A l’approche du Tour, et alors qu’il a été désigné co-leader au sein de la formation BMC, la question se pose : Richie Porte peut-il jouer le classement général d’un Grand Tour ? Ses capacités physiques semblent affirmer que oui mais ses échecs récurrents sur les courses de trois semaines incitent à la prudence.
Richie Porte, entre échecs et possibilités
Le passage de Richie Porte de la Sky à la BMC a été un des gros transferts de l’intersaison. Le but avoué, de la part de Porte lui-même et de son nouveau manager Jim Ochowicz, était de pouvoir jouer la victoire sur le Tour de France, là où chez Sky l’ombre de Chris Froome était trop forte pour lui permettre de s’exprimer. Après tout, solide en montagne et en contre-la-montre, Richie Porte semble avoir les capacités d’un vainqueur de Grand Tour. Sur les courses d’une semaine il a largement prouvé ses capacités en remportant notamment par deux fois Paris-Nice, ainsi que le Tour de Catalogne en 2015. Tout semble prédisposé à ce qu’enfin, leader privilégié au sein de la BMC et auteur d’un début de saison plus modéré qu’à son habitude, il soit dans les temps pour faire un très bon Tour de France comme l’a rappelé sa récente 4e place sur le Critérium du Dauphiné où il a été le seul à pouvoir suivre Chris Froome lors de l’arrivée à Vaujany.
Seulement, il lui manque toujours des références solides sur les courses de trois semaines. Certes, son premier grand tour fut prometteur : 7e dès sa découverte de l’épreuve sous les couleurs de la Saxo Bank. Malgré le temps gagné lors l’échappée de l’Aquila, on a pu noter des performances solide en montagne avec une 14e et une 19e place lors des deux dernières étapes en altitude, étapes où les coureurs devaient affronter des monstres comme le Mortirolo ou le Gavia, ce qui pouvait laisser penser à de belles capacités de récupération. Seulement, cette performance n’a jamais été confirmée pleinement. En 2013, on l’a cru enfin à maturité quand chez Sky il se permit de terminer 2e derrière son leader Chris Froome à Ax 3 Domaines. Mais dès le lendemain vers Bagnères de Bigorre, Richie Porte explose dans le col de Menté et perd 17 minutes. En 2014, alors que Froome a été contraint à l’abandon et que Porte a été désigné leader de substitution, il connaît la défaillance lors de l’arrivée à Chamrousse. En 2015, désigné leader unique sur le Giro, il connaît une nouvelle fois l’échec, enchaînement perte de temps sur problème mécanique, chute puis abandon.
A chaque fois l’Australien se sera montré très solide en début d’épreuve, faisant jeu égal avec les autres cadors du peloton, avant de s’effondrer à l’arrivée dans la haute montagne. Son grand tour le plus probant reste au final son Tour de France 2013 où malgré le temps perdu sur la 9e étape, il sera par la suite dans le jeu avec les leaders. Si un podium aurait semblé trop ambitieux face à Quintana et Rodriguez en ayant à encadrer son leader Chris Froome, un top 5 sur la base des performances entrevues cette année-là paraît tout à fait envisageable. Ses performances sur des courses de côte (Ax 3 Domaines, la Pierre Saint-Martin) sont à relativiser face à ses performances en haute montagne : dans le coup, mais jamais dominateur. En faire un vainqueur du Tour de France est sans doute un objectif beaucoup trop ambitieux mais Richie Porte peut sans doute avoir le podium dans le viseur.
Griller les étapes

On touche là au cœur du problème : Richie Porte vient avec l’ambition de gagner le Tour de France. Alors qu’il n’a pour l’instant qu’un modeste top 10 sur le Giro, gagné en partie grâce à une échappée-fleuve, il affirme ses ambitions de vainqueur de grand tour à chacune de ses interviews. Une attitude plus prudente le ferait annoncer l’objectif d’un top 5, résultat qui serait déjà une réussite au vu de ses antécédents sur trois semaines. Richie Porte pourrait tout autant viser la victoire sur le Tour d’Espagne où le festival de courses de côte habituel semble plus adapté à ses capacités physiques et où le plateau est moindre que sur le Tour. Là où Thibaut Pinot et Fabio Aru, pourtant des outsiders bien plus crédibles que lui actuellement sur trois semaines, annoncent un objectif de podium, Richie Porte semble vouloir griller toutes les étapes (et la priorité à Tejay van Garderen) pour succéder à Cadel Evans premier australien vainqueur du Tour.
Probablement, Richie Porte se méprend sur ses capacités. Il ne fait aucun doute que Richie Porte est dans le haut du panier en ce qui concerne le rapport poids/puissance, saint Graal du cycliste dans les arrivées au sommet. Mais un grand tour est plus que ça. L’endurance et les capacités de récupération sont tout autant primordiales. Domaines où Richie Porte semble régulièrement avoir des difficultés. Sur les courses d’une semaine, courses où excelle le coureur australien, les enchaînements de cols sont beaucoup moins présents. Ainsi, lors du Critérium du Dauphiné, la seule étape où Richie Porte s’est montré en difficulté a été celle de Méribel, précisément celle qui s’apparente le plus à une étape de haute montagne, et où la course a été lancée de loin. On peut tout autant penser à l’étape de Nice remportée par Tony Gallopin sur la course au soleil en 2015, par des conditions très difficiles, et où Richie Porte est rentré dans le rang avant de faire une démonstration lors du chrono du col d’Eze.
Sur les courses d’une semaine, Richie Porte est clairement une référence. Mais sur une course de trois semaines, il n’est qu’un outsider parmi d’autres, et certainement pas le plus dangereux au vu de son comportement attentiste. Mais à se mettre ainsi la pression Porte risque de connaître à nouveau une sévère défaillance. Dès qu’un grain de sable, ou qu’une étape difficile l’aura privé de son objectif de victoire, il est à parier que la tête lâchera aussi et que Porte, à son habitude, sera relégué loin au général. Un objectif mesuré lui permettrait de limiter la pression et de ne pas paniquer à la moindre crevaison inopportune. En l’état, Tejay Van Garderen est un leader beaucoup plus sûr pour la BMC, qui a pris le temps de franchir les étapes et dont aujourd’hui les objectifs de podium sont parfaitement raisonnables, sans se priver (sait-on jamais ?) d’aller chercher un trophée plus grand encore si les circonstances de course s’y prêtent. La démesure d’un Tour de France mérite de la modestie face à l’obstacle.
Article par bullomaniak
Crédit photo : Georges Ménager via Flickr.fr