le prix de la combativité en plus de ceux de la Montagne et de podiums derrières l’intouchable Miguel Indurain. On peut notamment citer l’étape de plus de 250 kilomètres entre Saint-Gervais et Sestriere en 1992, via le Col des Saisies, le Cormet de Roseland, le Col de l’Iseran, le Col du Mont-Cenis et la montée finale. Une folie commençant à 9 heures du matin, pour s’achever près de 8 heures plus tard (et encore, avec près d’une heure sur ce qu’avait imaginé l’organisation de l’époque), forçant à l’arrêt de plus de 10 % des coureurs du peloton, par un abandon en cours d’étape, une mise hors délais pour être arrivé trop tard en Italie ou encore une mise hors course pour s’être accroché aux véhicules. Une étape folle animée par Claudio Chiappucci dès le départ, se glissant dans l’échappée avant de s’isoler dans l’Iseran, pour passer en tête de tous les cols de l’étape et lever les bras après être resté seul en tête plus de 100 kilomètres. Mais bien avant cela, il s’était révélé en 1990 autour du Futuroscope. Au lendemain du prologue, il était alors tradition d’avoir une courte étape en ligne le matin s’achevant vers midi, avant un contre-la-montre par équipes l’après-midi. L’étape en ligne, bien que plate, souriait souvent aux échappés, le peloton se concentrant sur l’épreuve chronométrée bien plus piégeuse. Aux côtes de Frans Maassen, Ronan Pensec et Steve Bauer, Claudio Chiappucci prenait une dizaine de minutes au peloton, pour prendre le maillot jaune à Ronan Pensec dans les Alpes lors du contre-la-montre en montée vers Villars-de-Lans. Il possède alors 7 minutes sur Erik Breukink et sur Greg LeMong et 9 sur Greg LeMond. Le lendemain, la canicule voit le peloton exploser dans yune simple côte de 4ème catégorie en milieu d’étape. Ca et le Col de la Croix-de-Chaubouret dans le final voient le maillot jaune terminer à 5 minutes des favoris. On le voit alors irrémédiablement perdu, mais il a l’audace d’attaquer dans le Col d’Aspin, pour y passer en tête et gérer son avance dans le Tourmalet et n’être repris que dans la montée finale vers Luz-Ardiden, où il garde le maillot jaune pour 5 petites secondes sur Greg LeMond. L’Aubisque et Marie-Blanque le lendemain ne font pas d’écarts entre l’Italien et l’Américain, qui ne fait la différence que dans le contre-la-montre du Lac de Vassivière, à la veille de l’étape de Paris. Le cas particulier de 2006 mis à part, il faudra attendre plus de 20 ans pour revoir un changement de maillot jaune si proche de Paris.
8ème : Raphaël Géminiani, 57 pts

Coureur cycliste d’après-Guerre puis directeur sportif, notamment de Jacques Anquetil, le » Grand Fusil » a marqué la planète cycliste pendant plusieurs décennies.
