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Voici le mois de mai et l’heure du premier Grand Tour de l’année : le Tour d’Italie, 101e du nom. Après un début de saison marqué par les surprises (Soler, Roglic, Bernal), le cyclisme devrait retrouver des leaders plus habituels. Sur le plan sportif, l’édition 2018 devra rivaliser avec celles très animées de 2015 et 2016. Il est temps de passer à l’analyse complète et détaillée du parcours de ce Giro d’Italia 2018.

 

La carte de ce Giro 2018, avec un Grand Départ d’Israël.

 

Le Grand Départ d’Israël

Pour la première fois de son Histoire, le Giro s’exporte hors d’Europe avec un grand départ depuis Israël. Officiellement, ce départ est placé sous le signe de Gino Bartali, Juste parmi les nations, pour son rôle longtemps caché lors de la Seconde Guerre Mondiale et plus globalement sous le signe de la paix. Toutefois, ce grand départ reste une opération commerciale, pour promouvoir le tourisme dans l’état hébreu (dans la foulée des spots publicitaires déployés depuis plusieurs années sur Eurosport), et forcément politique étant donné le climat de la région. La polémique immédiate au sujet de la dénomination Jérusalem-ouest, initialement adoptée par les organisateurs mais ensuite abrégée, en est un bon exemple. Mais laissons les polémiques et conflits de côté pour nous concentrer sur le menu sportif de cette entrée de Giro.

Etape 01 : Jérusalem CLM 9.7km

 

La première étape consiste en un contre-la-montre dans les rues sinueuses de Jérusalem-ouest. Le parcours de 9,7 kilomètres n’est jamais plat avec une alternance de faux-plats montants et descendants. Un tracé intéressant moins typé pour les spécialistes de chrono et donc forcément plus ouvert. Les favoris devront toute de suite être dans le bain sous peine de perdre d’entrée 40-50 secondes.

Etape 02 : Haïfa > Tel-Aviv 167km

 

La deuxième étape relie Haïfa à Tel-Aviv, la capitale israëlienne. Le parcours épouse la côte méditerranéenne avec une simple bosse pour déterminer le premier porteur du maillot bleu. Une occasion en or donc pour voir le premier sprint massif de ce Giro.

Etape 03 : Be’er Sheva > Eilat 229km

 

La troisième étape part de Be’er Sheva pour rejoindre Eilat, la station balnéaire sur la Mer Rouge à la pointe sud du pays. Le tracé reste globalement plat mais ne sera pas de tout repos avec 229km à parcourir à travers le désert du Néguev. La température de 38°C viendra s’ajouter aux interminables lignes droites du jour ainsi que le vent, principalement du sud, qui devrait plus ralentir les coureurs que permettre des bordures. Un deuxième sprint massif est probable à Eilat mais cette étape pourrait laisser des traces lors du retour en Italie.

 

Sicile et premiers sommets

Etape 04 : Catania > Caltagirone 198km

 

Comme l’an dernier, le premier lundi de la course est un jour de repos consacré au transfert des coureurs vers la Sicile, où aura lieu la quatrième étape entre Catane et Caltagirone. Après l’exotisme israëlien, le peloton retrouve là une étape accidentée typiquement italienne. Les montées et descentes se succèdent tout au long de la journée avant une arrivée en bosse (900m à 8,5%). Un vrai final pour puncheurs où les leaders les plus en forme pourraient vouloir se jauger.

Etape 05 : Agrigento > Santa Ninfa 153km

 

La cinquième étape entre Agrigento et Santa Ninfa présente un profil similaire. La première moitié de l’étape longe la côte sud de la Sicile avant un final dans les terres fait de montées et descentes. Le final est encore taillé pour puncheurs avec une bosse de 1,2km à 6,1% qui débute à 2 kilomètres de la ligne et une dernière ligne droite encore en montée.

Etape 06 : Caltanissetta > Etna 164km

 

La sixième étape s’élance de Caltanisetta pour rejoindre l’Etna, première arrivée au sommet de ce Giro, comme l’an dernier. Toutefois, le versant escaladé ne sera pas le même, bien que voisin en chiffres (15km à 6,5%). Les coureurs emprunteront une route inédite, plus étroite et réputée moins exposée au vent, d’autant que le site d’arrivée est moins haut (1736m contre 1852m l’an dernier). Plus encore que le chrono d’ouverture, c’est le premier grand rendez-vous pour les favoris. Les différences de forme devraient créer les premiers écarts au général, même si la route sera encore longue jusqu’à Rome.

