Le parcours de la région parisienne à Nice est rapidement devenu un des classiques de la saison, marquant le début des grandes courses. Pourtant, en 1959, le peloton a poursuivi sa route… jusqu’à Rome !
Tout bon passionné de cyclisme qui se respecte connaît Paris-Nice. Il ne sait peut-être pas en revanche que l’épreuve existe depuis 1933, année de sa création par Albert Lejeune sous le nom des « Six jours de la route ». Définitivement relancée après-guerre en 1951 (après une tentative ratée en 1946), elle prend alors le nom de « Paris-Côte d’Azur », avant d’opter pour son appellation finale de Paris-Nice dès 1954. Mais son nom aurait encore pu évoluer quelque cinq années plus tard, en 1959, suite à une folle initiative de Jean Leulliot, directeur de la Course au Soleil : prolonger le parcours jusqu’à… Rome ! Soit 1 955 kms. L’objectif était d’augmenter l’intérêt de la course, alors que de plus en plus d’épreuves étaient organisées sur le pourtour méditerranéen en début d’année. Le choix de relier Paris à Rome est également un choix symbolique. Les deux capitales ne sont jumelées qu’entre elles, depuis 1956, avec un slogan : « seule Paris est digne de Rome, seule Rome est digne de Paris ».
Face à l’interdiction d’allonger des courses existantes, ce sont en réalité deux courses séparées qui ont eu lieu. La première, de Paris à Nice, du 5 au 9 mars en six étapes. La deuxième, de Menton à Rome, du 10 au 14 mars en cinq étapes, ouverte « sur invitation » aux coureurs arrivés à Nice. Chacune a son classement général, par points. Mais c’est un classement général au temps, de Paris à Rome, qui a sacré le vainqueur final de la course.
Au départ de Paris, un attrait encore plus important s’est emparé de la course. Les quatre grands coureurs français ont répondu présents : Louison Bobet, Raphaël Géminiani, Jacques Anquetil et Roger Rivière. Dès les premiers jours, Roger Rivière s’est montré très offensif, puis Jacques Anquetil a remporté le contre-la-montre de Vergèze. Mais, les Grands s’observant trop, ce sont leurs équipiers qui ont pris les commandes. Après le contre-la-montre, c’est Gérard Saint, de l’équipe Saint-Raphaël (Rivière, Géminiani) qui a endossé le maillot blanc de leader. Le lendemain, l’équipe Helyett-Hutchinson d’Anquetil a ensuite renversé la situation à Nice.
A la faveur d’une grande échappée entre Manosque et Nice, c’est Jean Graczyk qui a récupéré la place de leader sur la promenade des Anglais, bien aidé par son équipier André Darrigade. S’est alors engagée une vraie course d’équipe entre les deux grandes formations. Gérard Saint, vainqueur à Vintimille, a tenté avec toute son équipe de combler son retard sur Graczyk. Sur les chemins de terre menant à Sienne, Saint est passé tout près de ravir la première place. Lancé par Géminiani et épaulé par Rivière et Everaert, il est revenu à quinze secondes de Graczyk, qui n’avait qu’Anquetil pour se défendre. La dernière étape maîtrisée par ses glorieux équipiers, le coureur né en France de parents polonais a pu profiter de sa victoire finale – sans avoir remporté d’étape – avant d’être reçu par le pape.
Ce sacre, qui a été un des révélateurs de Jean Graczyk entre ses deux maillots verts du Tour de France, n’a toutefois pas donné une suite aussi favorable à la Course au Soleil. Face aux nombreuses critiques sur la longueur du parcours, le format Paris-Nice-Rome est abandonné. Le tronçon Menton-Rome a bien tenté de subsister mais fut vite abandonné après une seule édition en 1961. Jean Leulliot n’abandonnera toutefois pas ses idées d’internationaliser sa course : en 1980, il a voulu faire de Paris-Nice un Tour du Monde. Une idée, là encore, vite écartée.
Par Matthieu Sirvent
Crédit Photo : Harry Pot