Lui aussi aurait été mieux classé en intégrant les divers Grands Tours, puisqu’il a porté le maillot jaune, le maillot rose et le maillot or. En 1955, il est même un des trois premiers coureurs à terminer les 3 Grands Tours la même année, en terminant même 3ème de la Vuelta, 4ème du Giro et 6ème du Tour. Si d’autres coureurs ont accomplis les 3 Grands Tours la même année depuis, on attend toujours un cumul d’aussi belles places. Sur le Tour, il compte 12 participations en tant que coureurs, étalées de 1947 à 1959, avant d’en connaître bien d’autres en tant que directeur sportif, notamment autour de Jacques Anquetil. Sur son vélo, il remporte 7 étapes, un Grand Prix de la Montagne et monte sur le podium avec un mieux la place de dauphin en 1951, même s’il reste à 22 minutes d’un intouchable Hugo Koblet. Ce Tour 1951 le voit aussi meilleur grimpeur (face au Suisse, mais aussi à Gino Bartali et Fausto Coppi) et vainqueur, chez lui, à Clermont-Ferrand, au terme d’une belle échappée dans une étape de moyenne montagne s’achevant au bas de la descente du Col de Ceyssat, tout proche du Puy de Dôme, que le Tour découvrira l’année suivante. Absent du Tour en 1957, après avoir terminé 5ème de la Vuelta et du Giro au printemps, il revient dans la Grande Boucle en 1958 pour y découvrir les joies du maillot jaune pour la première fois, à l’issue de la première étape Pyrénéenne. Son avance de 3 secondes sur Vito Favero ne lui permet pas de tenir, laissant la tête du général à l’Italien dès le lendemain, à la faveur des bonifications. Il retrouve le jaune à l’issue du contre-la-montre vers le Mont Ventoux, puis creuse l’écart dans les premières étapes des Alpes, repoussant l’Italien à près de 4 minutes et Jacques Anquetil à près de 8. Charly Gaul est alors 6ème, à plus de 16 minutes de l’Auvergnat. Mais la folle étape sous la pluie renversera tout. Avec le Lautaret, Chamrousse via le Luitel et le triptyque Porte-Cucheron-Granier dans la Chartreuse, tout est remis à zéro avec des écarts monumentaux pour cette seule étape : Vito Favero en jaune, pour 39 secondes sur Raphaël Géminiani et 1’07’’ sur Charly Gaul, vainqueur de l’étape après une magnifique performance. Le Luxembourgeois s’emparera du maillot jaune dans les 74 kilomètres contre-la-montre entre Besançon et Dijon, à la veille du Parc des Princes. Raphaël Géminiani ne reprend que 8 secondes à Vito Favero, ce qui le voit terminer ce Tour à la 3ème place, son dernier podium dans une grande épreuve.
7ème : Émile Georget, 66 pts
On remonte à présent aux toutes premières heures du Tour de France, avec un spécialiste des courses d’endurance, vainqueur de Bordeaux-Paris, de Paris-Brest-Paris ou encore de courses relais sur 24 heures ou sur 6 Jours (à l’époque, sans interruption) aux côtés de son frère Léon. Il est inscrit à 9 des 10 Tours entre 1905 et 1914, remportant 9 étapes. S’il doit en abandonner 4, il termine au moins 6ème de tous les autres, dont deux podiums. Durant cette période, il voit ainsi les évolutions de règlements, avec des classements par points et au temps, la création de la flamme rouge, l’arrivée progressive de la montagne, ou encore les grands débuts de la roue libre, pourtant critiquée par Henri Desgrange, estimant que les coureurs « n’effectuent pas vraiment la distance ». Concernant Émile Georget, la première victoire est là dès la première étape du Tour 1906 entre Paris et Lille, sur seulement 275 kilomètres et 10 heures de course, la deuxième plus courte étape cette année-là. L’année suivante, il s’impose à 6 reprises sur les 14 étapes qui sont au programme, ce qui est une première. Il aurait largement remporté le classement général, sans la très lourde pénalité qu’il a eu pour un changement de vélo entre Toulouse et Bayonne, ce qui était scrupuleusement interdit. Il termine néanmoins 3ème du Tour. Une place qu’il retrouvera en 1911, notamment grâce à sa victoire dans la première étape du Galibier. Sur cette étape, il sort assez tôt avec Duboc sur les pentes du Col des Aravis, avant de s’isoler dès le Télégraphe pour être le premier coureur du Tour à traverser le légendaire tunnel du Galibier, à 2 556 mètres d’altitude, pour s’embarquer dans la vertigineuse et piégeuse descente de la Mandette, pour virer à gaucher et aller monter vers le Lautaret (la route était là aussi bien différente de l’actuelle), pour gagner à Grenoble avec un quart d’heure d’avance sur une étape de 366 kilomètres, parcourus en 13h35. Ce jour-là, les derniers coureurs terminent avec un retard de 8 heures et demi, soit un temps de selle total supérieur à 22 heures.
6ème : Mark Cavendish, 67 pts

Mark Cavendish ( en vert ) époque HTC, où il semblait parfois imbattable au sprint. Encore en activité, le Britannique cherche à détenir le record de victoires d’étapes sur le Tour.