Etape 07 : Pizzo > Praia a Mare 159km

 

La septième étape entre Pizzo et Praia a Mare marque le retour des coureurs dans la botte italienne. Le tracé du jour remonte la côte tyrrhénienne et reste donc très plat, à l’exception d’un faux plat de 4 km à 3-4% dans les 20 derniers kilomètres. Rien à voir avec le final vallonné qui avait permis à Ulissi de l’emporter en 2016. Cette fois c’est un sprinteur qui devrait lever les bras.

Etape 08 : Praia a Mare > Montevergine di Mercogliano 209km

 

La huitième étape repart de Praia a Mare en direction d’un revenant, le Montevergine di Mercogliano. Cette montée ultra roulante (17,1km à 5%) était un classique des premières semaines du Giro il y a une décennie. Elle vient ponctuer une étape plutôt accidentée, aussi la probabilité est forte de voir un baroudeur l’emporter comme De Clercq en 2011. Pour les favoris, cette ascension servira surtout de déblocage pour la deuxième étape de montagne du week-end.

Etape 09 : Pesco Sannita > Gran Sasso d’Italia 225km

 

La neuvième étape entre Pesco Sannita et le Campo Imperatore sera en effet plus propice à une grande explication. Après 180 kilomètres de course, les coureurs débuteront l’ascension finale en paliers vers le sommet des Apennins, le Gran Sasso d’Italia. Cette montée dure près de 45km en tout, avec plusieurs replats/descentes et se termine par 4,5km à 8,2% à près de 2100m d’altitude. Avec la fatigue de la première semaine, des écarts pourront être faits, même si le profil est taillé pour les trains montagnards comme celui de la Sky.

 

Remontée vers le nord et un week-end explosif

Etape 10 : Penne > Gualdo Tadino 239km

 

Après un deuxième jour de repos bien mérité, le peloton reprend la route entre Penne et Gualdo Tadino pour la dixième étape. Le profil du jour brille par son caractère expérimental avec un col 2C dès le départ puis un parcours vallonné avant un dernier tiers plus favorable à un peloton groupé. La ligne d’arrivée est placée après 239km mais sur le plat. Un parcours potentiellement favorable aux sprinteurs mais où les baroudeurs seront difficiles à contrôler.

Etape 11 : Assisi > Osimo 156km

 

La onzième étape entre Assisi et Osimo semble tout droit sortie d’un Tirreno-Adriatico avec un parcours accidenté ponctué de petits murs. Le peloton passera par Filottrano, la ville du regretté Michele Scarponi, avant de se diriger vers Osimo et son final pour puncheurs (1,8km à 6,4%, max 16%).

Etape 12 : Osimo > Imola 214km

 

La douzième étape repart de Osimo vers Imola pour une arrivée sur le célèbre circuit automobile. L’étape est plate comme la main jusqu’à la boucle finale qui emprunte la bosse des Tre Monti (4,4km à 4,2%). Ce circuit autour du circuit est le même que lors de l’étape de 2015, où Zakarin l’avait emporté en baroudeur. Cette fois ce sont plutôt les puncheurs qui pourraient gâcher la fête des sprinteurs dans ce temple de la vitesse.

Etape 13 : Ferrara > Nervesa della Battaglia 180km

 

La treizième étape entre Ferrara et Nervesa della Battaglia est la plus plate de ce Giro 2018. Il s’agit de la traversée usuelle de la plaine du Pô qui marque l’arrivée de l’épreuve dans le nord de l’Italie, au pied des Alpes. La haute montagne s’annonçant à l’horizon, les sprinteurs ne devraient pas laisser passer leur chance ce jour-ci.

Etape 14 : San Vito al Tagliamento > Monte Zoncolan 186km

 

La quatorzième étape s’élance de San Vito al Tagliamento pour se finir au sommet du géant des Alpes Carniques, le Monte Zoncolan. Y-a-t-il encore besoin de présenter cette terrible montée de 10,1km à 11,9% ? Le profil du jour sort du modèle de la course de côte pure en proposant plusieurs autres petits cols présentant chacun des passages à forts pourcentages. Toutefois, il y a fort à parier que les favoris se présenteront groupés à Ovaro pour une véritable explication de grimpeurs, sans train.

