Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

Parce que vous êtes toujours plus avides d’informations précises, et de plus en plus exigeants quant au contenu de ces informations, Le Gruppetto vous propose une série d’articles dans un nouveau format : une interview croisée de différents acteurs du peloton, issus d’équipes et de divisions différentes, autour d’une thématique particulière. Pour débuter la série, nous vous proposons un tour d’horizon du sprint, raconté par Sam Bennett (Bora Hansgrohe), Thomas Boudat (Direct Energie) et Dylan Page (Sapura Cycling).

Pourquoi aimez-vous le sprint ?

Dylan Page : J’aime le sprint parce que c’est quelque chose de particulier, où plein de facteurs entrent en compte. Il y a le côté tactique avec le placement tout en trouvant le timing parfait avec tes équipiers. Et ensuite il y a la puissance qui est bien-sûr un facteur important, mais qui ne fait pas tout.

Sam Bennett : C’est là que je suis le meilleur. J’ai toujours eu un peu de vitesse dans les jambes et j’aime l’adrénaline des derniers kilomètres d’une course. La montée en puissance est sensationnelle.

Thomas Boudat : Parce que mes qualités physiques s’y prêtent. Si j’avais eu les qualités d’un grimpeur j’aurais travaillé dans les cols. Mais je me suis dirigé vers les sprints, c’est un domaine où on peut gagner beaucoup de course.

Si vous deviez définir les sprinteurs en un mot ?

DP : Pour ma part je nous définirais comme des fonceurs.

TB : Des fauves !

SB : Les Watts, c’est ce qui nous définit le mieux.

 

Thomas Boudat, victorieux l’an passé, du Grand Prix de la Ville de Lillers. En 2018, le sprinteur français totalise déjà deux victoires au sprint.

 

Vous avez couru sur des courses World Tour et des courses de classe 1 voir 2. Quelle différence notable peut-on établir entre ces niveaux ?

TB : Ça roule plus vite en World Tour et surtout loin de l’arrivée, ça ne ralentit jamais. En comparaison, sur des coupes de France c’est bien plus désorganisé.

DP : Dans les sprints de classe .2, c’est bien souvent le côté agressif qui entre le plus en compte. Les équipes sont rarement organisées et si tu n’as pas un train pour te lancer en tête et te sortir de ce chantier c’est compliqué… et ça finit par se battre plus avec les coudes qu’avec les jambes ! En World Tour, il y a beaucoup moins d’écarts. Ça va bien plus vite, mais je m’y sens beaucoup plus serein 

On voit souvent ce genre d’images de coude à coude, et la réaction générale est de se dire que les sprinteurs sont à part si ce n’est complètement fous ! Alors question, vous êtes fous ?

TB : Non non je ne suis pas fou ! Certaines fois j’ai quand même mis des coups de freins. Disons que mon niveau de folie augmente en fonction de l’enjeu et de l’importance de la compétition. Mais maintenant tout le monde est obligé de frotter, il y a tellement d’enjeux dans le cyclisme moderne…. On frotte peut-être plus, mais tout le monde fait pareil.

DP : Personnellement, j’ai commencé en étant peut-être un peu casse-cou ! Avec l’expérience tu apprends à rester un peu plus calme et à attendre le bon moment. Je pense que ma façon de courir a changé en découvrant les courses World Tour.

SB : Dans le sprint, tu dois être dominant. Vous ne pouvez pas laisser quelqu’un vous pousser, mais je respecte les règles et je préfère le faire correctement que de gagner en blessant quelqu’un ou en provoquant un accident.

Dans les derniers kilomètres, les trains se mettent en place. Quelle est l’utilité du poisson pilote ?

TB : Il permet de ne pas faire le sprint avant le sprint. C’est lui qui mange le vent et qui commence à entamer le sprint pour le sprinteur. Si on prend un peu trop de vent, la puissance qu’on dégagera sera moins importante au moment de lancer.