Environ un siècle plus tard, le sprinteur de l’île de Man est à la fois le coureur en actualité le mieux classé (même si cela reste assez certain comme pronostic de dire qu’il ne gagnera pas le Tour), et le coureur non-Français le plus haut dans ce classement. Il doit ce placement grâce à son incroyable pointe de vitesse qui lui a valu de porter le maillot jaune (ainsi que le rose et le rouge en Italie et en Espagne), de remporter un maillot vert (il est un des 5 coureurs à avoir remporté le classement par points des 3 Grands Tours). À côté de cela, il a remporté 30 étapes sur le Tour de France, soit le 2e meilleur total derrière Eddy Merckx, et 48 en tout sur les 3 Grands Tours (50 avec les contre-la-montre par équipes, soit le 3ème meilleur total de l’histoire). Sur la Grande Boucle, ses années phares sont de 2008 à 2013, remportant au moins 2 étapes chaque année (une performance inédite) et jusqu’à 6 en 2009, ce qui n’avait plus été vu depuis 1979 et Bernard Hinault. Durant cette période faste, il ne ramène cependant qu’un seul maillot vert à Paris, la faute à des sprinteurs bien plus complets que lui et qui savaient marquer des points lors d’étapes plus accidentées, voire de moyenne montagne. La faute aussi à quelques points de pénalités après avoir été repêchés comme d’autres coureurs après avoir terminé des étapes de montagne en dehors des délais préétablis. Durant cette période, il cumule également 4 succès (consécutifs) sur les Champs Élysées, faisant de lui (largement) le principal spécialiste de cette Avenue, tout comme Eddy Merckx était le spécialiste des étapes contre-la-montre vers la piste de la Cipale à Vincennes. Alors qu’un déclin se laisser présumer, le nombre de victoires descendant chaque année, la série de Mark Cavendish s’arrête brutalement en 2014. Dans une première étape faite pour lui dans le Yorkshire, il chute est doit abandonner. Il retrouve néanmoins le succès l’année suivante, avant de reprendre son meilleur niveau en 2016 pour cumuler 4 étapes d’un tour qu’il n’a disputé que partiellement, afin de se préserver pour les Jeux Olympiques. L’an passé, il n’a pas gagné, devant abandonner dès les premiers jours après une nouvelle chute, dans un sprint houleux face à Peter Sagan. Son compteur est donc encore à 30 avant le Tour de France 2018, une décennie après ses premiers succès. S’il l’accroit, il deviendra le vingtième coureur à s’imposer à 10 ans d’intervalle sur le Tour. Le dernier étant son compatriote David Millar.
5ème : Richard Virenque, 68 pts
Dès sa première participation, à 22 ans, Richard Virenque marque la course en s’échappant seul très tôt dès les premiers petits cols Basques de la 2ème étape, pour être rejoint par 2 coureurs et en distancer un dans Marie-Blanque. S’il ne remporte pas l’étape, il s’empare du maillot jaune. Il faut dire que le peloton lui avait laissé jusqu’à 22 minutes d’avance. S’il perd le jaune dès le lendemain à cause d’une autre échappée, il aurait le port du maillot vert pendant deux jours et les pois les journées suivantes, faisant de lui un des rares coureurs à avoir porté en course les 3 maillots distinctifs. Deux ans plus tard, il retrouve les pois pour cumulé 4 Grands Prix de la Montagne consécutifs, du jamais vu avant lui ou depuis. Durant cette période, viennent aussi quelques étapes de montagne après de belles échappées, lui valant deux prix de la combativité, mais aussi des places systématiques dans le top 10 du général, dont la place de dauphin en 1997, son meilleur résultat sur le Tour, même s’il reste à plus de 9 minutes du vainqueur, alors qu’il n’était à 4’37’’ l’année précédente, tout en étant une marche plus bas sur le podium. Ensuite, la série se coupe brutalement avec l’affaire Festina en 1998. Bien que persona non grata, il participe tout de même au Tour 1999, qu’il termine 8ème et meilleur grimpeur en étant plus discret, se contentant de prendre des points à tous les cols en tête du peloton, ne passant en tête que du Col de Montgenèvre et d’une côte de 4ème catégorie lors de l’étape de Paris. L’année suivante, pas de maillot à pois, mais une très belle victoire d’étape à Morzine, ainsi qu’une 6ème place au classement général. Il manque le Tour 2001 en raison d’une très tardive suspension. Moins tranchant dans les ascensions, il retrouve le goût des échappées matinales, avec une victoire au Ventoux en 2002, à Morzine en 2003 (doublée d’une journée en jaune) et à Saint-Flour en 2004, le 14 juillet. Dans ces deux derniers Tours, deux nouveaux maillots à pois arrivent, faisant de lui le seul recordman du Grand Prix de la Montagne, avec 7 succès. Il remporte même un troisième prix de la combativité pour ce qui est son dernier tour, soit autant que Bernard Hinault (seul Eddy Merckx a fait mieux).