Etape 15 : Tolmezzo > Sappada 176km

 

La quinzième étape entre Tolmezzo et Sappada sera très intéressante à suivre. Le parcours vient lêcher les Dolomites avec un passage par le Passo Tre Croci avant un enchainement de trois montées plutôt courtes et surtout de difficultés décroissantes. C’est le parfait terrain pour tenter des offensives lointaines. Cet effet est renforcé par la position idéale de l’étape : le lendemain de l’explication sur le Zoncolan et la veille du dernier jour de repos. A ce titre, cette étape est probablement la meilleure sur le papier de ce Giro 2018.

 

Une troisième semaine (toujours) décisive

Etape 16 : Trento > Rovereto CLM 34,2km

 

Après le troisième jour de repos, les coureurs vont pouvoir ressortir leurs vélos profilés pour affronter le deuxième contre-la-montre de cette édition entre Trento et Rovereto. Bien qu’entouré de montagnes, le parcours du jour sera globalement plat et rectiligne sur une distance de 34,2km. Pour les plus rouleurs des favoris, ce sera la journée à ne pas manquer pour se construire un avantage à défendre dans la suite de cette troisième semaine.

Etape 17 : Riva del Garda > Iseo 155km

 

La dix-septième étape entre Riva del Garda et Iseo fait figure d’étape de transition. Le départ en montée devrait favoriser une échappée de costauds qui devra ensuite résister au retour des sprinteurs sur les 155km du jour.

Etape 18 : Abbiategrasso > Pratonevoso 196km

 

La dix-huitème étape relie Abbiategrasso à la station de Pratonevoso dans les Alpes piémontaises. L’étape s’annonce monotone avec un longue approche par la plaine avant la montée finale de 13,9km à 6,9%. Une fois de plus le choix d’une course de côte à ce stade de la course n’apparait pas comme le plus judicieux, d’autant que ce Tour d’Italie 2018 ne manque pas d’arrivées au sommet.

Etape 19 : Venaria Reale > Bardonecchia (Jafferau) 184km

 

La dix-neuvième étape entre Venaria Reale et le Monte Jafferau est l’étape reine de ce Giro 2018. Le parcours du jour offre 4 cols et peu de répit aux coureurs. Le Colle del Lys servira d’échauffement avant le monstre du jour, le Colle delle Finestre et ses 18,5km à 9,2%. Son sommet sera la Cima Coppi mais surtout l’arrivée y est encore distante de 74km, une première, ce qui rend toute défaillance impardonnable. La montée roulante vers Sestriere (16,2km à 3,8%) et une longue vallée suivront, e qui devrait inciter les leaders à placer des équipiers dans l’échappée. La montée finale se fera au dessus de Bardonnechia vers le refuge du Jafferau (7,2km à 9,1%). En cas de course de mouvement, seuls les plus endurants seront encore capables d’attaquer ici.

Etape 20 : Susa > Cervinia 214km

 

La vingtième étape s’élance de Susa vers la station de Cervinia, nouveau classique des années 2010. L’étape est d’abord plate pendant 130km avant l’entrée dans le Val d’Aoste pour un enchainement de trois cols difficiles : le Tsecore (16km à 7,7%), le St-Panthaléon (16,5km à 7,2%) et la montée vers Cervinia (18,2km à 5,3%). Un enchainement redoutable, plus concentré que la veille, qui peut permettre une grosse dernière explication et pourquoi pas une chevauchée en solitaire.

Etape 21 : Rome > Rome 115km

 

La vingt-et-unième et dernière étape de ce Giro 2018 se dispute dans les rues de Rome, après un transfert express depuis Turin. Un circuit de 11,5km sera à parcourir 10 fois. A l’image du critérium des Champs-Elysées sur le Tour de France, cette étape finale devrait permettre de magnifier les monuments de la ville éternelle tout en offrant un dernièr sprint royal aux hommes rapides encore présents.

La synthèse

Ce Giro d’Italia 2018 propose 8 étapes de montagne (dont 8 arrivées au sommet !), 4 étapes accidentées au profil intermédiaire, 7 étapes de plaine censées se finir par un sprint massif et 2 contre-la-montre individuels (44 km au total, contre 69 l’an dernier).

