Écrit le par dans la catégorie Analyses, Tours et détours.

Dans sa longue histoire, le Tour de France a exploré de nombreux recoins de l’Hexagone. Des Alpes aux Pyrénées, des pavés du Nord au Massif armoricain, et des Pays-Bas à l’Irlande. Pourtant, certains endroits n’ont pas ou n’ont plus été visités depuis un grand nombre d’années. Voici huit lieux intéressants où le Tour est pourtant absent.

#1 : La Trouée d’Arenberg et le Carrefour de l’Arbre
Depuis 1979, le Tour de France emprunte régulièrement les pavés du Nord. Mons-en-Pevèle, Camphin-en-Pevèle, Orchies, tant de secteurs iconiques de Paris-Roubaix ont été empruntés par la Grande Boucle, mais pourtant deux grands secteurs demeurent absents. En premier lieu, la Trouée d’Arenberg. Située aux abords de Valenciennes, la Trouée est généralement annonciatrice sur Paris-Roubaix du vrai lancement de la course avec les premiers gros écarts, chutes ou bien offensives de favoris. On se souvient notamment de la chute, en 1998, sur Paris-Roubaix, de Johan Museeuw, grand favori de l’épreuve. Cette chute provoque d’ailleurs un scandale sur la praticabilité de la Trouée, mais personne ne veut enlever la Trouée iconique du parcours de Paris-Roubaix, raison pour laquelle le Tour ne l’a pas encore empruntée. L’autre secteur est celui du Carrefour de l’Arbre, à Gruson. Sur Paris-Roubaix, c’est l’un des derniers de l’épreuve et sans doute le dernier secteur décisif. En effet, le coureur qui en sort en tête est souvent le vainqueur de l’Enfer du Nord (on pense entre autres à Cancellara, O’Grady, Boonen, et plus récemment Sagan). Néanmoins le secteur est très étroit, avec de la place pour un coureur au mieux. Sur une épreuve comme le Tour, y envoyer un peloton groupé serait quasi-suicidaire, et il faudrait une étape beaucoup plus corsée en pavés pour voir un jour le Carrefour apparaître au programme.

#2 Les Cols des Alpes-Maritimes (Turini, Champs, Tende, Cayolle, Couillole…)

Le Col de la Couillole, dont le dernier passage sur Paris-Nice remonte à 2017, avait été fatal au maillot jaune Julian Alaphilippe.

Le Tour emprunte régulièrement les routes des Alpes-Maritimes, le plus récemment en 2013 avec un contre-la-montre par équipe à Nice, et en 2009 à l’occasion du Grand Départ de Monaco. Le département sera également a l’honneur en 2020 avec le Grand Départ de Nice. Mais à chaque fois ces passages sont marqués par l’absence complète de montagne. En effet, la dernière étape de montagne dans le département remonte à 1975 avec l’étape légendaire entre Nice et Pra-Loup, où Bernard Thévenet mit fin au règne du roi Eddy Merckx. Ces cols, pourtant compliqués et régulièrement au programme sur Paris-Nice, n’ont plus été empruntés par le Tour depuis. Les deux premiers de ces cols, empruntés pour la dernière fois en 1975, sont le Col de la Couillole et le Col des Champs. Situés a l’époque sur une étape enchaînant la Colmiane, Couillole, Champs, Allos et Pra-Loup. Le Col des Champs est passé tout près d’un passage du Tour en 2015, mais la descente avait été jugée en trop mauvais état. La Couillole à l’inverse, n’a jamais plus été empruntée. En revanche, elle a accueilli une arrivée sur Paris-Nice en 2017 avec une victoire de Richie Porte au sommet. Ensuite, les deux cols suivants ont été empruntés pour la dernière fois en 1973 à l’occasion de l’étape entre Uvernet-Fours et Nice. Il s’agit du Col de Turini et du Col de la Cayolle. Ce sont les deux cols les plus durs du département derrière le Col de Tende. A l’époque, l’étape enchaînait Cayolle, Valberg, Saint-Martin et Turini. Vicente López Carril, l’Espagnol, avait remporté l’étape après un grand raid en montagne, franchissant en tête toutes les ascensions. À cause de leur altitude, ces cols n’ont pas été empruntés par Paris-Nice, du au risque trop important de chute de neige en mars. En revanche leur absence du Tour est mystérieuse. Enfin, le dernier col de cette longue liste est le Col de Tende, emprunté pour la dernière fois en 1961. Le col avait alors été escaladé par son versant italien. Le versant français quant à lui n’a jamais été emprunté par le Tour. Le « col aux 46 lacets » n’a sans doute jamais été emprunté à cause de la route, jugée trop étroite pour un peloton professionnel. Il faudrait donc une étape corsée en montagne pour revoir ce candidat au « Finestre français ».

