Nous continuons notre présentation des espoirs de la saison 2018 par cinq jeunes coureurs qui viennent du nouveau monde. Ils ont grandi loin de la vieille Europe et de son terreau traditionnel et fertile, mais ça ne les empêche pas d’avoir un grand talent. Présentation de ces cinq coureurs que vous découvrirez peut-être cette année.
Richard Carapaz, Equateur, Movistar Team, 24 ans :
Si vous suivez le cyclisme de près, vous avez sans doute déjà remarqué Richard Carapaz. Il a le physique typique des coureurs colombiens, son drapeau est jaune, bleu et rouge, mais non, Richard Carapaz n’est pas colombien mais équatorien. Il s’est révélé aux yeux de l’Europe en 2013, en faisant un superbe Tour des Pays de Savoie. Il était alors 3ème du classement général avant d’être piégé lors de l’ultime étape pour une 9ème place finale. Mais sa carrière européenne, il la doit à Movistar. L’équipe espagnole l’a pris en stage fin 2016, après avoir remporté de belles épreuves sur le circuit amateur espagnol. Convaincue par ses qualités, Movistar l’a alors lancé dans le grand bain en 2017. Tout a commencé très fort pour lui avec une 2ème place sur le GP Industria & Artigianato, entre Adam Yates et Rigoberto Uran ! L’arrivée des grandes chaleurs a participé à sa montée en puissance. Il a notamment terminé 6ème du Tour de la Communauté de Madrid, puis 4ème du Tour de Castille-et-Léon, avant d’enchaîner par un podium sur la Route du Sud. Convaincant en montagne, il a ainsi eu l’opportunité de participer à son premier Grand Tour sur la Vuelta, achevée au 36ème rang. Encore un peu juste pour jouer du dérailleur avec les meilleurs. Néanmoins on l’a parfois vu à son avantage, 13ème lors de l’arrivée à l’Observatoire Astronomique de Calar Alto, 14ème vers la Sierra de la Pandera, ou 11ème sur le redoutable Angliru ! Seule ombre au tableau, une exclusion des Jeux Bolivariens … à cause d’une soirée trop arrosée avec son compatriote, et néo-pro en 2018, Jhonatan Narvaez. En 2018, son premier objectif sera d’enfin lever les bras, après avoir beaucoup tourné autour cette année. Mais son rôle évoluera aussi, en devenant l’un des principaux lieutenants pour ses (nombreux) leaders.
Kevin Rivera, Costa Rica, Androni – Sidermec – Bottecchia, 19 ans :

Victorieux sur le Tour de Chine II en 2017, Kévin Rivera suivra t-il les traces de son ancien coéquipier Egan Bernal ?
Gianni Savio sera-t-il le principal découvreur de talent de cette fin de décennie ? Après avoir formaté avec brio le colombien Egan Bernal, Androni vous présente Kevin Rivera ! L’histoire est quasi identique. Moins d’un an après le recrutement de Bernal, Gianni Savio a mis la main sur un autre vététiste, le jeune costaricien Kevin Rivera. Après quelques épreuves juniors en Italie, il a tapé dans l’oeil du manager de la formation Androni. Lors de tests chez Michele Bartoli, il lui a été détecté des qualités physiques hors normes. De quoi convaincre Androni de le signer pas moins de 4 ans. Ses débuts ont été compliqués, notamment à cause d’une tumeur qu’il a dû faire retirer et qui lui a donc fait rater une partie du début de saison. Mais il est ensuite progressivement monté en puissance, étant un précieux équipier pour Rodolfo Torres lors du Tour du Bihor. L’apothéose est intervenue lors du Tour of China II, lorsqu’il s’impose lors de l’étape reine et remporte le général. Cette belle fin de saison s’est confirmée début 2018, avec un très bon Tour du Venezuela, où lui et son équipier Sosa ont dominé à la pédale. Il y décroche un bouquet avec la manière, mais a raté le bon coup pour le général lors de la 2ème étape. Sa saison 2018 pourrait se poursuivre par le Giro, où il sera à coup sûr un des grands animateurs des étapes de montagne. Kevin Rivera espère bien en tout cas marcher dans les pas de son compatriote, Andrey Amador.