En matière de montagne, ce Giro 2018 est fidèle à sa réputation avec de nombreuses chances pour les grimpeurs. Mais contrairement aux années précédentes, il n’y a pas d’arrivée en descente (Bormio 2017, Corvara 2016) ou autre (Asiago 2017, Aprica 2015). Ce recours exclusif aux arrivées au sommet nuit à la variété de la course. Plus globalement, le format de la course de côte est même sur-représenté : Etna, Montevergine, Gran Sasso, Zoncolan (par essence, malgré les petits cols) et Pratonevoso. Les deuxième et cinquième citées auraient pu être aisément évitées au profit d’étapes de moyenne montagne arrivant en descente ou vallée, véritable manque de ce Giro. Les trois étapes à enchainements (Sappada, Jafferau et Cervinia) se démarquent donc sans hésitation. La première est subtilement placée et la deuxième est probablement le gros pari de ce Giro 2018 avec le Finestre à 74km de l’arrivée. Un parcours potentiellement mythique si l’étincelle se produit mais il faudra aussi espérer que la belle mais plus classique étape de Cervinia le lendemain ne freine pas l’entrain des coureurs.

Au niveau du contre-la-montre, le kilométrage cumulé est de 44km, ce qui constitue un minimum historique pour le Giro. Cela reste toutefois bien supérieur aux récents Tours et dans l’ordre de ce qu’on voit sur la Vuelta. Ce faible kilométrage ne compense pas vraiment le programme montagneux, même s’il faut noter deux facteurs d’équilibres dans ce Giro. Le parcours du long contre-la-montre est plat, donc sans pitié pour les grimpeurs légers. Et le répétitif format de course de côte est loin d’être défavorable aux rouleur-grimpeurs. Même une montée très pentue comme le Zoncolan nécessite de savoir gérer son effort pour éviter une défaillance irréversible. Nous espérons toutefois que les chronos creusent les écarts pour assister à de belles étapes en fin de troisième semaine.

En plaine, les sprinteurs bénéficieront de six étapes destinées à un sprint massif (Tel-Aviv, Eilat, Praia a Mare, Imola, Nervesa, Rome) pour se disputer les bouquets et le maillot cyclamen, nouveau règlement favorable oblige. L’ultime étape de ce Giro garantissant un sprint à Rome, les sprinteurs devraient être plus nombrés que l’an dernier à rejoindre l’arrivée finale. De plus, deux autres étapes pourraient venir s’ajouter au palmarès des sprinteurs (Gualdo Tadino, Iseo) bien que leur profil accidenté sied aussi aux baroudeurs, par ailleurs sevrés de moyenne montagne.

Enfin, ce Giro 2018 offre quelques étapes vallonnées destinées aux puncheurs (Caltagirone, Santa Ninfa, Osimo) même si là encore, il faudra savoir contrôler les baroudeurs.

Dernier point de cette analyse, ce Giro fait la part belle à quelques gros transferts, avec en tête de proue le GD d’Israël et le passage en Sicile, mais les réduit ensuite dans la deuxième moitié de l’épreuve jusqu’à au transfert final et symbolique vers Rome.

En conclusion, ce Giro d’Italia 2018 présente un tracé plutôt inégal, alternant bonnes et mauvaises idées. Au rayon des ratés, nous citerons le Grand Départ en Israël, assez terne sportivement parlant malgré un bon contre-la-montre d’ouverture, et les courses de côtes vers Montevergine et Pratonevoso, plus que dispensables. L’excès d’arrivées au sommet et le faible kilométrage contre-la-montre fait d’ailleurs penser à une Vuelta a Italia. Ce jugement apparaît toutefois comme trop caricatural puisque le parcours possède aussi plusieurs bons passages comme l’excellent week-end autour du Zoncolan, l’étape du Finestre ou le triptyque sicilien. Les expérimentations comme la montée inédite de l’Etna ou l’étape de Gualdo Tadino sont aussi à saluer. Comme toujours, la troisième semaine sera décisive et les deux dernières étapes de montagne seront probablement décisives pour le général et pour le spectacle offert par ce Giro.

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Re: Giro d'Italia 2018 : analyse du parcours

Messagepar Cyro » 04 Mai 2018, 10:47

Toujours un régal :heureux:
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