Le Tour de France 2017 est-il vraiment promis à un des favoris ? Froome n’a pas rassuré sur sa forme, Porte a montré des failles sur le plan tactique et Quintana sort d’un Giro éprouvant. Les scénarios récents du Dauphiné et de la Route du Sud nous ont livré des vainqueurs surprise, alors pourquoi pas le Tour ? Après tout le tracé est parsemé d’étapes pièges en plaine et en moyenne montagne, tout en comportant très peu de contre-la-montre et d’arrivées au sommet. Pourquoi ne pas imaginer la victoire d’un homme inattendu ?
Dan Martin
L’Irlandais de la Quick-Step est très certainement au meilleur niveau de sa carrière sur les courses par étapes, jamais au-delà de la 6e place d’un classement général cette saison. Et n’a très certainement jamais grimpé aussi fort. On a pu le constater récemment avec sa 2e place au plateau de Solaizon sur le Dauphiné (3e du général) ou sa 3e place derrière Porte et Contador au col de la Couillole sur Paris-Nice (3e du général également). Déjà sa 9e place du Tour l’an passé avait montré ses progrès sur trois semaines, il est maintenant temps pour Dan Martin de passer encore le cran supérieur.
S’il arrive sur le Tour avec une équipe clairement dévouée à Marcel Kittel, entouré du seul Gianluca Brambilla qui sur l’année 2017 n’a pas montré un grand état de forme, il pourra profiter de son statut d’outsider pour se faire discret et frapper aux moments inattendus sans que ses adversaires ne jugent en lui un concurrent direct à la victoire finale. Entouré de trois énormes gaziers comme Philippe Gilbert, Zdenek Stybar et Matteo Trentin, et armé de son esprit offensif, Dan Martin pourra profiter de chaque étape escarpée – ou même de plaine – pour tenter de renverser la table.
Jakob Fuglsang
Jakob Fuglsang fait partie de ces semi-déceptions, de ces coureurs annoncés comme des énormes cracks (champion du monde de VTT espoir devant Schurter et Kulhavý !) et qui dans leur carrière évoluent finalement en deuxième rideau. Au point que cela puisse devenir une blague, comme quand après la défaillance de Vincenzo Nibali sur la Pierre-Saint-Martin Fuglsang annonce vouloir devenir le leader de l’équipe pour s’effondrer le lendemain dans la montée du Tourmalet. Fuglsang était malgré tout resté présent dans les forces vives du peloton, régulier dans les classements sur les courses d’une semaine, 7e du Tour 2013, et capable de coups d’éclat comme sur les derniers Jeux Olympiques (2e) ou sur les pavés du Tour 2014.
Mais le dernier Dauphiné laisse entrevoir la possibilité qu’enfin Jakob Fuglsang comble les espérances mises en lui. Victorieux du classement général et seul à pouvoir suivre Richie Porte à l’Alpe d’Huez, il a gagné sa place de co-leader sur le Tour. Et alors que tout le monde s’accorde à considérer Fabio Aru comme le vrai coureur dangereux de la formation Astana, voyant le Dauphiné comme un coup unique de la part du Danois, comment ne pas penser qu’entre la confiance acquise au mois de Juin et la joie causée par la naissance de son enfant, il sera tout aussi bien sur le Tour. Ou au contraire ces deux éléments l’auront fait se relâcher, et Fuglsang ne sera qu’un lieutenant de très grand luxe.
Carlos Betancur
Que n’a-t-on pas dit sur Carlos Betancur ? Si son effondrement de carrière après une brillante année 2013 et une victoire sur le Paris-Nice 2014 prête à rire, elle est aussi assez désolante pour un des plus gros espoirs du peloton de l’époque. Ses frasques liées à la nourriture sont connues et sources de moqueries. Il y avait toujours un certain dépit, tout en voyant quelques signes de maintien (20e du Giro 2015, victorieux sur une étape du Tour des Asturies et du Tour de Castille et Léon en 2016). Mais c’est cette année qu’on revoit de vrai signes encourageants. Sur les Hammer Series, certes un simple critérium, on a revu un Carlos Betancur facile, léger, explosif. Puis récemment 17e du Tour de Suisse.
Surtout, on le voit au départ du Tour enfin affûté, et on imagine en bonne forme au vu de sa présence dans la formation Movistar qui avait largement de quoi le remplacer dans son effectif. Et on se prend alors à rêver à son retour, à retrouver ce panache explosif qu’on avait tant adoré en 2013. Et la présence de deux leaders au-dessus de lui avec Quintana et Valverde va pouvoir le pousser à se faire mal pour eux, et souvent probablement à prendre les échappées soit-disant pour servir de relais, mais comme d’habitude chez Movistar pour jouer le classement par équipes, mais du coup à être dans le jeu en haute montagne et à faire partie des coups dangereux.
Robert Gesink
Passée un peu inaperçue, la performance de Robert Gesink sur le contre-la-montre des championnats néerlandais est pourtant révélatrice d’un grand état de forme. Sur 50 km plats, il ne débourse qu’une minute sur Tom Dumoulin et est parvenu à battre des références internationales comme Jos Van Emden. Après une saison 2017 en retrait et une saison 2016 décevante malgré une victoire en haut de l’Aubisque lors de la Vuelta, cette performance pourrait annoncer le retour de Robert Gesink à son meilleur niveau, celui qu’on a pu entrevoir lors de la montée de la Pierre-Saint-Martin lors du Tour de France 2015 où il finira 6e du général.
Gesink avait enflammé les espérances aux Pays-Bas. A 22 ans il terminait 7e de sa première Vuelta, à 24 ans 6e de son premier Tour de France. Depuis plus personne ne semble vraiment croire à son retour malgré quelques coups épisodiques (7e de la Vuelta 2014 avant abandon, vainqueur du Grand Prix de Québec, …). A 31 ans ce Tour de France peut être le bon moment pour lui de s’exprimer au maximum de ses possibilités, alors que personne ne l’attend et que tout le monde dans son équipe a les yeux tournés vers la nouveauté Primoz Roglic. Robert Gesink arrive sans aucune pression et au vu de ses dernières performances tout ce qu’il pourra nous offrir sera bon à prendre.
Rigoberto Uran
Le choix de la Route du Sud a offert à Rigoberto Uran une parfaite discrétion pour son approche du Tour de France. Pourtant si le Colombien délaisse le Tour d’Italie au profit du Tour de France pour la première fois depuis 2013 (il avait certes pris le départ en 2015 mais comme chasseur d’étape après un Giro couru en leader), ce n’est pas pour y faire de la figuration. Lui qui compte deux podiums sur le Tour d’Italie a donné des signes rassurant tout au long de l’année : 8e de Tirreno-Adriatico et 9e du Tour du Pays Basque notamment, en étant à chaque fois très fort sur l’étape reine (4e au Terminillo et 3e à Eibar).
Surtout, Rigoberto Uran va pouvoir s’appuyer sur une très forte équipe qui dans la tradition des équipes de Jonathan Vaughters a toutes les cartes en main pour enflammer la course (on se souvient du début d’étape vers Bagnères-de-Bigorre en 2013). Andrew Talansky 5e de la dernière Vuelta et un Pierre Rolland retrouvé, deux coureurs largement tournés vers l’attaque, vont être de parfaits atouts pour mettre le bazar sur les étapes de haute et moyenne montagne, créant des brèches dans lesquels un coureur complet comme Rigoberto Uran ne manquera pas de s’engouffrer.
par bullomaniak
Crédit Photo : Clémence Ducrot