4ème : René Vietto, 71 pts
Considéré comme un des meilleurs grimpeurs de son temps (voire de tous les temps) et coureur ultra-populaire, René Vietto aurait très probablement remporté un Tour de France s’il n’y avait pas eu la Seconde Guerre Mondiale. Dès son premier Tour en 1934, il s’impose à Grenoble dans l’étape du Galibier, puis à Digne après être passé en tête des Cols de Vars et d’Allos, puis à Cannes après être passé en tête du Col de Braus et à La Turbie et enfin à Pau après être passé en tête du Tourmalet et de l’Aubisque. Tout ceci, et bien d’autres cols, lui permettent d’emporter le Grand Prix de la Montagne. Au classement général, il n’est que 5ème, à près d’une heure d’Antonin Magne. Il faut dire que le coureur de 20 ans faisait déjà partie de l’équipe de France et qu’il s’est sacrifié en donnant sa roue au maillot jaune, futur vainqueur de sa seconde Grande Boucle. Ce moment, dans la descente de Puymorens, est passé à la postérité et a forgé la grande popularité de René Vietto. Quelques victoires d’étapes, mais aussi déceptions plus tard, arrive le Tour 1939. Le dernier avant la guerre. 28 portions en 18 étapes sur 21 jours et un maillot jaune dès la Bretagne, grâce à quelques échappées dans la plaine. Malheureusement pour lui, près de deux semaines en leader ne suffisent pas et le duo Edward Vissers et Sylvère Maes fait mal sur les 219 kilomètres entre Digne et Briançon, via Allos, Vars et l’Izoard. 17 minutes sont perdues dans cette étape. 10 de plus suivront dans le tiers-étape contre-la-montre entre Bonneval-sur-Arc et Bourg-Saint-Maurice via la montée et la descente de l’Iseran, après un morceau matinal via le Galibier et avant un autre vers Annecy et le Tamié. Rien que dans ces deux étapes, presque tout le retard de 30’38’’ sur Sylvère Maes au classement général est fait, mais cette deuxième place reste sa meilleure performance dans le Tour, à 25 ans. Il doit attendre d’être plus que trentenaire pour retrouver la Grande Boucle et la reprise de la course en 1947. Dès la deuxième étape entre Lille et Bruxelles, il gagne en solitaire et repousse le peloton à 9 minutes. Aldo Ronconi lui prend le jaune deux jours dans les Alpes, mais un Briançon-Digne, au même parcours, mais dans l’autre sens que son étape défaillante d’avant-guerre, lui permet de reprendre la tête du classement général, en plus de gagner l’étape. Par la suite, Pierre Brambilla reprend un peu de temps dans les Pyrénées, où Jean Robic fait le plein de bonifications. L’antépénultième étape, dans la Bretagne qui l’a vu découvrir le maillot jaune, propose 139 kilomètres de contre-la-montre de Vannes à Saint-Brieuc, via la côte de Mûr-de-Bretagne. Cette longueur avait beaucoup fait débat avant la course et encore plus après, tellement les 4 heures de course ont ruiné l’effort collectif de l’équipe de France, René Vietto perdant la course et un quart d’heure. Pierre Brambilla, alors encore de nationalité Italienne, prend le maillot jaune, pour le perdre au profit de Jean Robic, coureur régional, dans l’ultime étape vers Paris. René Vietto revient deux fois de plus sur le Tour, toujours dans l’équipe de France, mais il a perdu les jambes de sa jeunesse et n’aura plus l’occasion de briller en haute montagne.