#3 La Suisse Normande
Le Tour évite trop souvent les routes de la Suisse Normande. Pourtant, elles ont de beaux arguments à faire valoir. De nombreuses côtes extrêmement compliquées, et des routes étroites qui peuvent pimenter une étape piégeuse pendant une transition entre pavés et Bretagne/Pays de la Loire ou inversement. Parmi ces côtes on retrouve le fameux Pain de Sucre, avec ses pentes à plus de 20% et son kilomètre à 15% de moyenne, la Croix de la Faverie et son passage à 30% ou encore le Mur de Clécy et son kilomètre à 11%. Les Alpes mancelles ne manquent pas de côtes rudes, et lors d’une arrivée à Caen, Alençon voire Flers, elles peuvent être mises en évidence. En revanche pour le moment le Tour préfère privilégier les sprinteurs sur ces arrivées normandes…

#4 Les Secteurs Blancs de Languedoc-Roussillon

Tout le monde connaît les secteurs pavés du Nord. Certains connaissent les secteurs blancs de Vendôme, empruntés sur Paris-Nice en 2016. Mais connaissez-vous les secteurs du Languedoc-Roussillon ? Avec l’avènement du cyclisme moderne, les organisateurs du Tour de France cherchent sans cesse des nouveautés, et les secteurs non-goudronnés en sont une. Sur le Tour 2018, quatre secteurs pavés inédits ont été placés sur l’étape Arras-Roubaix, et le Plateau des Glières et son chemin empierré a été emprunté pour la première fois lors de l’étape entre Annecy et Le Grand Bornand. Mais dans le sud, dans l’Hérault et le Gard, se cachent des secteurs non-goudronnés très intéressants. Le Languedoc est souvent emprunté par le Tour, que ce soit pour des arrivées vallonnées telles que Mende ou Carcassonne, ou des arrivées pour sprinteurs au Cap d’Agde, Montpellier, Nîmes ou Perpignan. Mais jamais de secteurs blancs. Situés entre Montpellier et Béziers pour la plupart, ils rivalisent avec ceux de Sienne et de la Strade Bianche en termes de qualité, mais ont pourtant été snobés par le Tour jusqu’à maintenant. Pourtant, ces secteurs peuvent créer une grosse étape… Dans une zone balayée par les vents, bordures et secteurs blancs, que demander de plus ?

#5 Les Cols basques

Le dernier chrono du Tour 2018 passait par le Pays-Basque. En attendant le retour d’une étape en ligne dans le futur ?

Tout le monde connait l’Aubisque, le Soulor ou bien Marie-Blanque. Mais connaissez-vous Ispéguy, Bagargui ou Burdincurutcheta ? Les Cols basques ont été peu ou pas exploités au fil des années sur le Tour de France, les organisateurs préférant se rabattre sur les cols les plus connus tels que le Col d’Aubisque, escaladé 72 fois durant son histoire. D’autres cols n’ont pas eu la gloire de l’Aubisque mais on tout de même été escaladés récemment, comme le Col de Marie-Blanque, le Col du Soudet ou bien le Port de Larrau. Mais ce sont les ascensions à l’Ouest de l’Aubisque qui ont été oubliées. Si le Tour du Pays-Basque existe, il ne passe qu’en Espagne, condamnant les cols basques français à l’oubli. Pourtant, Ispéguy, Iratzabaleta ou bien Ibardin n’ont rien à envier à leurs homologues espagnols. Ce sont des cols raides et longs pour la plupart, avec de gros pourcentages, et donc un gros potentiel. Mais cette édition du Tour de France a prouvé que le Tour pensait bien y retourner. En effet, l’étape entre Saint-Pée-sur-Nivelle et Espelette n’était qu’une ébauche, puisque le Tour pensait mettre à l’honneur les cols basques au lieu d’un chrono final, avec une arrivée sur la côte atlantique. Pas de chance, la Coupe du Monde obligeant le Tour à se décaler d’une semaine, cet hypothétique final arrivait en même temps que les Férias de Bayonne, obligeant le Tour à de nouveau ignorer les cols basques et se replier sur un contre-la-montre. Un jour peut-être les cols basques auront leur moment de gloire, et ce jour approche…

#6 La Corse (Ospedale, Teghime, Bavella)

