Vincenzo Nibali arrive sur le Tour de France 2016 avec l’objectif annoncé de préparer les jeux olympiques et d’aider Fabio Aru à monter sur le podium. Mais la présence sur le Tour d’un des meilleurs coureurs de ces dernières années, un Giro dans la poche, fait forcément resurgir le fantasme du doublé inédit depuis Pantani en 1998.
L’impossible doublé au sein du cyclisme moderne ?
L’échec d’Alberto Contador en 2011 et en 2015 semble avoir entériné dans l’esprit des suiveurs l’idée qu’un doublé Giro / Tour est impossible dans le cyclisme moderne, un exploit mythique du cyclisme à l’ancienne mais non rééditable de nos jours. Mais il ne faut pas oublier non plus que seulement sept coureurs l’ont réalisé à ce jour, soit de la part des plus grands champions de leur époque (Coppi, Anquetil, Merckx, Hinault, Indurain), soit par des coureurs dans une année exceptionnelle (Roche, Pantani). Contador semble à priori un bon candidat à leur succession. Sauf que dans cette liste, on constate la prédominance des coureurs complets, presque des rouleurs, à l’aise sur des efforts plus constants et les courses d’endurance. Schéma auquel ne correspond pas Alberto Contador et son style de grimpeur explosif. Mais type auquel se rattache beaucoup plus facilement Vincenzo Nibali, davantage un coureur multi-terrain et surtout à l’aise dans les courses d’usure.
Un autre problème auquel s’est heurté Alberto Contador : le cumul de deux pics de forme. Mais, en prenant l’exemple de Laurent Fignon pour qui il fallait passer par le Giro pour être à son meilleur sur le Tour, la meilleure approche est de modérer sa forme sur le Tour d’Italie pour ensuite donner son meilleur en juillet. Se servir en quelque sorte de la première épreuve comme d’un entraînement destiné à faire de la surcompensation comme le serait un stage en altitude. Certes en prenant le risque de la défaite comme Indurain sur le Giro 1994, mais en évitant d’être en bout de course sur le Tour. De fait, la meilleure occasion pour Alberto Contador aurait été le Tour 2008, à la sortie d’un Giro gagné sans jamais dominer les débats. L’inverse est également possible comme Jacques Anquetil en 1964, à condition d’avoir une certaine marge sur ses adversaires, mais ce qui expose le coureur à la concurrence. Choix voué à l’échec face à des Froome ou des Quintana.
Vincenzo Nibali dans le bon rythme
Entre une première partie de saison inconstante et un début de Giro poussif, Nibali paraît être plutôt dans la bonne voie pour tenter un doublé Tour d’Italie / Tour de France. On ne peut nier la fatigue engendrée par une course de trois semaines, couplée à la pression du peuple et des médias italiens, mais on peut imaginer qu’après avoir fini le Giro en plutôt bonne condition il puisse réussir à récupérer de cette fatigue. A l’arrivée à Cherbourg perdant 11 secondes sur le premier groupe, Nibali revendiquait d’ailleurs un manque de rythme après un mois sans compétition plutôt que de la fatigue après son Tour d’Italie. Dans les interviews, le Requin de Messine affirme ne pas se faire d’illusions sur la possibilité d’un doublé, tout en attendant de voir l’état de sa condition physique. Connaissant ses inimités avec Aru, difficile de croire à un rôle de lieutenant de luxe. On notera aussi que Nibali sort d’un stage de 12 jours dans les Dolomites, choix radical pour un objectif annoncé au mois d’août.
Face à Christopher Froome et Nairo Quintana, une victoire de Nibali paraît improbable, encore davantage avec un Tour d’Italie dans les jambes. Mais ce statut ambigu (équipier supposé de Fabio Aru, coureur en préparation pour les Olympiques), peut être sa chance dans une course débridée. Personne ne l’attend, personne ne le cite en particulier dans les favoris, et personne ne sera surpris d’une attaque un peu loin de l’arrivée. On peut pourtant se souvenir de la réussite de l’étape de la Toussuire l’an dernier. Avec ses capacités de grimpeur et de descendeur, et avec l’aide de son équipe où Nibali a réussi à imposer quelques-uns de ses fidèles lieutenants, le champion italien peut tenter de vrais coups de panache, sans aucun regret en cas d’échec. La cohabitation avec un leader annoncé, Fabio Aru, pourrait le contraindre à se modérer, mais le fait est que Nibali a les capacités pour remporter un Tour de France, pas Aru, et qu’on voit mal le quadruple vainqueur de grand tour demander son avis au jeune vainqueur de la Vuelta.
Article par bullomaniak
Crédit photo : Wikicommons, filip bossuyt