3ème : André Darrigade, 74 pts

De tous les Tour entre 1953 et 1966, André Darrigade possède un palmarès exceptionnel, en témoigne ses 22 victoires d’étapes sur la Grande Boucle.
Présent à tous les Tours de France de 1953 à 1966, André Darrigade était un des meilleurs routiers-sprinteurs de son époque, ce qui lui a valu de remporter deux maillots verts (pour un classement par points créé à l’occasion du cinquantenaire de l’épreuve, premier Tour du Dacquois. Ses talents lui ont permis de remporter 22 étapes, étalées sur 11 des 14 tours auquel il a participé. Personne d’autre n’a remporté d’étapes sur autant de Tours différents (le suivant étant André Leducq, vainqueur d’étape lors de 9 différents Tours). Pour André Darrigade, ces chiffres auraient même pu être plus élevés si on en croit les déclarations de Marcel Bidot, sélectionneur de l’équipe de France à l’époque : « quand il se présentait sous la flamme rouge, il avait accompli un gros travail au service du leader et il était parfois émoussé. S’il avait couru pour son propre compte, il aurait gagné dix étapes de plus. […] C’est tout le contraire d’un individualiste. » Ses victoires lui ont également permis de porter le maillot jaune lors de 6 Grandes Boucles différentes. De 1956 à 1959 tout d’abord, avec la performance unique de remporter consécutivement 4 fois la première étape (ou demi-étape), dans des étapes un peu accidentées menant à Liège, Granville, Gand et Metz, où les groupes qu’il réglait étaient toujours fortement réduit. En 1961, il remporte à nouveau la première course, une demi-étape cette fois, avant de laisser définitivement le jaune à Jacques Anquetil dès l’après-midi dans un contre-la-montre. Enfin, en 1962, il est battu à Spa par Rudi Altig, mais prend sa revanche à Herentals le lendemain. Comme plusieurs fois certaines années précédentes, il perd vite le maillot au profit d’échappées et d’une stratégie plus collective pour l’équipe de France, qui lui permet de retrouver la tête du classement général quelques jours plus tard. Au classement général, s’il n’avait pas les capacités pour remporter le Tour, il termine néanmoins 16ème de l’épreuve à trois reprises, avec parfois une simple demi-heure de retard sur le vainqueur et une dizaine de minutes sur le top 10, montrant ici à la fois son côté complet, mais aussi son dévouement pour ses coéquipiers de l’équipe de France, même dans les étapes de montagne. Celui qui est un des 8 Français champions du monde sur route ne remporte plus d’étape dans ses dernières années, où le Tour en est à son premier retour aux équipes de marque, mais sa combativité (pour laquelle il avait été récompensée dix ans plus tôt) lui fait être un compétiteur au classement des points chauds, qu’il termine en deuxième position, pour sa dernière grande épreuve, disputée à 37 ans.