La Corse n’a été que très récemment au programme du Tour de France, avec le Grand Départ de 2013. Malheureusement le relief de l’île de beauté n’a été que très peu exploité par la Grande Boucle, avec seulement deux cols classés deuxième catégorie au programme, et tous loin de l’arrivée, sur deux étapes différentes. Si le sprint massif a été évité sur la première des deux étapes vallonnées grâce à Jan Bakelants, la course n’a jamais vraiment explosé ou effectué un premier tri de leaders dès les premières étapes. Pourtant, la Corse ne manque pas d’enchaînements ou de cols difficiles. Les trois cols les plus connus en sont la preuve : le Col de l’Ospédale, le Col de Teghime et le Col de Bavella. Le premier est connu de nombreux fans de cyclisme pour avoir été le juge de paix du Critérium International se déroulant en Corse, finalement annulé en 2017. L’Ospédale fait 14 kilomètres, pour des pentes moyennes de 6%, mais en revanche il n’a qu’un seul versant, la route le quittant partant en vallée. En revanche, ses concurrents ont bien deux versants. Le premier, le Col de Bavella, est le plus long avec 9 kilomètres à 8% de moyenne sur son flanc le plus dur. Le deuxième, le Col de Teghime est plus court, 7,5 kilomètres à 7% de moyenne sur son flanc le plus dur, mais est plus proche d’une ville susceptible d’accueillir une arrivée, Saint-Florent. De nombreux autres cols corses sont aussi en attente d’un passage chez eux : Vergio, Battaglia, Sevi, Larone… mais pour cela un nouveau Grand Départ en Corse est nécessaire, et avec le Départ de Nice en 2020, cette possibilité semble s’éloigner …

#7 Les Cols non-goudronnés

Le Giro s’est doté d’un argument incontestable avec le Colle delle Finestre, un col difficile, qui se transforme en piste non-goudronnée à 7 kilomètres du sommet. Ce col est depuis rentré dans la légende de la course au maglia rosa, et encore plus avec l’étape incroyablement folle entre Venaria Reale et Bardonnechia qui a vu le sacre de Christopher Froome. Le Tour de France quant à lui cherche encore son « propre Finestre », et pour l’instant aucune réponse n’a été trouvée face au Giro. On a cru un instant que cette réponse était le Col du Portet, avec l’annonce de l’étape entre Bagnères de Luchon et le Col du Portet lors du Tour de France 2018, malheureusement ASO a pris la décision de goudronner le sommet pour permettre le passage du Tour en toute sécurité. Les recherches continuent donc, et de nombreux noms apparaissent, qu’ils soient irréalistes ou pas : Tende, Gondrans, Joly, Arèches, ou bien encore Rosael. Mais pour le moment aucun de ces cols n’a été emprunté que ce soit par le Dauphiné, la Route d’Occitanie, Paris-Nice ou le Tour de France, dus aux nombreux problèmes qu’un col non-goudronné engendre, notamment le fait que la portion non-goudronnée ne se prolonge pas dans la descente, l’état du gravier ou des pierres dans le col ainsi que la largeur de la route. Pour l’instant aucun col n’a réussi à franchir les tests, mais avec un nouveau revêtement sait-on jamais, ces cols pourraient se montrer dans une nouvelle lumière, et la France tiendra son propre Finestre.

#8 Les Monts d’Isère

Le Tour de France passe tous les ans en région Rhône-Alpes, et l’Isère est régulièrement au programme avec l’Alpe d’Huez, Grenoble, le Vercors et la Chartreuse. Mais le Tour de France passe moins régulièrement dans une zone moins connue de la région : le Nord-Isère. En effet, si le Tour de France y passe de temps en temps, c’est pour la traverser ou en partir, comme le départ de Bourgoin-Jallieu en 2009 ou bien l’étape de Villars-les-Dombes en 2016. Mais à chaque fois, les difficultés du massif sont ignorées par le Tour, qui lui préfèrent l’Ardèche, les Hautes-Alpes ou bien encore le Pilat et les Monts du Lyonnais. Pourtant, le Nord-Isère, comme la Suisse Normande a de nombreux arguments à faire valoir. Les monts de cette région sont remplis de murs et côtes raides et parfois étroites, avoisinant les 10% de moyenne sur un kilomètre pour la plupart, telles que le Mur de Cessieu, le Mont du mollard de la Bise, le Mur de Vignieu ou le Mont de Crucilleux. Leur proximité aux grandes villes que sont La Tour du Pin et Bourgoin-Jallieu ou bien le site historique de Crémieu peut donner une étape compliquée pour puncheurs avant ou après les Alpes, et leur proximité au Col du Grand Colombier et du Mont du Chat peut donner une étape casse-pattes commençant avec un gros cols et se terminant dans les petits murs de la région, donnant une journée sans répit.

Pour le moment le Tour de France préfère continuer par des endroits déjà exploités, mais avec les Tours les plus récents qui cherchent de l’originalité, peut-être verra-t-on enfin ces lieux vivre ou revivre.

Par Alexandre Orban.

 

Crédit Photo : Flore Buquet, Clémence Ducrot & Awen Le Gall.
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Re: Ces lieux où le Tour est absent

Messagepar Wings » 31 Oct 2018, 00:41

Akigero a écrit:Merci. Je vais monter des 25 et aller en essayer quelques uns. Tu as pu les essayer ?

J'habite pas la région donc malheureusement non :mrgreen:
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Re: Ces lieux où le Tour est absent

Messagepar Lucas04100 » 31 Oct 2018, 09:14

Très bon article :ok:
Pour la Corse vous vous êtes servis du topic des cols oubliés ?
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Lucas04100
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