Ryan Gibbons, Afrique du Sud, Dimension Data, 23 ans :
L’Afrique du Sud s’éveille petit à petit au vélo. Le réservoir n’est pas forcément très profond, mais la qualité de formation est là. Ryan Gibbons en est le dernier exemple en date. Et pourtant, quelle drôle d’évolution pour ce jeune sprinteur ! Arrivé en 2016 dans la réserve de Dimension Data, il ne s’est mis à performer qu’en toute fin d’année, décrochant une 7ème place sur la Coppa Bernocchi. Il avait déjà été choisi pour faire partie de l’équipe première en tant que stagiaire, et il en profita pour signer deux placettes en fin de saison (12ème du Münsterland Giro et 16ème de Paris-Bourges). Des résultats honorables pour un premier exercice européen, mais qui ne laissaient en rien présager de la très grande année 2017 qu’il allait réaliser. Promu dans l’équipe principale, il débutait fort sa saison sur le Tour de Langkawi. Premier bouquet lors de la 5ème étape (alors qu’il était leader depuis le soir de la 2ème étape), au lendemain d’une étonnante montée de Cameron Highland, qu’il avait achevé au 3ème rang. Cette montée, associée à sa régularité lors des sprints, lui auront permis de s’adjuger le classement général ! On le retrouvait ensuite en mai sur le Giro, son premier grand tour. C’est là qu’il a vraiment décollé, décrochant 6 Top 10 au sprint ! Malheureusement malade, il ne put terminer le Giro. On le retrouva alors moins à la fête en deuxième partie de saison, malgré quelques bons sprints sur le Tour d’Autriche. Mais face à une concurrence moindre que sur le Giro, on aurait pu espérer un bouquet de vainqueur, ce qui ne fut pas le cas. Conforté dans son rôle de 2ème sprinteur de la formation sud-africaine, Gibbons sera de nouveau au départ du Giro avec, souhaitons lui, cette fois-ci un beau bouquet à l’arrivée d’une étape.
Yevgeniy Gidich, Kazakhstan, Astana, 21 ans :
Qu’elle semble loin la génération dorée kazakhe des années 2000. Finis les Vinokourov, Kashechkin, Iglinsky qui avaient placé le Kazakhstan en haut de l’affiche, après les premiers émois lancés par le regretté Kivilev, Shefer ou Teteriuk. Il ne reste plus que Lutsenko qui, bien que pétri de qualités, n’a jamais vraiment réussi à s’imposer comme un cador. Pas assez spécialiste peut-être, dans ce cyclisme moderne. Derrière lui, c’est le néant ou presque. Zeits est un bon équipier en montagne, et ça s’arrête à peu près là. Les autres ne sont que de modestes grégarios, n’ayant jamais réussi à percer en Europe. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir un système de jeunes plutôt performant, et d’y investir des moyens.Et parmi ces espoirs, un sort du lot, ayant déjà remporté quelques beaux bouquets en Asie : Yevgeniy Gidich. Chez les juniors, il se fait surtout remarquer pour ses qualités de baroudeur, ce qui lui vaudra d’intégrer l’effectif de Vino4Ever en 2015. Il y réalisera quelques placettes au sprint. Mais dès début 2016, il explose et s’affirme comme un des cadors du circuit asiatique. Sa première épreuve, le Tour des Philippines, le verra terminer à la 2ème place grâce à ses qualités de baroudeur. Sur le Tour d’Iran en mai, il s’impose au sprint lors de l’ultime étape, devançant notamment Jon Aberasturi. De belles qualités de sprinteurs qu’il mettra de nouveau en avant sur le Tour de Corée, sans pour autant réussir à s’imposer. Qu’importe, le Tour du Lac Qinghai lui sera favorable, avec deux succès qui feront parler sa polyvalence : la première au sprint, mais suite à une grosse ascension durant l’étape ; la deuxième après une bagarre monumentale dans le vent. Il finira dans le Top 10 du général, ne craquant jamais dans les étapes compliquées. Puis il décrochera un dernier bouquet au sprint lors du Tour de Bulgarie.