2ème : Jean Alavoine, 88 pts
Au-delà de ses 17 victoires d’étapes, un témoin de la longévité de la carrière de Jean Alavoine est l’écart de 14 ans entre sa toute première victoire, en 1909, et sa dernière, en 1923. Jamais vainqueur du Tour, peut-être que la Grande Guerre l’a privé de ses meilleures années sportives. En 1909, il n’avait que 21 ans et découvrait le Tour. À une époque où la moitié des coureurs abandonnaient, découragés, dès les premières étapes, la prestation de ce jeune Parisien marque les esprits, puisqu’il s’impose après un petit bout de montagne (Ballon d’Alsace, Col de Porte, Rampe de Laffrey, Col Bayard), puis il gagne en solitaire au Parc des Princes, ce qui lui permet de monter sur le podium du classement général. D’autres étapes suivent avant-guerre, ainsi qu’une nouvelle place de 3ème en 1914, cette fois au temps, n’ayant que 37 minutes de retard sur le vainqueur, mais plus d’une heure sur le coureur suivant au classement final. Il perd ensuite de potentielles grandes performances, pour revenir très fort après le conflit, en étant alors âgé de 31 ans, avec une 4ème place pour être meilleur Français du Circuit des Champs de Bataille, ce qui est (physiquement, mais surtout mentalement) peut-être la course cycliste la plus difficile de tous les temps. Quant au Tour 1919, il est encore très marqué du conflit qui vient de se terminer : sur 69 inscrits, seuls 27 coureurs sont en course après la 2ème étape et 10 au retour à Paris. De ce véritable chaos, Jean Alavoine ressort 2ème du classement général et vainqueur de 5 étapes, dont la plus longue de l’histoire du Tour sur 482 kilomètres entre Les Sables d’Olonne et Bayonne et l’étape du Parc des Princes. Triple vainqueur dans l’ultime étape, cette performance sera inégalée au Par cet seulement battu par Eddy Merckx à la Cipale et par Mark Cavendish sur les Champs Élysées. Deux jours plus tôt, il avait perdu 1h31 (sur ses 1h43 de retard final) sur Firmin Lambot, bien qu’ayant terminé 5ème de l’étape. Il faut dire que les 468 kilomètres et un effort d’entre 21 et presque 24 heures étaient sur l’étape la plus difficile de l’histoire du Tour. Le tracé de Metz à Dunkerque n’était pas le plus escarpé, mais il était presque en intégralité sur ce qui a été un front pendant de nombreuses années. Presque partout, la végétation manque encore, au milieu des tranchées et des no-man’s-land. Beaucoup de villages sont partiellement (voire totalement) rasés. On retire encore des obus et autres engins de guerre, alors que la vie reprend et que les coureurs sont sur des restes de chemins à peine empruntables, sur des pavés qui feraient imaginer la tranchée d’Arenberg aussi lisse qu’un billard. L’année suivante, Jean Alavoine abandonne dès la deuxième étape, étant encore fatigué d’un Giro où il est devenu le premier Français à monter sur le podium (il faudra attendre près de 40 ans pour en revoir un) et où il a remporté 2 des 7 premières étapes en individuel, puis fait partie des 9 co-vainqueurs de la dernière étape Milanaise, le sprint final n’ayant pas pu avoir lieu entre ces coureurs, lorsqu’un cheval est venu sur la piste. En 1922, Jean Alavoine porte pour la première fois le maillot jaune, après 3 victoires consécutives, dans la longue étape de la Vendée au Pays Basque, puis dans les Pyrénées sur Bayonne-Luchon et Luchon-Perpignan, pour perdre la tête du classement général après les Alpes, face à Firmin Lambot (comme en 1919), mais surtout face au malchanceux Hector Heusghem. L’année suivante, il remporte ses dernières étapes, encore celles des Pyrénées, puis une toute dernière entre Toulon et Nice, avec le Col de Braus dans le final, avant d’abandonner à cause d’une chute dans la descente de l’Izoard, alors qu’il était 2ème du classement général. Il revient deux années de plus, mais sans gagner, pour des modestes places de 14ème et de 13ème du classement final. Cela marque sa retraite sportive, à 37 ans. Bien des années plus tard, en 1943, il dispute un critérium réservé aux coureurs vétérans. Alors qu’il n’y a à peine plus d’année entre cette course et son dernier Tour qu’entre ce Tour et ses débuts professionnels, cette épreuve est de trop pour lui. Il fait un malaise sur son vélo, pour décéder quelques heures plus tard à l’hôpital.
