Le pseudo aidanvn13 n’est sûrement pas étranger aux joueurs assidus de Pro Cycling Manager. Graphiste honorable sur différents forums, le jeune sud-africain prépare en outre sa carrière cycliste, rien que ça. De son vrai nom Aidan van Niekerk, il envisage un jour de devenir professionnel. Sur le post inaugural de son blog sur PCM.Daily, il dit « étant originaire d’Afrique du Sud et extérieur à la structure cycliste européenne, il y a un long chemin pour nous (cyclistes africains) pour arriver au plus haut niveau ».
C’est pour cela qu’il a récemment posé ses valises et son vélo dans les Bouches-du-Rhône, plus précisément à Martigues, pour quelques mois de compétition sur le circuit amateur français. Nous avons pu l’interviewer.
Le Gruppetto : Le SC Martigues, ton nouveau club, est en DN2, la deuxième division amateur en France. Quelles ont été tes motivations pour rejoindre une équipe telle que Martigues, aussi loin de chez toi ?
Aidan van Niekerk : Mon coach et manager, Barry Austin, a eu des contacts avec le club de Martigues pendant un long moment. Il y a quelques années, le Team Bonitas (maintenant Team Telkom) avait un programme en partenariat avec La Pomme Marseille afin d’avoir des cyclistes sud-africains sur des courses françaises. A partir de là, il a eu des touches avec la direction du SC Martigues également. De nombreux sud-africains ont couru pour Martigues auparavant, comme HB Kruger (coéquipier chez Telkom), Clint Hendricks, Jayde Julius, Dylan Girdlestone, etc.
Je sais que pour devenir professionnel, je dois courir en Europe. Les différences et les demandes, comparées à celle du cyclisme sud-africain, sont énormes. Ce n’est pas que les sud-africains ne sont pas talentueux, c’est juste que tout est si différent : les heures de départ des courses, la distance, le parcours, entre autres. Disons que s’il y a 60 participants dans un course élite en Afrique du Sud, ils ne sont qu’une vingtaine avec une vraie chance de victoire. Alors qu’en Europe, s’il y a 200 coureurs au départ, chacun a sa chance de l’emporter !
Il s’agit de ton deuxième passage en France après une participation à la Ronde des Vallées (63ème) en 2015. La France apparaissait-elle comme une évidence, ou est-ce que d’autres pays européens t’ont tenté/approché ?
Comme je l’ai mentionné dans la question précédente, Barry Austin avait déjà des contacts avec le club de Martigues. Il a même des contacts partout en Europe, mais on a pensé que la France serait le mieux pour moi. Le circuit amateur français est connu pour être très difficile (je peux déjà le confirmer !) et certains cyclistes français m’ont dit que la plupart des courses ici sont plus dures que certains tours UCI.
L’année dernière, il s’agissait de notre premier voyage en Europe, en tant que juniors, pour courir à un niveau UCI. Nous savions que nous aurions du mal car nous n’avions jamais été exposés à un si haut niveau avant. Cela nous a pris plusieurs courses pour comprendre comment cela fonctionnait, comme courir dans des pelotons de 200 juniors, mais j’ai seulement commencé à prendre confiance sur la dernière étape de la Ronde des Vallées. C’était la première où j’étais capable de suivre les bonnes attaques dans un final ! Je n’ai obtenu un résultat que cette fois-là, mais c’était très prometteur. Même si je me vois comme un grimpeur, j’apprécie la « difficulté » de la manière de courir à la française, et je m’en suis rendu compte ce jour-là, en Bretagne.
Les coureurs africains ne manquent pas en France : Keagan Girdlestone, Willie Smit et Till Drobisch notamment courent ou sont passés à Nantes, pour ne citer qu’eux. Suis-tu l’exemple de tes aînés en quelque sorte ?
Bien sûr. C’est super de voir des gars comme Willie et Till sur le même chemin, bien qu’ils aient quelques années d’avance sur moi. Willie se débrouille très bien pour garder sa carrière entre ses mains, et il est très talentueux. Il est extrêmement fort sur le côté humain aussi. Je suis très surpris qu’il n’ait jamais eu un autre bon contrat après son année chez Nippo-Fantini (en 2014). Till, lui, a bougé pour signer un contrat avec Christina Jewelry (Germany) et Keagan, pour être bref, a rejoint Dimension Data Development. Pour moi, j’aimerais faire quelque chose de similaire, grimper un échelon chaque année. Gagner de l’expérience, faire des erreurs, et apprendre de celles-ci pour devenir un meilleur coureur.
As-tu déjà une idée des courses qui se présentent à toi pour cet été ?
Je courrai surtout sur des courses amateurs en France, et peut-être sur quelques courses espoirs en Espagne. Malheureusement, même si Martigues a eu des invitations sur certaines courses UCI, nous ne devrions pas y participer. Dans les prochaines semaines, je serai sur le Tour du Pays Roannais et sur le Tour de Dordogne.
En Afrique du Sud, tu as rejoins cette année l’équipe Telkom, qui vient de voir le jour. On y trouve « seulement » 7 coureurs. La sélection pour l’intégrer a dû être difficile, non ?
Je suis très reconnaissant d’avoir eu l’opportunité de rejoindre la Team Telkom, et le support qu’ils me donnent est extraordinaire. Le dirigeant, Malcolm Lange, est vraiment intéressé par mon développement personnel en tant que cycliste. C’est spécial de faire partie d’une équipe où les gens sont conscients de ce qui est le mieux pour mes objectifs personnels. Je pense que la majorité du travail de personnes comme Malcolm et Barry (Austin) n’est pas reconnu, et c’est regrettable !
