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Depuis la disparition de Roger Walkowiak en février 2017, il est le plus ancien vainqueur du Tour encore en vie. Alors que la Grande Boucle s’élance de Vendée pour sa 105e édition, Federico Bahamontes, l’un des plus grands grimpeurs de son histoire, fête ses 90 ans. Portrait.

Lundi 26 juillet 1954. Descente du col de Romeyère. Sur le bas-côté, un cycliste s’est arrêté et déguste une glace en cornet, tandis que s’égraine la file des coureurs. Cet homme, c’est Federico Bahamontes, un jeune espagnol qui découvre le Tour cette année-là. Le sélectionneur Julián Berrendero le sait : son choix d’engager sur la plus grande épreuve du monde un coureur qui ne compte encore aucun résultat significatif est fortement critiqué au pays. Mais il a confiance en lui pour atteindre l’objectif fixé à ses hommes : remporter une nouvelle fois le Grand Prix de la montagne.

Federico Bahamontes ne va pas attendre pour se faire un nom et réaliser une entrée fracassante dans le cercle des grimpeurs d’exception. Dans les Pyrénées, il franchit l’Aubisque en tête, puis le Tourmalet, le Peyresourde. Éblouie, la presse salue le nouveau « roi de la montagne », même si elle ne manque pas de souligner que les piètres qualités de descendeur du jeune espagnol l’empêchent de lutter pour le gain d’une étape. On dit même de lui qu’il grimpe plus rapidement les cols qu’il ne les descend.

Qu’importe, ce qu’aime Federico, c’est dompter les sommets, avaler la pente, tutoyer les cimes. Et ce 26 juillet 1954, il n’a pas manqué de le faire en passant en tête du col de Romeyère, une montée inédite sur la Grande Boucle. Mais peu après le sommet, Federico Bahamontes est à l’arrêt. Il laisse filer ses concurrents et, puisque la chaleur est écrasante, il se procure une glace à la vanille auprès d’un marchand dont le stand est installé au bord de la route. L’histoire aura contribué à forger la légende du coureur espagnol. Avant l’arrivée du Tour à Paris, Federico Bahamontes poursuit sa moisson et passe en tête au sommet du Galibier. Sa victoire dans le Grand Prix de la montagne est incontestable et l’accueil triomphal qui lui est réservé quand il rentre chez lui, à Tolède, est à la hauteur de son exploit.

Le Tour de France, c’est bien là que Federico Bahamontes va écrire les plus belles pages de son histoire. Quand il y revient en 1956, il prend la quatrième place du classement général, puis il remporte ses premières étapes deux ans plus tard. 1959 est l’année de la consécration. Celui qui ne visait jusque-là que le titre de meilleur grimpeur croit désormais en ses chances de succès. Vainqueur du contre-la-montre du Puy de Dôme, échappée en compagnie de Charly Gaul à qui il laisse la victoire d’étape à Grenoble, Bahamontes endosse le maillot jaune et profite du marquage entre les coureurs français dans les Alpes pour inscrire son nom au palmarès de l’épreuve. La nouvelle fait grand bruit de l’autre côté des Pyrénées : aucun coureur ibérique n’avait réussi cette performance avant lui. Par la suite, Federico Bahamontes échouera dans ses tentatives pour remporter une deuxième fois la Grande Boucle. Il monte toutefois sur le podium en 1963 puis en 1964, l’année où il remporte la dernière de ses six victoires dans le Grand Prix de la montagne. « L’ Aigle de Tolède », comme l’a surnommé Jacques Goddet, reste dans les mémoires comme l’un des plus grands grimpeurs de l’histoire du cyclisme.

Federico Bahamontes ( ndlr : à droite ), sur le podium du Tour de France 1964, derrière Jacques Anquetil vainqueur cette année-là et Raymond Poulidor.

Retiré des pelotons, Federico Bahamontes reste fidèle à sa ville de Tolède, où il tient un commerce de cycles. Observateur du cyclisme, il se montre parfois acerbe envers la jeune génération dont il dénonce le manque de spectacle et l’attentisme. Alors qu’il est élu meilleur grimpeur de l’histoire du Tour par le journal L’Équipe en 2013, il refuse d’être comparé à Richard Virenque, qui le devance pourtant au nombre de victoires dans le Grand Prix de la montagne : « Il ne m’arrive pas à la cheville. Qu’il ne m’en veuille pas, mais, si lui il est grimpeur, moi, je suis Napoléon. » L’âge n’atténue pas le caractère bien trempé du champion tolédan, un caractère qui lui aura sans aucun doute coûté quelques succès. À cette époque, le cyclisme espagnol se déchire entre ses deux stars : Jesús Loroño, meilleur grimpeur du Tour 1953 et vainqueur de la Vuelta en 1957, aux dépens de Bahamontes, refuse que ce dernier lui fasse de l’ombre. Chacun exige d’être désigné comme leader unique, au grand dam des sélectionneurs espagnols, contraints et forcés de ménager les susceptibilités des deux champions.

Aujourd’hui, le nom de Bahamontes résonne encore dans la tête de tous les amoureux du cyclisme. Nombreux sont ceux qui vantent le style et le panache de ce grimpeur hors du commun, ayant franchi 41 cols en première position sur la Grande Boucle. Le 6 mai dernier, toute la ville de Tolède a rendu hommage à son champion. Pedro Delgado, Miguel Indurain ou encore Carlos Sastre étaient aux côtés de Bahamontes pour l’inauguration d’une statue de bronze à son effigie. L’occasion de célébrer dignement le 90e anniversaire de « l’Aigle de Tolède ».

Par Mathieu Langlais ( Mats ).

 

Crédit Photo : Harry Pot / Eduardoasb

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