1er : Raymond Poulidor, 100 pts
S’il aurait été cocasse de trouver Raymond Poulidor en deuxième position de ce classement, il reste somme toute naturel que « l’Éternel Second » domine un tel classement. Il reste cependant bon de rappeler qu’il a plus souvent terminé 3ème de la Grande Boucle que 2ème (5 fois contre 3 fois). À ce chiffre record de 8 podiums s’ajoutent 3 autres places dans le Top 10, mais surtout une hallucinante longévité, terminant 3ème de son premier Tour en 1962 (Jacques Anquetil n’en est qu’à sa 3ème victoire) et de son dernier Tour en 1976 (Eddy Merckx était alors au crépuscule de sa carrière), à l’âge de 40 ans ! Beaucoup d’évènements de sa carrière ont été maintes et maintes fois évoqués, comme le duel face à Jacques Anquetil en 1964 avec son paroxysme dans le Puy-de-Dôme ou encore sa victoire face à des coureurs près d’une décennie plus jeune que lui vers le Pla d’Adet en 1974, un 14 juillet, après 5 000 mètres de dénivelé positif, dans la première qui avait comme speaker un certain Daniel Mengeas. Mais il y a plus que cela à dire. Rien que pour 1964, avec l’évènement du vélodrome de Monaco, où Raymond Poulidor lance le sprint tôt et franchis la ligne en premier, mais il reste encore un tour de piste pour achever l’étape (ce qu’il avait oublié), qui se retrouve gagnée par Jacques Anquetil. Au-delà de l’erreur, la perte des bonifications dans ce final lui coûte mathématiquement la victoire finale. Il y a aussi l’étape d’Andorre à Toulouse, au final plat, mais au départ dans le Port d’Envalira. Beaucoup de coureurs s’élancent vexés après que Jacques Anquetil ait poussé sa domination à passer la journée de repos en dégustant un méchoui plutôt qu’aller s’entraîner. Une course folle se lance alors dès le départ et Jacques Anquetil possède 4 minutes de retard sur une échappée, dont faisait partie Raymond Poulidor. Mais dans la descente, sous un épais brouillard, l’échappée ne voit rien. Derrière, le futur vainqueur de son 5ème Tour profite des phares des voitures suiveuses pour descendre à l’aveugle, sans voir la route, mais en devinant les trajectoires. Il y a même un retour de bâton pour Raymond Poulidor, qui laisse filer les meilleurs sur un incident mécanique à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée. Il se refait largement dans les Pyrénées ensuite, mais crève dans le contre-la-montre vers Bayonne, où il était aux coudes à coudes avec Jacques Anquetil. Mais il y a également d’autres anecdotes, comme son premier Tour en 1962, commencé avec un bras dans le plâtre, lui faisant perdre 8 minutes le premier jour, mais lui donnant le champ libre pour une longue échappée solitaire dans la Chartreuse, passant en tête de Porte, Cucheron et Granier pour s’imposer très largement à Aix-les-Bains, sa première victoire dans le Tour. On peut évoquer aussi 1965, avec l’absence de Jacques Anquetil faisant de lui le grand favori et où il remporte la première arrivée d’une étape en ligne au Mont Ventoux, mais où il s’incline au classement général face à Felice Gimondi, alors simple néo-pro et vainqueur sortant du tout jeune Tour de l’Avenir. On peut évoquer le face à face entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor lors du contre-la-montre accidenté de Vals-les-Bains en 1966, où les deux hommes sont à égalité parfaite pendant 6 kilomètres, avant que Raymond Poulidor prenne le large, jusqu’à 10 secondes d’avance, pour voir l’écart redescendre jusqu’à 5 secondes, mais pour bien tenir la victoire face à son rival, dans l’exercice qui reste sa très grande spécialité. Et un autre contre-la-montre marque le Tour 1967, avec les grands débuts du prologue, dont Raymond Poulidor est le grand favori, en leader de l’équipe de France pour le retour des sélections nationales. Mais sur la précise distance de 5,775 kilomètres du parcours angevin, il s’incline de 6 secondes face au modeste coureur Espagnol Jose Maria Errandonea, au palmarès restreint sur la route, mais redoutable pistard, ayant même participé aux Jeux Olympiques dans sa jeunesse (ils étaient alors restreints aux amateurs). Le poursuiteur prive alors Raymond Poulidor d’un maillot jaune qui lui tendait les bras. On peut évoquer le Tour de France 1971, qu’il ne court pas sportivement, mais dont il parcourt l’intégralité de l’épreuve seul, avec une journée d’avance, dans le cadre d’une émission pour RTL. On peut citer deux ans plus tard et son abandon dans la descente du col de Portet d’Aspet, alors qu’il était en course pour (au moins) un top 10 au classement général. On peut également évoquer de lui qu’il un des très rares coureurs à avoir roulé sur la piste du Parc des Princes, de la cipale de Vincennes et sur l’Avenue des Champs-Élysées.
Par Darth.