Écrit le par dans la catégorie Analyses, Coup de bordure.

Préambule : il s’agit d’une sélection arbitraire concernant des progressions ou régressions assez impressionnantes sur l’année 2015. Ne sont concernés que des coureurs du Top 100 au CQ Ranking, qu’ils y aient accédé cette année, où qu’ils en soient sortis. Tous les résultats et calculs de points sont effectués à partir de ce classement si particulier.

 

Partie 1 : Les progressions

 

Joaquim Rodriguez

Sans titre 1

Purito au soir de la dernière étape du Tour de France, qu’il a conclu par deux victoires d’étape.

2014 : Team Katusha | 24ème au CQ | 1150 points | 2 victoires
2015 : Team Katusha | 7ème au CQ | 1750 points | 6 victoires
+17 places, +600 points, +52%, +4 victoires

On l’avait quitté las en 2014, après une énième déconvenue sur le Giro di Lombardia dont il était le double tenant du titre, et qu’il termina à la 8ème place, englué dans un petit groupe qui avait laissé filer Daniel Martin vers la victoire. L’espagnol avait traversé l’année presque que comme un fantôme, ne laissant pas une impression faramineuse. Car s’il avait alors gagné pour la deuxième fois de sa carrière le Tour de Catalogne, c’était là la seule performance à la mesure d’un coureur qui était resté de 2010 à 2013 dans le Top 5 du CQ. Le déclin s’annonçait irrémédiable pour l’un des cadors du peloton. On se trompait.
Rodriguez a su tirer les leçons des erreurs de l’an passé. Il est vrai que l’espagnol a fêté ses 36 ans en cours d’année, et qu’il lui faut maintenant s’économiser pour briller. Fini les saisons à rallonge, Purito a cette fois-ci mieux ciblé ses objectifs, et bien lui en a pris. Dubai, Oman et Tirreno pour se mettre en jambes, avant ensuite de gagner le Tour du Pays Basque ainsi que deux étapes, dont celle, mythique, d’Arrate, devant, excusez du peu, Quintana, Costa, Pinot, Hano, Pinot ou Van Garderen ! Et si les ardennaises ont consacré Alejandro Valverde et révélé Julian Alaphilippe, Rodriguez a quand même terminé 3ème de la Doyenne et 4ème de la Flèche Wallonne.
Un Critérium du Dauphiné finit à la 8ème place pour se remettre en rythme (où il devança au classement Valverde et Nibali tout de même…). Et puis un Tour de France abordé différemment, en chasseur d’étapes, ce qui lui permit de s’imposer au Mur de Huy et au Plateau de Beille, avant de concrétiser sa forme par une 5ème place sur la Clasica San Sebastian.
L’heure était alors venue de s’aligner sur le vrai objectif de son année, la Vuelta. Au final, il n’est pas passé à grand chose de sa première victoire sur un Grand Tour, puisqu’il finit dans la même minute qu’Aru, vainqueur final. Un écart intégralement creusé sur le seul contre la montre du Tour d’Espagne. Rodriguez a appris de ses erreurs de l’an dernier, mais ses défauts en course étaient eux toujours présents…

André Greipel
André Greipel

André Greipel lors de la dernière étape du Tour de France, sur le traditionnel circuit des Champs Élysées.

2014 : Lotto – Belisol | 26ème au CQ | 1110 points | 16 victoires
2015 : Lotto – Soudal | 12ème au CQ | 1419 points | 15 victoires
+14 places, +319 points, +27%, -1 victoire

Une chose est sûre, les stats ne pourront jamais rendre parfaitement compte de l’évolution impressionnante des résultats d’André Greipel cette saison. Mais peut être qu’un nouveau chiffre serait plus parlant : En 2014, l’allemand avait gagné 3 fois en World Tour (2 fois sur le Tour Down Under et 1 fois sur le Tour de France). En 2015, il a porté ce total a 8. C’est simple, aucun autre coureur n’a plus gagné que lui sur le circuit majeur cette année. Car au vu des résultats de l’an dernier, on aurait pu penser au déclin. Greipel avait été dominé par Marcel Kittel et Alexander Kristoff sur le Tour de France, habituel grand rendez vous pour les sprinteurs. Et sa propension à ne gagner presque que sur des courses continentales laissait imaginer qu’il était désormais une classe derrière cette nouvelle génération de sprinteurs. Le déclin lié à l’âge, rappelait-on, touche plus rapidement un sprinteur qu’un grimpeur, dont les fibres musculaires rapides connaissent leur apogée plus tôt. D’ailleurs, les moins bons résultats de Mark Cavendish ne confirmaient-ils pas alors cette théorie ?
On se trompait. Lourdement.
Alors oui, l’allemand a mathématiquement moins gagné cette saison. Mais ses 4 victoires sur le Tour de France, en plus de faire de lui le meilleur sprinteur du monde cette année aux yeux des connaisseurs, lui ont assuré plus de 400 points au CQ Ranking. Et on retrouve là la différence chiffrée entre l’année 2014 et l’année 2015. Sa saison aurait déjà été réussie avec ce simple Tour de France. Mais le Gorille de Rostock, au si large sourire lorsqu’il gagne, ne s’est pas arrêté là et a également scoré sur Paris-Nice, sur le Giro d’Italia, sur l’Eneco Tour en plus de ses victoires sur le ZLM Toer ou au Tour du Luxembourg. Surtout, il a enfin réussi à l’emporter à domicile, sur la seule course World Tour disputée en Allemagne. En devançant le monstre norvégien Kristoff sur la Vatenfall Cyclassics, Greipel a remporté sa première classique World Tour. Certes pas la plus prestigieuse, mais à ses yeux sans doute une de ses plus belles victoires. Et on peut le dire, c’était amplement mérité pour un coureur qui ne rechigne jamais à rendre la pareille à ses équipiers lorsque le parcours d’une course se prête moins à ses qualités.

