Il y a 12 ans jour pour jour disparaissait Marco Pantani dans des conditions indignes de ses envolées qui m’ont inculqué la passion du cyclisme. 3 mois seulement après sa mort, une étape du Giro 2004 arrivait chez lui à Cesena. En ce jour d’émotion, un jeune néo-professionnel a ajouté aux hommages protocolaires, son propre hommage sur la route en réalisant un baroud que n’aurait pas renié le Pirate.
Jour de mémoire en Italie
Nous sommes en Mai 2004 et le Giro offre une de ces situations dramatiques que le sport aime tant. En traçant le parcours de la 87ème édition de l’épreuve italienne, les organisateurs ne pensaient surement pas que cette onzième étape serait tant emprunte d’émotions. A Césène ou est située la ligne d’arrivée, tout rappelle l’enfant du pays : Marco Pantani. Le Pirate s’est éteint plus tôt dans l’année et cette journée est devenue l’occasion de se remémorer ses exploits.
Une idole s’est éteinte et une autre est en train de naître. Un jeune local porte en effet le maillot rose. Damiano Cunego a profité de la relative liberté dont il disposait pour s’envoler sur les pentes de Montevergine et prendre la tunique de leader. Obnubilés par Simoni, le favori logique de l’épreuve et leader de Cunego, les autres prétendants ont sous-estimé le Petit Prince. Ils s’en mordront les doigts à Milan deux semaines plus tard.
Ce n’est néanmoins pas à Césène que le classement général s’est joué. Pourtant tracée dans les Dolomites, l’étape se clôturera par un statu quo dans la course au maillot rose. C’est un autre représentant de la nouvelle vague italienne, ancien équipier de Cunego en amateurs au sein de la formation Zalf, qui se mettra en évidence.
49 secondes avant le passage du groupe des favoris, Emanuele Sella, néo-professionnel de la formation Panaria, vient en effet de s’offrir le premier succès de sa carrière. Avec la souffrance et le courage qui font les plus belles histoires, le jeune transalpin qui avait alors 23 ans vient de se faire un nom. Auteur d’un exploit digne de l’hommage que rend le cyclisme Italien ce jour-là, Sella aura tout connu en cette journée. Son succès ne tombe cependant pas de nulle part, le coureur originaire de Vicence a simplement confirmé son talent naissant de la plus belle des manières.
Tous les ingrédients d’un exploit
L’audace, tout d’abord, quant après être revenu avec un petit groupe sur l’échappée matinale, il décide de s’isoler sur les pentes du Passo delle Siepi. Un mouvement qui parait prématuré alors qu’il reste encore plus de 40 kilomètres à parcourir dont la montée vers Sorrivoli, cité surplombant Césène. Avec un groupe d’une dizaine de poursuivants et le peloton qui risque de se jouer le maillot rose, peu croient en ses chances. Pas même au sein de son équipe : « Mon directeur sportif m’a demandé si j’étais fou de partir d’aussi loin mais j’ai préféré attaquer car la collaboration dans l’échappée n’aurait pas été bonne » expliqua-t-il à l’arrivée.
Le maillot rose ensuite, virtuel seulement, quand son avance a dépassé les trois minutes sur le peloton, puis la chute, ingrédient supplémentaire qui solidifie le ciment de son exploit même si celle-ci se révèlera bégnine : « Je n’ai pas eu le temps d’être inquiet, je suis reparti tout de suite ». Enfin le doute lorsque la difficulté finale lui fait perdre seconde après seconde.
Après lui avoir laissé plus d’une minute trente d’avance, le retour semble possible pour les poursuivants. Ils se désorganisent pourtant lorsque Moreni fait le jump depuis le peloton. Doté d’une pointe de vitesse appréciable et bien plus frais, le coureur d’Alessio effraie ses adversaires. Sans surprise il remportera le sprint de ce groupe, mais le mal était déjà fait et Sella avait levé les bras trente secondes plus tôt. Les autres échappés aurait pourtant du être alertés par ses qualités entrevues depuis le début de ce Giro. 16e au classement général au départ de Porto Sant’Elpidio, Sella avait longtemps accompagné son leader Figueras sur les pentes du Montevergine, où celui-ci termina 4ème.
Existait-il un meilleur hommage ?
Offensif et spectaculaire, Sella représente le cyclisme de son modèle. Amassés sur les bords de routes du final, 80.000 tifosis, arborant pour beaucoup des maillots jaunes floqués du symbole de l’idole de la région, l’ont sans doute particulièrement apprécié. « Gagner une étape du Giro pour ma première année sur les routes où Pantani vivait et s’entrainait est quelque chose de spécial confiait Sella, Son nom était écrit sur la route des centaines de fois. Il était unique. Personne ne refera ce qu’il a réalisé durant sa carrière. »
Il existe des moments de cyclisme qui entraîne une affection pour certains coureurs que l’on traîne jusqu’à la fin de leur carrière et cette onzième étape du Giro 2004 en est un. Sella a par son tempérament et sa victoire rendu un parfait hommage au coureur qui m’a donné envie de suivre le cyclisme. Il a su conserver cet esprit offensif durant toute sa carrière même après avoir purgé la suspension qui scinda sa carrière en deux. Celle-ci s’est achevée ce mois-ci. Arrivederci Emanuele.
Par Holbac.
Crédit Photo : Brianza2008 & Nadir via wikimédia commons.