2017 débute tout aussi fort avec plusieurs Top 10 au sprint sur le Tour de Langkawi. Malheureusement, il devra abandonner avec la montagne, où il aurait été intéressant de le voir évoluer. Opportuniste, il remporte en échappée la première étape du Tour de Thaïlande, puis ne lâchera plus la tête jusqu’à l’arrivée pour s’adjuger sa première course par étapes UCI. Lors du Tour de Corée il fait de nouveau parler sa polyvalence pour terminer 3ème du général, mais ne décroche aucun succès. Il lui faudra pour cela attendre l’ultime étape du Tour du Lac Qinghai, qu’il règle en sprinteur. Astana le récupère alors en stagiaire, mais il ne brillera guère sur les trois épreuves où il sera aligné. On le retrouve en forme sur le Tour d’Almaty, vainqueur du sprint du peloton le premier jour, solide 6ème le lendemain en montagne. Alors qu’attendre réellement de Gidich ? A seulement 21 ans, il a encore le temps de développer son potentiel. Il a de bonnes qualités au sprint, mais il sera certainement un peu juste dans un premier temps en Europe. En revanche sa polyvalence, et ses capacités à franchir les difficultés sans soucis pourraient l’amener à se mettre en avant assez rapidement sur certaines épreuves bien spécifiques. Il a néanmoins la chance qu’Astana ne possède pas beaucoup de sprinteurs (Cort Nielsen, Minali, et son compatriote Tleubayev), ce qui devrait lui laisser une certaine latitude. Alexandre Vinokourov espère en tout cas qu’il deviendra un solide sprinteur dans le peloton mondial.
Amanuel Ghebreigzabhier, Erythrée, Dimension Data, 23 ans :
Les Erythréens arrivent petit à petit en Europe. Teklehaimanot, Berhane, Kudus ou encore Debesay ont su se montrer. Tous sont arrivés auréolés d’un statut d’espoir, observés tant par curiosité que par réel enthousiasme. Pourtant jusque là, aucun n’a vraiment crevé l’écran. Certes Berhane a remporté le Tour de Turquie, Teklehaimanot s’est imposé sur la Prueba Villafranca, Debesay a décroché un Top 10 sur le Tour de Guangxi et Kudus s’affirme comme un grimpeur honnête. Mais aucun n’a réellement réussi à devenir un grand coureur. En sera-t-il différemment pour Amanuel Ghebreigzabhier ? Certains indices veulent bien nous laisser croire que oui. Ses premiers succès, il les a remporté sous les couleurs de la sélection nationale. A 19 ans, il s’est imposé sur le Tour de Blida en Algérie, puis a remporté quelques mois plus tard, quelques jours après son vingtième anniversaire, le titre de champion national 2014. Après une nouvelle saison avec la sélection Erythréenne en 2015 (vainqueur du Tour de Constantina notamment), il signe pour la réserve de Dimension Data en 2016. Dès sa première course en Europe il impressionne. Lors de la Semaine Coppi et Bartali, il termine à une prometteuse 36ème place finale, au milieu de professionnels aguerris. Dans sa lancée, il décroche un podium sur le GP Palio del Recioto, une belle épreuve espoir italienne. Il continue sa montée en puissance avec une 11ème place sur le Tour des Appennins, autre épreuve professionnelle italienne. Il va alors disparaître du circuit européen, réaliser un beau Tour du Rwanda, puis revenir en 2017. Il enchaîne de nouveau les belles prestations sur les épreuves espoirs italiennes, décrochant deux podiums sur la Coppa della Pace et le Giro del Medio Brenta. Il réalise aussi un bon Tour de Hongrie, où il ne quitte quasi jamais le Top 10, prouvant sa fraîcheur et sa vigilance dans des finals tortueux, et décrochant aussi le maillot de meilleur grimpeur. Mais ce qui nous intéresse surtout, ce sont ces excellents débuts en tant que stagiaire dans l’équipe mère. Dès le Tour de Norvège il impressionne, terminant à une très prometteuse 9ème place finale. Il se montrera ensuite très solide sur les semi-classiques italiennes, terminant dans le groupe de tête lors de la Coppa Agostini et du Memorial Marco Pantani. On n’oubliera pas non plus un Paris-Tours convaincant, avec une arrivée dans le premier peloton, dans une épreuve loin d’être facile en fin d’année. Nous attendons avec hâte de le voir en 2018 dans le peloton professionnel, et notamment en haute montagne, où nous disposons finalement d’assez peu de références. Ce qui est sûr, c’est que des épreuves vallonnées, il devrait figurer aux avant-postes.
Par vino_93.
Crédit photo : Clémence Ducrot