SB : Le poisson pilote est essentiel. Pour ma part j’ai une équipe incroyable, avec des coureurs comme Selig devant moi. Je sais que je peux me rapprocher de la ligne d’arrivée dans la bonne position. Il est toujours important d’être aux avant-postes du peloton, vous êtes le plus en sécurité et vous avez moins de travail à faire à l’avant qu’à l’arrière. 

Il n’y a pas la place pour tout le monde à l’avant du peloton…

TB : Pour le poisson pilote c’est de plus en plus difficile parce que ça roule très vite. Mais c’est quelques choses qu’on travaille en début de saison dans les stages. Après c’est vrai que ça dépend de la forme du moment de chacun. On évolue en fonction du type de courses et du terrain, mais il y a un noyau dur. On ajoute un coureur en fonction des prédispositions de chacun à passer les bosses ou pas.

Dans les 200 derniers mètres, c’est le moment de l’effort intense. A quoi pensez-vous à ce moment? Pour peu que vous ayez le temps de penser à quelque chose…

TB : Tu fais ton maximum et ça passe très vite, on est à 60-70Km/h, donc ce sont des fractions de secondes. Mais évidemment, je pense à donner le maximum de moi même. Essayer d’être le plus aérodynamique possible et ne pas ouvrir la porte à des mecs derrières moi. Même si ce sont des cadors, il y a du respect, mais ce n’est pas pour autant que je vais les laisser passer dans le dernier virage. J’ai envie de les battre et je vais quand même les chatouiller. 

Depuis son titre de  » lanterne rouge  » du Tour de France 2016, Sam Bennett a continué de s’affirmer comme un sprinteur de premier plan. Preuve en est, ses deux premières étapes – au 17 mai – sur un Grand Tour sur le Tour d’Italie 2018 !

Sur la ligne d’arrivée, vous lancez votre vélo en espérant qu’un jour ce soit celle de… quelle course?  Quelle course vous fait rêver ?

DP : J’ai toujours rêvé des classiques du Nord pour être honnête. Ce sont pour moi les plus belles courses du monde ! Alors arriver en petit comité et gagner au sprint sur le vélodrome de Roubaix ça serait mon rêve ! 

TB : Je pense à celle de Milan-San Remo pour ma part.

Comment se sent-on après un effort aussi violent ?

DP : Les sensations que te procure un sprint sont incroyables. En fin de course, malgré la fatigue, tu ne ressens plus aucune douleur grâce à l’adrénaline… c’est quelque chose que j’adore ! 

SB : Ça dépend de la qualité de mon sprint. Après une victoire, l’atmosphère dans le bus est incroyable ! C’est un sentiment merveilleux de gagner. A la Bora Hansgrohe, la façon dont nous travaillons rend la victoire encore meilleure. Je ne gagne pas seul, nous gagnons tous ensemble.

Propos recueillis par Awen Le Gall

Crédit Photo : Clémence Ducrot / Flore Buquet
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Modérateur: Animateurs cyclisme pro

Re: Les coureurs racontent... le sprint

Messagepar Beobachter » 17 Mai 2018, 18:10

Cette manière parfaite de finir l'article :love: :love: :love:

Après une victoire, l’atmosphère dans le bus est incroyable ! C’est un sentiment merveilleux de gagner. A la Bora Hansgrohe, la façon dont nous travaillons rend la victoire encore meilleure. Je ne gagne pas seul, nous gagnons tous ensemble.


Tout est dit et bien dit 8) :love:
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Re: Les coureurs racontent... le sprint

Messagepar Warren Barguil » 17 Mai 2018, 20:53

Vraiment intéressant, merci les gars :ok:
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Re: Les coureurs racontent... le sprint

Messagepar Kornrat » 17 Mai 2018, 21:51

@Beo : Hasard des circonstances, il gagne aujourd'hui, et quand on voit la joie de ces coéquipiers ça confirme bien ses propros.

@WB : Merci et de rien !

Et merci à ceux qui se sont occupés des relectures !
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Re: Les coureurs racontent... le sprint

Messagepar gosso » 18 Mai 2018, 09:41

Super timing et beau boulot Kornrat ;)
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Re: Les coureurs racontent... le sprint

Messagepar Kornrat » 19 Mai 2018, 09:53

Merci !
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