Je pense que l’équipe a été impressionnée par les échos qu’ils ont eu de mes courses en Europe, Bien sûr, pas de résultats, mais mon attitude a retenu leur attention. Malheureusement, je suis très déçu de mes performances avec l’équipe cette année. Je me suis entraîné très dur pendant les mois de Décembre et Janvier, et je suis arrivé à mon premier tour en overdose d’entraînement. Depuis cette course, les courses se sont enchaînées et je n’ai jamais réussi à retrouver un semblant de forme. Néanmoins, avec les sensations que j’ai eu dans mes dernières courses, je suis très excité à l’idée de revenir et de me rattraper en travaillant dur pour l’équipe !
Dans cette équipe Telkom, on trouve notamment Nolan Hoffman, un vice-champion du monde de scratch et Johann Rabie, qui a déjà eu une expérience en Continental. Ce sont des profils intéressants dans ce type d’équipe ?
Johann Rabie et HB Kruger ont aussi participé a des nombreuses épreuves de VTT, ce qui ajoute une dynamique supplémentaire à la logistique et aux tactiques, notamment quand plusieurs courses s’opposent. Morne van Niekerk (pas mon frère, mais c’est un très bon ami) et moi avons beaucoup en commun. Tous les deux, nous poursuivons notre rêve de courir en tant que professionnel en Europe et travailler en compagnie de Barry Austin. J’apprends beaucoup de Morne, et même s’il n’a que 21 ans, il a déjà une attitude très mature et professionnelle.
Évidemment, un coureur comme Nolan Hoffman est considéré comme une légende en Afrique du Sud. Dans ma région particulièrement il est très connu, bien que le cyclisme ne soit pas un sport populaire en Afrique du Sud. A chaque rencontre, j’apprends énormément de mes coéquipiers, ce qui est excellent pour mon développement.
Je remarque que dans le staff de la Team LeadOUT, dont tu étais membre encore l’année dernière, on trouvait…John-Lee Augustyn ! Quel impact a-t-il eu sur ton développement en tant que junior ?
Wow, je ne peux pas vous dire à quel point j’ai appris de John-Lee. Quel honneur cela a été de l’avoir à la fois comme manager et comme mentor ! Quand je regarde la vidéo de son échappée sur le Tour de France 2008 (http://www.ina.fr/video/I13123785), je me demande vraiment comment sa carrière aurait tourné s’il n’a pas eu de nombreuses blessures. Si on regarde ses résultats espoirs, il était bien meilleur que Chris Froome !
Mentalement parlant, John-Lee Augustyn est la personne la plus forte que je n’ai jamais rencontré. J’ai appris de lui qu’être professionnel, ce n’est pas qu’être bon sur un vélo, mais aussi avoir une attitude exemplaire envers l’entraînement, l’alimentation, la course et tous ces détails.
Tu es de la génération 1997, comme Keagan Girdlestone. Penses-tu que l’Afrique du Sud tient avec Keagan un futur porte-drapeau du cyclisme sud-africain ?
Keagan est un cycliste très talentueux, et a d’ores et déjà l’attitude d’un champion. J’ai vu cela à la Ronde des Vallées quand il s’est battu pour défendre son maillot de leader sur la dernière étape. Il traite ses coéquipiers bien mieux que certains professionnels le font. Il a tout ce qu’il lui faut pour faire de lui un vainqueur de Grand Tour. Il a le talent physique et la force mentale nécessaire : maintenant je pense qu’il a juste besoin de chance après sa sérieuse blessure.
Toujours à propos de Keagan Girdlestone…As-tu été affecté par sa grave chute sur la Coppa della Pace ?
Je ne suis pas vraiment ami ave Keagan et je ne le connais pas personnellement, mais nous nous sommes rencontrés quelques fois. J’ai acquis un respect énorme pour lui après avoir vu la manière dont il courrait et la façon dont il traitait ses équipiers qui l’aidaient sur la Ronde des Vallées.
J’ai été très affecté par sa chute. De ce que j’ai compris, c’est un miracle qu’il ait survécu. Cela ne peut être que son esprit de battant qui l’a fait traversé cette épreuve, car la logique de la médecine dit qu’il n’aurait pas dû survivre. Ses blessures sont graves également. Certaines personnes m’ont dit qu’il ne pourra plus jamais monter sur son vélo, mais ce serait mal connaître Keagan ! Je m’imagine comme lui, dans un scénario similaire : loin de chez lui et de sa famille, à l’étranger, sur son vélo, et je peine à imaginer à quel point cela a été traumatisant pour lui et sa famille.
Dernière question en rapport avec notre site Le Gruppetto, t’es-tu déjà retrouvé dans un Gruppetto, et si oui comment s’organise t-il ?
Oui, je me rappelle une journée en Autriche, j’étais dans l’échappée dans la première partie d’une montée, et j’ai complètement craqué quand nous avons été repris par le peloton. Mais soyons clair : être dans un Gruppetto n’est pas une mince affaire ! La plupart du temps, les gars souffrent car ils étaient échappés la veille ou à l’avant du peloton en première partie de course, ou tout simplement car ils ne grimpent pas assez bien. En général, ceux qui se « sentent le mieux » dans le groupe imposent un rythme pour le reste de l’étape. Et s’ils vont trop vite, il y aura toujours quelqu’un dans le groupe pour le faire comprendre. Peu importe la nationalité, on comprend assez vite l’idée. Il y a le plus souvent quelques clowns qui décident de faire leur propre montée sans raison apparente pour finir seulement une ou deux minutes d’avance sur le Gruppetto. Et je n’ai jamais compris pourquoi !
Merci d’avoir répondu à nos questions !
De rien, j’ai beaucoup aimé !
Par Ronan Caroff
Crédit Photo : Cycle Teknix