Richie Porte
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Champion d’Australie du chrono, Richie Porte fera honneur à son maillot en remportant le CLM du Col d’Eze sur Paris-Nice

 

2014 : Team Sky | 128ème au CQ | 415 points | 1 victoire
2015 : Team Sky | 14ème au CQ | 1359 points | 9 victoires
+114 places, +944 points, +227%, +8 victoires

On le pressentait déjà depuis quelques années, on en a eu la confirmation cette saison, Richie Porte n’est pas un coureur de Grand Tour. Ce n’est pas là qu’il est le plus efficace, les chiffres pour le démontrer sont implacables. Affecté par une maladie récurrente l’an dernier, il n’avait pas insisté, abandonnant sur beaucoup de courses d’une semaine pour conserver une chance de participer au Giro, une course où il devait être le leader de la Sky. Pari perdu, puisqu’il n’y fut pas aligné car à cours de forme. Au final, une saison quasiment blanche, où seul un Tour Down Under réussi à domicile (4ème final, victoire d’étape au Willunga Hill) pouvait réhausser le bilan.
Le programme prévu cette année était pourtant sensiblement le même que l’an dernier. Mais on voit dans ses résultats cette année la différence entre un coureur malade et un coureur en forme. Car cette année est une immense réussite pour Richie Porte. Certes, il y a eu ce Giro, échec prévisible pouvons nous dire rétrospectivement, car plus les années passent et plus l’on est convaincu qu’il n’a pas les capacité de récupération nécessaires pour tenir sur 3 semaines. Mais pour le reste, le bilan est impeccable. Cela avait démarré par un titre de champion d’Australie du Contre-la-Montre, et une nouvelle victoire au Willunga Hill. Ainsi, dés le mois de janvier, sa saison pouvait être considérée comme mieux réussie que la précédente. Mais le Tasmanien ne s’est pas arrêté là. De mars à avril, Porte va vivre un extraordinaire printemps. Trois courses à étapes où il s’est aligné, trois victoires. Paris-Nice, Tour de Catalogne et Tour du Trentin dans son escarcelle, cet enchaînement rare à ce niveau a permis de rappeler que Porte est un coureur de premier plan mondial, pour ceux qui l’auraient oublié l’année passée. Et puis après cet échec au Giro, Porte a su remettre ses ambitions de côté pour aider Froome à remporter un deuxième Tour de France. 2ème de l’étape de la Pierre Saint Martin, mais l’on se souviendra surtout de son formidable dévouement pour son leader en souffrance sur l’étape de l’Alpe d’Huez. Une dernière occasion d’aider le britannique avant de s’en aller chez BMC voler de ses propres ailes. Pour enfin réussir à tenir un Grand Tour en entier ? Ce sera l’une des grandes interrogations de 2016. Et c’est une condition sine qua-non pour prétendre à apparaitre une fois de plus dans ce palmarès l’an prochain.

Edvald Boasson-Hagen
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En quittant Sky pour MTN-Qhubeka, Edvald Boasson Hagen a sans nul doute relancé sa carrière.

2014 : Team Sky | 122ème au CQ | 429 points | 0 victoire
2015 : MTN – Qhubeka | 26ème au CQ | 1068 points | 5 victoires
+96 places, +639 points, +148%, +5 victoires

Mais qu’avait donc fait Sky du coureur si prometteur qu’était Edvald Boasson-Hagen à ses débuts ? Un coureur double vainqueur de l’Eneco Tour à 24 ans, de Gent-Wevelgem à 22 ans ou bien du GP de Plouay également à 24 ans seulement ? Durant la saison 2014, il n’avait été que l’ombre de lui même. Pour la première fois de sa carrière, il a terminé une année sans remporter une seule victoire. Les seuls moments forts de sa saison ? Un podium sur le Het Newsblad et une 2ème place sur la Japan Cup. Le voir accumuler 429 points relevait même du miracle, tant le norvégien avait été transparent durant toute la saison. 3 Top 10 en tout et pour tout sur le World Tour, dont deux sur le seul Tour de Pekin, pas de doute, il n’y a rien de bon à retirer de cette saison.
Alors EBH a réagi. Il a pris conscience qu’il était en train de flinguer sa carrière à rester chez Sky, où il n’était considéré comme rien d’autre qu’un équipier de luxe, voire un équipier tout court si l’on considère qu’il n’était même pas dans le roster de Sky pour le Tour de France. Il s’est vu offrir un contrat de deux ans par l’ambitieuse formation sud-africaine MTN – Qhubeka, et il a saisi l’occasion. Au vu de sa saison, on peut déjà dire qu’il a fait le bon choix.
Car c’est certain, Boasson-Hagen a enfin inversé cette dangereuse pente sur laquelle il était en train de glisser pour se retrouver parmi les anonymes du peloton. Alors oui, celui que Bernard Hinault avait qualifié de « joyau du peloton » à ses débuts n’a pas remporté de grande victoire cette saison. Mais il a remis sa carrière en marche, et c’est cela sans doute le plus important. De ses 5 victoires cette saison, on retiendra sans aucun doute sa victoire au Tour de Grande Bretagne ainsi que ses deux titres de champion national, qui lui ont permis d’arborer un joli maillot coloré en deuxième partie de saison. Mais d’autres résultats sont encourageants pour EBH : il a ainsi fini 10ème de Milan-San Remo, 2ème du Tour des Fjords ou encore 4ème sur les Champs Elysées. On est certes loin de ses débuts écrasants chez HTC ou lors de ses premières saisons chez Sky. Mais EBH est redevenu un coureur important, un leader pour son équipe, et est prêt désormais à reprendre un statut majeur dans le peloton.

Edward Theuns

Edward Theuns, l’une des révélations de la saison 2015.

2014 : Topsport Vlaanderen – Baloise | 293ème au CQ | 227 points | 1 victoire
2015 : Topsport Vlaanderen – Baloise | 28ème au CQ | 1064 points | 3 victoires
+265 places, +837 points, +369%, +2 victoires

C’est assez incroyable, mais Edward Theuns n’est professionnel que depuis deux ans ! Au sein de cette réserve à talents qu’est la Topsport Vlaanderen, le jeune belge a détonné cette année. On le savait prometteur. On se doutait qu’avec les départs de Tom Van Asbroeck et Michael Van Staeyen, il aurait plus d’opportunités de briller. Mais qu’il le fasse à ce point en a surpris plus d’un ! L’an dernier, il s’était certes imposé sur le GP Stad Zottegem et fini 3ème de la Handzame Classic, mais le reste de sa saison ne pouvait pas le distinguer d’un Jelle Wallays ou d’un Olivier Naesen.
Pourtant, cette année, Edward Theuns a littéralement porté sa formation. C’est bien simple, il a apporté 1/4 des points CQ de son équipe cette année. C’est rare, très rare à ce niveau et avec des coéquipiers de cette qualité. 37 Top 10, 22 Top 5, le tout en 76 jours de course en 2015 pour des chiffres plutôt marquants. Cette régularité ultime s’est accompagnée de quelques coups d’éclat. Theuns a ainsi gagné sur le Ronde Van Drenthe et une étape des 4 jours de Dunkerque. Mais il a aussi fini 2ème d’A Travers les Flandres, 2ème du Scheldeprijs, 8ème de Paris-Tours, 11ème d’un Gent-Wevelgem particulièrement difficile… Le seul regret que l’on peut avoir finalement sur sa saison, c’est l’absence de gros résultat en World Tour si l’on excepte ce Gent-Wevelgem. D’où une petite interrogation pour l’an prochain : en signant chez Trek Factory Racing, Theuns pourra t’il confirmer les magnifiques impressions laissées cette année ? La marche ne sera t’elle pas trop haute pour lui ?

Par Médéric

Crédit Photo : youkeys, denis menchov08 & Jérémy Gunther via wikimédia commons / Maxime Lafage pour LeGruppetto
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Re: Les progressions/régressions de l'année 2015 ; Partie 1

Messagepar Power » 27 Déc 2015, 17:19

Super article !
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Re: Les progressions/régressions de l'année 2015 ; Partie 1

Messagepar Flo76 » 27 Déc 2015, 17:27

Très agréable à lire :up
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Re: Les progressions/régressions de l'année 2015 ; Partie 1

Messagepar Felagund » 30 Déc 2015, 22:04

Très sympa en effet.
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